La prise en charge des patients à risque Patients immunodéprimés (patients sous corticothérapie au long court sida, insuffisance hépatique, hépatite)
Les maladies qui entraînent une immunodépression représentent un groupe très hétérogène de pathologies, allant des plus rares (déficits immunitaires congénitaux) à des pathologies beaucoup plus fréquentes (cancer, corticothérapie, syndrome d’immunodéficience acquise … ) Les patients immunodéprimés ont une susceptibilité élevée aux infections qui doit être prise en compte par l’odontologiste lors de sa prise en charge.
Son rôle, en concertation étroite avec le médecin en charge du patient, est de contrôler les foyers infectieux intra buccaux et prévenir leur dissémination systémique.
- Généralités
- Définition :
Les patients immunodéprimés présentent un dysfonctionnement d’un ou plusieurs éléments du système immunitaire
- le rôle des cellules du système immunitaire est d’assurer l’intégrité de l’organisme en le protégeant contre les substances étrangères ou les agents infectieux auquel il est exposé. On distingue habituellement les déficits primaires ce sont les déficits immunitaires héréditaires et des déficits secondaires, ou acquis, de l’immunité :
Les déficits immunitaires primaires : sont rares ; ce sont des maladies héréditaires causées par une anomalie génétique pouvant altérer la maturation lymphocytaire, entraîner un déficit quantitatif ou qualitatif des cellules phagocytaires ou, enfin, entraîner un déficit en complément.
Les déficits immunitaires secondaires : correspondent à des situations plus diverses :
- Etiologie
l’immunodépression primitive :
Il s’agit de maladies héréditaires rares, causées par une anomalie génétique pouvant altérer la maturation lymphocytaire, entraîner un déficit quantitatif ou qualitatif des cellules phagocytaires ou, enfin, entraîner un déficit en complément.
L’immunodépression secondaire:
Les déficits immunitaires secondaires sont nombreux. Ils sont dus à des facteurs environnementaux, comportementaux et médicaux entraînant un affaiblissement progressif de l’immunité. Ils correspondent à des situations plus diverses
SIDA
Les Hépatopathies
Prises Médicamenteuses :
-Corticothérapie au long court
-La thérapeutique immunosuppressive Patients sous traitements anticancéreux :
- La chimiothérapie
- La thérapie ciblée
Les cancéreux : hémopathies malignes (leucémie, lymphome) Certaines pathologies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé) La dénutrition sévère,
L’IRC (insuffisance rénale chronique), Le diabète non équilibré,
L’Asplénisme, ou avec rate non fonctionnelle (drépanocytose, envahissement malin, etc.).
Le patient tabagique présente également une altération du système immunitaire secondaire à un déficit de la fonction macrophagique.
C . Risque infectieux :
Le risque principal du patient immunodéprimé au cours de sa prise en charge par l’odontologiste est le risque infectieux.
La prescription d’antibiotique est qualifiée d’antibiothérapie préventive ou antibioprophylaxie quand elle est prescrite en amont du geste invasif bucco-dentaire et elle est dite antibiothérapie curative quand elle est prescrite après l’acte.
Antibiothérapie préventive
Le but d’une antibiothérapie prophylactique est de prévenir le risque d’infection, localisée à la cavité buccale ou disséminée au reste de l’organisme lié à un geste bucco-dentaire.
Une antibioprophylaxie est recommandée au cours de tous les actes invasifs (avec risque de saignement significatif) pratiqués chez les patients immunodéprimés : soins endodontiques, soins prothétiques à risque de saignement, tous les actes chirurgicaux.
Recommandation de l’antibioprophylaxie chez les patients immunodéprimés
Antibiothérapie curative
Une antibiothérapie curative est indiquée dans tous les traitements invasifs chez un patient immunodéprimé.
D- Prise en charge du patient immunodéprimé :
La prise en charge par l’odontologiste des patients immunodéprimés doit être d’abord précoce (idéalement avant le début de la période d’immunosuppression)
- Une concertation étroite avec le médecin en charge l’immunosuppression est primordiale.
- Le patient doit bénéficier d’un examen approfondi de la cavité buccale, complété par un panoramique dentaire (recherche et éradication de tous foyers infectieux suspects (granulome apical, délabrement de dents cariées, le détartrage et surfaçage radiculaire)
- le traitement des pathologies du parodonte.
- Une hygiène buccodentaire rigoureuse doit également être instaurée
- Patient sous corticothérapie au long court
Les corticoïdes sont des analogues de la cortisone naturellement sécrétée par les glandes surrénales. Ces corticoïdes inhibent toutes les phases de la réaction inflammatoire (vasculaire et cellulaire). A très fortes doses, les corticoïdes ont un effet lymphocytolytique permettant une inhibition de l’immunité à médiation cellulaire et une diminution de la synthèse des anticorps humoraux. Les effets secondaires d’une corticothérapie à courte durée sont minimes et régressent généralement à l’arrêt du traitement. Cependant, l’utilisation prolongée des corticoïdes peut provoquer une ostéoporose, une insuffisance corticosurrénalienne, des pathologies digestives ulcéreuses, un glaucome, une hyperlipidémie.
La corticothérapie est dite de long cours si la durée de traitement dépasse un mois
-1Actions des corticoïdes :
- Action anti-inflammatoire : Inhibition de toutes les phases vasculaire et cellulaire de la réaction inflammatoire.
- Action sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) : Entraîne une insuffisance corticosurrénalienne qui persiste durant toute la phase de l’administration des corticoïdes.
- Action sur le système immunitaire : Affecte quantitativement et qualitativement, le système immunitaire (déficit de l’immunité cellulaire et humorale.
Actions métaboliques : Diminue l’absorption duodénale des ions calcium (Ca2+) aboutissant ainsi à une hypocalcémie (une ostéoporose chez l’adulte et d’un rachitisme chez l’enfant).
La prise en charge : Deux cas de figures sont possibles
- Les patients sous corticothérapie courte ne nécessitent pas de précautions particulières.
- Les patients traités par une corticothérapie prolongée présentent un risque infectieux et un risque de développer une crise surrénalienne aiguë.
Prise en charge d’un patient sous corticothérapie prolongée :
Consultation médicale :
Le médecin dentiste doit demander l’avis du médecin traitant :(la présence d’une insuffisance surrénalienne ; le traitement suivi n’est pas satisfaisant ; l’état actuel de santé du patient ; la nature du traitement selon les soins envisagés).
Précautions à l’égard du stress
Le stress entraîne un retentissement sur les besoins en corticoïdes et doit être réduit au maximum dans toute affection endocrinienne. Les soins dentaires, chez les patients présentant une insuffisance surrénalienne, doivent être de courte durée, programmés de préférence le
matin. La sédation consciente par inhalation de protoxyde d’azote et d’oxygène et une prémédication sédative à base de benzodiazépine s’avère nécessaire.
Précautions à l’égard du risque infectieux :
Les actes invasifs impliquant une cicatrisation de l’os ou de la muqueuse (manipulation gingivale ; pulpaire, ou de la région péri apicale de la dent ou effraction de la muqueuse orale) devront être réalisés sous antibiothérapie, à démarrer deux jours avant l’intervention, et à poursuivre jusqu’à cicatrisation muqueuse (7à 10 jours).
Précautions dans le cadre de la prescription :
Les corticoïdes présentent des interactions médicamenteuses avec l’aspirine et les analgésiques non narcotiques (Diminution de la concentration sanguine d’aspirine, possible augmentation des effets ulcérogènes) la phénytoïne, les diurétiques, les contraceptifs oraux et les barbituriques (diminution de l’efficacité).
Complications : Crise surrénalienne aiguë
Les patients ayant une fonction surrénalienne faible et devant subir une chirurgie stressante présentent un risque de crise surrénalienne. La crise surrénalienne aiguë est une urgence vitale qui nécessite un traitement immédiat par injection IV de 100 mg d’hydrocortisone et remplacement des fluides et des électrolytes. Elle ne doit pas être confondue avec le malaise hypoglycémique.
- insuffisance hépatique :
- Définition : L’insuffisance hépatique se définit essentiellement par l’atteinte des fonctions de synthèse du foie, se présente sous deux formes :
aigues lorsqu’ elle est d’origine médicamenteuse (comme l’intoxication au paracétamol), ou virale (hépatite B, C)
chronique : fait suite à l’évolution de la cirrhose
- la cirrhose est une affection irréversible et diffuse du foie, caractérisée par une désorganisation de l’architecture lobulaire hépatique, dont les principales étiologies sont la consommation excessive d’alcool, hépatites virales B, C), hépatite auto-immune.
La cirrhose peut se compliquer par : une encéphalopathie hépatique,
syndrome hépato-rénal, hémorragie digestive, a long terme un carcinome hépatocellulaire.
- Répercussions générales et buccales :
Répercussions générales et buccales :
- La cirrhose provoque une immunodepression
- Thrombopénie
-Perturbation de la coagulation par altération des facteurs de coagulation
- hypertrophie des glandes salivaires , Ictère, gingivorragies, purpura, pétéchies, hématomes buccaux, altération du gout,
- Conduite à tenir :
- contacter l’hépatologue traitant: stade d’évolution de la maladie
- bilan biologique: connaitre les valeurs du TP et de la NFS (si TP est inferieur à 50% prise en charge hospitalière), a cause du risque hémorragique.
- Précautions durant les soins pour éviter un accident d’exposition au sang
- Eviter la lidocaine (augmentation de la demi-vie d’élimination en cas d’insuffisance hépatique)
- Il est important d’éviter les produits hépatotoxiques, comme la clindamycine, et de diminuer ou éviter l’utilisation des antibiotiques fortement métabolisés et ayant une élimination biliaire comme les macrolides et le métronidazole.
- les Hépatites :
- Définition :
Les hépatites virales sont des maladies du foie caractérisées par une inflammation du tissu hépatique secondaire à une infection virale (VHA,
VHB, VHC, VHD, VHE), seules les hépatites B et C peuvent passer à la chronicité avec risque de cirrhose et de cancer du foie.
- Transmission:
-voie transfusionnelle_(hémophile) hémodialysés, toxicomane, personnel soignant
-transmission sexuelle, foeto-matemelle, salivaire
- diagnostic: au stade aigue se fait devant l’ictère, les examens de laboratoire basés sur:
-l’augmentation des transaminases
- sérologie qui met en évidence les antigènes et les anticorps caractéristiques déterminant le virus responsable.
-Une hépatite virale (B ou C) peut provoquer une cirrhose et donc une insuffisance hépatique. Cette dernière se caractérise par une baisse du TP-donc risque hémorragique
- Conduite à tenir :
-En présence d’une hépatite virale aigue, les soins dentaires sont à proscrire, hormis les cas urgent, et ceci à cause de la forte contagiosité de la maladie ainsi que le déficit immunitaire marquant cette période.
- Devant le risque hémorragique, demander un Bilan d’hémostase (TP, TCK, FNS)
Numération plaquettaire(NP) situé entre 80 000 et 150 000 /mm3 TP>50% Mesure d’hémostase locale assurée
NP : 50 OOO/mm3 Transfusion du plasma frais congelé peut être indiquée en concertation avec l’hématologiste ou l’hépatologue
- Pour les actes invasifs mais sans risque hémorragique (détartrage, actes impliquant une manipulation de la pulpe) : une antibioprophylaxie devra être discutée ;
- Pour les actes invasifs à risque hémorragique modéré ou élevé : l’antibiothérapie et le milieu de prise en charge seront à déterminer avec l’hépatologue, selon le type d’acte et le stade de la maladie.
-utiliser des doses faibles d’anesthésiques à fonction amine (lidocaïne,mépivacaïne, articaïne) chez les patients présentant unecpathologie hépatique sévère
- Asepsie clinique stricte et rigoureuse : port de lunette, masque, gants, matériels jetable, éviter les aérosols (turbine, pompe à air), chaine d’asepsie rigoureuse.
-Les films radiographiques doivent être placés dans des sachets protecteurs avant la pose du film et le cône radiographique recouvert lui aussi d’une protection.
- Exclure les médicaments métabolisés par le foie ( érythromycine, paracétamol, aspirine)
- En cas d’accident avec exposition de sang (AES) par piqure ou blessure
- Nettoyage immédiat de la zone cutanée lésée et au savon puis rincer.
- Désinfection à l’alcool 70° (3min) ou eau de Javel 12° (lûmin) ou polyvidone iodé en solution dermique pure (5 min).
- Contacter rapidement le médecin référent afin d’évaluer le risque.
Intérêt de la vaccination contre l’hépatite B du personnel soignant.
5- LE SIDA
Le Syndrome d’Immunodéficience Acquise(SIDA) :
Les patients atteints du VIH présentent une diminution des défenses immunitaires causée par une baisse progressive et irréversible, ainsi que par des anomalies qualitatives, des lymphocytes T-CD4+ du sang.
Le virus est transmis par voie sexuelle, sanguine L’évolution naturelle a lieu en trois phases
- La primo-infection, qui a lieu deux à huit semaines après la transmission et qui est asymptomatique dans près de 50 % des cas ;
- La phase asymptomatique, qui peut durer 10 ans et parfois plus ;
- La phase sida lorsque le patient présente des infections à germes opportunistes ( sarcome de Kaposi, pneumocystose pulmonaire par exemple).
Les manifestations buccales fréquemment rencontrées chez les patients VIH sont : la candidose bucco-oesophagienne, la maladie de Kaposi, la leucoplasie chevelue, l’herpès,thrombopénie probablement d’origine auto immune, des pétéchies, des ecchymoses et des gingivorragies spontanées ou provoquées, et des adénopathies cervicales.
Conduite à tenir et précautions à prendre en pratique stomatologique :
La prise en charge des patients VIH impose des précautions destinées à que
- Supprimer le risque de transmission croisée
- Prévenir les infections postopératoires (en raison de l’immunodépression)
- Prévenir le risque hémorragique chez les sujets présentant une thrombocytopénie. Avant de prendre en charge un patient VIH, Un entretien avec son médecin traitant s’impose. Ce dernier précisera le stade d’évolution de la maladie, la charge virale, les complications associées et les traitements suivis.
- LT (taux de lymphocyte T) CD4+ > 200 /mm3, PNN < 500 /mm3, et plaquettes < 100 000 /mm3, sans autre pathologie associée : Les actes non invasifs sont possibles en cabinet dentaire, mais pour les actes invasifs, un protocole de prise en charge, avec notamment prescription d’une antibioprophylaxie doit être décidé avec le médecin
spécialiste selon l’état du patient, ses traitements, et l’acte à réaliser ;
- LT CD4+ < 200 /mm3, ou stade SIDA : le patient peut être pris en charge au cabinet dentaire, après contact avec le médecin traitant. Ces patients prennent généralement un traitement antibiotique prophylactique au long cours pour éviter les infections opportunistes.
- Par rapport au risque de transmission croisée :Tous les soins seront réalisés dans le cadre d’une asepsie clinique stricte : port du masque, double gants, des lunettes ; protection par des champs de toutes les surfaces exposées ; minimisation des contacts avec le sang et la salive ainsi que l’utilisation des aérosols ; usage d’une aspiration puissante, préférence donnée à l’utilisation d’instruments à usage unique; rendez-vous fixés en fin de journée, pour réduire d’avantage le risque de contamination croisée.
- Précaution à prendre à l’égard du risque infectieux :
Elle repose sur l’administration d’une prophylaxie anti-infectieuse pour réduire le risque infectieux post-opératoire.
- Précaution à prendre à l’’égard du risque hémorragique:
En raison des risques de thrombocytopénie et/ ou de thrombopathie ainsi que des troubles hépatiques qui peuvent être associés, une NFS et un taux de prothrombine seront demandés avant tout acte à risque de saignement.
Si les valeurs sont normales, les actes chirurgicaux seront réalisés selon les protocoles habituels.
Si la thrombocytopénie est modérée, les mesures d’hémostases locales s’imposent
Si thrombocytopénie est sévère, l’opportunité d’une transfusion sanguine sera discutée avec le médecin traitant.
Conclusion
Il existe plusieurs situations pathologiques impliquant une immunodépression qui aura un impact sur la prise en charge stomatologique de ce type de malades.
Le risque majeur rencontré chez les patients immunodéprimés est le risque infectieux lors de réalisation d’actes invasifs, ce risque sera prévenu avant de procéder à l’acte par une couverture antibiotique adéquate qui sera poursuivie jusqu’à cicatrisation car à côté du risque
infectieux s’ajoute souvent un risque de retard de cicatrisation d’où la nécessité d’un contrôle du patient.
La collaboration avec le médecin traitant est indispensable pour assurer une prise en charge adéquate chez ces patients.
La prise en charge des patients à risque Patients immunodéprimés (patients sous corticothérapie au long court sida, insuffisance hépatique, hépatite)
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
La prise en charge des patients à risque Patients immunodéprimés (patients sous corticothérapie au long court sida, insuffisance hépatique, hépatite)

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.