LA PRISE EN CHARGE DES CARDIOPATHES
I/ INTRODUCTION
La prise en charge des patients cardiopathes impose au médecin dentaire une collaboration étroite avec le cardiologue ainsi qu’une connaissance approfondie des précautions nécessaires pour prévenir les trois risques majeurs auxquels ces patients sont exposés :
- Le risque infectieux
- Le risque hémorragique
- Le risque syncopal
II/ LE RISQUE INFECTIEUX
A/ Définition et Endocardite Bactérienne
Le risque infectieux est principalement représenté par l’endocardite bactérienne, une inflammation chronique de l’endocarde provoquée par une bactériémie, affectant principalement les valves cardiaques et généralement d’origine infectieuse.
Anatomie
Les valves cardiaques sont des structures membranaires souples qui séparent les quatre cavités du myocarde, permettant une circulation sanguine fluide et unidirectionnelle. Lors d’une bactériémie, les germes présents dans le sang peuvent adhérer à la surface des valves, colonisant ces structures et formant des masses friables appelées végétations. Ces végétations peuvent entraîner une infection qui s’étend à l’ensemble de la valve, provoquant des lésions anatomiques altérant leur fonctionnement.
Symptômes
- Auscultation
- Échocardiographie
- Hémoculture
Causes et Facteurs
- Fibrose
- Calcifications
- Dépôts lipidiques
Traitement
- Antibiothérapie sélective
- Chirurgie valvulaire (si nécessaire)
Porte d’Entrée et Bactériémie
La porte d’entrée buccale est la plus importante. La bactériémie peut être :
- Physiologique : provoquée par des actes courants comme la mastication ou le brossage des dents.
- Pathologique : liée à des actes thérapeutiques invasifs.
Bactéries Responsables
- Streptocoque viridans
- Staphylocoque aureus
Patients à Risque d’Endocardite Bactérienne
Les patients présentant des cardiopathies à haut risque doivent être particulièrement surveillés.
B/ Conduite à Tenir Devant un Patient Présentant un Risque d’Endocardite Bactérienne Infectieuse
Actuellement, seuls les patients à haut risque d’endocardite infectieuse doivent bénéficier d’une antibioprophylaxie.
Prévention de l’Endocardite
Définition des Actes
Actes Non Invasifs
- Soins conservateurs
- Soins prothétiques non sanglants
- Dépose des points de suture
- Pose ou ajustement d’appareils orthodontiques
- Prise de radiographies dentaires intra-buccales
Actes Invasifs
Tous les actes impliquant une manipulation de :
- La gencive
- La pulpe ou la région péri-apicale de la dent
- En cas d’effraction de la muqueuse orale
Note : La pose de digue est considérée comme un acte invasif (en dehors des anesthésies locales ou locorégionales).
Précautions Générales
- En cas de doute sur la nature de la cardiopathie, contacter le médecin traitant.
- Chez les patients à haut risque d’endocardite bactérienne infectieuse :
- Certains actes invasifs sont contre-indiqués.
- Tout acte invasif autorisé nécessite une antibioprophylaxie.
- Prendre en compte les patients sous anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires.
Protocole Antibioprophylaxique
Dans l’heure précédant un acte invasif, le patient doit prendre par voie orale :
- Adulte : 2 g d’amoxicilline
- Enfant : 50 mg/kg d’amoxicilline
En cas d’allergie aux pénicillines :
- Adulte : 600 mg de clindamycine
- Enfant (à partir de 6 ans) : 20 mg/kg de clindamycine
Précautions vis-à-vis de l’Anesthésie
- Les anesthésies intraligamentaires sont contre-indiquées chez les patients à haut risque d’endocardite infectieuse.
Précautions vis-à-vis des Prescriptions Courantes en Odontologie
- Aucune précaution particulière n’est requise, mais il faut tenir compte des médicaments pris par le patient et des pathologies associées.
Actes Contre-Indiqués Chez les Patients à Haut Risque d’Endocardite Infectieuse
- Anesthésie intraligamentaire
- Traitement endodontique sur dent à pulpe non vivante
- Retraitement endodontique
- Pose de digue
- Traitement endodontique sur dent à pulpe vivante en plusieurs séances
- Amputation radiculaire
- Chirurgie pré-orthodontique des dents incluses ou enclavées
- Chirurgie péri-apicale
- Chirurgie parodontale
- Chirurgie implantaire
- Mise en place de matériaux de comblement
- Transplantation et réimplantation

III/ LE RISQUE HÉMORRAGIQUE
Le risque hémorragique concerne les patients sous anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires.
A/ Les Agents Antiplaquettaires (AAP)
Mode d’Action
Les agents antiplaquettaires provoquent un trouble de l’hémostase primaire en affectant les trois phases : adhésion, activation, et agrégation.
Principales Indications
- Prévention des événements athérothrombotiques.
Principales Familles
(Note : Le document mentionne un tableau/image à l’emplacement suivant : C:\Users\fatimazohra\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\20180921_142930.jpg
. Cependant, l’image n’est pas accessible. Si elle contient des informations sur les familles d’AAP, celles-ci ne peuvent pas être reproduites ici. Les familles courantes incluent généralement l’aspirine, le clopidogrel, etc.)
Répercussions Buccales
- Lésions hémorragiques des muqueuses.
Prise en Charge et Précautions Générales
- Contacter le médecin traitant.
- Le traitement par AAP ne doit pas être modifié ni arrêté, quels que soient les soins bucco-dentaires prévus.
- Le risque hémorragique est majoré, mais aucun examen biologique ne permet de l’évaluer précisément.
- L’évaluation repose sur :
- La nature du traitement par AAP
- La nature de l’acte à réaliser
- La présence d’autres facteurs de risque hémorragique (ex. : affection hépatique, thrombopénie)
- Sauf contre-indication, utiliser un anesthésique avec vasoconstricteur.

Protocole d’Hémostase Locale
- Curetage post-extractionnel obligatoire
- Mise en place d’un matériau hémostatique résorbable intra-alvéolaire
- Sutures
- Compression immédiate avec une compresse imbibée d’acide tranexamique à 5 %
- Gouttière de compression ou prothèse amovible immédiate
- Pas de bain de bouche pendant 48 à 72 heures
- Ne pas fumer ni boire d’alcool pendant 48 heures
- Contrôle de la cicatrisation muqueuse après 7 à 10 jours
Cas Particulier de l’Aspirine à Forte Dose
Pour une dose journalière totale ≥ 500 mg (indications antalgiques, antipyrétiques ou anti-inflammatoires) :
- Arrêt conseillé :
- 5 jours pour restaurer la compétence hémostatique
- 10 jours pour une disparition totale de l’action de l’aspirine
Précautions vis-à-vis de l’Anesthésie
- L’anesthésie locorégionale est déconseillée en raison du risque d’hématome expansif.
Précautions vis-à-vis des Prescriptions Courantes
- Les AINS sont déconseillés en raison d’un risque accru d’ulcères et d’hémorragies digestives.
- Le fluconazole (Triflucan) est déconseillé.
B/ Les Agents Anticoagulants Antivitamine K (AVK)
Mode d’Action
Les AVK diminuent la concentration plasmatique des facteurs de coagulation vitamine K-dépendants (II, VII, IX, X), provoquant un trouble de la deuxième phase de l’hémostase.
Médicaments Perturbant la Coagulation
- Anti-vitamines K (AVK) : Interfèrent avec le métabolisme de la vitamine K (facteurs X, IX, VII, II)
- Surveillance biologique : INR (International Normalized Ratio)
- Substances :
- Coumariniques : Sintrom®, Coumadine®, Apegmone®
- Dérivés de l’indanedione : Préviscan®, Pindione®
Indications et INR Cible
(Note : Le document ne fournit pas de tableau détaillant les indications et INR cible. Les indications typiques incluent la fibrillation auriculaire, les thromboses veineuses, etc., avec des INR cibles variant généralement entre 2 et 3,5 selon la pathologie.)
Prise en Charge des Patients sous AVK
Selon les recommandations de la SFMBCB (2014) :
Actes Contre-Indiqués (Contre-Indications Absolues)
- Plateau technique insuffisant
- Anesthésie foramen mandibulaire
Actes Sans Risque
- Soins conservateurs
- Soins prothétiques supra-gingivaux
- Anesthésie para-apicale, intraligamentaire, intra-septale
- Détartrage supra-gingival
- Avulsion dentaire simple : Si INR < 4, poursuite du traitement et hémostase locale
Actes à Risques Modérés
- Avulsions dans un secteur localisé
- Implant unitaire
- Surfaçage
Conduite à tenir :
- INR mesuré dans les 24 heures et inférieur à 4
- Compression locale, matériau hémostatique
- Sutures
- Acide tranexamique
Actes à Hauts Risques
- Énucléation kystique, chirurgie endodontique
- Avulsion de dents incluses
- Avulsions > 3 dents ou sur plusieurs quadrants
- Chirurgie parodontale
- Désinclusion, chirurgie orthodontique
- État inflammatoire local
- Implants multiples
- Avulsion de dents temporaires
- Avulsion de dents avec parodonte amoindri
- Biopsies
Conduite à tenir :
- Si INR < 4 :
- Compression locale, matériau hémostatique
- Sutures
- Acide tranexamique
- Colle biologique (en milieu hospitalier)
- Relais exceptionnel par HBPM/HNF (contacter le médecin pour définir la gestion péri-opératoire)
- Si INR > 4 : Réévaluer le traitement
Remarque : Les extractions dentaires doivent être réalisées en maintenant les AVK. Si cela est impossible :
- Relais par héparine (HNF ou HBPM)
- Rarement : Arrêt temporaire des AVK
C/ Les Agents Anticoagulants Non Antivitamine K (Héparines)
Indications
- Accident vasculaire cérébral (AVC)
- Ischémie aiguë des membres inférieurs
- Prévention des thromboses veineuses
- Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
Mécanisme d’Action
- Antithrombotiques et anticoagulants
- Accélération de l’inhibition des facteurs de coagulation par l’antithrombine
Types d’Héparine
- Héparine non fractionnée (HNF)
- Héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
Prise en Charge des Patients sous Héparine
- Risque hémorragique faible à modéré :
- Pas de fenêtre thérapeutique, mais agir le plus à distance possible de la dernière injection.
- Risque hémorragique élevé :
- HNF : Fenêtre de 6-8 heures
- HBPM : Fenêtre de 24 heures
IV/ LE RISQUE SYNCOPAL
A/ Définition de la Syncope
La syncope est un arrêt cardio-respiratoire de très courte durée avec perte de conscience complète survenant de manière brutale. En cas de syncope, le patient est :
- Immobile, pâle, inerte
- Peut présenter une crise convulsive de très courte durée
- Respiration inexistante, pouls imperceptible
B/ Cardiopathies Prédisposant au Risque Syncopal
- Cardiopathies ischémiques
- Valvulopathies
- Cardiopathies congénitales
- Rétrécissement valvulaire aortique
C/ Traitement de la Syncope
Le traitement est préventif et repose sur :
- Établir une bonne relation avec le patient pour le mettre en confiance et éviter les situations de stress.
- Avoir recours à une préparation psychologique si le patient est réticent aux soins.
- Réduire le stress par une prémédication sédative à base de benzodiazépines de préférence.
V/ CONCLUSION
La prise en charge des patients cardiopathes repose sur une collaboration étroite avec le cardiologue, qui doit être contacté avant tout acte diagnostique ou thérapeutique pour établir un plan de traitement adapté aux risques encourus. Par ailleurs, l’importance de la prise en charge bucco-dentaire, notamment parodontale, est cruciale pour réduire le taux de bactériémie lié aux maladies parodontales, diminuant ainsi le risque d’endocardite.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
LA PRISE EN CHARGE DES CARDIOPATHES

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.