La première molaire permanente chez l’enfant / Odontologie Pédiatrique
Introduction
La première molaire permanente (PMP), en raison de ses caractéristiques anatomophysiologiques et de son importance dans la dentition, a suscité de nombreux qualificatifs. Considérée comme la clé de l’occlusion par Edwards H. Angle au début du XXème siècle, sa position antéropostérieure est la base de la classification des malocclusions encore utilisée aujourd’hui. Son rôle primordial dans la croissance et le développement des arcades dentaires et dans les fonctions occlusales en fait la véritable pierre angulaire de l’arcade dentaire.
La physiologie de la première molaire permanente immature
La physiologie de la première molaire permanente immature (PMPI) joue un rôle prépondérant dans l’initiation et la progression de la maladie carieuse. L’immaturité de ses composants histologiques, son anatomie occlusale et son éruption sont des facteurs qui contribuent à sa susceptibilité face à cette maladie.
L’immaturité histologique
La vulnérabilité de la première molaire permanente post-éruptive est due en grande partie à l’immaturité de ses composants histologiques. Son émail poreux et ses tubuli dentinaires larges la rendent plus susceptible à la formation précoce et à la progression rapide des lésions carieuses.
L’immaturité améliaire
Lorsque la dent fait éruption dans la cavité buccale, l’émail a atteint son degré final de minéralisation (96 % du poids), mais n’a pas encore bénéficié de sa maturation post-éruptive. Au cours des 2 à 3 ans suivant l’éruption, la dent permanente immature subit des remaniements de subsurface correspondant à des cycles de déminéralisation-reminéralisation. En fonction des concentrations locales et du pH environnant, des échanges d’ions phosphates, calcium et fluor se produisent à la jonction émail/biofilm.
L’immaturité dentinaire
La susceptibilité de la dentine immature est liée à la dentinogénèse, qui est continue mais différente tout au long de la vie. Trois types de dentine sont formés à différentes périodes :
- Dentine primaire : synthétisée par les odontoblastes au cours du développement dentaire et jusqu’à l’édification radiculaire.
- Dentine secondaire : formée à partir de la rhizagénèse complète et tout au long de la vie dans des conditions physiologiques.
- Dentine tertiaire : formée en réponse à une agression (dentine réactionnelle ou de réparation).
La dent post-éruptive ne présente ni dentine secondaire ni bordure hyperminéralisée de dentine péricanaliculaire. L’oblitération des canalicules, induite par le dépôt de dentine péricanaliculaire, n’a pas encore eu lieu. Le plafond pulpaire, constitué à 80 % de canalicules ouverts, et les larges espaces péri-odontoblastiques envahis par les fluides tissulaires rendent la dentine très perméable, ce qui se traduit par une progression rapide de la lésion carieuse dans la dentine une fois que la jonction amélo-dentinaire est atteinte.
L’immaturité pulporadiculaire
L’immaturité pulpaire est caractérisée par une importante vascularisation et une innervation non mature, ce qui se traduit cliniquement par une absence de douleurs même en présence de lésions carieuses profondes. L’innervation immature rend la dent moins sensible aux stimuli externes, et l’absence de constriction apicale empêche la compression des voies nerveuses lors de l’inflammation pulpaire.
L’anatomie occlusale : les puits et fissures
Les surfaces occlusales représentent seulement 12,5 % des surfaces dentaires totales, mais elles sont majoritairement touchées par la maladie carieuse. Près de 90 % des lésions carieuses concernent les puits et fissures des dents permanentes postérieures, et 100 % des caries occlusales débutent au fond d’un sillon anfractueux. La susceptibilité des sillons occlusaux repose sur plusieurs aspects.
L’histologie
Les puits et fissures sont issus de zones de jonction (et non de synthèse) de coalescence des prismes de l’émail lors de leur minéralisation. La présence fréquente de défauts de coalescence prismatique entraîne parfois une exposition directe de la dentine au fond des fissures.
L’anatomie morphologique
La surface occlusale se compose de dépressions anatomiques très vulnérables à la maladie carieuse. Sa morphologie complexe se caractérise par des sillons principaux et annexes qui constituent des points de rétention pour la plaque bactérienne. La profondeur et l’étroitesse de ces sillons occlusaux (10 à 20 µm) favorisent l’accumulation de débris alimentaires et de bactéries, dans une zone où l’émail ne bénéficie ni du même taux de fluor exogène, ni de l’effet de chasse du flux salivaire, ni du pouvoir tampon de la salive. Ces anfractuosités, niches idéales pour les bactéries cariogènes comme les streptocoques mutans et les lactobacilles, constituent des sites privilégiés pour le développement de la maladie carieuse.
L’éruption
De par sa localisation, son contexte et sa durée, l’éruption de la PMPI représente une période clé où la vulnérabilité de la dent face à la maladie carieuse est accrue.
La localisation
La PMP émerge en arrière des dents temporaires déjà présentes, passant souvent inaperçue aux yeux des parents, qui ne sont pas suffisamment informés. Les surfaces occlusales, situées sous le plan d’occlusion des molars temporaires, rendent le brossage souvent déficient. De plus, la gencive inflammatoire peut saigner et être sensible au brossage, soumettant la dent immature à une accumulation de microorganismes pendant de longs mois avant qu’elle ne soit en occlusion fonctionnelle.
La période et les conditions
L’éruption des PMP se situe généralement entre 4 et 8 ans, souvent sans perte préalable d’une dent temporaire, à un âge où l’enfant gère seul son brossage, rarement efficace.
La durée
La durée d’éruption, entre l’apparition des pointes cuspidiennes dans la cavité buccale et l’occlusion fonctionnelle, varie de 5 à 32 mois, avec une moyenne de 15 mois. Pendant ce temps, la dent ne participe pas à la mastication, et l’absence de contact avec l’antagoniste favorise l’accumulation de la plaque bactérienne, augmentant le risque carieux.
Les pathologies de la première molaire permanente immature
La maladie carieuse
Les formes cliniques
Deux formes cliniques concernent principalement la PMPI :
- Carie évolutive des sillons, puits et fissures : localisée au niveau des puits et fissures des surfaces occlusales. La carie débute au fond des anfractuosités en forme de V, I ou goutte d’eau, inaccessibles aux actions mécaniques et chimiques de l’hygiène buccale. Le diagnostic des lésions débutantes, invisibles cliniquement et radiologiquement, est délicat et fait appel à des techniques comme la fluorescence.
- Lésion carieuse cachée ou surprise (hidden caries) : sous-type extensif de la première forme, elle se développe en profondeur vers la pulpe et en largeur sous la surface de l’émail, avec une évolution rapide et silencieuse de l’atteinte dentinaire. Cliniquement, la surface amélaire semble intacte ou mini-perforée, mais la lésion est visible radiologiquement (bite-wings).
L’Hypominéralisation Molaires-Incisives (HMI ou MIH)
L’HMI, définie comme l’anomalie de structure la plus fréquente, correspond à un défaut qualitatif de l’émail d’origine systémique, affectant une ou plusieurs molaires permanentes, associées ou non à des hypominéralisations des incisives permanentes. Décrite pour la première fois dans les années 1970 en Suède, elle a été uniformément nommée MIH en 2001 par Weerheijm et collaborateurs.
Les aspects cliniques et le diagnostic
L’examen clinique révèle des opacités amélaires bien délimitées, aux contours irréguliers, de couleur variant du blanc au brun (blanc-crémeux, jaune-brun). L’atteinte est évaluée par dent, avec trois types d’altérations :
- Légère : simples modifications de couleur de l’émail.
- Modérée : fractures post-éruptives de l’émail.
- Sévère : pertes amélaires associées à des pertes dentinaires, entraînant des sensibilités dentaires sévères.
Les dents affectées présentent une porosité accrue de l’émail, une désorganisation des cristaux d’hydroxyapatite et une diminution de la microdureté de surface. L’émail mou, poreux et crayeux est fragile, augmentant la susceptibilité à la maladie carieuse. Dès l’éruption, l’émail peut se cliver, exposant la dentine sous-jacente et provoquant des hyperesthésies. Cette désintégration post-éruptive, liée à la porosité, au processus carieux et aux forces masticatoires, entraîne des délabrements sévères et des restaurations atypiques.
L’atteinte clinique de la MIH peut être confondue avec l’amélogénèse imparfaite (forme hypoplasique) ou la fluorose dentaire. Un diagnostic différentiel est donc indispensable pour une prise en charge optimisée.
L’étiologie
L’absence d’identification précise des causes de la MIH empêche une prévention ciblée. Son origine multifactorielle reste hypothétique, impliquant des perturbations systémiques périnatales et postnatales survenant entre la naissance et 4 ans, période critique de minéralisation des germes des premières molaires et incisives permanentes. Parmi les facteurs présumés :
- Hypoxie néonatale, accouchement par césarienne, hypotrophie à la naissance.
- Troubles du métabolisme calcique.
- Maladies infectieuses récurrentes, fièvres fréquentes, antibiothérapie (amoxicilline, macrolides).
- Polluants environnementaux (dioxines, composés aromatiques chlorés, bisphénol A).
Les stratégies préventives
En cariologie, la prise en charge de la dent permanente immature doit tenir compte de la vulnérabilité de ses tissus. La prévention reste la meilleure stratégie pour éviter leur délabrement rapide et volumineux.
La prévention primaire
L’hygiène bucco-dentaire
L’efficacité du brossage, sa régularité biquotidienne et le dosage en fluor du dentifrice sont essentiels. Jusqu’à 8 ans, le brossage doit être supervisé par les parents, qui complètent le nettoyage des premières molaires en éruption. À partir de 8 ans, les parents contrôlent l’efficacité et la régularité. La concentration en fluor recommandée est de 1000 à 1500 ppm pour un risque carieux faible, et de 2400 à 2800 ppm pour un risque élevé, sous surveillance parentale avant 10 ans.
L’habitude alimentaire
Il est crucial de détecter les enfants grignoteurs, de bannir les aliments mous et collants, et de limiter la consommation de bonbons et boissons sucrées, facteurs cariogènes majeurs. Les boissons sucrées et acides présentent également un risque d’érosion. Une consommation régulière de glucides empêche le système tampon de la salive de fonctionner, prolongeant le temps de déminéralisation.
La prévention fluorée
Les formes incluent dentifrices, gels, solutions de rinçage et vernis, ces derniers étant les plus efficaces, en complément du brossage biquotidien avec un dentifrice fluoré.
Le scellement des sillons
Le scellement des sillons est recommandé pour toutes les molaires permanentes chez les sujets à risque carieux élevé et pour celles ayant des sillons anfractueux, quel que soit le risque. En cas d’isolation insatisfaisante, un vernis fluoré ou un ciment verre ionomère peut être appliqué.
La prévention secondaire
Elle repose sur le dépistage, le diagnostic et l’interception précoce de la maladie carieuse, ainsi que la reminéralisation ou le scellement des lésions initiales non cavitaires. Un suivi trimestriel clinique et semestriel radiologique est nécessaire, complété par le laser à fluorescence pour suivre la reminéralisation et l’évolution des lésions sous scellement.
Le diagnostic précoce des lésions
Aucun outil de détection précoce n’offre à la fois une haute sensibilité et spécificité. Les outils conventionnels (examen visuel, tactile, radiographique) ont une bonne spécificité mais une sensibilité moyenne et sont opérateur-dépendants. L’association examen visuel/clichés rétro-coronaires est fiable mais insuffisante pour les lésions non cavitaires, d’où l’intérêt des outils comme le laser à fluorescence.
L’interception et la reminéralisation des lésions
Les scellements de sillons sont efficaces pour intercepter les lésions initiales de manière non invasive. Cependant, certains praticiens adoptent une approche invasive avec des restaurations en résine fluide pour des sillons colorés. Les stratégies de reminéralisation (fluorures, phosphopeptides) visent à arrêter le processus carieux, avec un possible ajout de xylitol et de chlorhexidine. La pâte prophylactique, en polissant l’émail, réduit temporairement l’adhérence bactérienne.
Décisions thérapeutiques et plan de traitement en présence d’un délabrement de la première molaire permanente immature
Le traitement dépend du stade de développement radiculaire et de la vitalité pulpaire. Si la dent est mature, elle est traitée comme toute autre dent mature. Si elle est immature, des thérapeutiques conservatrices de la vitalité pulpaire sont privilégiées :
- Apexogénèse : permet la poursuite de l’édification radiculaire si la dent est vivante et sans inflammation pulpaire irréversible.
- Apexification : en cas de nécrose ou d’inflammation pulpaire irréversible, elle permet la fermeture immédiate de l’apex avec un bouchon de MTA ou de Biodentine, ou par induction d’une barrière minérale via l’hydroxyde de calcium.
Conclusion
La première molaire permanente chez l’enfant est une dent essentielle durant la période de croissance. Elle maintient l’espace pour la mise en place des autres dents et assure un équilibre occlusal. Son maintien dans l’arcade est donc primordial.
La première molaire permanente chez l’enfant / Odontologie Pédiatrique
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
La première molaire permanente chez l’enfant / Odontologie Pédiatrique

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.