La physiologie de la mastication (Orthodontie)
Introduction
La mastication fait partie d’une super-fonction, la manducation (du latin manducare : manger), qui représente le temps buccal de la nutrition. Elle regroupe de nombreuses fonctions : sensorielle, sécrétoire, posturale, ainsi que des fonctions motrices qui, d’un point de vue orthopédique et orthodontique, sont particulièrement intéressantes à considérer, car elles influencent considérablement le développement des maxillaires et,18 donc des arcades dentaires.
Définition de la mastication
Selon RIX, la mastication est « un jeu de l’ensemble des muscles qui permet au bol alimentaire d’être conduit et amené dans la position où les dents le broient ». Elle consiste en la modification du bol alimentaire par l’action mécanique des dents et l’action chimique de la salive, modulées par l’activité des muscles masticateurs et de la sangle labio-jugo-linguale.
Rappel anatomique sur les différentes structures impliquées dans la mastication
L’appareil manducateur est une unité fonctionnelle et biologique constituée par des éléments actifs et passifs.
Éléments actifs
Les muscles
La mastication est un phénomène complexe qui met en jeu pratiquement toute la musculature de la tête et du cou (LAURET, 1984). On distingue :
- Les élévateurs : le temporal, le masséter, le ptérygoïdien interne.
- Les abaisseurs : le ptérygoïdien externe, les muscles sus-hyoïdiens et sous-hyoïdiens.
Tous les auteurs s’accordent pour attribuer au groupe temporo-masséterin la responsabilité des mouvements mandibulaires verticaux, qui forment l’essentiel de l’acte masticatoire (SONIN, 1987). L’innervation des muscles de la mastication est assurée par les fibres de la cinquième paire de nerfs crâniens (trijumeau).
La langue, les joues et les lèvres
La langue joue un rôle essentiel dans la mastication en transférant et déplaçant le bol alimentaire d’un côté à l’autre de l’arcade dentaire. Elle permet de rassembler le bol alimentaire lorsqu’il est éparpillé dans la bouche, de le contenir et de le repositionner au niveau des surfaces occlusales dentaires. Elle assure également l’écrasement au palais des aliments de consistance molle.
Les joues et les lèvres servent de remparts latéraux et antérieurs au bol alimentaire. Elles contiennent les aliments au niveau des arcades dentaires, évitant leur expulsion hors de la bouche lors de la mastication. Elles favorisent également un certain déplacement des aliments par le jeu musculaire et contribuent, comme la langue, au nettoyage physiologique de la cavité orale. Les muscles de la langue, des lèvres et des joues participent aussi à la préhension du bol et à son enduction salivaire (LAURET, 1996).
Éléments passifs
Les articulations temporo-mandibulaires (ATM)
Les ATM comprennent trois éléments : le condyle mandibulaire, la cavité glénoïde et le ménisque articulaire.
Les arcades dentaires
Chez l’adulte, les arcades dentaires sont constituées de 32 dents, tandis que chez l’enfant, elles comptent 20 dents.
La fragmentation alimentaire commence par une préhension-incision, caractérisée par des mouvements rétro-ascendants et centripètes des bords libres des incisives mandibulaires sur les faces palatines des incisives maxillaires (LUNDEEN, cité par ABJEAN, 1987). L’aliment ainsi introduit en bouche est dirigé et positionné sur les secteurs cuspidés, soit à droite, soit à gauche, pour y être écrasé (ABJEAN, 1987).
Phases de la mastication
Après la dilacération effectuée par les canines et les prémolaires, la phase essentielle de trituration se caractérise par une série de cycles d’écrasement, dont la phase active conduit au rapprochement puis au contact des faces occlusales des molaires (ABJEAN, 1987), aboutissant à la déglutition du bol alimentaire.
En conclusion, la forme des dents, ainsi que leur position, leur confèrent des rôles spécifiques (ABJEAN, 1987). Les dents doivent être fonctionnelles pendant au moins 3 ans pour que leur utilité maximale puisse être atteinte lors de la mastication.
Rôle de la salive
Le but principal de la mastication est de réduire la taille des aliments en un bol plus facile à déglutir. L’acte de mâcher stimule la salivation, qui peut humidifier les surfaces ou imbiber l’intérieur de l’aliment. L’interaction salive/aliment est importante, car elle facilite la compartimentation mécanique par une action chimique et/ou enzymatique (PEDERSEN et al., 2002).
D’autres facteurs, comme la maturation musculaire et la croissance faciale, jouent également un rôle. L’efficacité masticatoire est considérée comme étant de 100 % chez l’adulte avec une dentition complète (sauf pour les troisièmes molaires). Cependant, chez les enfants de 12 ou 13 ans, qui ont les mêmes dents en occlusion, l’efficacité n’atteint que la moitié de celle de l’adulte.
Maturation de la mastication
- La mastication est une fonction apprise.
- Les mouvements masticatoires se développent lors de l’apparition des dents temporaires.
- Les afférences sensorielles parodontales jouent un rôle essentiel dans cet apprentissage.
- Selon AHLGREN, le type masticatoire est stable, mature et bien coordonné vers 4 ou 5 ans.
- Cependant, pour GIBBS et WICKWIRE, le type masticatoire évolue en fonction de l’âge et ne ressemble à celui de l’adulte qu’à l’installation de la denture définitive.
- La première molaire permanente, à l’âge de 6 ans, n’améliore pas immédiatement l’efficacité de la mastication.
- L’efficacité augmente progressivement entre 7 et 10 ans.
- À partir de 11 ans, on observe une baisse significative de l’efficacité, qui reste presque constante jusqu’à 13 ans.
- À 14 ans, l’efficacité approche les deux tiers et atteint probablement 100 % vers 16 ans.
- Chez l’adulte, la mastication physiologique est de type unilatérale alternée.
Physiologie de la mastication
La mastication est la première étape de la digestion chez la plupart des mammifères. Elle met en jeu plusieurs activités motrices qui préparent la nourriture pour la rendre compatible avec la déglutition. Pendant la séquence masticatrice, des mouvements mandibulaires rythmiques et une activité linguale coordonnée assurent le transport et la fragmentation de l’aliment.
Les mouvements masticateurs sont très complexes et nécessitent une coordination parfaite des motoneurones innervant les muscles impliqués. Un générateur central du programme de mastication produit leur schéma d’activité de base, mais cette activité est modulée par des influx corticaux et périphériques issus de l’activation des récepteurs sensoriels périphériques, permettant l’adaptation des mouvements mandibulaires et des forces masticatrices à la consistance, la forme et la taille du bol alimentaire.
Conditions d’une mastication physiologique
Pour que la fonction de mastication puisse pleinement jouer son rôle, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Les parents doivent donner à l’enfant une nourriture solide, suffisamment ferme pour que sa résistance s’exerce sur les mâchoires. Parallèlement, ils doivent sevrer l’enfant de toute forme de succion et s’interdire de lui donner tétine, sucette, biberon ou sein maternel.
- Les conditions anatomiques doivent être favorables, notamment la conformation de la base du crâne (temporal) et de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM), qui doit autoriser les mouvements transversaux.
- L’équation pour déclencher une mastication unilatérale alternée est : occlusion équilibrée + consistance d’aliment à mastiquer résistante.
Si l’occlusion n’est pas équilibrée, la mastication est inefficace ; si l’aliment est mou, elle est inutile.
Neurogénèse de la mastication
Depuis les travaux de SHERRINGTON (1917), la théorie réflexe a longtemps été considérée comme la base du mécanisme de la mastication. SHERRINGTON a montré que mordre un aliment déclenche un réflexe d’ouverture par les pressions exercées sur les structures buccales. L’abaissement réflexe de la mandibule entraîne un étirement des élévateurs, provoquant un réflexe de fermeture (réflexe myotatique), suivi d’un nouveau réflexe d’ouverture, et ainsi de suite, « tant qu’il y a quelque chose à mordre entre les mâchoires ».
En 1969, LUND a démontré que, malgré la suppression de toutes les afférences sensorielles, les activités rythmiques génératrices des mouvements masticatoires persistent, prouvant que ce rythme ne dépend pas uniquement des réflexes. Les travaux de DELLOW et LUND (1971) ont mis en évidence l’existence d’un centre générateur de la mastication rythmique, indépendant des réflexes, situé dans le tronc cérébral. Ce centre active ou inhibe les motoneurones des noyaux moteurs des nerfs impliqués dans la mastication, assurant la coordination et le rythme masticatoire. Il est activé par des informations provenant des centres supérieurs (cortex, formation réticulée) ou de la bouche. De nombreux récepteurs de l’appareil manducateur (muqueux, parodontaux, articulaires, musculaires) informent en permanence le système nerveux central sur le déroulement de la mastication.
Ce centre ajuste également l’amplitude des réflexes, supprime ceux qui sont inutiles et facilite ceux nécessaires à un moment donné du cycle masticatoire. Par exemple, lors de la fermeture, le réflexe d’ouverture ne peut être totalement inhibé, car sa composante de protection reste nécessaire pour éviter des dommages tissulaires.
Aspects dynamiques de la mastication
Les mouvements de la mandibule lors de la mastication ont été étudiés par des méthodes graphiques ou cinématographiques (SCHWEITZ, 1961 ; POSSELT, 1962 ; AHLGREN, 1967, cités par VEYRUNE, 2001). Chaque fois que le point inter-incisif mandibulaire revient à sa position initiale, la mandibule a effectué un cycle masticateur.
Variabilité des cycles masticatoires
Indépendamment des malocclusions et des facteurs pathologiques, la forme des cycles masticatoires se modifie principalement en fonction de l’âge et de l’aliment mastiqué.
L’âge
Pour GIBBS et WICKWIRE, le déplacement latéral à l’ouverture tend à diminuer au cours de la mastication, tandis que le déplacement latéral à la fermeture augmente. En denture lactéale, le cycle masticatoire est caractérisé par une large déflexion vers le côté travaillant à l’ouverture et un moindre déplacement latéral lors de la fermeture, contrairement à ce qu’on observe chez l’adulte. L’amplitude verticale des cycles masticatoires augmente, mais elle semble diminuer avec l’âge chez l’adulte.
L’aliment mastiqué
La consistance, la forme, la taille et le goût du bol alimentaire influencent les mouvements masticatoires. Chez l’enfant, la consistance a peu d’influence lors de la mastication d’aliments durs, mais on observe une tendance à une réduction du déplacement latéral de fermeture (cycles plus courts et plus médians). Chez l’adulte, la mastication d’aliments durs s’effectue avec des cycles de type broyage, tandis que les aliments mous sont mastiqués avec des mouvements verticaux. L’augmentation de la dureté de l’aliment provoque une augmentation du nombre de cycles masticateurs, de la durée de la séquence et du travail musculaire moyen par cycle.
Le sexe
Des études ont montré que le cycle masticatoire est plus lent chez les femmes que chez les hommes.
Définition du cycle masticatoire
Selon les auteurs, le cycle masticatoire peut être divisé en trois phases :
- Phase d’ouverture : régulière et rapide, depuis la position de repos, au cours de laquelle la mandibule se déporte latéralement du côté non travaillant, croise la ligne médiane et se termine du côté travaillant.
- Phase de fermeture rapide : jusqu’au contact avec l’aliment.
- Phase de fermeture lente : caractérisée par l’écrasement et le broyage de l’aliment entre les arcades (phase de puissance ou « power stroke »).
Séquences masticatoires
On distingue trois modes de mastication :
- Mastication unilatérale alternée : la plus fréquente et la plus efficace, où l’aliment est écrasé d’un seul côté (côté travaillant) avec une alternance plus ou moins régulière selon les cycles.
- Mastication unilatérale stricte ou dominante : le côté travaillant est presque toujours le même.
- Mastication bilatérale : l’aliment est écrasé simultanément des deux côtés.
Remarque
- Les cycles de mastication sont bien établis chez l’enfant ayant une dentition lactéale complète.
- Le cycle de mastication est caractérisé par un mouvement latéral plus large lors de l’ouverture que lors de la fermeture.
- Au fur et à mesure que l’enfant grandit, le mouvement latéral diminue à l’ouverture mais augmente à la fermeture.
Vitesse et durée des mouvements masticatoires
La durée moyenne d’un cycle masticatoire est légèrement inférieure à 1 seconde. Elle varie selon les sujets, les cycles et l’aliment mastiqué (elle augmente pour les aliments durs par diminution des vitesses d’ouverture et de fermeture). La vitesse n’est pas constante au cours d’un cycle : la mandibule accélère au début des phases d’ouverture et de fermeture, puis ralentit aux « tournants » du cycle, en particulier à l’approche de l’intercuspidation maximale. La pause observée en position d’intercuspidation maximale, variable selon les sujets, représente en moyenne 25 % de la durée du cycle (Gilling).
Physiopathologie de la mastication
Les anomalies de la fonction masticatrice peuvent être divisées en deux grandes catégories :
- Le syndrome de mastication unilatérale dominante, dont Planas a largement décrit les conséquences sur la morphogenèse craniofaciale.
- Les perturbations de la mastication liées à l’atteinte d’une des différentes structures impliquées dans son déroulement.
Examen clinique
Examen exobuccal
- Examen statique : Évaluer la symétrie faciale, le degré de développement osseux et la tonicité musculaire des deux côtés de la face par palpation. Un côté plus développé ou des temporaux hypertoniques peuvent indiquer une mastication unilatérale ou temporale.
- Examen dynamique : Évaluer l’amplitude des mouvements mandibulaires, noter la liberté des mouvements de latéralité et de propulsion, et déceler d’éventuelles douleurs dysfonctionnelles des ATM ou bruits articulaires.
Examen endobuccal
- Examen occlusal, surtout chez l’enfant en denture lactéale, pour évaluer l’overbite. Une supraclusie peut être à l’origine d’une mastication perturbée.
- Examen de l’état d’éruption des dents, en particulier la première molaire permanente (dent de 6 ans).
- Évaluation de l’état parodontal : la présence de tartre peut indiquer une mastication unilatérale préférentielle.
L’examen de la mastication est un temps capital de l’examen orthodontique. Simple et ne nécessitant aucun appareil particulier, il est riche en informations. Le plan de traitement doit tenir compte de toutes ces anomalies, car une mastication dysfonctionnelle négligée est à l’origine de nombreuses récidives.
Diagnostic positif
Le type masticatoire le plus fréquent est la mastication unilatérale alternée, observée chez 80 % des sujets, correspondant à une mastication massétérine. D’autres types incluent la mastication unilatérale préférentielle (gauche ou droite) ou la mastication bilatérale, caractéristique de la mastication temporale.
Mastication massétérine
Dans ce type de mastication, le masséter est le muscle le plus actif. Elle provoque une stimulation importante et un renforcement de l’os, permet la liberté des mouvements de diduction et se caractérise par un broyage efficace des aliments. Elle entraîne un déplacement vers l’avant de la mandibule et de l’arcade dentaire inférieure, contribuant à corriger la distoposition physiologique et favorisant une bonne position de la première molaire permanente (dent de 6 ans). La mastication massétérine est considérée comme la plus bénéfique pour l’établissement de bons rapports occlusaux.
Mastication temporale (pathologique)
La mastication peut être modifiée par le type d’alimentation. Une alimentation semi-liquide, réduisant l’activité masticatoire, conduit à des mouvements mandibulaires verticaux. Les mouvements de diduction, de latéralité et de broyage, propres à la mastication massétérine, ne s’établissent plus, ce qui altère l’appareil manducateur. La mastication temporale présente plusieurs inconvénients affectant le développement des structures osseuses :
- Dans le sens antéropostérieur : rétrognathie due à l’absence de mouvements antérieurs de la mandibule.
- Dans le sens vertical : recouvrement incisif important (supraclusion).
- Dans le sens transversal : interférences et prématurités dentaires pouvant entraîner une latérodéviation mandibulaire, associée à un syndrome algique et dysfonctionnel de l’appareil manducateur.
La physiologie de la mastication (Orthodontie)
La prévention des caries repose sur une hygiène bucco-dentaire rigoureuse et des visites régulières chez le dentiste. La maîtrise des techniques d’anesthésie locale est essentielle pour assurer le confort du patient lors des soins. L’imagerie dentaire, comme la radiographie panoramique, permet un diagnostic précis des pathologies buccales. Les étudiants doivent comprendre l’importance de la stérilisation pour prévenir les infections croisées en cabinet. La restauration dentaire, comme les composites ou les couronnes, exige une précision technique et un sens esthétique. Les praticiens doivent rester informés des avancées en implantologie pour proposer des solutions modernes aux patients. Une communication claire avec le patient renforce sa confiance et favorise l’adhésion au plan de traitement.
La physiologie de la mastication (Orthodontie)

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.