La phonation

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La Phonation : Fonctionnement, Troubles et Impact

Introduction

La région céphalique, située à l’extrémité supérieure du corps humain, est le siège des cinq sens fondamentaux : la vision, le toucher, l’ouïe, l’odorat et le goût. Selon J. Talmant, ces fonctions peuvent être classées selon leur importance physiologique pour la survie de l’individu et leur efficacité dans les interactions quotidiennes. Certaines fonctions, comme la ventilation, la mastication ou la déglutition, sont essentielles à la survie, car elles répondent à des besoins biologiques fondamentaux. En revanche, la phonation, bien qu’elle ne soit pas directement vitale, joue un rôle central dans la communication et les relations sociales. Elle permet à l’être humain d’exprimer des pensées, des émotions et d’interagir avec son environnement de manière complexe.

Les perturbations des fonctions céphaliques, y compris la phonation, peuvent avoir des répercussions significatives sur la croissance faciale. Ces troubles affectent non seulement les structures anatomiques comme l’os basal et l’os alvéolaire, mais également l’équilibre fonctionnel global de la région bucco-faciale. La phonation, en particulier, repose sur un système complexe impliquant plusieurs organes et processus physiologiques, qui doivent fonctionner de manière coordonnée pour produire des sons intelligibles. Cet article explore en détail la phonation, ses mécanismes physiologiques, les troubles qui peuvent l’affecter, ainsi que leurs impacts sur la morphogénèse faciale et les fonctions associées comme la déglutition.

Définition de la Phonation

La phonation désigne l’ensemble des processus physiologiques et physiques qui permettent la production de vibrations sonores au niveau des cordes vocales, suivies de leur modulation pour former des sons intelligibles. Ces sons constituent la base de la communication verbale, permettant aux individus de transmettre des informations, d’exprimer des émotions et de maintenir des interactions sociales. La phonation est donc bien plus qu’un simple phénomène mécanique : elle est au cœur de l’identité individuelle et collective, jouant un rôle clé dans les échanges culturels et sociaux.

La production d’un son phonatoire repose sur une interaction complexe entre l’énergie aérodynamique, les structures anatomiques et le contrôle neurologique. Chaque étape, de la production de l’air dans les poumons à la modulation du son dans les cavités buccales, est essentielle pour garantir une communication claire et efficace.

Physiologie de la Phonation

La phonation est un processus sophistiqué qui repose sur la coordination de plusieurs systèmes anatomiques et physiologiques. Elle permet la production des phonèmes, les plus petites unités sonores qui distinguent les mots dans une langue donnée. Pour que les phonèmes soient produits correctement, une pression d’air suffisante est nécessaire, ainsi qu’une coordination précise entre différentes structures anatomiques. Ces structures peuvent être divisées en trois niveaux principaux :

La Soufflerie Pulmonaire

La soufflerie pulmonaire constitue la source d’énergie aérodynamique nécessaire à la phonation. Lors de l’expiration, l’air est expulsé des poumons à travers la trachée, créant une pression qui met en mouvement les cordes vocales. Cette énergie aérodynamique est la première étape essentielle pour produire un son.

Le Vibrateur Glottique

Le vibrateur, situé au niveau du plan glottique (les cordes vocales), transforme l’énergie aérodynamique en énergie acoustique. Lorsque l’air expulsé passe à travers les cordes vocales, celles-ci entrent en vibration, produisant un son brut. La fréquence de ces vibrations détermine la hauteur du son, tandis que leur amplitude influence l’intensité.

Les Résonateurs Bucco-Pharyngés

Les résonateurs bucco-pharyngés, qui incluent les cavités aériennes situées entre les cordes vocales, les lèvres et les orifices narinaires, modulent le son brut produit par les cordes vocales. Ces cavités, comprenant la cavité buccale, le pharynx et les fosses nasales, agissent comme des filtres acoustiques, enrichissant le son pour lui donner ses caractéristiques distinctives, comme la clarté des voyelles ou la précision des consonnes.

Rôle du Système Nerveux Central

Le système nerveux central joue un rôle crucial dans la coordination de ces trois niveaux. Il régule la contraction des muscles respiratoires, la tension des cordes vocales et les mouvements des articulateurs (langue, lèvres, voile du palais). Cette régulation permet une exécution précise et qualitative de la phonation, adaptée au contexte linguistique et aux besoins de communication.

Développement de la Phonation chez le Nourrisson

Chez le nourrisson, la phonation évolue avec la maturation neurologique et la descente du larynx, qui se produit progressivement au cours des premiers mois de vie. À partir de 4 mois, le nourrisson commence à gérer les espaces de résonance grâce à des séquences de fermetures et d’ouvertures vélo-pharyngées. Ces mouvements permettent de moduler les sons et de produire des vocalisations de plus en plus complexes, préludes à l’apprentissage du langage.

Formation des Sons : Voyelles et Consonnes

La production des sons linguistiques repose sur des mécanismes articulatoires précis, qui diffèrent selon qu’il s’agit de voyelles ou de consonnes.

Formation des Voyelles

Les voyelles sont produites par un écoulement libre de l’air expiré, sans interférence significative des organes buccaux comme la langue ou les lèvres. La forme et la taille des cavités de résonance (cavité pharyngienne pour les voyelles graves, cavité buccale pour les voyelles aiguës) déterminent la qualité acoustique des voyelles. La position de la langue joue un rôle clé :

  • Voyelles aiguës : La langue adopte une position plus antérieure, rapprochant le point d’articulation des incisives.
  • Voyelles graves : La langue est positionnée plus en arrière, près de la paroi postérieure du pharynx.

Le degré d’ouverture du conduit pharyngo-buccal, influencé par la relation entre la langue, le voile du palais et la paroi pharyngée, conditionne également la production des voyelles.

Formation des Consonnes

Les consonnes, contrairement aux voyelles, impliquent une obstruction partielle ou totale du flux d’air, créée par les articulateurs buccaux (langue, lèvres, voile du palais). Leur production dépend de l’activité des muscles linguaux, labiaux, vélaires, ainsi que des muscles sus- et sous-hyoïdiens. Les consonnes peuvent être classées en quatre groupes principaux, particulièrement pertinents pour les orthodontistes :

Les Sifflantes et Chuintantes (S, Z, CH, J)

  • S et Z : La langue ne touche pas les dents antérieures. Les bords latéraux de la langue sont en contact avec les molaires, tandis que la pointe reste libre, effleurant la face linguale des incisives inférieures. Le dos de la langue est aplati, et les commissures labiales sont légèrement étirées.
  • CH et J : L’appui de la langue est légèrement plus postérieur, formant une gouttière antéro-postérieure. Les lèvres sont plissées vers l’avant.

Les Palatales (D, T, N, L)

  • D et T : La pointe de la langue s’appuie sur la papille rétro-incisive, située juste derrière les incisives supérieures.
  • N : L’appui est légèrement plus haut et en arrière, à environ 1 cm de la papille rétro-incisive.
  • L : L’appui est encore plus postérieur et élevé, toujours par rapport à la papille rétro-incisive.

Les Labiales (M, B, P)

Ces consonnes sont produites par un contact entre la lèvre supérieure et la lèvre inférieure, sans implication significative de la langue.

Les Fricatives ou Vibrantes (V, F)

Pour ces consonnes, la face interne de la lèvre inférieure entre en contact avec les incisives supérieures. Une interposition de la lèvre derrière les dents doit être évitée pour une prononciation correcte.

Exploration de la Phonation

L’exploration de la phonation consiste à évaluer la capacité d’un individu à produire des phonèmes corrects, en s’appuyant sur la prononciation de mots spécifiques. Cette évaluation est particulièrement importante en orthodontie, car les troubles articulatoires peuvent être liés à des anomalies dentaires ou maxillaires. Les mots tests couramment utilisés incluent :

  • « Dînette », « tartine », « lait » : Ces mots permettent d’évaluer la prononciation des consonnes dentales et palatales (D, T, L, N) et de vérifier la position correcte de la pointe de la langue sur la papille rétro recite.
  • « Saucisson », « chien », « chat » : Ces mots ciblent les sifflantes (S, Z) et les chuintantes (CH, J), permettant d’identifier les anomalies dans la position de la langue ou des lèvres.

L’analyse de la prononciation peut révéler des dysfonctionnements articulatoires, souvent liés à des anomalies de positionnement de la langue ou des lèvres, qui peuvent avoir des implications sur la morphologie dento-maxillaire.

Troubles de l’Articulation

Les troubles de l’articulation, ou dysarthries, surviennent lorsque les phonèmes ne sont pas produits correctement en raison d’un positionnement inadéquat des articulateurs. Ces troubles sont souvent associés à une déglutition dysfonctionnelle, qui perturbe les appuis linguaux nécessaires à une articulation correcte.

Stigmatismes (S, Z, CH, J)

Les stigmatismes désignent les altérations des sifflantes (S, Z) et des chuintantes (CH, J). Ils peuvent inclure des défauts de prononciation des phonèmes I, Z et J. Ces troubles sont souvent liés à un retard de maturation affective, parfois accompagné de comportements puérils ou d’énurésie. On distingue :

  • Chuintement antérieur (zézaiement) : La pointe de la langue s’interpose entre les incisives supérieures et inférieures, entraînant une prononciation déformée.
  • Chuintement postérieur : Les bords de la langue passent sur la face occlusale des molaires, altérant la production des sifflantes.

Sur le plan clinique, les troubles du S sont fréquemment observés dans les cas suivants :

  • Articulé incisif inversé (classe III).
  • Infraclusion incisive.
  • Vestibulo-version des incisives supérieures.

Troubles des Palatales (D, T, N, L)

Les consonnes palatales suivent une hiérarchie dans leur production. Si le phonème le plus complexe, le L (lambdacisme), est perturbé, les phonèmes moins complexes (D, T, N) le sont également. Par exemple :

  • Une pression excessive de la langue sur les incisives ou une interposition linguale lors de la prononciation du L entraîne des perturbations des phonèmes D, T et N.
  • Une anomalie dans la prononciation de D et T ne signifie pas nécessairement une perturbation des points d’articulation de N et L.

Troubles des Labiales (M, B, P)

Les troubles des consonnes labiales surviennent lorsque la lèvre inférieure est incorrectement positionnée, par exemple en s’interposant derrière les incisives supérieures, ce qui altère la production du son.

Troubles des Fricatives ou Vibrantes (V, F)

De manière similaire, les fricatives souffrent d’une interposition de la lèvre inférieure derrière les incisives supérieures, ce qui empêche une articulation correcte.

Troubles Articulatoires et Morphogénèse

Les troubles de l’articulation peuvent influencer la morphologie dento-maxillaire, particulièrement lorsque les points d’articulation impliquent la région antérieure de la bouche. Par exemple :

  • Appui incorrect sur les dents antérieures : Si les phonèmes D, T, L ou N sont produits avec un appui lingual sur les incisives plutôt que sur la papille rétro-incisive, cela peut entraîner une proalvéolie (avancement des dents antérieures).
  • Interposition linguale : Un sigmatisme ou zézaiement, caractérisé par l’interposition de la langue entre les incisives, peut provoquer une béance antérieure (espace entre les incisives supérieures et inférieures).

Cependant, selon certains auteurs comme Cauhepé, Netter et Bouvet, l’impact des troubles articulatoires sur la morphogénèse n’est significatif que dans un contexte d’équilibre musculaire perturbé. En effet, la durée d’action de la langue lors de l’articulation d’une consonne (environ un dixième de seconde) est bien plus courte que celle exercée lors de la déglutition (environ une seconde). Par conséquent, l’effet des troubles articulatoires sur la morphologie est souvent considéré comme moins déterminant que celui des troubles de la déglutition.

Troubles Articulatoires et Déglutition Dysfonctionnelle

Il existe une forte corrélation entre les troubles articulatoires et la déglutition dysfonctionnelle. Une déglutition anormale est presque systématiquement associée à des points d’articulation pathologiques de la langue, et vice versa. Cette relation s’explique par le fait que les deux fonctions partagent des structures anatomiques communes, notamment la langue et les muscles buccaux.

Avant l’âge de 5 ans, les troubles des points d’articulation sont considérés comme paranormaux, car l’acquisition des sifflantes coïncide avec le développement d’une déglutition mature. Vers 7 ans, la maturation de la déglutition permet normalement une articulation correcte des consonnes. Les troubles persistants au-delà de cet âge nécessitent une prise en charge spécialisée, souvent orthodontique et orthophonique.

Conclusion

Les troubles de la phonation, bien qu’ils ne soient pas directement responsables de dysmorphoses majeures, sont souvent associés à des anomalies fonctionnelles comme la déglutition dysfonctionnelle ou des déséquilibres musculaires. Leur impact sur la morphogénèse dento-maxillaire est limité, mais leur présence peut exacerber des anomalies préexistantes, notamment dans la région antérieure de la bouche. Une prise en charge précoce des troubles articulatoires est essentielle pour prévenir les complications et favoriser un développement harmonieux des structures bucco-faciales. En outre, l’évaluation de la phonation doit être intégrée dans une approche globale, tenant compte des interactions entre les différentes fonctions orales (ventilation, mastication, déglutition) pour garantir une correction efficace et durable.


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