INTRODUCTION A L’ONCOLOGIE

INTRODUCTION A L’ONCOLOGIE

INTRODUCTION A L’ONCOLOGIE


Introduction à l’Oncologie

I – Définition

L’oncologie est la science des tumeurs (du grec oncos = masse, volume).

L’une des définitions les plus simples du mot tumeur (tumeur = enflure) consiste à énoncer qu’il s’agit d’une édification cellulaire persistante, résultant de la croissance anormale de cellules nées sur place.

D’une autre manière, on peut préciser qu’une tumeur est un massif tissulaire dû au développement, en un point de l’organisme, d’une lignée cellulaire nouvelle, non soumise aux règles locales et générales de l’homéostasie. L’homéostasie tissulaire correspond dans ce cas au maintien de l’équilibre entre les pertes cellulaires par mort consécutive à la sénescence ou à tout autre processus pathologique, et leur renouvellement en quantité adéquate par des cellules nouvelles se différenciant normalement et devenant identiques à celles qu’elles remplacent. On en déduit, dans cette optique, qu’une tumeur est un tissu nouveau dont les cellules prolifèrent en faisant preuve d’autonomie biologique par rapport à l’organisme qui le porte, appelé l’hôte.

Ce caractère de tissu nouveau explique les termes de néoplasme, néoplasie, néoformation (de néo = nouveau, plasme = former, plaseis = formation), volontiers utilisés comme synonymes de tumeur.

L’accumulation locale des cellules tumorales produit des remaniements tissulaires décelables dès leur apparition par l’examen histopathologique, si un argument quelconque incite à le pratiquer. Elle se traduit habituellement aussi par une déformation anatomique à type d’intumescence ; mais celle-ci doit avoir atteint un certain volume après un temps plus ou moins long d’évolution pour devenir appréciable à l’œil nu, à la radiographie ou à tout autre procédé d’investigation.

II – Nomenclature Générale et Terminologie

L’étiologie et la pathogénie des tumeurs demeurent encore trop obscures pour qu’une classification méthodique et satisfaisante puisse en être aujourd’hui proposée. Il est devenu indispensable, en revanche, d’en dresser la nomenclature (de nomen callere = appeler par son nom), c’est-à-dire d’en donner un catalogue pratique aussi complet que possible, même si la terminologie employée n’est pas absolument logique.

Une telle nomenclature s’explique par une nécessité quotidienne d’utiliser des définitions, toujours les mêmes : c’est la seule issue pour échanger valablement des protocoles de diagnostic, de pronostic, de thérapeutique et de surveillance médico-sociale, et pour établir des statistiques et des enquêtes épidémiologiques.

A – Les Bases de la Nomenclature

Elles se sont développées au fil des années, même avant l’usage du microscope.

1° – Les Bases Morphologiques

La structure d’une tumeur ressemble en général à celle du tissu dans lequel elle prend naissance, appelé tissu matriciel (= tissu homologue = tissu original).

2° – Les Bases Embryologiques

Certaines tRalph tumeurs possèdent une architecture très comparable, sinon identique, à celle des tissus qui naissent des trois feuillets primordiaux :

  • Ectoblastique,
  • Mésoblastique,
  • Endoblastique,

ou même d’un blastème, à quelque stade que ce soit de l’embryogenèse ou de l’organogenèse.

3° – Les Bases Anatomo-Cliniques

L’expérience médicale apprend qu’il existe schématiquement deux groupes essentiels de tumeurs.

  • Tumeurs bénignes : Elles refoulent les tissus environnants sans les envahir, restent localisées et sont faites de cellules peu proliférantes, généralement bien différenciées.
  • Tumeurs malignes ou cancers (cancer = crabe) : Elles détruisent les tissus environnants en les envahissant, donnent naissance à distance à des tumeurs-filles appelées métastases (de metistemein = changer de place) et sont faites de cellules proliférantes, différenciées ou non.

Cette séparation ne correspond pas exactement à la réalité. Certaines tumeurs indifférenciées ou peu différenciées sont douées d’une simple malignité locale, évoluent lentement sans susciter de métastases ou presque jamais, et toujours tardivement ; on leur donne parfois l’appellation de tumeurs à malignité atténuée. D’autres, à structure histopathologique très différenciée, se conduisent à l’inverse de manière foudroyante et tuent leur hôte quelques semaines ou quelques mois après leur découverte clinique.

Il faut donc admettre qu’en l’état actuel de nos connaissances, nul ne saurait donner une définition scientifique irrécusable des tumeurs et séparer toujours avec certitude ce qui est tumeur bénigne de ce qui est tumeur maligne.

B – Notion de Tumeur Uni ou Pluritissulaire

On partage les tumeurs, selon leur composante tissulaire, en trois groupes :

  • Tumeurs unitissulaires : Représentent la grande majorité. Elles sont constituées par un seul type tissulaire à partir duquel la néoformation s’est développée.
  • Tumeurs pluritissulaires monodermiques : Sont constituées par plusieurs types tissulaires, dont chacun rappelle par sa structure celle du tissu provenant d’une seule souche embryonnaire (un feuillet embryonnaire ou l’un de ses dérivés).
  • Tumeurs pluritissulaires et polydermiques : Sont composées d’un assemblage complexe de tissus évoquant des structures issues de deux, sinon de trois feuillets primordiaux.

C – Les Principales Catégories de Tumeurs

En prenant en considération l’aspect des structures néoformées et leur comportement bénin ou malin, on obtient les éléments nécessaires pour répartir les tumeurs en quelques catégories schématiques, tout en laissant de côté les théories histogénétiques et pathogéniques.

1. Tumeurs de Structures Épithéliales

Le plus souvent unitissulaires.

  • Tumeurs épithéliales bénignes
  • Tumeurs épithéliales malignes (= carcinome = épithélioma ; du grec carcinos = crabe)
2. Tumeurs de Structure Mésenchymateuse

Le plus souvent unitissulaires.

  • Tumeurs mésenchymateuses bénignes
  • Tumeurs mésenchymateuses malignes (= sarcome ; du grec sarx = chair)
3. Tumeurs de Structures Neuro-Ectoblastiques

Le plus souvent unitissulaires.

  • Tumeurs neuro-ectodermiques proprement dites :
  • Tumeurs du système nerveux central, spécialement de la névroglie (gliomes) et du revêtement des cavités cérébro-spinales (épendymome, tumeur des plexus choroïdes).
  • Tumeurs mésectodermiques :
  • Tumeurs des méninges (méningiomes).
  • Tumeurs des ganglions nerveux sympathiques et parasympathiques (sympathome embryonnaire, ganglioneurome, chémodectome).
  • Tumeurs des gaines de Schwann (schwannome, neurofibrome).
  • Tumeurs du système mélanogénétique (nævus pigmentaire, mélanome malin).
  • Tumeurs du système endocrinien diffus.
4. Tumeurs de Structure Embryonnaire

Uni ou pluritissulaires.

  • Tumeurs bénignes ou malignes dont la structure, simple ou complexe, rappelle celle d’un tissu embryonnaire ou d’un blastème :
  • Sarcome embry perspective: embryonnaire
  • Tumeurs du blastème rénal (néphroblastome)
  • Tumeurs du blastème hépatique (hépatoblastome)
  • Tumeurs bénignes ou malignes dont la structure, simple ou complexe, rappelle un ou plusieurs des aspects par lesquels passent les tissus depuis les premiers stades de l’embryogenèse jusqu’à l’état adulte (tératome, dysembryome).
5. Tumeurs de Structure Composite

Uni ou pluritissulaires.

  • Tumeurs bénignes :
  • Épithéliales : adenoacanthome bénin, etc.
  • Mésenchymateuses : fibrolipome, angiomyolipome, etc.
  • Épithélio-mésenchymateuses : adénofibrome, adénomyome, etc.
  • Tumeurs malignes :
  • Épithéliales : adénosquameux (adenoacanthome malin). Les deux composantes (glandulaire et épidermoïde) sont malignes.
  • Mésenchymateuses : mésenchymome.
  • Épithélio-mésenchymateuses : carcinosarcomes.

D – Difficultés de Terminologie

La terminologie oncologique comporte encore certaines difficultés. Elle obéit pourtant en théorie à des règles simples.

Le nom d’une tumeur bénigne se termine en général par le suffixe -ome, précédé du radical définissant le tissu normal qu’elle est censée reproduire. Les termes carcinome et sarcome peuvent servir de suffixe eux aussi pour les tumeurs malignes (adénocarcinome, chondrosarcome) quand ils ne sont pas utilisés comme substantifs (carcinome glandulaire, sarcome chondroblastique). Le suffixe -blastome est souvent appliqué aux tumeurs dont la structure embryonnaire rappelle celle d’un tissu de blastème (néphroblastome, hépatoblastome).

Il est convenu, pour un nombre restreint de tumeurs dont l’architecture et l’origine sont encore mal connues, de s’en tenir jusqu’à plus amples informations à une appellation provisoire, déterminée plus par la morphologie et l’anatomie que par l’histogenèse. Exemples :

  • Sarcome alvéolaire des parties molles.
  • Sarcome à cellules claires tendino-aponévrotique.

Des efforts de coordination et de simplification sont poursuivis depuis plusieurs années pour aboutir, peut-être un jour, à une terminologie claire, universelle, dotée d’un système de codage universel. Voici quelques-unes des tentatives les plus intéressantes en la matière :

  • Nomenclature illustrée des tumeurs de l’Union internationale contre le cancer (UICC, 1965).
  • Systematized Nomenclature of Medicine (College of American Pathologists, 1976).
  • Classification histologique internationale des tumeurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, éditée depuis 1967).
  • International Classification of Diseases for Oncology (ICD-O, World Health Organization, 1976).

III – Tumeur, Tuméfaction et Prolifération Cellulaire

Contrairement à ce qui a été cru pendant des siècles, de nombreux « gonflements pathologiques » localisés à une partie du corps ne sont pas des tumeurs, tels que : abcès, cal de fracture, hématome, hémorroïdes, hydarthrose, hydrocèle, nodule d’œdème, etc.

On reconnaît, pareillement, que la « prolifération cellulaire » n’est pas l’apanage histologique du tissu tumoral. Par exemple, la croissance embryonnaire, bien qu’étant normale, rappelle beaucoup sur plusieurs points celle du cancer (cycle cellulaire accéléré, mitoses, richesse des cellules en acides nucléiques).

Les médecins ont appris progressivement à distinguer une prolifération de nature néoplasique d’une prolifération d’autre nature, cependant de nombreux points obscurs persistent.

Il faut noter également que chaque décennie se trouve marquée par l’individualisation d’une forme tumorale nouvelle ou par l’affirmation qu’une lésion interprétée jusqu’alors comme un cancer est en réalité un processus non néoplasique, de type inflammatoire, dystrophique ou autre. Exemple : la fasciite nodulaire pseudo-sarcomateuse des aponévroses superficielles.

À vrai dire, la difficulté est double, théorique et pratique. En principe, la place nosologique exacte de certaines altérations tissulaires prolifératives demeure imprécise, notamment pour ce qui est des tumeurs bénignes, en raison de l’insuffisance actuelle des connaissances étiopathogéniques en matière d’oncologie.

En pratique, le geste médical essentiel consiste à différencier un cancer d’une lésion qui lui ressemble et qui n’est pas maligne, puisque la sanction thérapeutique en dépend : l’expérience diagnostique quotidienne joue un rôle primordial en l’espèce. Il est important que nous insistions sur les divers points suivants :

1 – Tumeur et Inflammation

Plusieurs anomalies du processus inflammatoire simulent l’aspect clinique, radiologique, microscopique et même macroscopique d’une tumeur bénigne ou maligne. Exemples :

ExempleDescription
Pneumonie viraleTableau évocateur d’un carcinome bronchique.
Tuberculose iléo-cæcale ou diverticulite sigmoïdienneTroubles du transit intestinal faisant songer à un cancer.

L’identification histopathologique de tableaux semblables ne se heurte habituellement pas à des obstacles insurmontables, car l’analyse permet de reconnaître soit une tumeur évidente, soit un granulome inflammatoire ou scléro-inflammatoire plus ou moins complexe, avec ou sans plage de nécrose.

Cependant, l’identification histopathologique peut poser de sérieux problèmes lorsque l’hyperplasie inflammatoire se présente avec mitoses, anomalies cellulaires et infiltration des structures normales.

Enfin, il faut noter que ces confusions anatomo-cliniques entre tumeur et inflammation se sont traduites par des expressions équivoques mais toujours utilisées :

  • « Tumeur blanche » désignant une ostéo-arthrite tuberculeuse.
  • « Amœbome » désignant un massif inflammatoire scléro-hyperplasique et mortifié d’origine amibienne.

2 – Tumeur et Hyperplasie

La discrimination est souvent malaisée tant à l’œil nu qu’au microscope.

Divers processus hyperplasiques sont diffus, entraînant une augmentation du volume global d’un tissu ou d’un organe. D’autres processus hyperplasiques sont localisés, formant des nodules parenchymateux profonds dits adénomateux ou des excroissances à la surface d’un revêtement glandulaire dit polyploïde. Les uns et les autres s’accompagnent d’une prolifération cellulaire intense. Ils peuvent persister ou ne subir qu’une involution très lente après suppression de la cause qui les a provoqués, souvent un dysfonctionnement endocrinien. Exemples :

  • Hyperplasie glandulaire prostatique diffuse ou nodulaire.
  • Hyperplasie glandulo-kystique de l’endomètre, polypoïde diffuse ou localisée.
  • Hyperplasie thyroïdienne (goitre) diffuse ou nodulaire.

3 – Tumeur et Dystrophie

Elles peuvent atteindre simultanément des organes pairs (seins, ovaires) et involuer quand leur cause disparaît. Mais la dystrophie se révèle assez souvent, cliniquement et radiologiquement, par des nodules mal limités simulant une tumeur. Plusieurs dystrophies s’expriment, en plus, à l’examen microscopique, par une hyperplasie intense aux contours imprécis qui fait songer, elle aussi, à un processus tumoral. Exemples :

  • Dystrophie fibrokystique du sein.
  • Gynécomastie.

4 – Rapport entre Tumeur et Pseudo-Tumeur

De très nombreux travaux ont montré que, sauf exception, les « tumeurs inflammatoires », « tumeurs hyperplasiques » et « tumeurs dystrophiques », qui sont en réalité des pseudo-tumeurs, ne se transforment pas en cancer et ne devraient pas être considérées comme des « lésions précancéreuses ». On peut assurer pareillement que leur présence ne favorise pas la genèse d’un cancer dans leur voisinage.

Il n’est pas rare qu’une ou plusieurs pseudo-tumeurs inflammatoires se rencontrent aux alentours d’un cancer. Elles possèdent la valeur de pseudo-tumeurs d’accompagnement, constituant une réaction locale à la présence du cancer et aux phénomènes inflammatoires qu’il suscite. Exemples :

  • Pseudo-polype situé en aval d’un cancer du rectum, d’un cancer du larynx ou d’un cancer du sinus maxillaire.
  • Pseudo-polype cervical utérin implanté en aval d’un carcinome de l’endomètre (appelé : polype portier, polype sentinelle).

La coexistence relativement fréquente d’un cancer du sein et d’une dystrophie fibro-kystique soulève un autre problème : le carcinome mammaire ne se développe pas, selon toute vraisemblance, sur un foyer de dystrophie fibro-kystique mammaire, mais l’un et l’autre naissent indépendamment sur un terrain hormonal identique de dérèglement hypophyso-ovarien touchant au premier chef la sécrétion de progestérone et l’hormone lutéotrope (LH).

IV – Place de la Pathologie (Anatomie et Cytologie Pathologique)

Le pathologiste (anatomopathologiste) joue certes un rôle en recherche oncologique fondamentale et appliquée ; ce rôle peut être de premier plan.

La place du pathologiste est également essentielle en épidémiologie oncologique, car la valeur des statistiques et des registres des cancers est tributaire de la qualité des données anatomo-pathologiques, autant, sinon plus, que de la précision des connaissances sur l’évolution de la maladie et sur les conditions d’existence du patient.

Mais la tâche du pathologiste en pratique oncologique est d’ordre plus immédiat. Elle le fait intervenir évidemment à tous les moments de la vie du cancer :

  • Détection et diagnostic quotidiens du cancer.
  • Information fournie au chirurgien par examen extemporané en per-opératoire.
  • Étude des pièces d’exérèse chirurgicale.
  • Surveillance post-thérapeutique.
  • Nécropsie.

Loin de l’isoler dans l’enceinte de son laboratoire, cette tâche le conduit activement avec les cliniciens à l’appréciation du degré d’extension tumorale et à la concertation pluridisciplinaire pré- et post-thérapeutique. Cette tâche exige du pathologiste une expérience consommée de l’anatomie pathologique macroscopique et microscopique ainsi que de la cytopathologie.


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