Insensibilisation dentaire en odontologie – Odontologie Conservatrice
1. L’Anesthésie
Généralités sur l’anesthésie
L’anesthésie constitue le premier temps de toute intervention odontologique. Elle permet de supprimer la sensibilité, améliorant ainsi la qualité de la pratique dentaire grâce à :
- Une meilleure éviction de la carie dentaire.
- Un traitement endodontique plus efficace.
L’anesthésie augmente la rentabilité et évite les pansements successifs. L’anesthésie locale ou régionale supprime la douleur et toutes les sensibilités sans abolir la conscience. Elle agit au niveau des voies sensitives périphériques en provoquant une section physiologique transitoire et réversible du nerf, soit :
- Au niveau terminal dans le cas d’une anesthésie locale.
- Au niveau d’un tronc nerveux dans le cas d’une anesthésie régionale.
Dans la pratique courante, l’anesthésie locale ou locorégionale est la plus employée, permettant de réaliser tous les actes d’odontologie.
Définition de l’anesthésie
L’anesthésie est la suppression transitoire et réversible de la sensibilité d’un territoire donné, bloquant ainsi la sensibilité de toutes les terminaisons nerveuses. Elle vise à supprimer toute sensibilité pendant l’intervention et à créer des conditions optimales (confort opératoire). Il existe trois procédés :
- Locale : Supprime momentanément la fonction des corpuscules sensitifs.
- Régionale : Supprime momentanément la fonction des troncs sensitifs.
- Générale : Supprime momentanément la fonction d’enregistrement de l’encéphale.
Produits anesthésiques
Propriétés de l’anesthésique
Un anesthésique doit :
- Avoir une action réversible avec une faible toxicité.
- Ne pas entraîner d’irritation tissulaire ni de réaction secondaire.
- Ne pas provoquer de réaction allergique.
- Agir rapidement et durer suffisamment.
- Être stable en diffusion et facilement éliminé.
Composition d’un anesthésique
Une solution anesthésique comprend :
- L’anesthésique proprement dit.
- Le conservateur : Agent réducteur pour éviter l’oxydation inhibant la vasoconstriction.
- L’antiseptique : Maintient la stérilité de la solution.
- Le vasoconstricteur.
Mode d’action
Les anesthésiques locaux sont des bases alcaloïdes combinées à des acides pour former des sels hydrosolubles. Injecté dans un tissu au pH alcalin, le sel anesthésique est hydrolysé en une base alcaloïde qui pénètre facilement les tissus interstitiels et la membrane nerveuse. Si le pH est acide (tissu enflammé), la base se libère difficilement, et une forte vascularisation peut entraîner une absorption rapide de l’anesthésique, rendant l’anesthésie insuffisante. Un vasoconstricteur est alors nécessaire.
Biotransformation des anesthésiques
L’anesthésique injecté est capté par le nerf, puis par le système capillaire veineux, transporté vers le foie où il est métabolisé, et éliminé par voie urinaire. Remarque : L’anesthésique traverse la barrière placentaire et les glandes mammaires (éviter l’allaitement après une anesthésie).
Types de produits anesthésiques
Les analgésiques utilisés en dentisterie incluent :
- Amino-esters : Procaïne, benzocaïne (solution ou gel).
- Amino-amides : Lidocaïne, mépivacaïne, articaïne (solution).
- Amino-ethers : Pramocaïne (gel).
Les amino-amides sont privilégiés, notamment :
- Mépivacaïne : Utilisée sans vasoconstricteur.
- Articaïne et lidocaïne : Polyvalentes, utilisées avec vasoconstricteur.
Les solutions avec vasoconstricteur sont les plus utilisées pour un confort de travail sans saignement. Les solutions sans vasoconstricteur sont réservées aux anesthésies intra-septales. Chez la femme enceinte, l’articaïne est la plus appropriée.
Les vasoconstricteurs
Les vasoconstricteurs sont essentiels dans les anesthésiques, offrant plusieurs avantages :
- Réduction du courant sanguin dans la zone concernée.
- Réduction de la quantité et de la toxicité de l’anesthésique en retardant son absorption.
- Prolongation de la durée de l’acte.
- Augmentation de l’efficacité de l’anesthésie.
Types de vasoconstricteurs
- Adrénaline (épinéphrine) : Produite par la glande médullo-surrénale, elle entraîne :
- Une vasoconstriction immédiate suivie d’une vasodilatation secondaire.
- Une augmentation du rythme cardiaque.
- Une augmentation des contractions du myocarde.
- Une hypertension artérielle (HTA) et une hyperglycémie.
- Noradrénaline (norépinéphrine) : Effets secondaires 9 fois supérieurs à ceux de l’adrénaline, elle provoque :
- Une vasoconstriction durable sans vasodilatation secondaire.
- Peu d’effet sur le rythme cardiaque.
- Une hypertension.
Contre-indications des vasoconstricteurs
Contre-indications absolues :
- Phéochromocytome (tumeur riche en adrénaline et noradrénaline).
- Os irradié (> 40 Gy).
- Patients arythmiques (risque cardiaque).
- Diabète.
Non contre-indiqué :
- Patients hyper- et hypothyroïdiens stabilisés.
- Sujets hypertendus stabilisés.
- Cardiopathies coronariennes.
- Asthmatiques, sauf cortico-dépendants.
Instruments nécessaires
Les seringues
- Seringue à carpule métallique stérilisable.
- Seringue jetable pour tronculaire ou à carpule avec système d’aspiration.
- Seringue en forme de stylo pour l’intra-ligamentaire et l’intra-septale.
Les aiguilles
- Anesthésie para-apicale : Diamètre 40/100, longueur 16 mm.
- Anesthésie tronculaire : Diamètre 50/100, longueur 35 mm.
- Anesthésie intra-ligamentaire : Diamètre 30/100, longueur 8 mm.
- Anesthésie intra-septale : Diamètre 40 à 50/100, longueur 8 mm.
Principes généraux des analgésies par infiltration
- Désinfection de la surface ou bain de bouche préopératoire.
- Vérification de la perméabilité de l’aiguille en purgeant la seringue.
- Liquide anesthésique à température ambiante ou proche de celle du corps.
- Injection lente.
- Éviter tout contact osseux ou infiltration sous-périostée.
Techniques d’anesthésie
Anesthésie locale
L’agent anesthésique agit sur un territoire limité, ciblant les rameaux terminaux des nerfs dentaires. Elle insensibilise la gencive, le ligament et la pulpe de quelques dents. Les sensations disparaissent dans l’ordre suivant :
- Douleur.
- Thermique (chaud puis froid).
- Tactile.
Par réfrigération
Utilisation d’un froid intense par évaporation d’une substance volatile (cryo-sprays à base de dichlorotétrafluoroéthane) sur une zone limitée. Cette anesthésie de surface, peu profonde et de courte durée, est utilisée pour :
- L’avulsion de dents très mobiles ou de dents de lait aux racines résorbées.
- L’incision d’abcès collectés et superficiels.
Par contact
Application d’un liquide anesthésique sur une muqueuse par :
- Badigeonnage ou tamponnement de gel/crème : Amino-ester à 20 % (benzocaïne).
- Pulvérisation par spray : Amino-amide à 5-15 % (pressicaïne).
Cette méthode offre une insensibilisation plus longue mais moins intense et peu profonde. Elle est utilisée pour réduire la sensibilité lors de :
- Pénétration d’une aiguille.
- Taille des couronnes en sous-gingival.
- Détartrage.
- Incision d’abcès.
Par infiltration
Le produit anesthésique est déposé au contact des terminaisons nerveuses à l’aide d’une seringue.
Péri-apicale (para-apicale)
La solution est déposée au contact des tables osseuses externes et internes, agissant sur les rameaux terminaux des nerfs pour insensibiliser la gencive, l’os et les ligaments.
Technique (en deux étapes) :
- Côté vestibulaire : Le miroir tend la muqueuse jugale ou labiale. L’aiguille pénètre en direction de la région apicale, au fond du vestibule, le biseau face à l’os. Injecter lentement 2/3 de la carpule jusqu’au blanchiment de la muqueuse.
- Côté buccal : Introduire l’aiguille à mi-distance entre le collet et la région apicale, le biseau face à l’os, et injecter le dernier 1/3. Attendre 2 à 3 minutes avant l’acte.
Durée : 30 à 60 minutes.
Indications :
- Extraction de toutes les dents maxillaires.
- Extraction des dents mandibulaires (bloc incisivo-canin-prémolaire).
Intra-ligamentaire
Technique (en deux temps) :
- Premier temps : L’aiguille est introduite perpendiculairement à l’axe de la dent dans le bourrelet gingival interdentaire, pour anesthésier les ligaments circulaire, face mésiale puis distale.
- Second temps : L’aiguille est orientée parallèlement à la dent, enfoncée dans l’espace desmodontal vers l’apex.
Indications :
- Échec des autres méthodes.
Avantages :
- Très petites quantités nécessaires.
- Bons résultats.
Inconvénients :
- Provoque une ischémie.
- Nécessite des instruments spéciaux (seringue à pression, aiguille fine).
- Contre-indiquée en cas de parodonte affaibli.
Intra-septale
Technique : L’aiguille est introduite au milieu de la papille interdentaire à 90° par rapport à la corticale. La solution est injectée lentement dès la pénétration osseuse.
Indications : Lorsque la péri-apicale est contre-indiquée ou en complément.
Inconvénient : Risque de nécrose partielle ou complète du septum, conduisant à l’abandon de cette technique.
Anesthésie régionale
Injection du produit anesthésique à proximité d’un tronc nerveux pour désensibiliser toute la région sous sa dépendance.
Indications :
- Extraction dentaire en milieu infecté.
- Interventions étendues.
- Avulsion des molaires mandibulaires.
- Chirurgie buccale (dents incluses, fractures mandibulaires, énucleation de kystes maxillaires).
Anesthésie du nerf dentaire inférieur à l’épine de Spix
Description : Très répandue, elle cible le nerf dentaire inférieur avant son entrée dans le canal dentaire inférieur, sans vasoconstricteur pour éviter l’ischémie (vascularisation terminale à la mandibule).
Indications :
- Traitements endodontiques.
- Extraction des molaires inférieures.
- Interventions chirurgicales mandibulaires.
Technique :
- Repérer le bord antérieur de la branche montante avec l’index de la main gauche.
- Diriger la seringue parallèlement aux faces occlusales des molaires, à partir de la canine opposée.
- Enfoncer l’aiguille de 2 à 3 cm jusqu’au contact osseux près de l’épine de Spix.
- Retirer l’aiguille de 1 mm, vérifier l’absence d’effraction vasculaire par aspiration.
- Injecter lentement la totalité du produit si l’aspiration est négative.
- Attendre 5 à 10 minutes pour une anesthésie de 1 h à 1 h 30.
Signes d’anesthésie :
- Engourdissement de l’hémi-lèvre inférieure.
- Fourmillement latéral de la langue et de la commissure.
- Insensibilité de la pulpe dentaire et de la muqueuse linguale (nécessite une péri-apicale vestibulaire pour la muqueuse).
Anesthésie du nerf mentonnier
Description : Anesthésie le bloc incisivo-canin et prémolaire, ainsi que la muqueuse vestibulaire. Le trou mentonnier se situe entre les apex des deux prémolaires.
Technique : Identique à la péri-apicale.
Complications liées à l’usage de l’anesthésie
Complications locales
Complications immédiates
- Injection douloureuse : Due à un produit trop froid, une injection rapide ou un milieu inflammatoire.
- Conduite à tenir : Chauffer la carpule, injecter lentement, injecter à distance du foyer infecté.
- Réflexe nauséeux : Fuite du produit vers l’oropharynx.
- Conduite à tenir : Faire cracher le patient et rincer la bouche.
- Rupture de l’aiguille : Due à un mouvement brusque du patient ou lors d’une anesthésie tronculaire.
- Conduite à tenir : Radiographie pour localiser l’aiguille, ablation chirurgicale, orientation vers un service ORL.
- Lésion vasculaire : Hématome ou ecchymose au point d’injection, pouvant obstruer les voies aériennes.
- Lésion nerveuse : Surtout lors d’une tronculaire (épine de Spix), avec paralysie faciale transitoire ou douleurs intenses.
- Échec de l’anesthésie : Résultant d’une erreur technique, d’un milieu inflammatoire ou de pathologies (éthylisme).
Complications tardives
- Escarre de la fibro-muqueuse : Nécrose de la muqueuse au point d’injection, fréquente au palais, due à une injection trop froide ou rapide. Apparaît comme une perte de substance douloureuse après une semaine.
- Alvéolite : Inflammation/infection de l’alvéole, souvent liée au vasoconstricteur. Douleurs violentes au 3e jour, calmées par des substances à base d’eugénol.
Complications générales
Complications neurovégétatives
- Lipothymie (malaise vagal) : Malaise fréquent sans perte totale de conscience, lié à la fatigue, l’émotion, etc. Symptômes : faiblesse musculaire, pâleur, sueurs, incapacité à répondre.
- Conduite à tenir : Arrêter les soins, placer le patient en position latérale de sécurité (PLS), libérer les voies aériennes, aérer le local, reprendre les soins après régression des signes.
- Perte de connaissance : Interruption brève de la conscience due à un ralentissement circulatoire, un surdosage, une hypoxie ou une chute de glycémie.
- Conduite à tenir : Identique à la lipothymie.
- Crises convulsives : Crise généralisée avec perte de conscience, mouvements convulsifs brusques.
- Conduite à tenir : Allonger le patient en PLS au sol pour éviter les traumatismes.
- Syncope cardio-respiratoire : Arrêt brusque de l’irrigation cérébrale, réversible si brève (< 1 min), sinon risque de séquelles irréversibles ou décès après 3 min.
- Conduite à tenir : Prémédication sédative (Valium 5-10 mg la veille et 1 h avant, ou Atropine 1/2 ampoule 15 min avant).
Complications de surdosage
Résultent d’une injection intravasculaire ou d’une faute professionnelle (dépassement de posologie après échec), ou de pathologies comme une insuffisance hépatique/cardiaque.
Complications allergiques
- Rash érythémateux (visage, cou, avant-bras, mains).
- Urticaire prurigineuse.
- Œdème (lèvres, langue, glotte, pouvant entraîner une asphyxie).
- Choc anaphylactique.
2. Les Escarotiques
Historique
Les anciens médecins arabes utilisaient l’anhydride arsénieux pour calmer les douleurs dentaires. En 1836, Spooner de Montréal l’a employé comme anesthésique de la dentine et agent d’insensibilisation pulpaire.
Formes cliniques d’utilisation
L’anhydride arsénieux (As₂O₃) et le biarsenure de cobalt (CoAs₂) sont les plus utilisés, à une dose de 0,0008 g (0,08 mg). Ils agissent jusqu’à l’apex sans effet néfaste sur le périodonte.
Mode d’action
- Selon Gibbler : L’arsenic imprègne les tissus sans altérer leur structure, mais bloque les échanges, provoquant une inflammation ulcérative séparant le tissu mort du vivant.
- Selon Black : L’anhydride arsénieux détruit le tissu en contact. Appliqué à la pulpe coronaire, il provoque une congestion artérielle comprimant les veines apicales, entraînant la mort de la pulpe par étranglement.
Durée d’application
Selon Marmasse, la durée varie de 1 à 7 jours. Les pansements longs évitent l’hémorragie lors de la dépulpation.
Indications
Utilisation en cas de contre-indication à l’anesthésie.
Contre-indications
- Pulpe mise à nue (risque de diffusion apicale).
- Molaires de lait à racines résorbées.
- Dents à apex non formé.
- Dégradation dentaire (risque de fusée arsenicale).
- Dents antérieures (risque de coloration disgracieuse).
Conclusion
Les anesthésies locales et locorégionales sont indispensables pour de nombreux actes buccaux. Les solutions anesthésiques sont efficaces à faibles doses si elles sont correctement déposées près du tissu nerveux, surtout pour les nerfs de gros calibre. La connaissance des trajets nerveux est cruciale pour une anesthésie réussie.
Bibliographie
- J.F. Gaudy, Mémento : La pratique de l’analgésie en odontologie, 2005.
- Real Clin : Anesthésie intra-orale, juin 2006, 17(2).
- Inf Dent : A. Villette : Intraseptale, intraligamentaire ou la transcorticale ?, 4 oct. 2006, 88(33).
- Inf Dent : A. Villette : Douleur et anesthésie, 26 avril 2006, 88(17), pp. 973-977.
Insensibilisation dentaire en odontologie – Odontologie Conservatrice
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Insensibilisation dentaire en odontologie – Odontologie Conservatrice

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.