Inflammation et histopathogénie de la maladie parodontale
Introduction
Lorsqu’un tissu de l’organisme est lésé par une agression d’origine physique (chaleur, froid, radiation ionisante, électricité), mécanique (traumatisme), chimique ou infectieuse (bactérienne, virale ou parasitaire) et qu’il y a mort cellulaire, cela entraîne la mise en route de phénomènes vasculaires, cellulaires et humoraux qui aboutissent à la réparation du tissu lésé. L’ensemble de ces phénomènes constitue l’inflammation. Ils aboutissent soit à une restitution du tissu lésé (quand ce dernier est capable de se régénérer), soit au remplacement de la zone touchée par une cicatrice fibreuse (quand la lésion est étendue ou que le tissu atteint ne peut se régénérer). Quel que soit le type de réparation tissulaire obtenu, elle est toujours l’aboutissement d’une réaction inflammatoire aiguë. Cependant, lorsque l’agent agresseur persiste, se développe une inflammation chronique d’où résulte une fibrose du tissu.
La parodontite commence par une gingivite et, si l’on laisse le processus inflammatoire continuer, il envahira progressivement les tissus parodontaux plus profonds chez la plupart des patients. Le processus inflammatoire porte en lui-même le potentiel de stimuler la résorption des tissus parodontaux et la formation de poches parodontales.
Rappel
Santé parodontale
La santé parodontale peut se définir comme un état stable dans le temps de l’ensemble des quatre tissus parodontaux (gencives, cément, os alvéolaire et ligament parodontal) qui adhèrent et/ou s’attachent sur la surface entière de la racine dentaire. La partie la plus coronaire de cette attache se trouve à la jonction amélocémentaire.
Caractéristiques cliniques
- Du strict point de vue clinique, la gencive saine est fermement attachée aux structures sous-jacentes, d’aspect rose pâle, piquetée en peau d’orange et ne saigne pas au brossage, à la mastication, spontanément et/ou au sondage effectué avec une force d’environ 50 g.
Caractéristiques radiographiques
- Radiologiquement, un cliché rétro-alvéolaire, réalisé dans les conditions optimales d’exposition et de développement, objective des structures parodontales interproximales profondes (os alvéolaire notamment) intactes avec une crête osseuse se situant à environ 2 mm de la jonction amélocémentaire (espace réservé à l’attache épithélioconjonctive).
- Certains auteurs admettent que la présence de la lamina dura (ligne blanche soulignant le contour des racines en périphérie de l’alvéole) est synonyme de santé parodontale, alors que sa disparition ou son absence serait le signe de maladie.
Composition des tissus
Les tissus parodontaux sains ne présentent que peu (ou pas) de signes d’inflammation, et les tissus conjonctifs sont infiltrés essentiellement par des polynucléaires neutrophiles et des lymphocytes. La flore microbienne supra- et sous-gingivale compatible avec la santé parodontale se compose essentiellement de cocci et filaments Gram positif aérobies en nombre relativement peu élevé, et peu ou pas mobiles.
Maladie parodontale
La maladie parodontale est caractérisée par l’inflammation gingivale, la formation de poches parodontales, la destruction du ligament parodontal et de l’os alvéolaire, ainsi que la mobilisation progressive des dents.
Signes cliniques
- La gencive présente en général une inflammation chronique, sa couleur varie du rouge au bleu, sa consistance varie de molle et effondrée (œdématiée) à ferme (fibreuse), son piqueté est moins marqué, son contour est arrondi au niveau de la gencive marginale et les papilles interdentaires sont émoussées, son volume est augmenté.
- On constate généralement un saignement provoqué par l’examen instrumental.
- La profondeur des poches est augmentée. Une pression sur la poche fait souvent sourdre un exsudat purulent.
- On peut noter une mobilité dentaire.
Signes radiographiques
- La crête de l’os alvéolaire se situe à plus de 2 ou 3 mm apicalement à la jonction amélocémentaire, indiquant une perte d’os alvéolaire.
- La crête de l’os alvéolaire paraît floue, et la lamina dura crestale n’est pas bien définie.
- Les zones de bifurcation et de trifurcation des racines des molaires présentent des radiotransparences significatives d’une perte d’os interradiculaire.
- Il y a diminution de la densité de l’os interdentaire.
Étiologie des maladies parodontales
L’agent étiologique principal incriminé dans la succession des stimulations inflammatoires et immunologiques des parodontopathies est la composante bactérienne de la plaque dentaire.
Définitions
Inflammation
L’inflammation est l’ensemble des réactions de l’organisme provoquées par une agression quelle qu’en soit la nature (microbe, levure, virus, agent toxique, traumatisme, etc.). L’agression entraîne une lésion autour de laquelle se constitue le processus inflammatoire.
Pathogénie
C’est le mécanisme par lequel l’étiologie aboutit à l’apparition de la maladie.
Histopathogénie
C’est l’étude microscopique des variations tissulaires inflammatoires du parodonte suite à la colonisation du sulcus par une flore parodontopathogène.
Histopathologie
C’est l’étude histologique des cellules et tissus atteints par une multitude d’anomalies, tumorales, inflammatoires, dégénératives.
Progression de la maladie parodontale
La pluralité tissulaire et la complexité du mode d’attache de la dent à ses tissus de soutien font de la région gingivodentaire une zone particulièrement vulnérable aux mécanismes pathogéniques. Les substances secrétées par les micro-organismes de la plaque dentaire s’infiltrent le long de l’épithélium formant la paroi du sillon gingivodentaire et entraînent une lyse des fibres gingivales près de leur attache cémentaire, une ulcération, une mise à nu du tissu conjonctif se traduisant par un saignement spontané ou provoqué. L’inflammation se propage ensuite dans l’os alvéolaire suivant les voies vestibulaires et linguales. Il s’ensuit une prolifération de l’attache épithélioconjonctive dans le sens apical.
Les phénomènes essentiels du processus inflammatoire
On peut considérer la réaction inflammatoire aiguë comme la première ligne de défense tissulaire intervenant après une irritation ou une agression, tandis que la réaction inflammatoire dite chronique peut être considérée comme la deuxième ligne de défense.
Inflammation aiguë
La réaction inflammatoire aiguë apparaît au sein du tissu conjonctif suite à une agression (microbienne, chimique, thermique ou mécanique). La réaction inflammatoire est caractérisée par l’apparition de modifications vasculaires et cellulaires qui aboutissent à une détérioration passagère ou permanente des constituants tissulaires normaux, ceci provoque une altération ou une perte de la fonction normale du tissu affecté. L’objectif de la réaction inflammatoire locale est la protection des tissus exposés contre la pénétration de substances nocives ainsi que d’établir les conditions favorables pour la réparation ou la régénération des structures endommagées.
Par conséquent, la réaction inflammatoire locale devrait être considérée comme bénéfique pour le corps dans le sens où elle isole les substances pathogènes, protégeant ainsi les parties les plus éloignées du corps.
Réaction vasculaire
La réaction vasculaire se développe rapidement après l’agression, son but est :
- D’approvisionner la zone endommagée en protéines plasmatiques et en fluide nécessaire à l’isolement rapide de l’irritant et du tissu endommagé.
- D’apporter des substances antibactériennes et des médiateurs du processus inflammatoire sur le site de la lésion.
La réaction vasculaire se caractérise par :
- Une dilatation vasculaire.
- Une diminution de la vitesse du flux sanguin dans la partie affectée du tissu.
- Une augmentation de la perméabilité des vaisseaux suite à la rétraction des cellules endothéliales.
Ces modifications sont responsables du passage dans la zone endommagée d’un liquide appelé œdème ou exsudat, constitué d’eau, d’électrolytes, de nutriments et d’une concentration élevée de protéines plasmatiques.
Les manifestations cliniques de l’inflammation aiguë sont la rougeur, la chaleur, la douleur et la tuméfaction.
Réaction cellulaire
Les leucocytes, les granulocytes neutrophiles et les monocytes migrent hors du système vasculaire et pénètrent dans le tissu conjonctif adjacent. Cette diapédèse est induite par une stimulation chimiotactique. Les granulocytes neutrophiles sont responsables de la phagocytose de particules étrangères, de substances nuisibles, de micro-organismes. Ils contiennent dans leur cytoplasme de nombreux granules (lysosomes) qui renferment des enzymes et des substances antibactériennes ainsi que des médiateurs de l’inflammation. Les enzymes lysosomiaux libérés par les neutrophiles au cours de la phagocytose peuvent provoquer une importante destruction tissulaire.
Les monocytes et leur forme transmutée, les macrophages (qui apparaissent lorsque les monocytes sont stimulés au cours de la réaction inflammatoire locale), sont des cellules qui ont des fonctions semblables à celles des granulocytes neutrophiles. Les macrophages contiennent un grand nombre de lysosomes et participent à la phagocytose de micro-organismes et de matériel nuisible.
Après phagocytose et élimination de l’irritant, commence la cicatrisation au cours de laquelle sont libérées des substances qui provoquent une augmentation de la prolifération des fibroblastes et de leur activité métabolique.
Inflammation chronique ou réaction immunitaire
La réponse immunitaire est déclenchée quand la réaction inflammatoire locale est insuffisante pour éliminer le matériel infectieux (antigène). Le passage à la chronicité se traduit par l’établissement d’un état d’équilibre entre les phénomènes de destruction et de réparation tissulaire, cet état pouvant durer des années. Le but principal de la réponse immunitaire est d’identifier et lier l’agent nuisible (antigène) ainsi que d’activer les phagocytes. Les réactions immunitaires ont deux fonctions majeures :
- La production d’anticorps (réaction immunitaire).
- La participation de certains lymphocytes (réaction à médiation cellulaire).
Dans la plupart des situations, les deux réactions surviennent simultanément, mais l’une ou l’autre peut prédominer selon le caractère de l’antigène.
Réaction à médiation humorale
Anticorps
Les anticorps sont produits par les plasmocytes qui se différencient à partir de lymphocytes. Les anticorps sont déversés soit dans les tissus sur le site de la réaction, soit dans le ganglion lymphatique à partir duquel ils gagnent la circulation. Les molécules d’anticorps et d’antigènes se lient pour former un complexe immun. L’antigène est ainsi fixé et son effet biologique est, dans de nombreux cas, neutralisé.
Le complément
L’activation du système du complément est une conséquence très importante de la formation de complexes immuns. Le système du complément est constitué d’une série d’au moins neuf protéines différentes présentes dans le plasma. L’activation du complément aboutit à la formation de médiateurs de la réaction inflammatoire locale. Les facteurs libérés par l’activation du troisième composant du complément, C3, induisent une augmentation de la perméabilité vasculaire et amplifient la phagocytose effectuée par les granulocytes neutrophiles et les macrophages. Le complexe immun est éliminé par la réaction inflammatoire aiguë (exsudation et phagocytose) déclenchée et entretenue par les composants du complément activés.
Réaction immunitaire à médiation cellulaire
La réaction immunitaire à médiation cellulaire est conduite par des cellules appartenant à la série lymphocytaire T. Les lymphocytes T libèrent des substances lymphokines lorsqu’ils entrent en contact avec un antigène. Les lymphokines sont impliquées dans la défense de l’hôte contre les bactéries et les cellules étrangères ; de plus, elles ont le pouvoir d’assurer la médiation des différentes phases de la réaction inflammatoire locale. De nombreux processus immunitaires impliquent une association des réactions cellulaires B et T.
Histopathologie et pathogénie
Quatre stades anatomopathologiques du développement des lésions parodontales ont été décrits : le premier correspond à l’état de santé, les stades 2 et 3 à la gingivite, et le dernier stade à la parodontite.
Lésion initiale (ou gencive macroscopiquement saine)
Survient dans les 2 à 4 jours qui suivent le début de l’accumulation de plaque. Les caractéristiques de la lésion initiale sont :
- Hypervascularisation près de l’épithélium de jonction associée à une augmentation de la perméabilité vasculaire.
- Augmentation du flux du fluide gingival.
- Déplacement de leucocytes vers l’épithélium de jonction et le sulcus gingival.
- Des protéines plasmatiques de défense (complément et immunoglobulines) sont retrouvées dans le fluide gingival.
- Altération des parties coronaires de l’épithélium de jonction.
- Désorganisation des fibres collagènes entourant les vaisseaux sanguins.
Lésion précoce (débutante) (gingivite)
Entre le 4e et le 7e jour, elle est marquée par l’exagération des signes de la lésion initiale :
- Formation et maintien d’un infiltrat inflammatoire dense riche en lymphocytes T au sein du tissu conjonctif gingival.
- Altération des composants cytoplasmiques des fibroblastes.
- Destruction plus importante de fibres collagènes gingivales (les fibres conjonctives dentogingivales et circulaires qui soutiennent l’épithélium jonctionnel sont les plus dégradées).
- Prolifération des cellules basales de l’épithélium de jonction et de l’épithélium sulculaire.
Lésion établie ou gingivite établie
Environ trois semaines après l’arrêt du brossage, les signes de l’inflammation aiguë persistent :
- Destruction continue des fibres collagènes.
- L’épithélium de jonction n’est plus fonctionnel, les espaces intercellulaires s’ouvrent avec rupture des desmosomes intercellulaires et la membrane basale est détruite en certains endroits.
- Prolifération et migration apicale de l’épithélium de jonction.
- Le réseau vasculaire sous-jacent prolifère et forme des anses vasculaires qui ne sont séparées de l’espace sulculaire que par une à deux assises cellulaires, ce qui explique les gingivorragies retrouvées chez les patients.
- L’exsudat de fluide augmente et l’œdème gingival s’accroît, entraînant la formation de fausses poches.
- Prédominance des plasmocytes dans l’infiltrat inflammatoire.
- Accumulation d’immunoglobulines et de complexes antigène-anticorps dans le tissu conjonctif.
Lésion avancée ou parodontite
Elle est typique de la parodontite et caractérisée par :
- La continuation des signes de la lésion établie.
- La propagation de la lésion dans l’os alvéolaire et le ligament parodontal, entraînant une destruction osseuse.
- La perte des fibres collagènes contiguës à l’épithélium de la poche.
- Fibrose dans les zones périphériques.
- Présence de plasmocytes altérés.
- Formation d’une poche parodontale.
- Des phases d’exacerbations et des phases de très faible activité pathologique.
- La transformation de la moelle osseuse en tissu conjonctif fibreux.
Conclusion
À partir des différentes données immunologiques et bactériologiques, nous pouvons déduire que les enzymes produits par les bactéries peuvent déclencher toute la cascade des phénomènes immunitaires. L’ensemble de ces phénomènes est sous la dépendance de la masse bactérienne et de la régulation de la colonisation. Des phénomènes autodestructeurs au sein des tissus parodontaux peuvent aussi être déclenchés. Devant la complexité des mécanismes, notre attitude sera essentiellement préventive par le détartrage supra- et sous-gingival, ainsi que le surfaçage radiculaire, et l’éducation de notre patient à une hygiène rigoureuse.
Bibliographie
- E.A. Pawlak et Ph.M. Hoag, Manuel de parodontologie, Masson, Paris, Barcelone, Milan, Mexico, 1988.
- J.A. Charon, F. Joachim, Ph. Sandel, C. D’Orange.
- Jan Lindhe, Manuel de parodontologie clinique, édition CDP.
- Joël Itic, François Alcouffe, Interprétations actuelles des mécanismes pathogéniques en parodontologie, Question 3e cycle, S.E.I.D, Paris Éditeur.
- J.M. Megarbane, J.F. Tecucianu, Pathogénie bactérienne des parodontolyses, EMC 22030 A 20, 6-1976.
- Bercy, Tenenbaum, Parodontologie : du diagnostic à la pratique, De Boeck-Université.
- Philippe Bouchard, Parodontologie, dentisterie implantaire, volume 1 : médecine parodontale.
- P. Fréneaux, AHU, Service d’anatomie et de cytologie pathologique du Pr J. Amouroux, Hôpital Avicenne, Bobigny, Inflammation.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
Inflammation et histopathogénie de la maladie parodontale

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.