Fractures de la Mandibule

Fractures de la Mandibule

Fractures de la Mandibule

Introduction

Définies classiquement comme une solution de continuité de l’os, les fractures mandibulaires ont des répercussions à des degrés divers, selon leur forme anatomo-clinique et leur localisation, sur la fonction manducatrice et l’esthétique de la face. En effet, de par :

  • Sa position avancée,
  • Sa mobilité,
  • Sa forme en fer à cheval,
  • Ses zones de faiblesse (symphysaire, angulaire, condylienne),

la mandibule constitue un véritable pare-chocs de la face, ainsi elle est souvent le premier obstacle atteint par un agent vulnérant.

Une bonne maîtrise des bases anatomiques et biomécaniques de l’os mandibulaire permet de mieux appréhender les mécanismes de survenue de ces pathologies traumatiques. Une thérapeutique bien adaptée, basée sur des moyens fonctionnels et/ou orthopédiques et/ou chirurgicaux, permet d’éviter les complications.


1. Rappel

1.1 Anatomie Descriptive

La mandibule est un os impair et symétrique qui constitue le massif facial inférieur. C’est le seul os mobile de la face, mobilité assurée par l’articulation temporo-mandibulaire (ATM). Elle se divise en deux parties :

  • Le corps mandibulaire : partie antéro-inférieure qui supporte les dents mandibulaires. Il présente une forme en « fer à cheval ».
  • Les branches montantes ou « Ramus » : deux parties latérales et verticales en continuité avec le corps, qui s’articulent dans leur zone supérieure à l’os temporal.

1.2 Bases Musculaires

Un rappel sur ces muscles est essentiel pour comprendre les déplacements secondaires provoqués en cas de fracture mandibulaire.

1.2.1 Les Muscles Élévateurs de la Mandibule

  • Le Masséter : Constitué de deux faisceaux. L’insertion supérieure s’effectue au bord inférieur de l’os zygomatique, l’insertion inférieure sur l’angle mandibulaire.
  • Le Temporal : En forme d’éventail, la base est située sur la ligne temporale inférieure, la fosse temporale et la face médiale de l’aponévrose temporale ; le sommet inférieur correspond au processus coronoïde.
  • Le Ptérygoïdien Latéral : Logé dans la région de la fosse temporale, il a la forme d’un éventail dont la base antérieure correspond à la base du crâne et le sommet postérieur à l’ATM.
  • Le Ptérygoïdien Médial (anciennement « Ptérygoïdien interne ») : Insertion supérieure sur la fosse ptérygoïdienne et la tubérosité du maxillaire ; insertion inférieure sur la région goniaque.

1.2.2 Les Muscles Abaisseurs de la Mandibule

Situés entre l’os hyoïde et la mandibule, moins puissants, ils sont au nombre de quatre :

  • Le Digastrique
  • Le Mylo-Hyoïdien
  • Le Génio-Hyoïdien
  • Le Stylo-Hyoïdien

2. Épidémiologie

Les traumatismes de la mandibule concernent l’homme jeune (20 à 30 ans dans 35 % des cas), avec un sex-ratio variable mais toujours en faveur du sexe masculin.
Les causes les plus fréquentes sont :

  • Les rixes (57 %),
  • Les accidents de la voie publique (12 %),
  • Les chutes et accidents de sport (13,7 %).

Répartition des fractures au sein de la mandibule (d’après Dingman et Natvig) :

  • Région condylienne : 36 %
  • Région de la branche horizontale : 21 %
  • Région de l’angle : 20 %
  • Région de la symphyse : 14 %
  • Région des branches montantes : 3 %
  • Région des procès alvéolaires : 3 %
  • Région de l’apophyse coronoïde : 2 %

Topographie des fractures mandibulaires :

  1. Condyle
  2. Branche montante
  3. Angle mandibulaire
  4. Coronoïde
  5. Portion alvéolo-dentaire
  6. Branche horizontale
  7. Symphyse et parasymphyse

3. Pathogénie

La mandibule présente plusieurs points faibles : région incisive et prémolaire, région de l’angle et du col du condyle. Elle apparaît plus fragile aux chocs latéraux qu’aux chocs frontaux.

3.1 Mécanismes

Deux mécanismes peuvent aboutir à une fracture de la mandibule :

  • Direct : Au point d’application du choc, notamment au niveau des pare-chocs symphysaires ou angulaires.
  • Indirect : À distance du point d’impact, le plus souvent au niveau des zones de faiblesse (angle et col du condyle) par hyperflexion des courbures naturelles (exemple : choc sur le menton avec retentissement condylien).

Lignes de faiblesse de la mandibule :

  1. Axe de la canine mandibulaire
  2. Axe oblique mésial de la dent de sagesse mandibulaire
  3. Col du condyle

3.2 Variétés

Les fractures de la mandibule peuvent être :

  • Partielles (non interruptrices) : alvéolaire, basilaire, coronoïdienne…
  • Complètes ou totales : rompant la continuité mandibulaire.

Chez l’enfant, deux types spécifiques de fractures partielles :

  • Fracture en bois vert : l’os n’est pas rompu sur toute sa circonférence.
  • Fracture en motte de beurre : tassement localisé de l’os.

Type de foyer de fracture :

  • Simple
  • Pluri-fragmentaire
  • Comminutif
  • Avec perte osseuse

Nombre de foyers :

  • À foyer unique (unifocale)
  • Multiple (plurifocale)

4. Démarche Diagnostique

4.1 Examen Clinique

D’abord facial puis oral, l’examen clinique est complété si nécessaire par des examens neurologique, ophtalmologique et général.

Examen Facial

  • Inspection : Mise en évidence de :
    • Lésions des téguments (ecchymoses, hématomes, plaies).
    • Déformations squelettiques mandibulaires, souvent majorées lors des mouvements d’ouverture et de fermeture buccale (de face : déviation du menton, élargissement du visage ; de profil : rétrogénie).
  • Palpation : Exploration du bord basilaire de la mandibule (symphyse, branches horizontales, angles) à la recherche de déformations ou points douloureux. Dans les fractures peu déplacées :
    • Pression antéro-postérieure sur la symphyse pour rechercher une douleur angulaire ou temporo-mandibulaire.
    • Pression latérale sur les angles pour rechercher une douleur symphysaire.
    • Palpation bilatérale des conduits auditifs externes et des régions prétagiennes pour explorer sensibilité et mobilité condylienne.
      Un examen de la totalité de la face doit être effectué.

Examen Oral

  • Inspection : Appréciation de :
    • Lésions muqueuses (plaies gingivales, plaies linguales, hématome pelvi-buccal parfois extensif et responsable d’une gêne respiratoire).
    • Lésions des arcades alvéolo-dentaires (dents absentes, caries, obturations, mobilité dentaire, fractures dentaires, fractures alvéolaires, état du parodonte, existence de prothèses).
    • État des dents situées dans le foyer de fracture ou à proximité.
    • Anomalies de l’occlusion (béance, linguoversion…) en se référant à l’occlusion préexistante (demander au blessé ou étudier les facettes d’usure dentaire).
    • Dynamique mandibulaire, notamment l’ouverture buccale (trismus évoquant une fracture de la partie rétrodentée).
  • Palpation : Exploration du bord alvéolo-dentaire, du vestibule inférieur, du bord antérieur de la branche montante et de la base du coronoïde, à la recherche de déformation, point douloureux ou mobilité anormale des dents/arcades dentaires.

Autres Examens

Indiqués surtout dans le cadre d’un polytraumatisé :

  • Examen neurologique systématique.
  • Examen ophtalmologique.
  • Examen général.

4.2 Examen Radiologique

En urgence, la confrontation d’une incidence « face basse » et d’un panoramique suffit pour confirmer le diagnostic et contrôler le résultat thérapeutique.

  • Radiographie panoramique (orthopantomogramme) : Vue étalée de la mandibule et de la denture, mais l’étalement ne permet pas de juger de l’importance et de la direction exacte des déplacements.
  • Incidence face basse (front-nez-plaque) : Vue symétrique et allongée de l’arc mandibulaire de face (condyle, ramus, angle, partie postérieure du corpus).
  • Autres incidences possibles : Profil de la face, maxillaires défilés, Schuller.
  • TDM (tomodensitométrie) : Demandée en seconde intention, notamment pour explorer la région condylienne ou lors de fractures plurifocales et associées.

5. Formes Anatomo-Cliniques

5.1 Fractures Unifocales

Classiquement, on distingue les fractures de la portion dentée et de la portion non dentée.

5.1.1 Fractures de la Région Dentée

  • Fractures Symphysaires et Parasymphysaires :
    Localisées entre les faces distales des deux canines. Le trait de fracture est variable (médian, paramédian, oblique ou vertical), avec une localisation préférentielle le long d’une racine dentaire, spécifiquement la canine (raréfaction de l’os).
    Signes cliniques souvent discrets dans les formes unifocales, parfois tardifs avec déplacements secondaires. Une simple plaie de la muqueuse gingivale peut être le seul signe révélateur. Tout traumatisme sur la région mentonnière doit faire rechercher une lésion condylienne.
  • Fractures de la Branche Horizontale :
    Portion entre la canine et la deuxième molaire. Mécanisme souvent direct, trait vertical ou oblique en bas et en arrière. Déplacements plus marqués :
    • Ascension du fragment postérieur (béance incisive).
    • Chevauchement (latérodéviation du côté fracturé, déplacement vestibulaire ou lingual des molaires voisines).
      Anesthésie mentonnière fréquente ; rupture exceptionnelle de l’artère alvéolaire inférieure pouvant causer une hémorragie gravissime.
  • Fractures Alvéolo-Dentaires :
    Isolées ou associées à une solution de continuité de l’os basal, elles succèdent à un impact direct sur l’arcade dentaire. Trait horizontal détachant l’os alvéolaire, pouvant entraîner :
    • Déplacement d’une ou plusieurs dents (linguoversion).
    • Fractures dentaires (radiculaires, coronaires, avec ou sans ouverture pulpaire).
    • Mobilité anormale des dents avec l’os qui les supporte.
    • Perte des dents (bloc incisivo-canin surtout).
  • Fractures de l’Angle Mandibulaire :
    Région entre une ligne verticale (face distale de la deuxième molaire) et une ligne horizontale (rebord alvéolaire). Mécanisme direct ou indirect, favorisé par une dent de sagesse incluse ou enclavée.
    Trait oblique en bas et en arrière longeant une face de la dent de sagesse (si présente).
    Sans dent de sagesse : ramus attiré vers le haut, avant et dehors (masséter) ; corpus vers le bas et dedans (mylo-hyoïdien). Déplacement discret si fragments bien enserrés par la sangle musculaire (fracture pouvant passer inaperçue).

5.1.2 Fractures de la Région Non Dentée

  • Fractures de la Branche Montante :
    Région de l’angle mandibulaire aux apophyses du condyle et du coronoïde. Rares, déplacements peu fréquents grâce à la gaine musculaire (masséter, ptérygoïdien médial).
    Limitation d’ouverture buccale ; dans les cas déplacés, contact prématuré homolatéral (diminution de la longueur de la branche montante).
  • Fractures du Coronoïde :
    Parfois méconnues, souvent associées à des fractures du malaire. Consécutives à un choc latéral direct en bouche ouverte. Contraction du temporal entraînant un trismus serré ; processus coronoïde attiré en haut et en arrière.
  • Fractures du Condyle :
    Tête condylienne et col sous-jacent, souvent par traumatisme indirect (choc sur le menton ou mandibule côté opposé). Trois types :
    1. Fractures Sous-Condyliennes Basses (Basicervicales) :
      Trait extra-articulaire de l’échancrure sigmoïde au bord postérieur, oblique en bas et en arrière. Sans déplacement, occlusion intacte (parfois inaperçue). Douleurs spontanées ou lors des mouvements devant l’oreille ; appareil discal respecté.Fractures Sous-Condyliennes Hautes (Cervicales) :
      Trait intra- ou extra-articulaire au col anatomique, horizontal. Condyle attiré en avant et dedans, déplacement important : perte d’occlusion, béance incisive, latérodéviation (morsure en deux temps).Fractures Capitales (Condyliennes Vraies) :
      Tête du condyle, par trait unique (pôle médial ou décapitation) ou éclatement.

  • Fractures du condyle et du coronoïde :
    1. Fracture capitale
    2. Fracture condylienne haute
    3. Fracture sous-condylienne basse
    4. Fracture du coronoïde
  • Fractures Partielles du Bord Basilaire :
    Rares, secondaires à un choc direct isolant des fragments osseux ou écrasement comminutif sans interruption de la continuité. Zones touchées : bord inférieur de la branche horizontale, saillie mentonnière, angle mandibulaire.

5.2 Fractures Mandibulaires Plurifocales

Succèdent à un traumatisme violent, souvent à foyers doubles (symétriques ou asymétriques), parfois triples ou plus, parfois comminutives ou avec perte de substance osseuse.

5.2.1 Fractures Bifocales Symétriques

Forces musculaires équilibrées, déplacements symétriques.

  • Fractures Bi-Parasymphysaires :
    Chutes violentes sur le menton. Fragment médian en linguoversion, attiré en bas et en arrière par la masse linguale (glossoptose, risque d’asphyxie nécessitant une traction d’urgence sur la langue).
  • Fractures Bi-Angulaires :
    Corpus attiré en bas, arrière et dedans des branches montantes ; recul de la partie dentée, béance de l’arcade, contact arrière avec tubérosité maxillaire ou dernière dent.

5.2.2 Fractures Trifocales

Associations fréquentes :

  • Symphyse + deux condyles.
  • Symphyse + deux angles mandibulaires.

6. Complications

6.1 Complications Immédiates

Troubles respiratoires par :

  • Œdème ou hématome du plancher buccal.
  • Glossoptose (fracture bi-parasymphysaire).

6.2 Complications Secondaires

  • Troubles Sensitifs : Territoire du nerf alvéolaire inférieur. Immédiats et transitoires (contusion) ou définitifs (traumatismes sévères : hypo-/anesthésie, dysesthésies, paresthésies).
  • Risque Septique : Abcès, ostéite, pseudarthrose septique. Rare grâce à une prise en charge rapide et antibioprophylaxie systématique.
  • Ankylose Temporo-Mandibulaire : Fracture condylienne non traitée.
  • Retard de Consolidation et Pseudarthrose.

Fractures de la Mandibule

Voici une sélection de livres:

Parodontologie Relié – 1 novembre 2005

Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011

Parodontologie Broché – 19 septembre 1996

MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE

Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient

Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé

Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1

Endodontie, prothese et parodontologie

La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020

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