FORCES EXTRA-ORALES
Définition des FEB
Les forces extra-buccales (FEB) sont des dispositifs permettant d’exercer des forces sur les dents ou une arcade dentaire à partir d’un appui crânien ou cervical, évitant ainsi de solliciter un ancrage dentaire. Selon l’appui et l’intensité des forces, ces dispositifs peuvent avoir une action orthopédique sur les sites de croissance faciale. Dans la littérature, les FEB sont classées en headgear et reverse ou protraction headgear.
Historique des FEB
L’utilisation des forces extra-orales remonte au XIXe siècle.
- 1865 : Norman W. Kingsley décrit la première application d’un appareil « sur le derrière de la tête » dans le Dental Cosmos. L’appui crânien (« Skull cap ») est en cuir, et la force des rubans élastiques agit sur une plaque amovible en vulcanite dégagée derrière les incisives (fig. 1).
- 1886 : John N. Farrar publie une étude sur l’ancrage des dents lors de la fermeture des espaces d’extraction, concluant à la nécessité d’un ancrage crânien complémentaire à l’arc fixe intra-oral, maintenu par un large anneau autour des oreilles avec fixations pour élastiques (fig. 5).
- 1907 : Angle, dans la 7e édition de son livre, décrit un casque en soie ou tricot répartissant bien la pression, avec un ruban élastique passant sous et au-dessus de l’oreille. Il préfère cependant l’ancrage de Baker (élastiques de Classe II).
- Première moitié du XXe siècle : L’intérêt pour les FEB diminue avec la popularité des élastiques intermaxillaires.
- 1936 : Oppenheim ravive l’intérêt avec l’arc facial, enseigné à Kloehn à l’Université de l’Illinois, qui popularise le dispositif en Amérique en modifiant le harnais pour n’utiliser qu’un collier cervical (cervical facebow).
- 1969 : Delaire introduit des tractions postéro-antérieures avec son masque pour Classe III.
Objectifs des FEB
Les objectifs des appareils extra-oraux se divisent en cinq catégories :
- Renforcement de l’ancrage.
- Effet orthopédique sur les mâchoires.
- Contrôle vertical du visage.
- Modification de l’inclinaison du plan occlusal.
- Mouvement des dents.
Forces extra-orales à action antéro-postérieure
Au maxillaire
FEB sur molaire
Description
Ce dispositif comprend :
- Un appui dentaire : Bagues scellées, généralement sur les premières molaires maxillaires (plus rarement les secondes), munies d’un tube cylindrique pour accueillir l’arc intra-oral de l’arc facial.
- Un arc facial :
- Arc interne intra-oral : Adapté à la forme de l’arcade, inséré dans les tubes des bagues molaires, bloqué par une butée (baïonnette, boucle en U, trombone, etc.). Il passe à environ 5 mm des faces vestibulaires des incisives ou de leurs attaches. Une plicature en V ou U ajuste sa longueur pour le recul des molaires.
- Arc externe : Terminé par un crochet pour fixer l’élément moteur, avec des branches :
- Courtes : Crochet en avant des molaires.
- Moyennes : Crochet au niveau des molaires.
- Longues : Crochet en arrière des molaires.
- Un élément dynamique : Dispositif élastique ou ressort comprimé, fixé sur les crochets de l’arc externe et l’ancrage crânien, muni d’une sécurité pour prévenir les blessures, notamment oculaires.
- Un ancrage crânien ou cervical :
- Bande au niveau de la nuque (traction cervicale, type Kloehn).
- Casque permettant une traction :
- Intermédiaire (occipitale).
- Haute (pariétale).
Indications et contre-indications
Indications :
- Renforcer l’ancrage des molaires pour s’opposer à leur déplacement sous l’action des tractions intermaxillaires de Classe III (technique Edgewise) ou lors du recul canin/incisif.
- Déplacer les molaires, principalement les reculer, pour :
- Corriger une Classe II par recul sectoriel de l’arcade maxillaire.
- Libérer de l’espace dans les cas d’encombrement maxillaire ou de mésioposition molaire.
- Corriger la dérive mésiale des molaires dans un espace d’extraction ou après perte prématurée de molaires temporaires.
- Reculer en masse l’arcade maxillaire dans les Classe II.
Contre-indications :
- Encombrement postérieur aggravé par les FEB, nécessitant souvent une extraction (dent de sagesse) si le recul molaire est recherché.
- Hyperdivergence mandibulaire sévère ou postéro-rotation mandibulaire.
- Non-coopération du patient, environnement familial défavorable, mode de vie irrégulier, problèmes psychologiques ou sommeil perturbé.
- Troubles posturaux.
- Enfants trop jeunes (apex molaire insuffisamment édifié pour éviter les déformations radiculaires).
Intensité et port
- Action orthodontique : Force inférieure à 450 g, portée 10 à 12 heures par nuit.
- La durée dépend des objectifs (ancrage ou recul).
Analyse biomécanique et action des FEB
Action sur les molaires d’ancrage
Plan sagittal :
- Force décomposée en :
- Composante antéro-postérieure : Recule la molaire.
- Composante verticale : Égression ou ingression selon l’appui crânien.
- La force ne passant généralement pas par le centre de résistance de la molaire, elle induit un moment de version :
- Corono-distale : Si la ligne d’action passe sous le centre de résistance.
- Corono-mésiale : Si elle passe au-dessus.
- La ligne d’action est déterminée par la droite joignant le crochet de l’arc externe à l’ancrage crânien. Le moment est modulé par la longueur et l’angulation des branches externes.
Plan frontal :
- La composante verticale crée un moment de version :
- Corono-vestibulaire : Force ingressante (traction haute).
- Corono-palatine : Force égressante (traction basse).
Plan horizontal :
- La force s’exerce dans le plan sagittal médian. Une action asymétrique est possible en modifiant la longueur ou l’écartement d’une branche externe (force plus importante du côté de la branche plus longue/écartée).
Action sur l’arcade maxillaire et le maxillaire
- Freine le déplacement antérieur du maxillaire et de l’arcade maxillaire pendant la croissance (plus marqué avec un réglage favorisant le recul apical des molaires, selon Philippe).
- Provoque une rotation horaire du plan palatin et de l’arcade maxillaire (surtout avec traction cervicale), pouvant entraîner un sourire gingival ou freiner la croissance mandibulaire (Merrifield et Cross).
Action sur la mandibule
- Égression des molaires maxillaires : Rotation postérieure de la mandibule avec recul du point B.
- Freinage ou ingression des molaires : Contribue au contrôle vertical de la croissance, mais la fermeture du plan mandibulaire est rare en raison d’une égression compensatrice des molaires mandibulaires et du déplacement distal des molaires maxillaires.
Réglage des FEB
Choix de la traction
- Ancrage cervical : Provoque une égression molaire, ouvrant l’occlusion et favorisant une rotation postérieure de la mandibule. À éviter chez les sujets hyperdivergents.
- Ancrage pariétal/occipital : Exerce une force ingressante, freinant l’égression molaire. Recommandé pour :
- Sujets hyperdivergents ou à rotation postérieure.
- Stabilisation des molaires maxillaires contre les tractions intermaxillaires.
Réglage des branches internes
- Ajustement de la boucle de compensation et de la butée pour une insertion facile dans les tubes molaires, à 5 mm des faces vestibulaires des incisives.
- Expansion légère possible pour compenser :
- Le moment de version corono-linguale (traction basse).
- L’incoordination transversale entre arcades due au recul parallèle des molaires maxillaires.
- En cas d’ancrage, les moments parasites sont contrôlés par un arc transpalatin ou l’arc orthodontique.
Réglage des branches externes
- Adaptation de la longueur et de l’orientation pour obtenir la version molaire désirée :
- Sous le centre de résistance (crochet sous la ligne ancrage-furcation molaire) : Distoversion coronaire pour :
- Lever les interférences occlusales postérieures.
- S’opposer à la mésioversion (tractions intermaxillaires Classe III ou intra-arcades).
- Ouvrir un espace important.
- Au-dessus du centre de résistance : Mésioversion coronaire pour :
- Corriger une distoversion excessive.
- S’opposer aux mouvements parasites d’ingression (technique segmentée).
- Favoriser le recul apical de l’arcade maxillaire.
- Par le centre de résistance : Translation pour recul molaire.
- Contrôle via le mouvement vertical de l’arc externe lors de la fixation élastique : abaissement (distoversion), élévation (mésioversion).
FEB sur gouttière
Description
L’arc interne est intégré dans une gouttière de résine sur l’arcade maxillaire. Caldwell et Thurow utilisent une gouttière amovible englobant toute l’arcade ; Damon solidarise les secteurs latéraux ; Graber préconise une plaque amovible englobant les dents et le palais pour distribuer les forces. Amoric utilise une gouttière thermoformée collée, et Mills un appareil multi-bague. La traction est haute (appui occipito-pariétal), avec un vecteur de force proche du centre de résistance du maxillaire, limitant la rotation.
Mode d’action
- Forces lourdes : Action orthopédique modifiant les sutures péri-maxillaires, freinant la croissance sagittale du maxillaire.
- Effets orthodontiques : Version distale des dents maxillaires, linguoversion des incisives maxillaires, mouvement mésial de l’arcade mandibulaire.
Mode d’utilisation
Contrôle sagittal
- La résine recouvre plus de la moitié de la face vestibulaire des incisives pour éviter une linguoversion excessive.
Contrôle vertical
- Réglage des branches externes pour contrôler les plans palatin et occlusal :
- Branches basses : Vecteur sous les centres de résistance, bascule horaire des plans (descente antérieure, maintien/remontée postérieure). Indiqué pour méso-/dolichofaciaux avec béance incisive.
- Branches moyennes : Vecteur au-dessus du centre alvéolodentaire, sous celui du maxillaire, bascule anti-horaire (occlusal) et horaire (palatin). Indiqué pour supraclusion modérée normo-/légèrement hypodivergente.
- Branches hautes : Vecteur au-dessus des deux centres, bascule anti-horaire des plans (remontée antérieure, descente postérieure). Indiqué pour brachyfaciaux avec forte supraclusion.
Contrôle transversal
- Ajout d’un vérin ou expansion préalable pour corriger le sens transversal.
- Forces : 400 à 1500 g, port intermittent (12 h/24) pour maximiser l’effet orthopédique et minimiser l’effet orthodontique.
Indications
- Classe II d’origine maxillaire.
- Cas normo-/hypodivergents.
- Sans dysharmonie dento-maxillaire.
- Incisives maxillaires en bonne position ou légèrement vestibulées.
- Incisives mandibulaires en bonne position ou légèrement vestibulées.
FEB sur activateur
Description
L’association activateur-FEB, décrite par Hasund, vise à mieux contrôler les effets de l’activateur, notamment dans le sens vertical, tout en freinant la croissance maxillaire.
Mode d’action
- Sans FEB, l’activateur induit une bascule horaire (bas et avant) des constituants maxillaires (squelettique et dento-alvéolaire), amplifiée par une résine épaisse.
- La FEB modifie cet effet en orientant la ligne d’action des forces pour atténuer les effets parasites.
FEB sur J hooks
Description
Ce dispositif applique la FEB sur la région incisive supérieure via un arc Edgewise (Hickham, Merrifield, Cross, 1969). Il comprend :
- Un arc Edgewise sur toutes les dents maxillaires, avec deux crochets soudés entre incisives centrales et latérales.
- Des « barrettes » (fil métallique en J ou avec anneau) fixées sur l’arc, sortant de la bouche, terminées par un crochet pour l’élastique.
- Un appui cervical ou occipital.
Biomécanique
- Complexe à manipuler, exigeant une grande rigueur.
- Facilite les déplacements incisifs, notamment l’ingression.
À la mandibule
FEB sur molaire mandibulaire
Description
Moins utilisées, parfois controversées pour des raisons cliniques (impact sur l’ATM). Utilisées pour empêcher la migration mésiale des molaires après la perte de dents temporaires dans les Classe III. Caractéristiques :
- Branches longues ou moyennes, tractions basses ou horizontales (jamais hautes).
- Tube placé gingivalement, arc interne coudé pour positionner le sommet entre les lèvres sans affaisser la lèvre inférieure.
Biomécanique
- Traction basse (ancrage cervical) :
- Ingresse la molaire, version distale (branches hautes/courtes) ou mésiale (branches longues).
- Translation distale sans version/égression avec branches longues parallèles au plan occlusal.
- Traction horizontale :
- Égresse la molaire, version mésiale (branches basses/longues) ou distale (branches moyennes/hautes).
Fronde mentonnière
Description
- Mentonnière préfabriquée ou en résine avec 2 crochets.
- Élément d’ancrage.
- Élément élastique.
- Force : 150 à 300 g (début), puis 500 g.
Indications
- Traitement précoce (3-6 ans) des prognathismes mandibulaires (Classe III), arrêté après 6 mois.
- Contention post-correction.
- Contrôle de la croissance verticale.
Types de fronde
- Fronde horizontale (traction horizontale/cervicale) : Pour Classe III deep bite, provoque une rotation postérieure de la mandibule.
- Fronde oblique (traction au-dessus des oreilles) : Contre les effets d’ouverture de l’articulé dans les cas squelettiques à excès vertical (open bite).
- Fronde verticale (traction au niveau des malaires) : Pour Classe I/II avec excès vertical antérieur, provoque une rotation antérieure de la mandibule.
Forces extra-orales à action postéro-antérieure
Masque de Delaire
Description
Le masque de Delaire est le traitement interceptif de choix pour les Classe III, principalement en cas de rétrognathie maxillaire, souvent utilisé dans les fentes labio-alvéolopalatines. Il comprend :
- Élément intrabuccal :
- Double arc scellé ou gouttière englobant l’arcade maxillaire avec crochets de traction.
- Masque facial à appui fronto-mentonnier :
- À cadre ou à tige médiane (Petit).
- Tractions élastiques :
- Tendues des crochets du masque à ceux de la gouttière, en direction oblique (bas et avant).
- Intensité : 600-800 g (Hickham) ou 800-1500 g (Delaire).
- Port : 14 h/jour.
Mode d’action
- Effets orthopédiques : Avancée du maxillaire, freinage de la croissance mandibulaire.
- Effets orthodontiques : Avancée en masse de l’arcade maxillaire, recul distal de l’arcade mandibulaire.
- Impact :
- Traction et bascule antérieure du maxillaire et de l’arcade avec vestibuloversion des incisives.
- Abaissement léger et recul de la mandibule, parfois avec augmentation de la hauteur faciale antérieure.
- Modification du plan d’occlusion selon la direction de traction.
- La force, passant à distance du centre de résistance du maxillaire, entraîne une descente et une bascule anti-horaire.
Masque sur ancrage osseux
- Traction directe sur mini-plaques : Moins contrôlable.
- Dispositif intra-oral solidarisé au palais : Résultats satisfaisants pour l’effet orthopédique.
Âge optimum pour les FEB
- Kloehn : Après la mise en place des dents de 6 ans.
- Ricketts : En denture mixte, lié à l’évolution osseuse pour maximiser les avantages de la croissance.
- Haas : Jusqu’à 24-26 ans pour un traitement orthopédique.
- Funk : Avant 8 ans pour les cas complexes ; après 12 ans, la réduction de la convexité (point A) est limitée à 1 mm.
Intensité et durée des FEB
- Ackermann : 900-1400 g.
- Damon : 1500 g.
- Haas : 1500-2000 g (effet orthopédique).
- Graber :
- Forces légères (180-350 g) : Maintien de la position molaire pendant la croissance.
- Forces lourdes (500-1500 g) : Mouvements orthopédiques.
- Langlade : Début à 350 g, augmentation progressive (500-750-1000 g) aux 2e et 3e visites.
- Durée : 12-14 h/jour (contrôle du port).
Incidents et risques des FEB
- Blessures ou gêne labiale/jugale.
- Douleurs de type arthrite dentaire.
- Alopécie.
- Descellement des bagues ou perte nocturne.
- Irritations au niveau de l’appui mentonnier.
- Douleurs aux ATM par compression méniscale, surtout en traitement prolongé.
Voici une sélection de livres:
- “Orthodontie de l’enfant et de l’adulte” par Marie-José Boileau
- Orthodontie interceptive Broché – Grand livre, 24 novembre 2023
- ORTHOPEDIE DENTO FACIALE ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE
- Orthopédie dento-faciale en dentures temporaire et mixte: Interception précoce des malocclusions Broché – Illustré, 25 mars 2021
- Nouvelles conceptions de l’ancrage en orthodontie
- Guide d’odontologie pédiatrique: La clinique par la preuve
- Orthodontie linguale (Techniques dentaires)
- Biomécanique orthodontique
- Syndrome posturo-ventilatoire et dysmorphies de classe II, Bases fondamentales: ORTHOPÉDIE ET ORTHODONTIE À L’USAGE DU CHIRURGIEN-DENTISTE
FORCES EXTRA-ORALES

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.