TECHNIQUES ET MATERIELS DE NETTOYAGE DE LA CAVITE BUCCALE : DENTIFRICES ET BAINS DE BOUCHE, BROSSES A DENTS ET ADJUVANTS.
FLUOR : MÉCANISME PRÉVENTIF ET REMINÉRALISATION
Introduction
Le fluor, un oligoélément naturellement abondant dans l’eau, la terre et l’air, joue un rôle clé dans la santé bucco-dentaire. Présent dans les tissus durs de l’organisme comme les os, le cartilage et les dents, il est également consommé couramment via des aliments tels que les légumes, les fruits et le thé. Le fluor est largement reconnu pour son action préventive contre les caries dentaires grâce à son effet reminéralisant sur l’émail dentaire. Ce document explore en détail les mécanismes d’action du fluor, ses modes d’administration (systémique et topique), ses avantages et inconvénients, ainsi que les pratiques de brossage dentaire pour optimiser la santé bucco-dentaire.
Généralités
Le fluor se présente sous différentes formes, notamment dans l’eau (embouteillée ou du robinet), le sel, les dentifrices, les vernis, les gels, les matériaux de restauration et les solutions de rinçage. Ces formes permettent une administration variée, adaptée aux besoins individuels et aux contextes de prévention.
Avantages
De nombreuses études épidémiologiques à travers le monde ont démontré l’efficacité du fluor dans la prévention des caries dentaires (cario-prophylaxie). Il agit en renforçant l’émail dentaire, en favorisant la reminéralisation des lésions débutantes et en inhibant la déminéralisation causée par les acides produits par les bactéries cariogènes. Les bénéfices du fluor incluent :
- Réduction significative de l’incidence des caries dans les populations exposées à des apports réguliers de fluor.
- Accessibilité via des sources courantes comme l’eau fluorée, les dentifrices et les traitements professionnels.
- Efficacité prouvée pour tous les groupes d’âge, des enfants aux adultes.
Inconvénients
Malgré ses avantages, un apport excessif en fluor peut entraîner des effets secondaires, notamment :
Fluorose dentaire
La fluorose dentaire est une lésion des tissus durs dentaires causée par un apport excessif de fluor pendant la période de minéralisation des couronnes dentaires. Elle se manifeste par des taches blanches ou brunes sur l’émail, constituant la forme la moins grave de l’intoxication au fluor. Le risque de fluorose apparaît généralement à des concentrations supérieures à 2 mg/L (2 ppm).
Fluorose osseuse (ostéofluorose)
Liée à une absorption prolongée de doses élevées de fluor (10 à 40 mg/jour ou >5 mg/L), la fluorose osseuse peut entraîner des troubles comme l’ostéoporose ou l’ostéopétrose, affectant la structure osseuse.
Autres atteintes
- Atteintes rénales : Une exposition chronique à des doses élevées peut altérer la fonction rénale.
- Atteintes nerveuses : Bien que rares, des études suggèrent un risque potentiel pour le système nerveux à des niveaux toxiques.
Le Fluor par Voie Générale : Systémique
La voie systémique implique l’ingestion de fluor, qui est ensuite distribué dans l’organisme pour renforcer les dents de l’intérieur. Une connaissance précise de la teneur en fluor des sources consommées est essentielle pour éviter les carences ou les intoxications. Le seuil minimal pour prévenir les caries est de 0,5 mg/L.
L’Eau Fluorée
La fluoration de l’eau est la méthode la plus efficace et économique pour administrer du fluor à une large population. Les normes européennes fixent les concentrations admissibles à :
- 0,7 ppm dans les zones où la température ambiante varie de 25 à 30 °C.
- 1,5 ppm dans les zones où la température varie de 8 à 12 °C.
Cette méthode permet une prévention de masse, touchant toutes les tranches d’âge, et est particulièrement rentable.
Supplémentation Médicamenteuse
La supplémentation en fluor (gouttes ou comprimés) est réservée aux patients à haut risque carieux, généralement après l’éruption des premières dents (à partir de 6 mois). Elle nécessite un bilan personnalisé des apports journaliers en fluor (eau, sel, dentifrice ingéré) pour éviter un surdosage. Bien que le risque de fluorose soit considéré comme négligeable dans la plupart des études, cette pratique est de moins en moins courante.
Le Lait Fluoré
Le lait fluoré combine l’action du fluor avec le calcium et le phosphate présents dans le lait, favorisant la reminéralisation de l’émail. Cette méthode est particulièrement adaptée aux enfants dans les programmes de prévention scolaire.
Le Sel Fluoré
Le sel fluoré, avec une teneur optimale de 250 à 350 mg de fluor par kg, est utilisé dans certains pays comme mesure de prévention. Cependant, 1 g de sel fournit seulement 0,25 mg de fluor, une quantité insuffisante pour un effet préventif significatif.
Les Aliments Fluorés
La teneur en fluor des aliments est généralement faible. Le thé est l’aliment le plus riche, avec une moyenne de 1 mg de fluor par litre pour les grands consommateurs, mais cela reste marginal par rapport aux besoins préventifs.
Le Fluor par Voie Topique
L’application topique du fluor est privilégiée après l’éruption des dents, car elle permet un contact direct avec l’émail, favorisant une reminéralisation continue et une protection contre la déminéralisation. Cette approche repose sur un apport régulier de faibles doses de fluor tout au long de la vie.
Les Bains de Bouche
Les bains de bouche fluorés, souvent à base de fluorure de sodium, sont disponibles en deux concentrations principales :
- 0,05 % (250 ppm) : pour un usage quotidien chez les patients à haut risque carieux, pendant 1 minute.
- 0,5 % (1000 ppm) : pour un rinçage hebdomadaire.
Indications : Patients à haut risque carieux, présentant des caries actives, ou enfants de 6 ans et plus.
Précautions : Le risque d’ingestion est élevé, surtout chez les enfants de moins de 6 ans, nécessitant une supervision stricte.
Les Gels Fluorés
Les gels fluorés, avec des concentrations pouvant atteindre 20 000 ppm, sont appliqués en cabinet dentaire à l’aide de gouttières préfabriquées ou sur mesure. Ils sont indiqués pour :
- Les patients à haut risque carieux.
- Les cas d’hyposialie (sécheresse buccale).
- Les hypersensibilités dentinaires.
- Les patients sous radiothérapie (tête et cou).
Protocole opératoire :
- Le patient est assis droit pour éviter l’ingestion.
- Brossage rigoureux des dents avant application.
- Les gouttières, recouvrant entièrement les arcades, sont remplies de 5 à 10 ml de gel.
- Aspiration salivaire continue pendant l’application (4 minutes).
- Après retrait, le patient élimine l’excès de gel par succion et évite de manger, boire ou rincer pendant 30 minutes.
Les Dentifrices Fluorés
Les dentifrices fluorés contiennent des composés comme le fluorure de sodium, le monofluorophosphate de sodium, le fluorure d’étain ou les fluorures d’amines. Ils se divisent en :
- Dentifrices cosmétiques (<1500 ppm) : disponibles en grandes surfaces.
- Dentifrices pharmaceutiques (1500 à 5000 ppm) : nécessitant une autorisation de mise sur le marché.
- Dentifrices pédiatriques (250 à 1000 ppm) : adaptés aux enfants, avec un brossage sous contrôle parental jusqu’à 8 ans.
Recommandations :
- Brossage 3 fois par jour pendant 2 minutes.
- Rinçage modéré chez les adultes pour maintenir le contact du fluor avec l’émail.
- Chez les enfants, utiliser une quantité de dentifrice équivalant à un petit pois et limiter la teneur en fluor à 500 ppm jusqu’à 6 ans pour réduire le risque de fluorose.
Les Vernis Fluorés
Les vernis fluorés, avec des concentrations élevées (ex. : 22 600 ppm pour Duraphat, 7000 ppm pour Fluor Protector), sont appliqués tous les 2 à 4 mois sur les lésions carieuses débutantes ou les surfaces à risque (cervicales, radiculaires, puits et sillons). Ils favorisent la reminéralisation et la prévention des caries.
Les Gommes à Mâcher
Les gommes à mâcher sans sucre cariogène (45 ppm de fluor) stimulent la sécrétion salivaire et apportent un supplément de fluor. Elles sont recommandées pendant 15 minutes après le repas, notamment à midi, lorsque le brossage est difficile.
Les Matériaux Fluorés
- Verres ionomères : Indiqués pour les patients à haut risque carieux, ils libèrent du fluor progressivement.
- Matériaux de scellement prophylactique : Comblent les sillons tout en libérant du fluor.
- Compomères : Moins utilisés en raison de la supériorité esthétique des composites et de la meilleure libération de fluor des verres ionomères.
LE BROSSAGE DENTAIRE
Efficacité
L’efficacité du brossage repose sur trois piliers :
- Adéquation du matériel : La brosse doit être adaptée à la morphologie du patient.
- Habileté manuelle : Les compétences motrices influencent la qualité du brossage.
- Fréquence et durée : Un brossage régulier et suffisamment long est essentiel.
Matériel
Les brosses à dents se divisent en deux catégories principales :
- Brosses manuelles : Disponibles en diverses formes, tailles et souplesses.
- Brosses électriques : Incluant les modèles soniques (milliers de vibrations/minute) et ultrasoniques (jusqu’à 1,6 million de vibrations/minute). Les brosses électriques sont légèrement plus efficaces, mais le choix dépend des préférences et des capacités du patient.
Habileté Manuelle
L’efficacité du brossage diminue après 65 ans ou chez les patients présentant un handicap. Les brosses électriques peuvent être une meilleure option pour ces populations, car elles compensent les limitations motrices.
Fréquence et Durée du Brossage
- Fréquence : Deux brossages quotidiens améliorent l’état gingival. Au-delà, aucun bénéfice supplémentaire n’est observé.
- Durée : Chaque brossage doit durer au moins 1 minute, en veillant à brosser chaque dent individuellement plutôt que de brosser mécaniquement l’ensemble de la dentition.
Brossage Manuel
Matériel
Le choix d’une brosse manuelle dépend de plusieurs critères :
- Taille du manche : Adaptée à la main du patient.
- Taille de la tête : Équivalent à la longueur de 2 molaires mandibulaires, en fonction de l’ouverture buccale.
- Poils : En nylon ou polyester, à extrémité arrondie, avec une souplesse adaptée au biotype gingival (souple pour un biotype fin, médium pour un biotype épais).
- Implantation des poils : Une disposition multidirectionnelle améliore l’élimination de la plaque.
Techniques
Les techniques de brossage manuel varient selon la position et le mouvement de la brosse. L’objectif est d’éliminer la plaque au niveau de la jonction gingivodentaire et des espaces interdentaires tout en évitant les traumatismes gingivaux.
Méthodes Déconseillées
- Brossage horizontal : Mouvement de va-et-vient horizontal, entraînant une érosion des faces vestibulaires et une mauvaise élimination de la plaque interdentaire.
- Brossage vertical : Mouvement vertical uniquement, inefficace pour atteindre la jonction gingivodentaire en raison du bombé des dents.
Méthodes Non Conseillées
- Méthode de Charters : La brosse est inclinée vers l’occlusal avec un mouvement de vibration/rotation. Bien que efficace, elle est complexe et peu naturelle.
Méthodes Conseillées
- Technique du rouleau : Les poils sont inclinés à 45° vers l’apex, au niveau de la jonction gingivodentaire. Un balayage vertical de la gencive vers la face occlusale est effectué. Simple mais fastidieuse.
- Méthode de Bass modifiée : Inclut un mouvement de va-et-vient à 45° suivi d’un balayage vertical. Les poils pénètrent légèrement sous la gencive (0,5 mm). C’est la méthode la plus répandue.
- Méthode de Stillman modifiée : Similaire à la méthode de Bass, mais avec un mouvement d’oscillation/vibration. Plus complexe, elle est difficile à appliquer pour les patients malhabiles.
Brossage Électrique
Matériel
Les brosses électriques ont évolué depuis les années 1960, avec l’introduction des mouvements oscillo-rotatifs dans les années 1990. Ces brosses réduisent significativement la plaque et la gingivite par rapport aux brosses manuelles après 1 à 3 mois d’utilisation. Les brosses soniques, plus récentes, offrent des performances comparables tout en conservant une tête similaire aux brosses manuelles.
Techniques
La brosse électrique est placée à 45° au niveau de la jonction gingivodentaire, avec un léger mouvement elliptique couvrant chaque dent (faces vestibulaires et linguales/palatines). La pénétration sous-gingivale des poils (1,0 à 1,5 mm) est sans danger pour les tissus mous.
Contrôle de la Plaque Interdentaire
Les espaces interdentaires, notamment au niveau des molaires et prémolaires, sont des zones où la plaque s’accumule le plus. Le brossage seul, même électrique, est inefficace pour ces zones. Des instruments spécifiques comme le fil dentaire, les brossettes interdentaires ou les hydropulseurs sont nécessaires.
Adjuvants de Brossage
Fil Dentaire
Disponible en versions cirées, non cirées ou en téflon, le fil dentaire élimine jusqu’à 80 % de la plaque interdentaire et réduit la gingivite. Son efficacité dépend de la technique et de la régularité d’utilisation.
Brossettes Interdentaires
Disponibles en formes coniques ou cylindriques (diamètres de 0,6 à 4 mm), les brossettes doivent être adaptées à la taille de l’embrasure. Elles sont contre-indiquées en cas de gingivite sans embrasure ouverte. Plusieurs diamètres peuvent être nécessaires pour un même patient.
Bâtonnets Interdentaires
Moins efficaces que le fil dentaire ou les brossettes, ils réduisent le saignement interproximal mais n’ont pas d’impact significatif sur la plaque ou les indices gingivaux.
Brossage de la Langue
Le brossage de la langue contribue à réduire la charge bactérienne buccale. Technique :
- Appliquer une petite quantité de dentifrice sur la brosse.
- Brosser de l’arrière vers l’avant de la langue avec une pression douce mais ferme, en effectuant des mouvements similaires à ceux du brossage dentaire.
Conclusion
Le fluor, par ses mécanismes systémiques et topiques, est un outil essentiel dans la prévention des caries dentaires et la reminéralisation de l’émail. Associé à des pratiques de brossage adaptées (manuelles ou électriques), il permet de maintenir une hygiène bucco-dentaire optimale. Les techniques de brossage, qu’elles soient manuelles ou électriques, doivent être adaptées au patient pour maximiser l’élimination de la plaque tout en évitant les traumatismes gingivaux. Les adjuvants comme le fil dentaire et les brossettes interdentaires complètent ces pratiques en ciblant les zones interdentaires. Une approche personnalisée, tenant compte des risques carieux et des capacités du patient, est essentielle pour garantir une santé bucco-dentaire durable.
Complément de Lecture : Rapport de l’OMS
Le 11 janvier 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le Projet de Plan d’action mondial pour la santé bucco-dentaire 2023-2030, basé sur six principes directeurs :
- Approche de santé publique : Intégrer la santé bucco-dentaire dans les politiques globales de santé.
- Soins primaires : Incorporer les soins bucco-dentaires dans les systèmes de santé primaires.
- Modèles innovants de personnel : Développer des équipes adaptées aux besoins des populations.
- Soins centrés sur la personne : Adapter les interventions aux besoins individuels.
- Approche tout au long de la vie : Proposer des soins adaptés à chaque étape de la vie.
- Technologies numériques : Optimiser l’utilisation des outils numériques pour la prévention et le suivi.
Objectifs stratégiques :
- Renforcer la gouvernance et les ressources pour la santé bucco-dentaire.
- Promouvoir la prévention en agissant sur les déterminants sociaux et les facteurs de risque.
- Améliorer les systèmes d’information sanitaire pour des politiques basées sur des données probantes.
- Intégrer les soins bucco-dentaires essentiels dans les systèmes de santé.
- Développer une recherche contextuelle pour répondre aux besoins spécifiques en santé bucco-dentaire.
Ce plan vise à réduire les inégalités en matière de santé bucco-dentaire et à promouvoir des approches intégrées et durables à l’échelle mondiale.
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
- Concepts cliniques en odontologie conservatrice
- L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
- Guide clinique d’odontologie
- Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
- La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique
FLUOR MECANISME PREVENTIF/ REMINERALISATION

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.