Examen Clinique d’un Malade Porteur d’une Affection Bucco-dentaire
Introduction
L’examen clinique bucco-facial rigoureux et systématique est une étape indispensable de la démarche diagnostique devant une pathologie de la sphère oro-faciale. Le caractère parfois impressionnant des traumatismes maxillo-faciaux ainsi que l’œdème important qui s’y associe peuvent parfois rendre cet examen clinique difficile.
Issu du grec, l’« examen » consiste à : sortir (ex) d’un groupe (agmen) les signes pathologiques. Il est « clinique » lorsqu’il se pratique au lit (kline) du patient (fauteuil dentaire dans notre pratique).
Rappel anatomique
Cavité orale
La cavité orale est située entre le massif osseux facial supérieur et la mandibule, elle est limitée :
- En avant : les lèvres ;
- En haut : la voûte palatine, qui la sépare des fosses nasales ;
- En bas : le muscle mylohyoïdien, sous lequel siège la région cervicale ;
- Latéralement : la face interne des joues ;
- En arrière : le voile du palais.
La langue mobile occupe l’espace situé en dedans des arcades dentaires.
Région faciale
S’étend de la ligne d’implantation des cheveux jusqu’au bord basilaire de la mandibule.
Région cervicale
Comprise entre le bord inférieur de la mandibule et les reliefs supérieurs sternoclaviculaires.

Examen clinique de base
L’examen clinique consiste à sortir d’un groupe de possibilités pathologiques celles en cause dans le cas considéré. Plusieurs étapes sont nécessaires pour s’acheminer vers un diagnostic. Le diagnostic clinique est en général confirmé par d’autres moyens perspicaces appelés les examens complémentaires ou paracliniques (radiographie, examens biologiques, anatomopathologique, bactériologiques, etc.). La clinique ne perd pas ses droits car elle permet d’orienter les recherches, de sélectionner et hiérarchiser les investigations. Différents temps sont à envisager dans une ambiance faite à la fois de sérieux et de douceur pour établir un contact utile et un climat de confiance.
Anamnèse ou interrogatoire
Anamnèse : ana = en remontant ; mnèse = mémoire.
L’interrogatoire ou anamnèse est une étape très importante qui représente le premier temps de l’examen clinique et établit également le premier contact avec le patient. Il est destiné à connaître le malade, sa maladie et son environnement.
- Qui ? : C’est l’état civil, nom, prénom, profession, taille, poids et tout autre élément de cet ordre exploitable au plan du repérage et du classement.
- Quoi ? : (Le motif de la consultation) ; il faut laisser l’intéressé s’expliquer selon sa propre terminologie en le guidant mais sans l’influencer.
- Pourquoi ? : C’est l’histoire de l’affection. Un fait patent à l’origine ? Un accident, un traitement, une intervention chirurgicale.
- Quand ? : La plus grande importance est donnée à la chronologie des faits. Cet incident, ce fait, est-il récent ou au contraire ancien, depuis quand ?
- Comment ? : Entre le début et le stade actuel, comment la maladie a-t-elle évolué ? Y a-t-il un éventuel facteur déclenchant ? Avec ou sans traitement ? Est-ce le premier épisode ou bien une récidive ?
Antécédents
- Le patient a-t-il été déjà malade ?
- A-t-il été opéré ? Pour quoi ? Prend-il des médicaments ? Lesquels ? De façon continue ?
- Grossesse ? Ménopause ?
- Allergie ?
- Quel est son mode de vie ? Tabac ? Alcool ? Drogue ?
- Environnement familial : parents, enfants ?
- Antécédents stomatologiques : personnels et familiaux.
Signes généraux
- L’état général est-il satisfaisant ?
- Y a-t-il amaigrissement ? Fièvre ?
- À quand remonte le dernier bilan ?
- Quel est le comportement du malade ? (inquiet, négligent…)
Signes fonctionnels
Gêne ? Empêchement ? Douleur ? Localisées, irradiées, autres…
Signes physiques
Ils sont recherchés sous un bon éclairage et une bonne installation, la zone à explorer étant paire et symétrique, comparer les résultats d’un côté par rapport à l’autre. Les appréciations doivent être faites au repos et en mouvement quand le secteur investigué est mobile.
Examen clinique proprement dit
L’examen clinique fait appel principalement à l’« inspection » et à la « palpation », termes issus du latin inspectare « regarder dans » et palpare « toucher ».
Examen extra-buccal
Inspection
En réalité, l’inspection débute pendant l’interrogatoire. L’examen doit être poursuivi méthodiquement, elle doit être faite dans différentes positions de la tête : de face, de profil droit et gauche, en vue verticale, cranio-cervicale. Il faut :
- Noter : le galbe, la symétrie, l’harmonie de l’ensemble facial mais aussi d’un étage par rapport à l’autre (frontal, maxillaire, mandibule).
- Apprécier : la coloration de la peau, son grain, sa souplesse, sa pilosité…
- Remarquer : les orifices, les reliefs, les méplats. Les déformations, les disparitions, les manques ? Toutes les anomalies sont décrites, chiffrées, mesurées, situées selon des repères.
- Explorer : la mimique faciale en faisant plisser le front, fermer les paupières, fonctionner les lèvres.
Palpation
Cette phase doit être douce, progressive, en utilisant un ou plusieurs doigts, une ou deux mains. Il faut :
- Préciser : les limites de la lésion, sa chaleur, sa mobilité sur les plans sus et sous-jacents.
- Évaluer : sa consistance, ses variations de volume, les bruits (crépitations…), les douleurs (diffuses, exquises, irradiantes, exacerbées) déclenchées par ces manœuvres.
- Déceler : une mobilité, un ressaut inhabituel.
- Palper : les aires ganglionnaires de chaque côté, les muscles (masséter, temporal, buccinateur).
- Tester : la sensibilité des divers territoires nerveux.
Examen des mouvements mandibulaires
Demander au patient d’ouvrir et de fermer la bouche, lentement mais à plusieurs reprises (facilité, difficulté, possibilité…). Noter par exemple :
- À l’inspection : les troubles de l’articulé dentaire, l’aspect de la ligne inter-incisive en bouche fermée ; le trajet du point inter-incisif inférieur.
- À la palpation : la course des condyles, la vacuité des cavités glénoïdes et l’amplitude de l’ouverture buccale.
- À l’auscultation : les bruits condylo-méniscaux (claquement, craquement).
Examen intra-buccal
Explorer l’un après l’autre tous les éléments de la cavité buccale dans un ordre variable selon le cas.
Le système dentaire
Avec un miroir non grossissant et une sonde :
- Étudier : la forme des arcades, le nombre, la position, la coloration, la mobilité, la détérioration des dents (toutes les faces) ; faire les percussions axiales et transversales ; tester la sensibilité des dents suspectes ; établir la formule dentaire.
- Rechercher : les accidents d’évolution, les dents retenues, manquantes.
- Évaluer : les diverses reconstitutions prothétiques.
- Affiner : l’étude de l’articulé dentaire (dans les 3 plans).
Le système parodontal
- Évaluer l’état du parodonte.
- Rechercher les dépôts tartriques et les enduits divers, tabagiques notamment.
Le système gingivo-muqueux
- Explorer complètement, dans tous ses recoins en décrivant, situant et mesurant toute anomalie.
- Sonder les poches parodontales.
- Remarquer les saignements spontanés ou provoqués par le sondage.
La langue
Nécessite une étude particulière :
- À l’intérieur : en vérifiant sa mobilité, sa motilité, l’aspect des papilles sur sa face dorsale, sa couleur, ses bords latéraux, sa face ventrale, ses sillons.
- À l’extérieur : en la tirant avec deux doigts (compresse autour de sa pointe).
Le système salivaire principal
- En étudiant les orifices excréteurs (ostia).
- En stimulant les glandes principales et apprécier l’écoulement salivaire.
Selon le cas, compléter ce bilan par un examen régional ou général en orientant son patient.
Examen clinique de circonstance
C’est un examen qui suivra un ordre imposé par la symptomatologie et l’importance des signes cliniques de la ou des lésions présentes, ou de la situation topographique de la pathologie.
Selon la symptomatologie
À ce stade, un symptôme ou un groupe de symptômes se détachent du tableau clinique et amène le praticien à les étudier de plus près. Cela veut dire que l’examen n’est plus standard et que chaque patient est un cas particulier.
Devant un contexte infectieux
Il faut reconnaître :
- S’il est aigu et diffus : rechercher donc soigneusement et rapidement des signes de toxinfection (faciès subictérique, respiration superficielle, urines rares…), un œdème, un déficit nerveux oculo-moteur.
- S’il est aigu et localisé : noter le trismus, l’intensité des douleurs ; préciser le stade évolutif (séreux ? suppuré ?), le signe du godet, et la douleur. La suppuration est à craindre.
- S’il est chronique et généralisé : étudier très en détail le système dentaire à la recherche d’un foyer latent.
- S’il est chronique et localisé : rechercher une fistule, une tuméfaction, découvrir son trajet, décrire le contact au bout du sondage (mou, rugueux).
Devant un contexte traumatique
Insister notamment lors de :
- L’anamnèse : sur la cause, les circonstances, les suites immédiates (perte de connaissance, durée), interroger l’entourage.
- Les signes fonctionnels : l’impotence, la douleur, les troubles de la vision.
- Les signes physiques : repérer : les ecchymoses, points douloureux, l’état de l’articulé (déformé, dévié), les mouvements du condyle en ouverture et fermeture buccale.
- Analyser : l’otorragie (fracture du rocher ou lésion de la paroi antérieure du CAE).
- Vérifier : la rhinorrhée de liquide céphalo-rachidien.
- L’inspection : étudie notamment une asymétrie témoignant d’une déformation des reliefs osseux sous-jacents.
- La palpation : doit être douce, car elle peut être douloureuse.
Faire : un bilan radiologique, neurochirurgical, ophtalmologique et ORL.
Devant un syndrome tumoral
Considérer notamment :
- À l’anamnèse : le mode de début, l’évolution, la durée d’évolution.
- Dans les signes fonctionnels :
- Les douleurs : diurnes, nocturnes.
- Les troubles de la sensibilité : signe de Vincent.
- Une paralysie du nerf facial.
- Dans les signes physiques : rechercher :
- Le volume de la lésion.
- Les limites (nettes, imprécises à la radio).
- La base d’implantation.
- La mobilité, les adhérences.
- La consistance…
Devant un contexte algique
Il faut décrire :
- La situation.
- Le caractère.
- La périodicité.
- Le mode d’apparition (zone de détente).
- Les irradiations.
- Les répercussions régionales et générales.
- Les traitements antérieurs.
Devant un contexte hémorragique
Insister sur l’interrogatoire qui a souvent plus d’importance que certains tests de laboratoire faussement rassurants.
- Y a-t-il eu : intervention chirurgicale ?
- Notion de prise de médicaments ? (anticoagulant, acide acétyle salicylique).
Selon la région anatomique
Peau, muqueuse, ganglion, os ou articulation, tissu cellulo-adipeux, vaisseaux ou nerf, muscle, glandes salivaires, etc., nécessitent parfois des investigations particulières lorsqu’elles sont le siège d’une lésion. L’inspection et la palpation permettent d’obtenir des renseignements précieux.
Discussion
Au terme de cet examen clinique, 3 types de questions se posent :
- Où ? : C’est donner le diagnostic anatomique ou topographique. Il est primordial de savoir à quel niveau se situe l’affection : tissu cellulaire ? Os ? Glandes salivaires ? Langue ?…
- Quoi ? : C’est le diagnostic anatomo-pathologique. Infection, aiguë séreuse ou chronique, tumeur bénigne, maligne, etc.
- Comment ? : C’est le diagnostic étio-pathogénique. Origine de la lésion, mécanisme d’apparition…
Le diagnostic différentiel doit intervenir successivement à 3 niveaux afin de ne comparer que des choses comparables (éléments anatomiques entre eux, causes entre elles, etc.). C’est dans cet esprit qu’il faut mener la discussion.
Ceci ne veut pas dire que la seule clinique arrive toujours à faire la démonstration de façon aussi mathématique. C’est donc suite à la clinique que le praticien devra demander certains examens plutôt que d’autres, en relation avec les signes cliniques qu’il a pu découvrir : c’est ce que l’on appelle communément la hiérarchisation des examens complémentaires. Ces derniers vont confirmer ou infirmer la présomption de diagnostic que vous avez établi.
Conclusion
L’examen clinique, qui est l’étape initiale de la prise en charge du patient, a une importance déterminante :
- Il doit être minutieux et bien orienté, permettant la recherche d’éléments cliniques déterminants aboutissant à l’établissement diagnostique et ainsi une prise en charge efficace du patient ;
- Il aboutit à la demande d’examens complémentaires bien orientés et justifiés ;
- La relation praticien-malade est conditionnée par ce premier contact. Le rapport de confiance du patient et toutes ses conséquences en découlent.
Bibliographie
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- Epstein O, Perkin GD, Lookson J, De Bond DP. Guide pratique de l’examen clinique. Paris : Elsevier, 2005.
- Examen de la face et de la cavité buccale. Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie 2017, 4ème édition, Chapitre 2, 25-57.
Examen Clinique d’un Malade Porteur d’une Affection Bucco-dentaire
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Examen Clinique d’un Malade Porteur d’une Affection Bucco-dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.
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