ÉVICTION DES DEBRIS D’INSTRUMENTS : MOYENS ET THECHNIQUES
INTRODUCTION
La fracture d’un instrument endodontique est un accident opératoire qui peut survenir pendant la préparation canalaire suite à son blocage accidentel dans le canal, ceci surviendra surtout en présence de courbure au niveau du tiers apical.
L’existence de fragments intracanalaires va empêcher l’accès à l’ensemble du système canalaire, compromettant ainsi les procédures de désinfection et d’obturation canalaires.
Le risque de fracture instrumentale a augmenté ces dernières années avec l’utilisation grandissante d’une instrumentation rotative pour la mise en forme canalaire.
PRÉVALENCE
Plusieurs études récentes ont montré que le risque de fracture instrumentale est de 3,5 %.
Parmi les instruments fracturés :
- 78,1 % sont des instruments rotatifs en nickel-titane,
- 15,9 % des instruments manuels en acier,
- 4 % des lentulos,
- 2 % des fouloirs de compactage latéral.
La plupart des instruments se fracturent dans le tiers apical de la racine (77,1 %).
Les instruments rotatifs se fracturent plus souvent dans les canaux courbes que dans les canaux droits, et la moitié des instruments fracturés sont retrouvés dans les racines mésiales de molaires mandibulaires.
ÉTIOLOGIES
La fracture instrumentale signifie une augmentation insupportable de l’effet de gaine produit par la résistance pariétale sur les lames de l’instrument. Cet effet est dû à :
- Un excès de fatigue de l’instrument endocanalaire (stérilisation répétée),
- Un raclage effectué avec application d’une force excessive sur l’instrument,
- Facteurs anatomiques défavorables (canal coudé),
- Non-respect du torque ou de la vitesse de rotation.
FRACTURE INSTRUMENTALE ET PRONOSTIC
Plusieurs études ont montré qu’il existe une faible relation entre la présence d’un fragment d’instrument fracturé dans le réseau canalaire et l’échec endodontique.
Lorsque la fracture instrumentale survient, les facteurs pouvant avoir une influence sur le pronostic sont :
- L’état initial avant traitement (dent infectée ou non),
- Les conditions d’asepsie,
- L’étape du traitement au cours de laquelle la fracture survient,
- La localisation du fragment.
Dans le cadre d’un retraitement endodontique, l’objectif thérapeutique est de neutraliser l’espace canalaire et de préserver au maximum les tissus dentaires, et non d’éliminer le fragment.
MOYENS ET TECHNIQUES
Avant tout geste, il faut d’abord confirmer la situation anatomique du fragment brisé par la radiographie rétroalvéolaire et évaluer les possibilités de récupérer le fragment restant au canal. Ensuite, le praticien doit choisir entre plusieurs solutions de prise en charge (retrait ou non), en fonction :
- Du statut pulpaire initial,
- Du canal dans lequel se trouve le fragment,
- De la position de l’instrument,
- Du type d’instrument et de la taille du fragment,
- De l’anatomie canalaire, en particulier des courbures,
- De la fragilisation de la dent causée par la perte tissulaire,
- Du moment de survenue de la fracture dans la mise en forme,
- Du plateau technique disponible (microscope, inserts, etc.).
Les moyens techniques pour éliminer ces fragments ont été considérablement améliorés ces dernières années, principalement grâce à l’instrumentation ultrasonore et au microscope opératoire.
La possibilité de voir le fragment facilite grandement son dégagement et sa préhension, nécessitant ainsi une micro-instrumentation spécifique et adoptant une démarche clinique systématique.
AMÉLIORER L’ACCÈS CORONAIRE
La fracture instrumentale est le plus souvent associée à une courbure canalaire. Le premier geste doit être d’élargir le canal coronairement en redressant la courbure, à l’aide de forets de Gates travaillant en appui sur la paroi opposée à la courbure.
Il est nécessaire de faire progresser le foret de Gates n° 3 jusqu’à la partie coronaire du fragment de façon à améliorer l’accès et créer un espace de reflux pour évacuer le fragment en direction coronaire.
TENTATIVE DE BY-PASS
- L’opérateur doit d’abord tenter une procédure de By-Pass.
- La partie coronaire du canal est remplie d’un gel lubrifiant.
- Une lime manuelle de petit diamètre passe à côté de l’instrument. Si le trajet initial du canal est retrouvé de cette façon, le fragment peut soit être retiré à l’aide d’une lime montée sur une pièce à main ultrasonore, soit être laissé en place et noyé dans l’obturation après avoir réalisé une mise en forme manuelle.
- Si la tentative de by-pass échoue, l’obturation doit se faire coronairement au fragment (grand risque de perforation radiculaire en cas de tentative de retrait).
- Dans tous les cas, l’évolution des symptômes et des signes radiologiques est à surveiller.
- Le pronostic est plutôt favorable pour la dent, malgré la présence d’un instrument fracturé.
Indications
- Doit être tenté dans tous les cas.
Avantages
- Procédure simple, ne nécessitant pas de matériel spécifique,
- Économe en tissus dentaires,
- Ne nécessite pas l’utilisation d’un microscope opératoire.
Inconvénients
- Pas toujours possible.
TECHNIQUES DE RETRAIT D’UN INSTRUMENT BRISÉ
Pour retirer un instrument fracturé, il faut pouvoir le libérer de ses contraintes pariétales. Il existe deux techniques principales :
Technique ultrasonore
À l’aide d’un insert très fin, le praticien détruit la dentine entourant l’instrument et cherche à faire tourner le fragment pour le dévisser ou bien appliquer l’insert directement sur le fragment et l’abraser jusqu’à le faire disparaître, en prenant garde à ne pas le propulser apicalement.
C’est la technique la moins invasive, elle requiert un très bon contrôle visuel (l’utilisation d’un microscope opératoire), beaucoup de patience et plusieurs inserts de rechange.
Technique dite « microtubes »
Le principe consiste à utiliser un trépan pour forer la dentine autour du fragment et le dégager ainsi des parois dentinaires. Ensuite, un tube vient se placer autour de l’instrument, ayant pour objectif de bloquer le fragment à l’intérieur à l’aide d’un pointeau (Trousse de Masseran, IRS) ou par une colle.
Il est important de savoir qu’il n’existe pas de méthode standardisée, sûre et progressive pour retirer un fragment.
Dans un premier temps, un accès sur l’instrument doit être réalisé à l’aide d’un foret de Gates n° 4 pour relocaliser l’orifice, suivi des forets n° 2 et 3 positionnés au contact du fragment (tiers coronaire ou médian).
Les étapes suivantes impliquent l’utilisation d’un microscope opératoire afin de visualiser précisément la tête de l’instrument fracturé.
Une plate-forme est ensuite aménagée autour de la partie coronaire du fragment à l’aide d’un foret de Gates n° 3 dont la tête est coupée dans sa partie la plus large.
Dans un second temps, la dentine autour du fragment est éliminée en utilisant soit un insert ultrasonore fin (ET 25, Satelec ; Pro-Ultra 6, 7, 8, Dentsply ; RT3, EMS), soit un trépan (Trousse de Masseran®, Endorescue®).
Le trépan de la trousse Endorescue® doit être utilisé à vitesse lente (300 tr/min) et en sens anti-horaire. Une fois le fragment dégagé sur une longueur de 1 à 2 mm, il pourra être évacué en direction coronaire soit :
- Directement par le trépan du kit Endo Rescue®,
- Par les vibrations de l’insert ultrasonore,
- Par un extracteur (trousse de Masseran®),
- Par une aiguille de taille adaptée remplie de composite. Dans ce dernier cas, après la prise du composite (4 minutes), le fragment sera dévissé dans le sens anti-horaire.
Description de la boîte de Masseran
Le système est composé de :
- Trépans : Le trépan est utilisé pour dégager la partie coronaire du fragment aux dépens des parois dentinaires,
- Des jauges de calibrage,
- Un manche pour trépanation manuelle,
- Deux tubes calibrés pour la préhension manuelle.
L’utilisation de la trousse de Masseran (Fig. 4, 6) est indiquée pour l’extraction d’objets métalliques de petit calibre, rencontrés au niveau de la partie rectiligne des canaux radiculaires jusqu’au tiers moyen du canal radiculaire.
Avantages de la technique utilisant le système de Masseran
- Technique efficace.
Inconvénients
- Technique plus mutilante,
- Nécessite un microscope opératoire pour bien positionner le trépan et/ou l’extracteur.
Indications
- Fragments longs (longueur supérieure à 3 mm).
Autres systèmes issus du système de Masseran
Plusieurs systèmes d’extraction de bris d’instruments, comme l’Instrument Removal System (IRS) et l’Endorescue®, sont particulièrement inspirés de l’extracteur de Masseran, mais sont plus fins.
Système IRS
Trois tailles ont été conçues dont les diamètres externes mesurent :
- 0,60 mm,
- 0,80 mm,
- 1,00 mm.
Les deux plus fins sont spécifiquement destinés à être utilisés en profondeur, au-delà du tiers coronaire.
Système Endorescue
Il a la particularité de contenir des instruments de faible diamètre. Ce kit est composé de 5 instruments :
- Une fraise cylindro-conique,
- 2 forets de Gates,
- 1 pointeur,
- 1 trépan.
Le diamètre externe des instruments destinés à descendre au contact de la tête de l’instrument est de 0,9 mm (existe également également en 0,7 mm), soit l’équivalent d’un foret de Gates n° 3. Cette technique est donc beaucoup moins délabrante que les autres techniques de sa catégorie.
Remarque
Si le fragment est situé au-delà d’une courbure ou au tiers apical, il est préférable de ne pas tenter un retrait.
LA CHIRURGIE ENDODONTIQUE
Le traitement chirurgical ne doit pas être considéré comme une alternative à la tentative de dépose, mais comme un traitement complémentaire.
La solution chirurgicale sera envisagée en cas d’échec de la tentative de retrait par voie orthograde et devant la persistance ou l’apparition d’une pathologie, et également dans le cas où l’instrument passe via l’apex dans la région apicale. Les techniques actuelles de chirurgie endodontique permettent de nettoyer et désinfecter la portion du canal située apicalement au fragment avant obturation à rétro.
PRÉVENTION DES FRACTURES INSTRUMENTALES
La fracture instrumentale peut être **évité par la détection d’une atteinte structurale de l’instrument, qui sont cependant invisibles à l’œil nu.
Plusieurs solutions sont possibles :
- Les fabricants suggèrent d’jeter les instruments après un certain nombre de cyclescycles**.
- Remplacer les instruments utilisés déjà utilisés dans des canaux courbes, calcifiés ou très très fins.
- Éviter de soumettre les instruments NiTi à des contraintes excessives à cause des **forces de torsion et de flexion.
- Travailler avec une **vitesse et un torque faibles : entre 300 et 600 tr/min.
CONCLUSION
L’ablation des instruments endodontiques fracturés représente toujours un challenge, même pour l’endodontiste le plus expérimenté. Il existe une grande variété de techniques proposées, mais aucune méthode miracle ne permet de réussir, à coup sûr, à débarrasser le canal du fragment métallique qui l’obstrue. Les technologies récentes reposant sur la visualisation de l’intimité du système endodontique par le microscope, et sur des instruments ultrasonores dédiés à l’endodontie**, particulièrement longs et fins, mais résistants, rendent possible le retrait de bris d’instrumentment** avec un délabrement minimum.
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
- Concepts cliniques en odontologie conservatrice
- L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
- Guide clinique d’odontologie
- Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
- La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique
ÉVICTION DES DEBRIS D’INSTRUMENTS : MOYENS ET THECHNIQUES

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.