Étiologie des Maladies Parodontales; Parodontologie
Introduction
En médecine, l’étiologie est l’étude des causes et des facteurs d’une maladie. L’étiologie des maladies parodontales est multifactorielle, elles résultent d’une agression bactérienne modulée par des facteurs liés à l’hôte (facteurs généraux et environnementaux).
La connaissance du concept de l’étiologie est essentielle car la prévention et le traitement des maladies parodontales dépendent d’une compréhension de la relation entre les facteurs étiologiques et la pathogenèse des maladies parodontales.
Objectifs pédagogiques
- Comprendre les principales causes des maladies parodontales, incluant les facteurs microbiens, génétiques, environnementaux et comportementaux.
- Analyser l’impact des facteurs systémiques et locaux sur le développement des maladies parodontales.
- Promouvoir la prévention des maladies parodontales en se basant sur l’étiologie et la recherche actuelle.
Rappels
Parodonte sain
La gencive a un aspect rose pâle, piqueté en peau d’orange, ne saigne pas au brossage spontanément ou au sondage. L’attache épithéliale se trouve au niveau de la jonction émail-cément. À la radiographie, le sommet de la crête osseuse se trouve à 2 mm au-dessous de la jonction émail-cément.
Dans le parodonte sain, on trouve quelques bactéries le long du rebord gingival. La plupart des bactéries sont aérobies-anaérobies facultatives. Les bactéries anaérobies strictes ne constituent qu’une faible proportion de la flore, et les cocci Gram- sont minoritaires.
Maladies parodontales
Les maladies parodontales sont des pathologies infectieuses déclenchées par la plaque bactérienne et entretenues par un déséquilibre entre l’agression bactérienne et la défense de l’hôte. On distingue :
- Gingivite
- Parodontite
Définitions
Étiologie
C’est la science des causes ou des origines.
Facteur de risque
C’est le maillon d’une chaîne causale associée à une maladie spécifique ou une caractéristique individuelle, capable d’exposer le patient à cette maladie (Beck, 1994). En d’autres termes, la présence d’un facteur de risque augmente la probabilité de survenue de la maladie.
Concept étiologique
Le modèle étiologique accepté par les auteurs est le modèle de Page et Kornman (1997). Ce modèle explique que les bactéries sont essentielles pour initier la réponse inflammatoire du patient, mais il existe des facteurs de risque qui ne causent pas directement la maladie, mais initient, modulent ou amplifient la réponse inflammatoire de l’hôte pour modifier l’expression clinique de la maladie.
Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés :
- Facteurs génétiques
- Facteurs acquis liés à une pathologie systémique (ex. : diabète)
- Facteurs liés au comportement (ex. : tabagisme)
- Facteurs environnementaux
Modèle étiopathogénique de Page et Kornman (1997)

CK : Cytokines ; Ac : anticorps ; Ag : antigène ; LPS : lipopolysaccharides ; PG : prostaglandine ; MPM : métalloprotéinases matricielles ; PNN : polynucléaires neutrophiles.
Facteurs étiologiques locaux de la maladie parodontale
Les facteurs étiologiques locaux sont classés en :
- Facteurs étiologiques locaux
- Facteurs étiologiques généraux
Les facteurs étiologiques locaux sont retrouvés dans l’environnement immédiat des tissus parodontaux et peuvent être divisés en :
- Facteurs locaux directs
- Facteurs locaux indirects
Parmi les facteurs étiologiques locaux directs, on distingue :
- Les facteurs d’irritation initiale
- Les facteurs favorisants ou facteurs de risques locaux
Facteurs étiologiques locaux directs de la maladie parodontale
Facteur d’irritation initiale : Le Biofilm
C’est la plaque dentaire, plaque bactérienne, plaque microbienne ou biofilm. Selon Socransky et Haffajee (1992) et Page et Schroeder (1997), quatre conditions doivent être réunies en même temps pour développer une maladie parodontale :
- Présence de bactéries pathogènes anaérobies Gram- en nombre suffisant pour dépasser le seuil de tolérance de l’organisme.
- Absence de bactéries protectrices aérobies Gram+ antagonistes des précédentes.
- Présence d’un environnement dento-gingival favorable au développement et à l’expression des facteurs de virulence des bactéries (tartre, inflammation, obturations débordantes, etc.).
- Une réponse inadéquate innée et/ou acquise du système de défense local et/ou systémique.
Chacune de ces conditions est nécessaire mais non suffisante à elle seule pour provoquer une infection parodontale avec destruction des tissus superficiels et profonds (Page et Schroeder, 1997).

Historique
Les concepts ont évolué au cours du temps :
- Années 1960 : L’étiologie infectieuse des maladies parodontales a été démontrée pour la première fois chez l’homme, à l’origine de la théorie de la plaque non spécifique. Dans cette théorie, les maladies parodontales sont dues à une augmentation globale du nombre de bactéries, la totalité de la flore microbienne de la plaque étant considérée comme pathogène sans distinction.
- Milieu des années 1970 : Newman et Socransky ont abouti à la théorie de la plaque spécifique, suggérant que des espèces bactériennes spécifiques sont à l’origine des maladies parodontales.
- Années 1990 : L’attention s’est portée sur la recherche de facteurs de risque ayant la capacité de modifier la réponse de l’hôte, entraînant des changements dans l’expression de la maladie. Les mécanismes immuno-inflammatoires de l’hôte sont activés en réponse à la détection d’éléments produits par les bactéries.
- Années 2000 : On découvre que les mécanismes inflammatoires de la maladie parodontale sont communs aux autres maladies inflammatoires.
- Actuellement : Le modèle utilisé pour représenter la pathogenèse de la maladie parodontale est composé d’un complexe bactérien, de facteurs environnementaux (tabac, stress, etc.) et des particularités génétiques de l’hôte.
Définition du biofilm
Un biofilm, tel que défini par Costerton et coll. (1994), est « une association de bactéries (d’une même espèce ou de plusieurs espèces) adhérant à une surface, au sein d’une matrice d’exopolymères sécrétée par les bactéries elles-mêmes, parcourue par des canaux aqueux ouverts contenant différents nutriments ».

Mode de formation du biofilm
Le temps de formation d’un biofilm varie de quelques heures à quelques jours :
- Formation de la pellicule acquise exogène.
- Phase d’adhésion (réversible et irréversible).
- Colonisation.
- Maturation.
- Détachement.
Formation de la pellicule acquise exogène (PAE)
Définition
C’est un film protéique d’origine salivaire, dépourvu de cellules, d’une épaisseur de 0,1 à 1 mm. Elle se forme spontanément et naturellement à la surface des dents en un revêtement insoluble. Elle apparaît en quelques minutes après le brossage et facilite l’attachement des premières bactéries.
Formation
Sa formation se fait en deux étapes :
- L’adhésion instantanée de protéines salivaires spécifiques à la surface de l’émail, aboutissant à la formation d’une première sous-couche en 3 minutes (précurseur de la PAE).
- Un second flot de protéines salivaires se fixe sur les protéines précurseurs de la PAE. Cette seconde adsorption de protéines salivaires se fait de manière continue, à l’origine d’un remodelage permanent de la couche superficielle de la PAE ainsi que de sa structure.
Composition
- Glycoprotéines salivaires (GPS) 98 % = proline +++ et tyrosine, histidine et thymine glycosylée par l’acide glutamique et l’acide aspartique.
- Autres composants : mucines, immunoglobulines (IgA, IgG), enzymes (amylase, peroxydase), lysozyme.
Rôle
- Protectrice : Elle s’oppose à la décalcification de la dent, notamment lors de l’ingestion d’aliments ou boissons acides.
- Co-destructrice : Elle maintient les acides au contact de l’émail. Riche en récepteurs, elle permet la colonisation de bactéries.
Adhérence et colonisation bactérienne
Cette adhérence résulte d’interactions physico-chimiques non spécifiques entre la bactérie et les surfaces (phase réversible). L’adhérence est un déterminant écologique primordial pour que les bactéries buccales persistent et survivent.
La fixation de bactéries pionnières est l’étape initiale de la formation du biofilm dentaire. Ces bactéries possèdent des adhésines à leur surface qui reconnaissent spécifiquement des récepteurs de la PAE.

L’adhérence irréversible fait intervenir :
- Des interactions non sélectives entre une surface bactérienne globalement chargée négativement et la PAE.
- Des interactions spécifiques ou stéréochimiques entre les adhésines bactériennes et les récepteurs de l’hôte.

Séquences de colonisation
La composition diffère selon que la plaque soit jeune ou mature :
- Premier jour : Les bactéries sont presque entièrement constituées de cocci et de bâtonnets banaux : streptocoques 50 % (Streptococcus mitis, Streptococcus oralis et Streptococcus sanguis), staphylocoques, neisseria.
- 2e et 3e jour : Le nombre de cocci Gram-négatif et des bâtonnets augmente de 7 à 30 % environ. Apparition des formes filamenteuses, des lactobacilles et d’actinomycètes.
- 4e et 6e jour : Le nombre de fusobactéries, d’actinomycètes et de veillonella augmente.
- Après le 7e jour : Des spirochètes et des spirella apparaissent en petit nombre, spécialement dans la région du sillon gingivo-dentaire. À mesure que la plaque mûrit, le nombre relatif de cocci et de bâtonnets Gram-positif diminue, tandis que le nombre des bâtonnets Gram-négatif augmente, surtout les veillonella avec quelques bacteroides et fusobacterium qui sont des anaérobies.
Adhérence de la plaque bactérienne
Dans la cavité buccale, trois substrats sont disponibles à la fixation des bactéries, définissant trois types d’adhérence :
- Adhérence à une surface dentaire (émail, dentine ou cément) : L’interaction bactérie/substrat se fait par pellicule interposée. Cette adhérence est stable car il s’agit d’une surface non desquamante.
- Adhérence aux cellules épithéliales : Propre aux surfaces muqueuses, elle est instable en raison de la desquamation des cellules de la couche la plus superficielle.
- Adhérence inter-bactérienne : Correspond à la liaison entre deux bactéries libres. La co-adhérence concerne la liaison d’une bactérie libre sur une autre déjà fixée. Ces reconnaissances bactérie-bactérie sont le résultat d’interactions spécifiques entre une protéine de surface d’une bactérie et le récepteur complémentaire de la bactérie “partenaire”. La co-adhérence peut être homotypique ou hétérotypique. Les streptocoques sont les seules espèces présentant une interaction bactérienne homotypique et hétérotypique.
Maturation du biofilm
Elle se fait grâce à la prolifération bactérienne et au développement de sa matrice intercellulaire, conséquence directe du métabolisme bactérien. Au fur et à mesure que les couches bactériennes se déposent, la plaque s’épaissit et est considérée comme mature après environ 30 couches.
Détachement de bactéries
Traditionnellement, le détachement de bactéries est considéré comme un phénomène passif, dépendant des forces du flux du milieu dans lequel le biofilm se trouve. Cependant, le détachement peut aussi être une stratégie active, initiée par les bactéries elles-mêmes, leur permettant de coloniser de nouvelles surfaces et de survivre lorsque l’espace et les nutriments deviennent limités.
Les bactéries peuvent se détacher seules ou par petits ou gros amas ou fragments selon les mécanismes impliqués (Kaplan, 2010). Ainsi, un biofilm établi constitue un réservoir de bactéries viables, capables de coloniser d’autres surfaces.
Structure du biofilm bactérien
Les biofilms sont composés de cellules microbiennes enfermées dans une matrice de substances polymères extracellulaires, telles que des polysaccharides, des protéines et des acides nucléiques. Avec l’avènement du microscope à lumière confocale, on découvre que le biofilm dentaire a une structure en champignon et que son épaisseur peut dépasser 1 mm. Cette structure n’est pas compacte mais ouverte à certains endroits qui constituent l’entrée des canaux aqueux.
L’architecture d’un biofilm de plaque dentaire présente de nombreuses caractéristiques en commun avec d’autres biofilms. Il est de structure hétérogène, constitué de canaux remplis de liquide ouverts traversant la masse de la plaque. Les nutriments entrent en contact avec les microcolonies attachées par diffusion depuis les canaux d’eau vers la microcolonie plutôt que depuis la matrice. Les bactéries existent et prolifèrent dans la matrice intercellulaire à travers laquelle passent les canaux.
La matrice confère un environnement spécialisé qui distingue les bactéries qui existent dans le biofilm de celles qui flottent librement (état planctonique) dans des solutions telles que la salive ou le liquide sulculaire. La matrice de biofilm fonctionne comme une barrière. Les substances produites par les bactéries dans le biofilm sont retenues et concentrées, favorisant les interactions métaboliques entre les différentes bactéries.
Le biofilm se développe autant au maxillaire qu’à la mandibule, plus sur les dents postérieures que sur les dents antérieures, et plus sur les faces proximales. Il tend à s’accumuler dans les zones non nettoyées par la friction naturelle de la muqueuse buccale, la langue et les aliments.
On distingue :
- Biofilm supragingival : Se dépose sur les couronnes cliniques, en rapport avec la salive, composé de bactéries aérobies.
- Biofilm sous-gingival : Situé dans l’espace gingivo-dentaire ou sulcus, occupant également l’espace créé par la poche parodontale. Sa composition diffère de celle de la plaque supragingivale, principalement en raison de la disponibilité locale des produits sanguins et d’un faible potentiel de réduction-oxydation (redox), qui caractérise l’environnement anaérobie.
Composition du biofilm
Le biofilm est organisé en microcolonies, ce qui lui donne des caractéristiques structurales particulières. Il est constitué principalement par :
- Une prolifération de micro-organismes
- Des cellules épithéliales desquamées
- Des leucocytes et des macrophages
- Une matrice extracellulaire
- De l’eau
La matrice extracellulaire constitue 25 à 30 % de la masse du biofilm. Elle se compose d’éléments organiques et inorganiques provenant de la salive, du fluide gingival et des différents produits bactériens. La structure de la matrice peut être fibrillaire, granuleuse ou amorphe, et contient les restes de lyse bactérienne, surtout membranaires.
Fraction acellulaire
- Contenu organique : Composé essentiellement de polysaccharides et de protéines. Le restant représente les produits extracellulaires du biofilm, les résidus cytoplasmiques de leur membrane cellulaire, les aliments ingérés et les dérivés des glycoprotéines salivaires.
- Polysaccharides extracellulaires et intracellulaires : La forte teneur en glucides de la matrice provient de l’activité bactérienne de synthèse des polysaccharides extracellulaires, par action enzymatique sur les glucides du régime alimentaire (saccharose) : glucanes, mutanes, fructanes. Ces polymères participent à l’agrégation des bactéries entre elles. Les polysaccharides intracellulaires sont stockés par une grande variété de bactéries du biofilm au sein de leur cytoplasme sous forme de vésicules, de type glycogène.
- Protéines : Proviennent essentiellement du métabolisme bactérien à partir des glycoprotéines salivaires. D’autres protéines résultent de la dégradation de membrane et du cytoplasme des cadavres des micro-organismes.
- Lipides : Proviennent de la membrane des bactéries lysées, de la salive, du fluide gingival et de l’alimentation (ex. : cholestérol, glycérides et phospholipides).
- Contenu inorganique : Principalement calcium et phosphore, ainsi qu’une petite quantité de magnésium, potassium et sodium, liés au contenu organique de la matrice.
Fraction cellulaire
- Bactéries : Depuis la fin des années 90, l’équipe d’Harvard a proposé de grouper les bactéries du biofilm en ensembles qualifiés de « complexes » de couleurs différentes selon leurs facteurs de virulence et l’ordre dans lequel elles apparaissent à la surface des dents (Socransky et al., 1998).
- Les bactéries des complexes violet, vert et jaune sont compatibles avec la santé parodontale ; elles sont les plus nombreuses en pourcentage et en nombre absolu.
- Les bactéries des complexes orange et rouge ne sont pas compatibles avec la santé parodontale.
- Autres micro-organismes : Virus, mycoplasmes, protozoaires, levures.

- Cellules de l’organisme : Quelques cellules épithéliales desquamées provenant des épithéliums buccaux, ainsi que des cellules sanguines, principalement des polynucléaires neutrophiles (Carranza et coll., 1996 ; Lindhe, 1986).
Bactéries parodontopathogènes
Pour être parodontopathogènes, les micro-organismes doivent exprimer des facteurs de virulence délétères pour les tissus parodontaux, en premier lieu pour les épithéliums gingivaux. Les bactéries parodontopathogènes actuellement suspectées et responsables dans l’apparition de certaines formes de parodontolyses sont :
- Aggregatibacter actinomycetemcomitans
- Prevotella intermedia
- Fusobacterium nucleatum
- Porphyromonas gingivalis
Pour survivre et se multiplier dans un environnement tel que le sillon gingivo-dentaire ou la poche parodontale, ces bactéries doivent être dotées de facteurs leur conférant un net avantage sur la flore saprophyte, en termes de colonisation et/ou d’évasion aux mécanismes de l’hôte.
Pathogénicité du biofilm
La pathogénicité du biofilm s’exerce par l’intermédiaire des facteurs de virulence, qui sont de deux ordres :
- Facteurs participant directement à la destruction du parodonte : Enzymes, toxines ou facteurs de résorption osseuse.
- Facteurs déclenchant indirectement une lyse tissulaire : Médiateurs de l’inflammation immune ou non immune.
Produits du métabolisme bactérien
Il existe deux voies métaboliques :
- Dégradation des glucides : Les acides issus de la glycocalyx sont capables de déminéraliser les tissus durs, entraînant la formation de la carie dentaire.
- Dégradation des protéines : Si l’activité protéolytique domine, on constate une élévation du pH, entraînant une accumulation d’ammoniaque et d’hydrogène sulfuré (cytotoxiques) et d’amines favorisant la formation du tartre à partir des sels salivaires.
Enzymes
Les enzymes, secrétés par les bactéries ou libérés au moment de leur lyse, jouent un rôle important dans l’initiation et le développement de la maladie parodontale inflammatoire en créant des brèches dans l’épithélium gingival, mettant à nu le tissu conjonctif sous-jacent. Exemples : lipases, protéases, hyaluronidases.
Toxines
Les germes microbiens libèrent des toxines, dont la pénétration dans les tissus est facilitée par les enzymes. Elles ont une action déterminante dans la progression du phénomène inflammatoire. On citera :
- Endotoxines : Sous forme de lipopolysaccharides.
- Exotoxines : Toxines protéiques formées par les bactéries (pouvoir antigénique important).
Antigènes
La réponse immune de l’hôte envers l’agression antigénique occupe une place privilégiée dans la progression de l’inflammation. Ces antigènes proviennent des bactéries et de leurs produits d’excrétion ou de désintégration. La plupart des substances antigéniques se trouvent au niveau des lipides formant la paroi, la membrane cytoplasmique et les flagelles des bactéries (lipoprotéines et flagelline).
Invasion bactérienne
Les bactéries peuvent traverser l’épithélium de la poche et envahir le tissu conjonctif sous-épithélial. Cela ne se produit habituellement que dans le fond de la poche, où les micro-organismes évitent l’infiltrat inflammatoire massif qui est marginal.
Facteurs favorisants l’accumulation du biofilm
Précurseurs du biofilm
- Pellicule acquise : Premier dépôt formé sur la surface d’une dent après son nettoyage, dérivé de la salive. Composée principalement de glycoprotéines adsorbées sélectivement à partir des protéines salivaires sur la surface des cristaux d’hydroxyapatite, de polypeptides et de lipides. Elle ne contient pas de bactéries.
- Matéria alba : Dépôt mou et collant, de couleur blanc grisâtre ou jaune, moins adhésif que la plaque. Elle se dépose sur les surfaces dentaires, les restaurations, le tartre et les gencives. Elle peut s’enlever avec un jet d’eau. Elle est formée par une concentration de micro-organismes, de cellules épithéliales desquamées, de leucocytes, ainsi que d’un mélange de protéines salivaires et de lipides, avec peu ou pas de débris alimentaires.
- Débris alimentaires : Différents du biofilm et de la matéria alba, ils sont plus faciles à enlever et disparaissent de la cavité buccale dans les cinq minutes suivant leur ingestion.
- Colorations noires extrinsèques d’origine bactérienne (black stains) : Touchent essentiellement les enfants, caractérisées par un liseré noir au collet des dents. Retrouvées en denture temporaire, mixte ou définitive, elles sont plus marquées sur les dents temporaires et tendent à diminuer avec l’âge, notamment à la puberté, où les changements hormonaux modifient la composition de la salive.
Le tartre
Définition
Le tartre est une masse adhésive calcifiée qui se forme sur la surface des dents naturelles et des prothèses dentaires.
Formation du tartre
Le tartre est constitué par du biofilm qui a subi une minéralisation. Le biofilm mou est durci par la précipitation des sels minéraux, généralement entre le 12e et le 14e jour de la formation du biofilm. Un biofilm au début de sa formation contient une petite quantité de matière inorganique, qui augmente à mesure qu’il se transforme en tartre. La calcification entraîne la liaison des ions de calcium aux complexes polysaccharides. La salive, le fluide gingival et les aliments sont les principales sources minérales du tartre.
Le tartre se comporte comme un facteur de rétention du biofilm et est souvent recouvert d’une couche de biofilm non minéralisé, entravant les mesures de contrôle d’hygiène buccale.
Classification
Selon sa relation au bord gingival :
- Tartre sus-gingival (tartre visible) : Situé au niveau de la crête du rebord gingival, visible dans la cavité buccale. De couleur blanc ou blanc jaunâtre, de consistance dure, sa couleur peut être modifiée par le tabac ou les pigments alimentaires. Il survient plus fréquemment sur les faces vestibulaires des molaires supérieures (en regard du canal de Stenon de la glande parotide) et sur les faces linguales des incisives mandibulaires (en regard du canal de Wharton de la glande sublinguale). Également appelé tartre salivaire.
- Tartre sous-gingival : Situé sous la crête de la gencive marginale, habituellement dans les poches parodontales, non visible à l’examen buccal. Une exploration minutieuse à l’aide d’une sonde est nécessaire pour le localiser. Dense et dur, de couleur marron foncé, il est également appelé tartre sérique, car il provient du fluide gingival.
Mode d’attache du tartre aux tissus durs
- Par l’intermédiaire de la pellicule acquise.
- Par l’apposition directe des cristaux inorganiques du tartre à ceux de la surface dentaire.
- Par la pénétration dans des irrégularités dentaires telles que les caries, les fissures et les résorptions.
Composition du tartre
- Contenu inorganique :
- Phosphate de calcium
- Carbonate de calcium
- Gaz carbonique
- Traces de métaux (zinc, magnésium, silicium, fluor)
- Contenu organique : Mélange de complexes protéines-polysaccharides, cellules épithéliales desquamées, leucocytes, divers types de micro-organismes et lipides.
La composition du tartre sus-gingival et sous-gingival est similaire.
La salive
La salive sert de milieu de culture pour les micro-organismes et joue un rôle dans la formation du biofilm et du tartre.
Fluide gingival
Le fluide gingival peut servir de milieu de culture bactérienne et contribuer à la formation de la plaque bactérienne et du tartre.
Facteurs dentaires
Certaines conditions anatomiques rendent difficile voire impossible le contrôle de la plaque, telles que :
- Projection de perles d’émail sur la racine
- Anomalies radiculaires
- Entrées de furcations
Facteurs anatomiques osseux
- Déhiscences et fenestrations : Prédisposent à la maladie parodontale et à la récession gingivale, surtout en cas de dysharmonie entre la taille des dents et les supports osseux.
Facteurs muqueux et musculaires
- Hauteur inadéquate de gencive attachée
- Profondeur de vestibule insuffisante
- Insertions de freins écartant le bord de la gencive de la dent
Pathologies corono-endodontiques
- Caries
- Fractures radiculaires
- Lésions cervicales radiculaires
Respiration buccale
Entraîne l’assèchement des muqueuses, empêchant l’effet protecteur de la salive.
Facteurs iatrogènes
- Obturations débordantes
- Crochets ou selles de prothèses
- Appareillages orthodontiques
Hygiène bucco-dentaire
Une hygiène buccodentaire défectueuse entraîne une accumulation de plaque dentaire importante dans le sillon gingivo-dentaire. Un brossage agressif avec des mouvements horizontaux peut provoquer une destruction gingivale et une abrasion dentaire. L’utilisation incorrecte de soie dentaire, de cure-dents ou de stimulateurs interdentaires en bois peut entraîner inflammation et destruction gingivale.
Malocclusion
Rend difficile l’accès à l’hygiène, favorisant l’accumulation de plaque bactérienne.
Extractions dentaires non compensées
Entraînent des déplacements dentaires et une altération des relations fonctionnelles, aboutissant à un trauma occlusal aggravant la lésion parodontale.

Facteurs locaux indirects ou facteurs fonctionnels
Ce sont des facteurs provoquant des forces occlusales dépassant la capacité d’adaptation du parodonte, entraînant la destruction du ligament parodontal et de l’os alvéolaire. On retrouve les parafonctions occlusales, comme certaines habitudes (bruxisme, mordillement d’objets comme un crayon), qui entraînent des forces occlusales excessives sur les tissus parodontaux (trauma occlusal).
Traumatisme occlusal primaire
Engendré par des forces occlusales anormales s’exerçant sur des structures parodontales saines, entraînant un élargissement du ligament alvéolo-dentaire.
Traumatisme occlusal secondaire
Désigne les forces occlusales s’exerçant sur un parodonte déjà affaibli par une maladie parodontale.
Causes des surcharges occlusales
Origine fonctionnelle
- Malocclusion : Le parodonte, nécessitant une stimulation par des forces occlusales physiologiques pour rester sain, subit des dommages lorsque ces forces dépassent les limites physiologiques (trauma occlusal) ou sont insuffisantes (atrophie parodontale par hypo-fonction).
- Prématurités et interférences : Les contacts prématurés, les interférences travaillantes et non travaillantes, dues à la fermeture des cycles de mastication par la prothèse, l’orthodontie ou la dentisterie restauratrice, induisent un bruxisme sur les trajets fonctionnels pour diminuer ou éliminer les obstacles occlusaux, ou une adaptation fonctionnelle des tissus parodontaux profonds.
- Pertes dentaires multiples non compensées : Provoquent des altérations de position et de rapports fonctionnels, entraînant un accroissement de la formation de biofilm.
Origine parafonctionnelle
- Parafonctions et dysfonctions : Habitudes néfastes engendrant des forces occlusales traumatogènes, telles que le bruxisme, le serrage et le blocage des dents, la pulsion linguale, l’onychophagie, le mordillement d’objets (pipe, crayon, aiguilles de couture, etc.).
Origine iatrogène
- Mauvaises restaurations conservatrices ou prothétiques.
- Traitement orthodontique inadéquat appliquant des forces iatrogènes.
Facteurs étiologiques généraux (facteurs systémiques)
Les facteurs systémiques ne sont pas impliqués directement dans l’étiologie des maladies parodontales, mais sont liés aux facteurs locaux. Ces facteurs :
- Jouent un rôle dans l’incidence et la progression de la maladie parodontale.
- Modifient la réponse inflammatoire gingivale suite à l’agression bactérienne, altérant l’équilibre entre l’hôte et les bactéries au niveau local.
Maladies parodontales associées à une anomalie génétique
Certaines maladies génétiques peuvent être associées à des manifestations parodontales précoces et sévères, affectant la réponse immunitaire, la structure des tissus conjonctifs ou la formation de l’os, favorisant la destruction des tissus de soutien des dents. Parmi ces pathologies :
- Syndrome de Papillon-Lefèvre : Défaut majeur du chimiotactisme des granulocytes neutrophiles, se manifestant par une hyperkératose palmo-plantaire, une télangiectasie symétrique des extrémités associée à une parodontolyse très destructrice aboutissant à la chute précoce des dents.
- Syndrome d’Ehlers-Danlos : Affecte la qualité du collagène et fragilise les gencives.
Ces conditions nécessitent une prise en charge multidisciplinaire pour limiter les complications parodontales.
Maladies parodontales associées à une hémopathie
Le parodonte dépend du flux et de la composition correcte du sang. Les modifications suivantes peuvent être observées :
- Leucémie : Diagnostiquée tôt par des saignements spontanés, un aspect œdématié de la gencive et des ulcérations de la muqueuse.
- Anémie : Réduction du nombre de globules rouges et de l’hémoglobine, entraînant une gencive et une muqueuse pâles, avec prédisposition à l’ulcération.
- Agranulocytose : Affection aiguë caractérisée par une leucopénie et une neutropénie graves, avec ulcération de la muqueuse buccale, de la peau et des voies gastro-intestinales, hémorragie gingivale, nécrose, salivation accrue et odeur fétide.
- Polyglobulie : Augmentation du nombre de globules rouges, entraînant une coloration diffuse rouge vif de la gencive et de la langue.
Maladies parodontales associées à un trouble endocrinien
Diabète
Les patients diabétiques sont plus susceptibles de souffrir d’affections parodontales, considérées comme la sixième complication du diabète. Le contrôle glycémique influence les destructions parodontales : les diabétiques non équilibrés représentent un réel facteur de risque. La parodontite affecterait le contrôle de la glycémie et exacerberait le diabète.
Modifications hormonales
Les modifications hormonales chez la femme lors de la puberté, de la menstruation, de la grossesse, de la prise de contraceptifs ou de la ménopause sont associées à une prédisposition aux maladies parodontales. L’augmentation du taux des hormones stéroïdes (œstrogènes et progestérone) peut considérablement aggraver une inflammation préexistante déclenchée par le biofilm.
- Grossesse : Une gingivite préexistante peut s’aggraver, avec possible apparition de lésions type épulis.
- Ménopause et ostéoporose : Semblent être des risques pour la destruction parodontale, une partie de la destruction osseuse du parodonte étant influencée par la destruction osseuse générale.
Maladies parodontales et déficits immunitaires
Infection par le VIH
Les patients atteints du SIDA sont plus à risque de développer une parodontite.
Déficits immunitaires dus à des médicaments
Les patients recevant un traitement réduisant ou supprimant les réactions immunologiques spécifiques peuvent présenter des destructions parodontales. Les principales classes de médicaments entraînant une immunodépression sont :
- Corticoïdes
- Antimétabolites (ex. : azathioprine), utilisés en prévention du rejet des organes transplantés et dans le traitement des maladies auto-immunes.
Chimiothérapie anticancéreuse
Les effets aplasiants des molécules anticancéreuses rendent le patient particulièrement susceptible aux maladies infectieuses bactériennes (notamment parodontales), fongiques et/ou virales.
Traitements médicamenteux
- Phénytoïne (antiépileptique) : Induit fréquemment des hypertrophies gingivales.
- Ciclosporines (immunosuppresseur antirejet de greffes) : Notamment la Ciclosporine A, entraîne la formation d’accroissement gingival pouvant recouvrir toutes les surfaces dentaires.
- Nifédipine (inhibiteurs calciques) : Induit des accroissements gingivaux régressant à l’arrêt du traitement.
Nutrition
Selon Boutigny et coll. (1996), en dehors des grandes carences scorbutiques et protéiques, il n’a jamais été démontré qu’un mode alimentaire favorise la survenue ou le développement d’une parodontite, contrairement au phénomène carieux lié à une alimentation riche en glucides.
Facteurs de risque
Le tabac
Reconnu comme le premier facteur de risque majeur dans le développement et la progression des maladies parodontales. Le tabac entraîne des modifications vasculaires, affecte différents aspects de la réponse immunitaire de l’hôte, entraînant une destruction parodontale accrue. Les fumeurs répondent moins favorablement aux traitements parodontaux.
Stress
Les mécanismes par lesquels le stress affecte l’état parodontal sont complexes. Il modifie le comportement, entraînant des comportements à risque pour la santé parodontale (tabagisme, abus d’alcool, réduction de l’hygiène buccodentaire), conduisant à une susceptibilité aux infections parodontales et à la maladie elle-même.
Prévention
Le brossage reste le procédé prophylactique de choix pour éliminer le biofilm bactérien. Quelle que soit la méthode utilisée, elle doit être :
- Bien enseignée au patient.
- Effectuée idéalement après les repas.
- Le temps consacré à chaque brossage est plus important que la fréquence.
Des adjuvants du brossage sont utilisés pour les zones inaccessibles à la brosse à dents :
- Fil de soie (espaces interdentaires)
- Brossettes interdentaires
D’autres procédés chimiques (antibiotiques, antiseptiques) sont employés dans certaines formes de parodontites agressives.
Conclusion
Les parodontites sont des maladies multifactorielles dues à la conjonction de bactéries et d’une réponse inflammatoire modifiée. L’environnement spécifique et des facteurs liés à l’hôte déterminent la susceptibilité du sujet à développer une flore bactérienne pathogène, une infection et une réponse inflammatoire destructrice.
Bibliographie
- Abdallaoui L, Bouziane A, Ennibi O. 2007. Évolution des concepts en parodontologie. 1ère partie : Évolution du concept étiopathogénique. Revue d’Odonto-Stomatologie, mai 2007, p. 87-99.
- Bercy P, Tenenbaum H. Parodonte sain et ses modifications histopathologiques. Manuel de la Parodontologie du diagnostic à la pratique. Édition de Boeck & Larcier, 2000, 298 p., p. 14-18.
- Boutigny H, Delcourt-Debruyne E. 1996. Étiologie des parodontites. Facteurs généraux et locaux de susceptibilité aux parodontites. EMC, 23-435-A-10, p. 1-11.
- Charon J, Mouton Ch. Étiologie des maladies parodontales. Parodontie médicale. Édition Cdp, 434 p., p. 113-123.
- Doucet P. 2008. Évaluation du risque parodontal. TITANE, Vol. 5, N°3, septembre 2008, p. 62-64.
- Herbert F, Wolf, Edith M et Klaus H, Rateitschak. 2004. Biologie structurale. Atlas de parodontologie. Paris : Édition Masson, p. 16-17.
- Massif L, Frapier L. 2007. Orthodontie et parodontie. EMC. Paris, 23-490-A-07, p. 1-16.
- Mattout P, Mattout C, Nowzari H. 2003. Parodonte non atteint. Le contrôle du facteur bactérien par le praticien et par le patient. Paris : Édition CDP, p. 3-24.
- Rose F, Mealey B. Anatomy, Development, and Physiology of the Periodontium. Periodontics Medicine, Surgery, and Implants. Elsevier Mosby, p. 58.
- Tenenbaum H. 2003. Pathologie générale et parodonte. EMC. Paris : Édition Elsevier SAS, 23-447-A-10, 6 p.
Étiologie des Maladies Parodontales; Parodontologie

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.