Ergonomie et postures de travail / Ergonomie Dentaire
Introduction
L’exercice de l’art dentaire a connu des (r)évolutions successives aussi bien en termes de relations de soins, de techniques, d’enseignement que d’outils et de technologie.
Cependant, le concept de prodiguer des soins sur fauteuil dentaire, malgré les améliorations des fonctionnalités de ce dernier, est resté inchangé.
Les soins dispensés à un patient sur fauteuil en position semi-assise ont imposé des adaptations de plusieurs ordres.
Dans ce cours, nous ferons le point sur l’évolution des positions de soins, sur les postures de travail imposées par ces positions et les conséquences de mauvaises postures.
Problématique des soins en médecine dentaire
La problématique du travail en médecine dentaire est que le médecin dentiste doit veiller à :
- Son propre confort immédiat pour dispenser des soins de bonne qualité.
- Le confort du patient pour atténuer son stress et éviter les accidents pouvant survenir sur fauteuil.
- L’application de l’ergonomie pour pouvoir dispenser les soins tout en préservant sa santé physique et mentale pendant sa carrière.

Évolution des positions de soins
Au 16e siècle, dans les rares représentations disponibles de notre métier, le patient peut être représenté debout ou à même le sol.
- Au 17e siècle, le métier n’est toujours pas reconnu et il est pratiqué par les barbiers ou par des « dentistes occasionnels ». En effet, ces « praticiens » œuvraient la plupart du temps dans les foires sur une estrade.

- En 1699, le métier d’« expert pour les dents » est reconnu en France.

- À partir du 18e siècle, Pierre Fauchard (père de la dentisterie moderne en France) s’opposa à la position du patient à même le sol. Il proposa pour la première fois un fauteuil dentaire avec les spécificités suivantes : « Afin de rendre l’opération plus aisée, on doit le faire asseoir sur un fauteuil ferme et stable, propre et commode, dont le dossier sera garni de crin, ou d’un oreiller mollet plus ou moins élevé et renversé suivant la taille de la personne, et surtout suivant celle du dentiste ».

- Cependant, Fauchard sera le premier auteur à montrer les limites de la position assise du patient face à la localisation postérieure de certaines dents ou encore aux cas pathologiques, préconisant alors une position « couchée à la renverse ».
- Jusqu’à aujourd’hui, le fauteuil continue d’évoluer, mais sans que la position « semi-assise » donnée au patient ne change.
Définition de la posture de travail
La posture résulte d’un enchaînement harmonieux d’activités motrices et perceptives qui vont déterminer une liaison entre l’homme et la machine, dite liaison obligée. L’existence de ces liaisons fixe la posture. Plus ces liaisons sont nombreuses, plus la posture est contraignante.
Posture de travail du médecin dentiste
Les difficultés du praticien liées aux postures de travail sur fauteuil dentaire ont deux causes principales : une liée au fauteuil proprement dit, qui est le support du patient, et une deuxième liée au mode de distribution des instruments. Ces deux situations ont des conséquences différentes sur le praticien :
- Le support patient pose des problèmes quant à l’accès visuel du praticien et donc sur sa colonne vertébrale (distance du travail).
- Les modes de distribution des instruments se différencient du fait de leur localisation et donc ont un impact sur l’épaule du praticien (espace de préhension).
Pour faire face à ces difficultés, il est impératif de prendre en considération les 4 points suivants dans la posture de travail du médecin dentiste :
La distance du travail

Elle correspond à la distance œil/tâche du praticien. C’est la distance la plus faible à laquelle on peut voir un point nettement sans fatigue, ou punctum proximum (Pp), que l’on établit à 25 cm pour un œil normal avant 40 ans. La hauteur du patient sur le fauteuil est adaptée une fois cette distance établie. Il est à noter qu’une distance de travail trop grande provoque la flexion cervicale. Du fait que le praticien doit orienter son regard vers le bas, il doit combiner plusieurs liaisons : la flexion des cervicales, la flexion du rachis et la rotation des globes oculaires.
L’espace de préhension

Une fois la position du praticien validée, il faudra adapter l’environnement à celui-ci. L’environnement du praticien doit respecter son espace de confort. L’espace de confort est défini par une course articulaire moyenne où l’amplitude du mouvement permet à la capsule articulaire d’être détendue. En effet, on définit pour chaque personne un cône de préhension dans lequel on décrit un espace de préhension maximal et un espace de confort articulaire et musculaire. L’objectif sera de ne pas placer de matériel en dehors du cône de préhension. Les instruments souvent utilisés devront être placés en zone de confort. L’amplitude de chaque articulation comporte 3 secteurs : la course externe, la course moyenne et la course interne. La course moyenne est définie comme l’amplitude où la capsule articulaire est détendue. L’objectif sera donc de faire des mouvements en course moyenne, dans la zone de confort propre à chaque praticien.

L’orientation de la cavité buccale

En position semi-allongée, la cavité buccale est orientée vers l’avant, elle n’est pas dans la direction du regard du praticien. Le travail en bouche sur l’arcade maxillaire nécessitera donc des mouvements extrêmes de la part du praticien (flexion, extension). Seule la position allongée nous donnera un accès visuel plus favorable car la cavité buccale du patient aura une orientation vers le haut, donc plus proche de l’axe des yeux du praticien. L’orientation de la cavité buccale pourra secondairement être modulée grâce à une têtière.

La position de travail

Les praticiens doivent adopter une position corporelle neutre afin de limiter la charge statique, car celle-ci diminue le flux sanguin. Cette position est décrite dans la norme ISO 112268. Elle est décrite comme suit :
- Position de la colonne vertébrale en S (courbure naturelle).
- Genoux pliés proches de 90°, le but recherché est une bonne répartition des appuis.
- Pieds à plat au sol, alignés avec les genoux.
- Pieds vers l’avant, alignés avec les cuisses.
- Jambes légèrement écartées.
- Nuque penchée à 25° maximum.
- Corps penché à 10° maximum.
- Haut des bras le long du corps, soulevés à 20° maximum.
- Avant-bras à 10-15° au-dessus de l’horizontale, 25° maximum.
- Coudes en position médiane : éviter la pronation et la supination extrêmes.
- Poignets en position médiane : éviter les positions extrêmes.
La position idéale du patient préconisée par l’European Society of Dental Ergonomics est la position allongée, car elle permet un contrôle optimal.

Contraintes du patient sur fauteuil
Bien que le praticien puisse adopter cette posture ergonomique, les patients, quant à eux, rapportent des difficultés face à cette position dans les fauteuils ordinaires.
La sensation de recul

La position allongée serait à l’origine d’une sensation désagréable « de se sentir partir en arrière ».
L’angulation des genoux
Le fauteuil se présente souvent avec une angulation pour les genoux. Cet angle permet, en position semi-assise, de relâcher les muscles ischio-jambiers. Cependant, en position allongée, cet angle crée une tension des muscles droits antérieurs.

Décalage entre le plateau de l’assise et le dossier
Un décalage entre le plateau de l’assise et le dossier est gênant pour le patient, car il sera source de douleurs et d’inconfort.
Placement des jambes

Certains fauteuils présentent une inclinaison du dossier qui place les jambes des patients plus hautes que la tête. Cela favoriserait les troubles orthostatiques (sensation de malaise) quand nous relevons le patient.
Adaptation du support
Les dimensions et la répartition des angulations au niveau des fauteuils ont été décidées en utilisant des dimensions anthropométriques moyennes. On a donc une inadaptation pour les gabarits extrêmes, car le point de référence est le point ischial du patient au niveau du creux du fauteuil.
Concept de la table opératoire
Ce nouveau concept japonais repose sur la proprioception de soi, sur les 5 sens, à savoir : l’équilibre, la kinesthésie, le toucher, l’ouïe, la vue, pour effectuer sans stress les procédures dentaires.

La position du corps du praticien doit être instinctive, naturelle et de telle sorte que seuls les avant-bras deviennent actifs.
La position du patient doit avoir pour référence le « point zéro », qui est le point inter-incisif, et se déplace sur un axe vertical.
En effet, le praticien se place assis à 12 h, de manière confortable, puis sa distance de travail est déterminée par la distance la plus courte lui permettant de voir ses empreintes digitales. Cette distance de travail est donc variable d’un individu à l’autre. Une fois celle-ci mesurée, le patient et les instruments sont positionnés en fonction.
On note que ce concept privilégie l’adaptation du matériel à l’homme, soit la définition même de l’ergonomie.

Facteurs de risque liés aux mauvaises postures de travail
Il existe quatre familles de facteurs de risque :
- Individuels
- Biomécaniques
- Psychosociaux
- Organisationnels
La combinaison de facteurs de risque a un effet multiplicateur. En effet, leur présence simultanée augmente le niveau de risque.

Facteurs individuels
Parmi les facteurs de risque spécifiques, nous listerons l’âge, la sédentarité, le surpoids, la méconnaissance en ergonomie, les prédispositions génétiques, l’état de santé, la notion de « sensibilité individuelle », l’alcool, le tabac…
Facteurs biomécaniques

Parmi les facteurs de risque biomécaniques, nous avons les mouvements répétitifs, les positions statiques et/ou contraignantes, les mouvements extrêmes (torsion, flexion), les contraintes de contact ou « stress contacts » comme les vibrations de haute fréquence et la pression provoquée par la prise en pince. Le port de gants, le froid et le facteur temps auront un effet aggravant sur ces différents facteurs de risque.
Dans la pratique dentaire, beaucoup de positions prises par le corps du praticien s’éloignent de la position neutre, générant des positions contraignantes. De plus, la combinaison de la flexion et de la déviation réduit encore plus la force disponible. Souvent, ces postures sont maintenues de façon statique et prolongée, ce qui augmente l’impact néfaste sur le corps.
Facteurs psychosociaux
Les facteurs de risques psychosociaux mis en cause sont l’augmentation de la charge de travail, la pression temporelle (time pressure), la monotonie dans le travail, le manque de soutien ou encore l’avenir professionnel perçu comme incertain. Ces facteurs sont source de stress. Ce stress est à l’origine de l’augmentation de la force de serrage et des pressions d’appuis qui conduisent à des tensions musculaires.
Facteurs organisationnels
Les facteurs de risques sont les suivants : le manque de pause, le manque d’alternance entre des tâches plus ou moins stimulantes, les horaires de travail, l’emploi du temps, le travail le week-end, les heures supplémentaires…
Conséquences des mauvaises postures de travail
Signes objectifs
- Une diminution de l’amplitude de mouvement.
- Une modification des sensations.
- Une diminution de la force de préhension.
- Une modification des mouvements et de la coordination.
Signes subjectifs
- Une excessive fatigue des systèmes ostéo-musculo-articulaires.
- Des sensations de picotements, de brûlures.
- Une faiblesse de la préhension.
- Des crampes, des engourdissements.
- Des maladresses dans la prise des objets et des hypersensibilités.
Prévention
Il existe plusieurs niveaux de prévention. Tout d’abord, la prévention primaire, qui a pour objectif d’éviter l’émergence de problèmes en agissant sur l’environnement du travail et l’évaluation des facteurs de risques. La prévention secondaire consiste à mettre en place des actions consécutives à l’identification des premières atteintes, telles que les exercices d’étirements, de renforcement musculaire…
Enfin, la prévention tertiaire, qui permet de diminuer les conséquences de l’atteinte et ainsi d’éviter les récidives. Cette prévention s’étend au domaine de la réadaptation et prend une dimension curative. Elle a pour but de soigner une fois que les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont apparus.
Conclusion
La connaissance et l’application des postures de travail ergonomiques permettent au praticien une bonne préservation de ses capacités physiques et mentales, mais aussi au patient de bénéficier de soins de qualité dans les conditions les plus confortables.
Ergonomie et postures de travail / Ergonomie Dentaire
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Ergonomie et postures de travail / Ergonomie Dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.