DYSFONCTIONNEMENT DE L’APPAREIL MANDUCATEUR

DYSFONCTIONNEMENT DE L’APPAREIL MANDUCATEUR

DYSFONCTIONNEMENT DE L’APPAREIL MANDUCATEUR


DYSFONCTIONNEMENT DE L’APPAREIL MANDUCATEUR

INTRODUCTION

L’objectif majeur de l’odontologiste est de préserver, rétablir ou maintenir l’intégrité de l’appareil manducateur, qui est affecté par trois pathologies principales : les caries, les parodontopathies et la pathologie occlusale. Ayant largement dépassé le cadre de la dent, l’odontologiste a pris conscience du rôle qu’il peut et doit jouer dans le diagnostic et le traitement des troubles de l’appareil manducateur. En effet, la synergie de tous les éléments du système stomatognatique peut être perturbée par une altération, même minime, de l’un de ses composants.

DÉFINITION DU DAM

Le dysfonctionnement de l’appareil manducateur (DAM) se définit comme un défaut d’adaptation de l’appareil manducateur à un trouble de l’occlusion ou une parafonction, aggravé par un trouble psychique ou général. Le DAM ne se manifeste pas immédiatement. Les symptômes prédominent chez les femmes avant 35 ans, tandis que les signes articulaires, souvent non douloureux, sont plus fréquents chez les sujets âgés.

ÉTIOLOGIE

Selon Gola, Chossegros et Orthlieb, la reconnaissance des étiologies du DAM est une entreprise délicate en raison du nombre et de la complexité des facteurs intriqués, ainsi que des modes très variés de réaction de l’appareil.

Facteurs prédisposants

Les facteurs prédisposants, qu’ils soient naturels ou acquis, créent le terrain favorable à la maladie.

Troubles de l’occlusion
  • Prématurités occlusales : Contacts occlusaux se produisant avant l’intercuspidation maximale, lors du mouvement de fermeture.
  • Interférences occlusales : Plus nocives si elles sont d’apparition brutale (coiffe, extraction), concentrées sur une dent ou situées du côté non travaillant.
  • Perte de calage postérieur.
  • Modification de la dimension verticale d’occlusion : Les modifications brutales, importantes et asymétriques peuvent engendrer un DAM.
  • Anomalies occlusales d’origine squelettique : Les dysmorphoses maxillo-mandibulaires et condyliennes peuvent être responsables de DAM.
Hyperlaxité ligamentaire
  • Spontanée : Par exemple, dans le syndrome de Marfan.
  • Acquise : Promandibulie fonctionnelle, désunion disco-condylienne (disque flottant).
Parafonctions

Les parafonctions développent des forces exagérées, statiques (crispation) ou dynamiques (bruxomanie), ou encore une interposition linguale ou une déglutition atypique. D’autres parafonctions sont rarement observées, par exemple chez les joueurs de violon ou les plongeurs sous-marins.

Facteurs déclenchants

Ces facteurs perturbent brutalement l’homéostasie de l’appareil manducateur :

  • Choc émotionnel : Majoration des parafonctions (deuil, divorce, examen).
  • Modification brutale de l’occlusion : Orthodontie, prothèse iatrogène.
  • Modification comportementale : Abus de mastication de chewing-gum, changement de côté de mastication, changement de posture de sommeil (décubitus ventral).
  • Traumatismes : Contusion de l’ATM, fracture du condyle, ouverture buccale forcée.

Facteurs d’entretien

Ces facteurs se surajoutent ou se substituent à la pathologie initiale, compliquant le traitement et aggravant le pronostic :

  • Migration secondaire.
  • Remodelage articulaire soustractif.
  • Instabilité prothétique.

Candidat au DAM

Le candidat au DAM présente quatre facteurs de risque :

  1. Hyperlaxité articulaire.
  2. Crispation.
  3. Édentement postérieur.
  4. Trouble du guidage antérieur par parafonction ou dysfonction.

PATHOGÉNIE

Le spasme musculaire perturbe la synergie et le synchronisme des muscles du complexe manducateur, dont les limites dépassent largement ce système. Il en résulte l’apparition de douleurs, parfois à distance du muscle initialement sollicité. Cette propagation de la douleur est expliquée par l’existence de trajets anatomiques reliant des zones gâchettes ou zones de référence.

La relation de cause à effet entre les interférences occlusales et le spasme musculaire est bien établie. Cependant, considérer l’occlusion comme le facteur primaire dans l’étiologie de ces troubles serait une erreur. Un simple facteur psychologique peut également provoquer une discordance, voire un bouleversement. Ce sont donc les différentes combinaisons entre tension psychique et interférences occlusales qui peuvent rompre l’équilibre fragile du système.

SYMPTOMATOLOGIE

Les manifestations cliniques du DAM sont extrêmement polymorphes. Certaines sont évocatrices et orientent directement vers l’appareil manducateur, tandis que d’autres, plus équivoques, peuvent prêter à confusion.

Manifestations musculaires

Liées aux spasmes, elles se traduisent par :

  • Douleurs.
  • Limitation de l’ouverture buccale.
  • Hypertrophie musculaire.
Spasmes musculaires spécifiques
  • Ptérygoïdien externe : Otalgies, douleurs pré-auriculaires ou pseudo-sinusiennes.
  • Masséter :
  • Faisceau profond : Otalgie et douleur pré-auriculaire.
  • Faisceau superficiel : Douleurs, trismus, parfois hypertrophie musculaire.
  • Temporal :
  • Faisceaux antérieur et moyen : Céphalées temporales fréquentes.
  • Faisceau postérieur : Otalgies.
  • Ptérygoïdien interne : Douleurs pseudo-angineuses.
  • À long terme : Acouphènes (bourdonnements ou sifflements).
  • Muscles abaisseurs : Paresthésies pharyngées, sensation de gorge serrée.
  • Muscles de la langue : Glossodynies.
  • Muscles cervicaux : Douleurs au niveau de la nuque, des épaules et céphalées.

Manifestations articulaires

Douleur
  • Localisation : Au niveau de l’articulation ou dans l’oreille, uni- ou bilatérale.
  • Aggravation : Par la mastication d’aliments durs, le bâillement, les éternuements, le froid, l’humidité, la fatigue ou les parafonctions.
  • Palpation : Douloureuse pendant les mouvements de l’ATM.
Bruits articulaires
  • Origine : Incoordination entre les mouvements du condyle et du ménisque, où le condyle sort de la concavité et dépasse le bord du ménisque.
  • Craquements ou claquements : Fréquents, se produisent à l’ouverture et à la fermeture buccale lorsque le condyle revient brusquement vers le centre.
  • Crépitations : Perçues à la palpation de la face antérieure du conduit auditif externe ou de la région prétragienne, correspondant au frottement des surfaces articulaires souvent érodées.
Perturbations dynamiques
  • Ressaut : Signe visuel et tactile, sensation de décrochage de la mandibule lors de l’ouverture buccale, en deux temps.
  • Subluxation condylienne : Uni- ou bilatérale.
  • Dyskinésie mandibulaire.
  • Trismus : Relativement fréquent.
  • Déviation de la mandibule : Palpation simultanée des deux articulations pour suivre la progression différente des condyles.

Manifestations alvéolo-dentaires

En dehors des signes musculaires et articulaires, les patients peuvent se plaindre de troubles dentaires et parodontaux.

Manifestations cranio-cervico-faciales

  • Céphalées.
  • Vertiges au lever.
  • Manifestations oculaires : Douleurs, photophobie, larmoiement.
  • Névralgies.
  • Psychalgies.
  • Douleurs et troubles de la posture.

EXAMEN CLINIQUE

Pour établir un diagnostic correct, il est indispensable de regrouper toutes les informations concernant l’état du patient et de les enregistrer de manière organisée.

Interrogatoire

L’interrogatoire doit permettre de noter :

  • Motif de consultation : Douleur, bruits articulaires, limitation de l’ouverture buccale, luxation ou subluxation.
  • Mode évolutif :
  • Apparition : Soudaine ou progressive, spontanée ou provoquée (bâillement, soins dentaires prolongés).
  • Intensité : Gêne, sensibilité, douleur superficielle, moyenne, forte ou paroxystique.
  • Durée : Quelques heures, jours, semaines ou permanente.
  • Présence de zones gâchettes.
  • Antécédents personnels et familiaux :
  • Profession : Certaines exigent une tension nerveuse ou une posture pathogène (violoniste, standardiste, dentiste).
  • Situation familiale : Problèmes affectifs éventuels.
  • Passé rhumatismal.

Examen exo-buccal

Dès l’entrée du patient, noter les anomalies :

  • Faciales : Faciès crispé, asymétrie, cicatrice, mouvements anormaux (tics, parafonctions), hypertrophie musculaire, anomalies de profil (pro- ou rétro-mandibulie).
  • Posturales : Port de la tête, attitude scoliotique, démarche.

Étude de l’appareil manducateur

Muscles
  • Palpation en deux temps : Muscle au repos et muscle contracté ou étiré.
  • Contraction : Lors de la fermeture buccale et propulsion.
  • Étirement : Lors de l’ouverture et rétropropulsion.
  • Muscles examinés : Élévateurs, abaisseurs et cervicaux.
Articulation temporo-mandibulaire (ATM)
  • Palpation : Au repos et lors des mouvements mandibulaires, pour apprécier la limitation des mouvements, les bruits articulaires et les douleurs.
  • Auscultation : À l’aide d’un stéthoscope, pour percevoir les différents types de bruits.
  • Mouvements mandibulaires : Ouverture buccale, fermeture, propulsion et diduction.
  • Limitation de l’ouverture buccale avec propulsion et diduction conservées : Origine musculaire.
  • Limitation de l’ouverture buccale avec diduction altérée : Origine articulaire.
Bilan dentaire
  • Analyse occlusale : Réalisée en bouche puis sur articulateur, pour détecter les prématurités et interférences.
  • Examen des fonctions : Mastication, déglutition, phonation, respiration.

Examens complémentaires

Tests cliniques
  • Test de Krogh-Poulsen :
  • Morsure d’un abaisse-langue au niveau des molaires du côté douloureux.
  • Résultat :
    • Aggravation de la douleur : Atteinte musculaire.
    • Soulagement : Atteinte articulaire.
  • Test de résilience de Gerber :
  • Serrer les dents sur une cale de papier d’étain d’un côté et un ruban d’occlusion de l’autre.
  • Résultat :
    • Ruban bloqué : Articulation avec potentiel de réserve.
    • Ruban non bloqué : Articulation en compression, sans potentiel de réserve.
  • Comparaison des mouvements statiques et dynamiques : Les douleurs lors des mouvements mandibulaires sont préférentiellement d’origine articulaire.
Examens radiologiques
  • Panoramique : Apprécie les régions condyliennes, arcades alvéolaires, morphologie mandibulaire.
  • Téléradiographie : Vue de profil du crâne et des arcades dentaires.
  • Incidence transcrânienne de Schuller : Montre la partie latérale de l’articulation, position du condyle et état des surfaces osseuses.
  • Tomographie : Visualise les structures osseuses et l’interligne articulaire en 3D.
  • Scanographie : Visualise l’interligne articulaire, surfaces osseuses et calcifications discales.
  • Imagerie par résonance magnétique (IRM) : Non invasive, indiquée pour les cas atypiques et avant chirurgie.
  • Sonographie : Enregistre les sons temporo-mandibulaires et objective les bruits articulaires.

DIAGNOSTIC

Diagnostic positif

Un examen clinique méthodique permet un diagnostic facile, basé sur la présence d’un ou plusieurs des signes suivants :

  • À l’ouverture de la bouche : Limitation de l’ouverture buccale, déviation mandibulaire.
  • Douleurs et bruits articulaires au niveau d’une ou des deux ATM.
  • Sensibilité des muscles à la palpation.
  • Algies pré-auriculaires irradiantes.
  • Mise en évidence des interférences occlusales.

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel doit être établi pour la douleur et la dysfonction, en excluant :

  • Lésions de la muqueuse oro-pharyngée.
  • Lésions dentaires.
  • Sinusite maxillaire.
  • Lésions inflammatoires de l’oreille.
  • Problèmes des glandes salivaires.
  • Névralgie faciale.
  • Céphalées et migraines.
  • Arthrites.

TRAITEMENT

Traitement symptomatique

  • Médicamenteux : Analgésiques, myorelaxants, anti-inflammatoires, anxiolytiques, tranquillisants.
  • Décontraction musculaire :
  • Gouttière occlusale.
  • Physico-thérapie : Application de chaleur, rayons infrarouges.
  • Infiltration de produits anesthésiques au niveau de l’ATM.
  • Exercices de décontraction musculaire.
  • Psychothérapie.

Traitement étiologique

Rétablir une occlusion équilibrée, stable et fonctionnelle, en harmonie avec le système neuro-musculo-articulaire, par :

  • Extractions dentaires.
  • Coronoplasties.
  • Orthodontie.
  • Restauration prothétique.
  • Meulage sélectif.
  • Rééducation fonctionnelle en cas d’habitudes nocives ou tics de posture (par exemple, combattre l’onychophagie par le patient lui-même).

Traitement prophylactique

Chez le nourrisson
  • Conseiller des tétines souples.
  • Rééducation de la déglutition dès 3 ans.
  • Élimination précoce des habitudes nocives (succion du pouce ou d’objets).
  • Surveiller la position de sommeil.
Chez l’enfant
  • Bruxisme infantile : Cause d’infragnathie et de perte de la dimension verticale d’occlusion (DVO).
  • Dent de 6 ans : Clé des relations occlusales, à surveiller.
  • Conserver l’espace après extraction par un mainteneur d’espace.
  • Dépister précocement les malpositions.
Chez le jeune adulte
  • Examens dentaires périodiques.
  • Limiter les extractions.
  • Extraire les dents de sagesse en mauvaise position.
  • Soutenir fortement la mandibule lors d’interventions.
Chez l’adulte
  • Examens réguliers chez le chirurgien-dentiste.
  • Compenser les édentations.
  • Soins dentaires.
  • Contention des dents mobiles.

CONCLUSION

Les dysfonctionnements de l’appareil manducateur sont des affections multifactorielles où le trouble occlusal et le stress jouent un rôle important. Les thérapeutiques doivent contrôler les phases aiguës sources de douleur et favoriser l’adaptation tissulaire (musculaire et articulaire) à long terme.


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