DENTS ET SINUS (RELATIONS PATHOLOGIQUES)

DENTS ET SINUS (RELATIONS PATHOLOGIQUES)

DENTS ET SINUS (RELATIONS PATHOLOGIQUES)

1- INTRODUCTION

En raison de l’étroitesse des rapports entre certaines dents de l’arcade supérieure (apex de celles-ci) et les sinus maxillaires (par leur face inférieure), des relations dento-sinusiennes de mauvais voisinage s’observent fréquemment. L’origine est souvent dentaire, mais elle peut parfois être sinusienne.

2- RAPPELS

2-1 EMBRYOLOGIE DU SINUS MAXILLAIRE

Le sinus maxillaire apparaît dès le 4ème mois de la vie intra-utérine. Il naît par évagination de la muqueuse de la capsule nasale primitive, dont le point de pénétration correspond à l’ostium. Le développement du sinus maxillaire s’effectue parallèlement à l’accroissement maxillaire, en fonction de l’espace libre laissé par l’éruption des dents temporaires et définitives.

  • À la naissance : C’est une petite cavité (sous forme de fente) de quelques mm de diamètre. Dès les premières années de la vie, il subit une croissance antéro-postérieure.
  • À 1 an : Il est en contact avec le germe de la deuxième prémolaire et celui de la première molaire.
  • À 6 ans : Il prend la forme du sinus adulte, mais reste encore largement ouvert dans les fosses nasales. Il n’est pas le siège de rétention, donc la sinusite maxillaire de l’enfant n’existe pas.
  • Forme définitive : Il prend sa forme définitive après l’éruption de la dent de sagesse.

2-2 ANATOMIE DESCRIPTIVE DU SINUS MAXILLAIRE

Les sinus maxillaires sont deux cavités aériques plus ou moins symétriques, creusées dans l’épaisseur du maxillaire. Elles sont annexées aux fosses nasales avec lesquelles elles communiquent par un ostium au niveau du méat moyen. Ils sont de forme pyramidale triangulaire à base médiale et tapissés d’une muqueuse de type respiratoire.

On leur distingue :

  • Une paroi antérieure (jugale) et une paroi interne (nasale) : intérêt chirurgical.
  • Une paroi inférieure et une paroi supérieure (orbitaire) : parois pathologiques.
  • Une paroi postérieure.
  • Capacité moyenne : 12 cm³. Il existe des petits sinus (3 à 4 cm³) et des grands sinus (25 cm³). Ils sont centrés sur la deuxième prémolaire et la première molaire de façon constante.
  • Innervation : Assurée par le nerf maxillaire supérieur, branche du trijumeau.
  • Vascularisation : Principalement issue de l’artère maxillaire interne :
    • L’artère alvéolaire irrigue le sinus, les molaires et les prémolaires.
    • L’artère sous-orbitaire irrigue le bloc incisivo-canin.
    • L’artère sphéno-palatine irrigue la cloison inter-sinuso-nasale.
  • Veines : Se drainent vers les plexus veineux ptérygo-maxillaire.
  • Lymphatiques : Se drainent vers les plexus lymphatiques péri-tubaires.

3- PATHOLOGIES SINUSIENNES D’ORIGINE DENTAIRE

TECHNIQUES D’EXAMEN DU SINUS MAXILLAIRE

L’interrogatoire

Doit préciser :

  • Les antécédents dentaires : abcès, traitement radiculaire.
  • Les signes sinusaux : douleur, mouchage purulent unilatéral ou vomique, cacosmie subjective.

L’examen clinique

  • Exo-buccal : Recherche de points douloureux sous-orbitaire, sous-malaire, dans la fosse canine.
  • Endo-buccal : Palpation de la fosse canine, du vestibule, de la tubérosité maxillaire. Insister sur le secteur dentaire prémolo-molaire.
  • Rhinoscopie antérieure : Permet d’examiner l’aspect du cornet moyen, repère de l’écoulement purulent.
  • Rhinoscopie postérieure.
  • Diaphanoscopie : Permet d’apprécier la transparence sinusale en transilluminant les cavités sinusiennes.

Examens complémentaires

  • Imagerie :
    • Orthopantomogramme (panoramique).
    • Incidence de Blondeau (nez-menton-plaque).
    • Nez-front-plaque.
    • Hirtz.
    • Scanner, notamment le dentascanner.
  • Ponction du sinus.
  • Endoscopie sinusienne (sinusoscopie) : Permet d’observer l’état de la muqueuse sinusienne.

3-1 PATHOLOGIE INFECTIEUSE ET INFLAMMATOIRE

Les sinusites maxillaires d’origine dentaire résultent de la propagation d’un processus inflammatoire ou infectieux d’une dent antrale à la muqueuse sinusienne.

3-1-1 L’EMPYÈME AIGU DU SINUS

Le début est brutal, survient après qu’une dent antrale ait présenté une desmodontite apicale aiguë. Caractérisé par :

  • Des douleurs durant 2 ou 3 jours, s’aggravant avec irradiation vers l’orbite ou l’hémiface.
  • Altération de l’état général avec une température de 38°C.
  • Empâtement de la région génienne.
  • Tuméfaction gingivale centrée sur la dent responsable.
  • Mouchage purulent fétide unilatéral dans les jours qui suivent : le patient expulse un bouchon de pus fétide par une narine, perçu uniquement par lui (cacosmie subjective, collection ouverte dans le sinus).
  • Radiographie : Opacité unilatérale homogène du sinus.

Évolution : En l’absence de traitement, il évolue vers la sinusite chronique.

3-1-2 LA SINUSITE MAXILLAIRE AIGUË

Diffère de la sinusite d’origine nasale par :

  • L’unilatéralité de l’infection.
  • Rhinorrhée fétide à l’origine d’une cacosmie homolatérale.
  • Douleurs dentaires.

Signes :

  • Douleurs violentes au-dessus, en-dessous et au niveau de l’angle interne de l’œil, irradiant à l’hémiface et dans toutes les dents, exacerbées en penchant la tête en avant.
  • Atteinte de l’état général.
  • Rhinorrhée séro-muqueuse puis purulente unilatérale.
  • Écoulement fétide, cacosmie subjective.
  • Douleurs à la pression de la fosse canine.
  • Rhinoscopie antérieure : Congestion des cornets, présence de sécrétions purulentes obstruant les fosses nasales, pus dans le méat moyen.
  • Diaphanoscopie : Défaut d’éclairement du sinus atteint.
  • Radiographie : Sinus opaque.

Évolution :

  • Vers une pansinusite antérieure éthmoido-fronto-maxillaire.
  • Vers la chronicité.

3-1-3 LA SINUSITE MAXILLAIRE CHRONIQUE

Forme la plus fréquente. Symptomatologie réduite, souvent limitée à :

  • Mouchage ou jetage purulent unilatéral associé à une cacosmie subjective.
  • Sinusalgies absentes ou discrètes.
  • Signes généraux souvent inexistants.
  • Anesthésie pharyngée en cas d’évolution prolongée.
  • Rhinoscopie antérieure : Pus dans le cornet moyen, parfois polypes.
  • Diaphanoscopie : Diminution de la transparence sinusale unilatérale.
  • Radiographie : Voile sinusal par comparaison avec le côté sain, épaississement de la muqueuse sinusienne.
  • Ponction diaméatique : Ramène du pus.

Évolution :

  • Fistulisation.
  • Formation d’abcès de voisinage avec perte des dents causales.
  • Cellulites cervicales d’origine dentaire.
Formes cliniques
  1. Selon le germe (germes souvent anaérobies) :
    • Aspergillose : Due à la présence de pâte d’obturation canalaire dans le sinus (sinusite fongique : Aspergillus fumigatus ou Aspergillus niger). Causes possibles : immunodépression virale, hémopathique ou chimiothérapie.
      • Rhinorrhée chronique homolatérale, parfois fétide, noirâtre et sanglante.
      • Endoscopie : Masse mycélienne noirâtre avec zones blanchâtres ou vert-jaunâtres.
      • Radiographie : Opacité localisée ou diffuse, images arrondies isolées ou multiples avec pâte dentaire.
      • Formes pseudotumorales : Envahissement des structures voisines (orbite, fosses nasales).
    • Actinomycose : Tuméfaction génienne infiltrante progressive avec fistulisations multiples du sillon gingivo-jugal.
  2. Selon l’âge : Pas de sinusite avant l’éruption des dents définitives.
  3. Selon l’intensité :
    • Formes atténuées :
      • Larvées : Douleurs discrètes ou absentes, rhinorrhée peu abondante, paresthésie pharyngée, toux, crachats matinaux, haleine fétide, état général conservé.
      • Trompeuses : Atteintes à distance (oculaire, articulaire, rénale, dermatologique).
      • Examen dentaire : Identifie la dent causale.
      • Radiographie : Incidence de Blondeau montre opacités unilatérales ou image arrondie dans le bas-fond du sinus (« soleil couchant »).
      • Dentascanner : Confirme l’étiologie dentaire.
  4. Sinusites bilatérales : Piège diagnostique, orientent vers une pathologie de terrain.
  5. Formes récidivantes : Si le traitement étiologique n’est pas effectué.
  6. Traumatismes : Sinusite maxillaire aiguë par surinfection d’un hématome intra-sinusien après luxation dentaire intra-sinusienne.
Diagnostic différentiel
  • Manifestations dentaires d’origine sinusienne.
  • Sinusites rhinogènes : Bilatéralité, rhinorrhée purulente non fétide, absence de cause dentaire.
  • Tumeurs malignes : Unilatérales, diagnostiquées par sinusoscopie et examen anatomopathologique.
  • Polypose naso-sinusienne.
  • Kystes muqueux.
  • Kystes parodontaires.
  • Sinusites d’origine non dentaire : nasale, post-traumatique (fracture des os propres du nez avec méchage prolongé).
  • Sinusites spécifiques : tuberculeuses, syphilitiques.
Traitement
  • Préventif : Éviter les complications des caries. Prudence lors du traitement des dents antrales (radiographie utile).
  • Curatif : Dentaire et sinusal.
    • Dentaire : Extraction des dents causales non systématique, privilégier les thérapeutiques conservatrices.
    • Sinusal :
      • Sinusite aiguë :
        • Ponction diaméatique et drainage du pus.
        • Lavage du sinus avec antibiotiques in situ (2 à 3 fois/jour pendant 5 jours).
        • Antibiothérapie générale : spiramycine, érythromycine, rodogyl, bêta-lactamines.
        • Anti-inflammatoires et antalgiques.
      • Sinusite chronique : Traitement chirurgical :
        • Intervention de Caldwell-Luc : Trépanation buccale et contre-ouverture nasale.
        • Méatotomie inférieure.
        • Intervention de Denker.
        • Intervention de Dessault-Lemorrier : Trépanation buccale sans contre-ouverture nasale.

3-2 PATHOLOGIE TUMORALE

3-2-1 Tumeurs bénignes d’origine dentaire

  • Kystes folliculaires ou péricoronaires : Dus à une dent incluse (dent de sagesse ou canine), pouvant envahir le sinus ou le nez.
  • Kystes radiculo-dentaires.
  • Améloblastomes : Localisation maxillaire rare.
  • Kystes épidermoïdes.

3-2-2 Tumeurs malignes

Rares, elles se développent à partir de la muqueuse ou des structures de soutien (cartilage, os). Les cancers épidermoïdes représentent 75 %.

Signes cliniques :

  • Rhinosinusite unilatérale avec épistaxis chez un homme de 50 ans.
  • Douleurs, céphalées, odontalgies, troubles de sensibilité (atteinte du trijumeau).
  • Signes oculaires : Rares.
  • Signes bucco-dentaires évocateurs : Déchaussement d’une dent, perte d’une prothèse, voussure au palais dur, soufflure d’un rebord alvéolaire, saignement chronique.
  • Autres cancers : Sarcomes, lymphomes, mélanomes malins.

3-3 PATHOLOGIE TRAUMATIQUE

  • Traitement endodontique des dents antrales : Obturation incomplète ou dépassement des limites péri-apicales.
  • Chirurgie endodontique : Effraction de la paroi externe ou inférieure du sinus.
  • Extractions dentaires :
    • Projection d’une dent ou racine dans le sinus : Patient assis, cliché rétroalvéolaire immédiat pour tentative de récupération. Éviter l’acharnement.
    • Communication bucco-sinusienne ou bucco-nasale : Lors de l’extraction des prémolaires/molaires en rapport étroit avec le plancher sinusien.
      • Mise en évidence : Manœuvre de Valsalva, exploration prudente de l’alvéole.
      • Prévention : Radiographie systématique, prévenir le patient, confection et mise en place d’une gouttière souple post-extraction.
      • Communications bucco-nasales : Lors de l’extraction de canines incluses en position palatine.
  • Implants dentaires :
    • Forage trop profond avec pénétration endosinusale.
    • Insertion partielle de l’extrémité apicale dans le sinus.
  • Chirurgie pré-implantaire : Greffe sinusienne pré-implantaire.

3-4 SINUSALGIES D’ORIGINE DENTAIRE

  • Pulpites et desmodontites aiguës : Irradiation de la douleur simulant une sinusite. Radiographie : Sinus sain. Disparition spectaculaire après traitement de la dent causale.
  • Troubles de l’articulé : Douleurs de l’hémiface, notamment au sinus maxillaire.

4- TROUBLES DENTAIRES D’ORIGINE SINUSIENNE

Surtout des odontalgies et troubles de sensibilité dentaire.

4-1 Inflammatoires

Sinusites d’origine nasale avec douleurs dentaires type desmodontite ou pulpite aiguë.

  • Examen dentaire : Sans particularité.
  • Radiographie : Opacité sinusienne caractéristique.

4-2 Tumorales

Douleurs dentaires sans atteinte des dents, premier signe d’un cancer de l’infrastructure maxillaire.

  • Radiographie : Sinus normal.
  • Diagnostic : Tomographies, scanner, chirurgie endoscopique, examen anatomopathologique.

4-3 Traumatiques

  • Intervention de Caldwell-Luc : Atteinte du nerf dentaire supérieur (antérieur/moyen) provoquant anesthésie des dents (« dents de bois »). Nerf dentaire postérieur atteint lors du curetage.
  • Atteinte des apex des dents antrales lors du curetage du plancher sinusien : Mortification des dents.
  • Odontalgies dues aux hyperpressions sinusiennes lors des lavages.
  • Barotraumatismes : Aérodontalgies ou barodontalgies sur dents saines (montée brutale en avion, décompression rapide chez un plongeur ou dans un caisson).
  • Lavages sinusiens avec produits agressifs : Mortification pulpaire des dents antrales.

CONCLUSION

Les nombreuses formes des relations pathologiques entre les dents et les sinus impliquent une connaissance précise de la pathologie des deux protagonistes. Malgré les thérapeutiques disponibles, la prudence reste le meilleur moyen d’éviter toute complication.

DENTS ET SINUS (RELATIONS PATHOLOGIQUES)

  Une occlusion équilibrée est cruciale pour la santé bucco-dentaire à long terme.
Le contrôle de la plaque dentaire reste la clé de la prévention des parodontopathies.
L’utilisation correcte de la digue en caoutchouc améliore la qualité des soins endodontiques.
Une anamnèse détaillée permet d’éviter de nombreuses complications en chirurgie orale.
Les matériaux dentaires évoluent rapidement, nécessitant une veille technologique constante.
La gestion du stress pré-opératoire fait partie intégrante de la relation patient-praticien.
L’analyse céphalométrique reste un outil fondamental en orthodontie diagnostique.
 

DENTS ET SINUS (RELATIONS PATHOLOGIQUES)

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