Critères de fin de traitement
Introduction
Les critères de fin de traitement correspondent aux différents objectifs esthétiques, occlusaux et fonctionnels d’un traitement orthodontique. Ces objectifs doivent être fixés par chaque praticien lors de l’établissement de sa planification thérapeutique. Une fois atteints, ces critères doivent garantir la pérennité des résultats à court, moyen et long terme.
La recherche de ces critères ne doit pas s’inscrire dans une démarche dogmatique, mais plutôt dans une approche raisonnée et individualisée pour chaque patient, quelle que soit la technique utilisée.
Critères esthétiques
L’esthétique, avec la fonction, constitue le motif principal de consultation en orthodontie (ODF). Le jugement esthétique est, par définition, strictement personnel et donc purement subjectif. Le visage humain est animé, et ses mimiques jouent un rôle important dans sa beauté. L’appréciation esthétique doit donc porter sur le visage statique, mais également en mouvement et souriant. Le praticien doit analyser les faces équilibrées et déterminer le champ de compromis acceptable entre les différents éléments de la face, tout en tenant compte des aspirations et doléances esthétiques du patient.
Équilibre facial et squelettique
Sens sagittal
- Allure générale du profil
Le profil du visage doit être évalué dans son ensemble (droit, concave, convexe). Cette analyse s’effectue cliniquement, sur des photographies et par des méthodes d’analyses céphalométriques au début, en cours et en fin de traitement. Elle permet de mettre en évidence l’équilibre des saillies et des dépressions, ainsi que les zones de jonction nasolabiale et labio-mentonnière. Les critères de finition esthétiques sagittaux correspondent à une bonne harmonie des rapports labiaux en position de repos et d’occlusion dentaire, sans contraction des muscles de la houppe du menton à la fermeture labiale. Cette appréciation est confirmée par une étude céphalométrique (ANB = 2°). - Angle nasolabial
La valeur de cet angle doit être appréciée en fonction du sexe et de l’anatomie de la lèvre et du nez. Cet angle reflète la position de l’incisive supérieure et doit correspondre aux objectifs initiaux fixés par le plan de traitement. - Position des lèvres
L’analyse des relations des lèvres s’appuie sur plusieurs méthodes, notamment celle de Ricketts, où les lèvres doivent idéalement se situer entre la ligne « E » (esthétique). - Position du menton
Selon Tulasne, la longueur sous-mentonnière (distance du menton au cou) doit être en harmonie avec la profondeur de la face (de l’oreille à la base du nez). Il est crucial d’anticiper l’évolution du profil avec le vieillissement, car la croissance et l’âge tendent à augmenter la concavité du profil ou à réduire sa convexité, principalement en raison de l’évolution du nez, des lèvres et du menton. Le profil masculin préféré est plus droit avec un menton proéminent, tandis que le profil féminin est légèrement convexe. La communication avec le patient et son évaluation psychologique sont essentielles dès le début du traitement pour garantir l’acceptation des résultats.
Sens vertical
Le praticien doit veiller à ne pas aggraver le sens vertical. Ce contrôle passe par la maîtrise du plan occlusal, des mouvements d’égression ou d’ingression, ou des versions des dents postérieures, qu’ils soient désirés ou induits par les thérapeutiques. Les critères de finition esthétiques correspondent à l’harmonie de la hauteur des différents étages de la face, en particulier l’étage inférieur. Les lèvres doivent être jointives sans effort ni crispation des muscles de la houppe du menton, et le sillon labio-mentonnier doit être présent. Le stomion est idéalement situé à 2 mm du rebord incisif, en tenant compte de l’âge du patient, car ce rapport diminue avec le temps.
Sens transversal
L’appréciation d’un visage esthétiquement satisfaisant repose sur sa symétrie, bien que la symétrie absolue ne soit pas un objectif réalisable. Le visage doit être symétrique par rapport au plan sagittal médian rectiligne. Les plans horizontaux, reliant les pupilles, les ailes du nez et les commissures de la bouche, doivent être perpendiculaires au plan sagittal médian et parallèles entre eux. Les côtés droit et gauche doivent présenter un développement transversal et vertical équivalent. Le praticien doit intégrer les aspirations des patients dans son plan de traitement tout en se référant à des règles esthétiques pour orienter ses thérapeutiques.
Équilibre alvéolodentaire
La qualité du sourire repose sur deux éléments esthétiques : les lèvres (dynamiques) et les dents (statiques). Selon Janzen, la longueur et l’épaisseur de la lèvre supérieure jouent un rôle prédominant dans le sourire. La qualité du sourire dépend également de la forme de l’arcade, de la largeur buccale et de facteurs neuromusculaires (tonus, innervation bilatérale des commissures et des muscles de la mimique).
Critères du sourire moderne
- Le sourire moderne est denté, par opposition aux sourires lèvres fermées.
- Les dents supérieures doivent être alignées selon une courbe vers le bas.
- La « ligne du sourire » doit être parallèle au bord libre de la lèvre inférieure pendant le sourire (« arc de Cupidon »).
- Le sourire doit afficher l’intégralité des dents supérieures.
- Le collet des dents supérieures doit affleurer le bord inférieur de la lèvre supérieure.
- Le bord libre des dents supérieures doit être au contact de la lèvre inférieure.
- Les milieux incisifs supérieur et inférieur doivent correspondre.
- Les axes des canines et prémolaires supérieures doivent être verticaux.
- Pendant l’élocution ou le sourire, « l’espace négatif » des embrasures dentaires ne doit pas dépasser 2–3 mm.
- La persistance d’un diastème médian est le critère le plus rejeté.
Notion d’esthétique dentaire
- Taille
Des dysharmonies dento-maxillaires (DDM) ou dento-dentaires (DDD) peuvent entraîner des malpositions ou des diastèmes. Si des diastèmes persistent en fin de traitement en raison d’un problème de taille, une correction par addition ou par thérapeutique prothétique doit être envisagée. - Teinte
Les anomalies de teinte, qu’elles soient isolées ou généralisées, ou les dysplasies doivent être prises en charge pour harmoniser l’esthétique du sourire. - Nombre
La prise en charge des agénésies, notamment des incisives latérales, influence l’esthétique du sourire à court, moyen et long terme. La décision de fermer les espaces nécessite un remodelage des canines et prémolaires pour des raisons esthétiques et fonctionnelles. - Position
Le dénivellement entre les incisives centrales et latérales dépend de leur forme et des nécessités occlusales (guidage canin). La position de la canine est cruciale dans le concept de la ligne du sourire.
Critères occlusaux
Occlusion statique
Concepts occlusaux
Le concept de normocclusion, apparu au début du XXe siècle, a suscité un vif intérêt en orthodontie. Une occlusion normée permet de codifier le travail de l’orthodontiste et d’établir des règles et protocoles, comme dans d’autres disciplines dentaires.
- Normocclusion d’Angle (1899)
La classification d’Angle évalue les rapports dentaires en vue sagittale et buccale, avant et après traitement. La clé de l’occlusion normée repose sur les rapports interdentaires de la première molaire (dent de 6 ans). La classe I d’Angle est l’objectif thérapeutique à atteindre en fin de traitement. En classe I molaire, la pointe de la cuspide mésio-vestibulaire de la molaire maxillaire se situe au niveau du sillon vestibulaire de la molaire mandibulaire. - Normocclusion d’Andrews (1972)
Andrews propose six clés pour obtenir une occlusion idéale et stable, identifiées sur 120 patients sans passé orthodontique :- Rapports molaires : Contact entre le pan distal de la cuspide disto-vestibulaire de la première molaire maxillaire et le pan mésial de la cuspide mésio-vestibulaire de la deuxième molaire mandibulaire. Le sommet cuspidien de la cuspide mésio-vestibulaire de la première molaire maxillaire est en occlusion avec le sillon vestibulaire mandibulaire.
- Tip coronaire : Angulation mésio-distale de la couronne, avec un tip coronaire positif (partie gingivale distale par rapport à la portion occlusale).
- Torque coronaire : Angulation vestibulo-linguale, positive lorsque la partie gingivale est lingualée par rapport au bord incisif. Au maxillaire, l’angulation incisive est positive, tandis qu’elle est négative pour les secteurs latéraux. À la mandibule, toutes les dents présentent une angulation négative.
- Absence de rotation : Les rotations dentaires entraînent un mauvais arrangement intra- et inter-arcades.
- Absence d’espaces interdentaires : Des points de contact serrés sont nécessaires. Selon Château, en cas de dysharmonie dento-dentaire, il ne faut pas fermer les diastèmes au détriment d’une bonne occlusion.
- Nivellement de la courbe de Spee : Une courbe de Spee plate est essentielle pour garantir les critères précédents.
Recommandations de l’agencement intra-arcade
Les critères occlusaux intra-arcades respectent trois ordres de déformation des arcs idéaux :
- Déformations du 1er ordre (sens vestibulo-lingual)
L’arcade maxillaire doit présenter un inset latéral, une bosse canine et un offset molaire. L’arcade mandibulaire doit comporter une bosse canine, un offset prémolaire et un offset molaire. Ces déformations compensent les différences de diamètre vestibulo-lingual des dents. - Déformations du 2e ordre (sens vertical)
Toutes les crêtes marginales doivent être au même niveau. Au maxillaire, le bord libre de l’incisive latérale est retiré de 0,5 mm par rapport à l’incisive centrale pour faciliter le glissement de la canine en latéralité. À la mandibule, la canine fait saillie de 0,5 mm par rapport aux incisives, similaire à la cuspide disto-vestibulaire de la seconde molaire. - Déformations du 3e ordre (inclinaison vestibulo-linguale)
Au maxillaire, les valeurs de torque sont de 22° pour l’incisive centrale et 14° pour l’incisive latérale (sens radiculopalatin). Le torque canin varie de 0 à 7° selon les techniques, avec un torque radiculovestibulaire progressif dans les secteurs latéraux. À la mandibule, le torque antérieur est individualisé, tandis que le torque radiculovestibulaire est progressif de la canine à la seconde molaire.
Recommandations de l’agencement inter-arcade
Milieux interincisifs, surplomb et recouvrement incisifs
- Coïncidence des milieux interincisifs : Les milieux incisifs supérieur et inférieur doivent correspondre.
- Recouvrement (overbite) : Ne doit pas excéder 1/3 de la hauteur coronaire, avec un recouvrement maximal de 3 mm des incisives maxillaires sur leurs antagonistes.
- Surplomb (overjet) : Doit être compris entre 1 et 3 mm.
Ces valeurs sont des approximations anatomiques. L’aire du champ fonctionnel (triangle de Slavicek) permet de visualiser le recouvrement, le surplomb et la pente de guidage. Un angle interincisif ouvert est incompatible avec une occlusion fonctionnelle.
Recommandations sur les secteurs latéraux
Selon E. Lejoyeux (1999), la stabilité occlusale dépend de la répartition et de l’importance des contacts interdentaires. Au niveau molaire, un double rapport cuspide-fosse est nécessaire : les cuspides palatines maxillaires occupent les fosses centrales mandibulaires, et les cuspides centro-vestibulaires occupent les fosses centrales maxillaires. La clé 1 d’Andrews (rotation disto-linguale de la première molaire max gols=”en”>illaire) favorise la stabilité occlusale.
Occlusion cinétique
Les critères d’une occlusion fonctionnelle réussie en fin de traitement ne sont pas clairement définis, et il existe un manque de consensus (Alnamiri, 2010). Plusieurs auteurs ont tenté d’établir des chartes pour une occlusion dynamique optimale :
- Ramfjord (1995) : Une occlusion fonctionnelle se définit par l’absence d’interférences en début ou fin des mouvements mandibulaires initiés en relation centrée (RC) et par la qualité de la stabilité occlusale.
- Valchos (1995) : Six objectifs pour une occlusion cinétique :
- Contacts légers lors des excursions mandibulaires.
- Stabilité occlusale et distribution des forces axiales le long des axes dentaires.
- Désocclusion postérieure lors des mouvements de protrusion.
- Contacts en latéralité travaillante (fonction groupe ou canine).
- Absence de contacts non travaillants en latéralité gauche et droite.
- Coïncidence RC-OIM (tolérance de 1 mm).
Critères d’une occlusion cinétique optimale
- Coïncidence RC-OIM : Selon Rinchuse et Sassouni (1982), le débat persiste sur la posture mandibulaire en fin de traitement. Planifier selon la relation centrée (RC) implique une correspondance entre RC et l’occlusion d’intercuspidation maximale (OIM).
- Propulsion : Lors du mouvement de protrusion, le bord libre des incisives mandibulaires glisse sur la face linguale des incisives maxillaires, induisant une perte immédiate de contact des dents postérieures (protection de groupe antérieur).
- Latéralité : Deux schémas occlusaux :
- Fonction canine : La canine, grâce à sa forte implantation radiculaire, sa hauteur coronaire et ses capacités proprioceptives, est l’agent principal du mouvement mandibulaire terminal. Le premier contact dento-dentaire se produit sur la face linguale de la canine maxillaire.
- Fonction groupe : Si des dents postérieures du même côté que la canine accompagnent le mouvement par des contacts glissants, il s’agit d’une protection de groupe postérieur. Les cuspides vestibulaires mandibulaires entrent en contact avec les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires. Le côté non travaillant ne doit présenter aucun contact glissant.
Critères parodontaux
Un état de santé parodontale est un préalable à tout traitement orthodontique. Cette santé doit être maintenue tout au long du traitement. Pour les patients sans maladie parodontale, les objectifs incluent l’amélioration de l’architecture gingivale (augmentation de la gencive attachée par des mouvements d’égression, repositionnement des dents dans un contexte osseux favorable, correction des proximités radiculaires, amélioration des points de contact pour une meilleure hygiène). En fin de traitement, aucun défaut parodontal ou frein/bride iatrogène ne doit persister. La collaboration avec les parodontologistes est essentielle pour intervenir au moment opportun.
Pour les patients présentant des pathologies parodontales, le traitement orthodontique s’inscrit dans une thérapeutique parodontale de soutien, en collaboration avec le parodontologiste. Les critères de finition visent une répartition correcte des forces occlusales et l’élimination des traumatismes occlusaux, facteurs aggravants des parodontopathies. Le choix d’une contention définitive est impératif dès le début du traitement.
Critères neuro-musculaires
Toute perturbation de l’équilibre neuro-musculaire peut entraîner des dysmorphies des arcades dentaires. La stabilité du résultat dépend des activités neuro-musculaires orofaciales, linguales et posturales. Une observation attentive de la ventilation, de la déglutition, de la mastication et de la phonation, en début, en cours et en fin de traitement, permet de réduire les risques de récidive en rééduquant les fonctions.
L’orthodontiste doit différencier les perturbations irréductibles (liées à un système nerveux central défectueux ou à un trouble anatomique) des perturbations évolutives ou rééducables (liées à des habitudes infantiles persistantes). La récidive peut résulter de pressions musculaires anormales buccales ou péribuccales, au repos ou en fonction. La rééducation fonctionnelle, confiée à des kinésithérapeutes spécialisés, vise à automatiser la position de la langue, la déglutition mature et la ventilation nasale, nécessitant un travail quotidien pendant plusieurs mois.
Critères radiologiques
Le critère radiologique est le plus fiable pour évaluer la correction d’un décalage squelettique. Il permet de vérifier les résultats du traitement et de confirmer le retour à un équilibre architectural. Des téléradiographies doivent être réalisées avant, pendant (après amélioration clinique) et en fin de traitement. La superposition des tracés permet de contrôler l’efficacité du traitement, le siège et l’ampleur des améliorations.
La radiographie panoramique en fin de traitement est essentielle pour visualiser les axes dentaires (parallélisme des racines), détecter les courbures apicales iatrogènes ou les résorptions radiculaires. Dans les cas de dysharmonie dento-maxillaire (DDM) traitée en denture adolescente, l’évaluation radiologique de l’espace disponible pour l’éruption des dents de sagesse est impérative pour éviter la récidive.
Conclusion
Historiquement, de nombreux concepts ont été développés concernant les critères de finition et leur rôle dans la prévention des récidives. Il est désormais indispensable de prendre en compte l’ensemble de ces facteurs de manière concomitante. La recherche d’une occlusion idéale ne peut être systématisée, mais doit être adaptée au schéma squelettique, à l’âge, aux facteurs dentaires intrinsèques et au contexte neuro-musculaire de chaque patient.
Le respect de ces critères de finition doit guider le praticien vers une orthodontie objective. La relation entre les critères occlusaux et fonctionnels, plus facilement quantifiables, et les critères esthétiques, plus subjectifs, doit éviter une approche subjective préjudiciable. Chez l’adulte, des compromis peuvent être envisagés pour les aspects occlusaux, esthétiques ou les dysmorphies squelettiques, mais les exigences parodontales restent non négociables, car leur négligence pourrait être délétère.
Voici une sélection de livres:
- “Orthodontie de l’enfant et de l’adulte” par Marie-José Boileau
- Orthodontie interceptive Broché – Grand livre, 24 novembre 2023
- ORTHOPEDIE DENTO FACIALE ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE
- Orthopédie dento-faciale en dentures temporaire et mixte: Interception précoce des malocclusions Broché – Illustré, 25 mars 2021
- Nouvelles conceptions de l’ancrage en orthodontie
- Guide d’odontologie pédiatrique: La clinique par la preuve
- Orthodontie linguale (Techniques dentaires)
- Biomécanique orthodontique
- Syndrome posturo-ventilatoire et dysmorphies de classe II, Bases fondamentales: ORTHOPÉDIE ET ORTHODONTIE À L’USAGE DU CHIRURGIEN-DENTISTE
Critères de fin de traitement

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.