Conduite à tenir et thérapeutiques des complications loco-régionales / OCE
Introduction
- Les infections d’origine dentaire peuvent être responsables d’un certain nombre de complications loco-régionales.
- Dans la quasi-totalité des cas, leur évolution est favorable vers la résolution du processus infectieux sous un traitement bien adapté. Cependant, une prise en charge inadéquate peut exposer au risque d’engager le pronostic vital du patient.
Généralités
L’infection
Ensemble des modifications d’un organisme provoquées par la pénétration d’un agent pathogène.
L’infection peut être :
- Locale
- Régionale
- Focale
L’inflammation
Ensemble des réactions de l’organisme provoquées par une infection.
Elle associe les 4 signes cardinaux de Celse :
- Rougeur
- Douleur
- Chaleur
- Tuméfaction
Examens préopératoires
Interrogatoire
- État civil du malade
- Motif de la consultation
- État général du malade, antécédents médicaux et stomatologiques, notamment préciser si la complication survient pour la première fois ou non.
Examen clinique
Examen exobuccal
À l’inspection :
- Présence d’une éventuelle tuméfaction paramandibulaire, en précisant le siège, le volume, les limites, et l’aspect des téguments.
À la palpation :
- Préciser la consistance de la tuméfaction quand elle existe.
- Palpation de la région exobuccale en regard de la dent causale à la recherche de douleur ou de sensibilité.
- Palpation des aires ganglionnaires à la recherche d’adénopathies.
Examen endobuccal
- Apprécier l’hygiène buccale et l’état de la denture (CAO, tests de sensibilité notamment sur les dents cariées).
- Examiner de près les dents de sagesse, et préciser si elles sont enclavées, incluses ou autres.
Bilan radiologique
Ce bilan est nécessaire, notamment le cliché rétro-alvéolaire en première intention, qui permet de :
- Préciser la position exacte et l’axe de la dent ainsi que la morphologie radiculaire.
- Identifier le stade de l’édification radiculaire.
- Évaluer l’état parodontal.
- Détecter la présence d’éventuelles images radio-claires évoquant un processus osseux pathologique.
- Préciser les rapports avec le canal alvéolaire ou le sinus maxillaire.
Thérapeutiques et conduite à tenir
Face aux complications locales
Parodontite apicale aiguë : abcès apical aigu, abcès phénix
Objectif du traitement : Nettoyage et désinfection canalaire pour éliminer les bactéries et les produits de nécrose pulpaire provoquant une irritation.
- Mise en sous-occlusion de la dent pour diminuer les douleurs, notamment lors de la mastication.
- En cas de collection suppurée : Drainage par voie canalaire, voire transmuqueux. Ces actes d’urgence peuvent considérablement soulager le patient.
Traitement antibiotique :
- Population générale : Patients sans facteurs de risque infectieux spécifiques. Aucun patient n’est totalement exempt du risque de développer une infection.
- Patients immunodéprimés : Le risque d’infection locale et/ou générale est lié à tout facteur responsable d’une immunodépression. La décision d’inclure un patient dans cette catégorie doit être prise en concertation entre le chirurgien-dentiste/stomatologue et les médecins concernés.
- Patients à haut risque d’endocardite infectieuse : Antibiothérapie prophylactique uniquement pour les patients à haut risque (Grade C).
Recommandations ANSM 2011 :
- Antibiothérapie prophylactique : Selon les cas.
- Antibiothérapie curative : Exceptionnelle, ne doit ni différer ni se substituer au traitement étiologique non médicamenteux, notamment chirurgical. Indiquée en présence de signes systémiques (fièvre, trismus, adénopathie, œdème persistant ou progressif), toujours en complément d’un traitement local adéquat.
Analgésiques : Prescription indiquée en cas de douleurs pour les formes aiguës de pathologies péri-apicales.
Accidents d’éruption dentaire
Traitement local :
- Détergence du capuchon muqueux avec de l’eau oxygénée et de l’acide trichloracétique.
- Bains de bouche à base de chlorhexidine.
Traitement antibiotique :
- Amoxicilline : 3 g/24 h ou pristinamycine.
Suivi : Extraction chirurgicale de la dent de sagesse sous anesthésie locale ou locorégionale dans les semaines suivantes.
Face aux complications loco-régionales
Cellulites d’origine dentaire
Traitement d’une cellulite circonscrite
Traitement prophylactique
Intervient à quatre niveaux :
- Prévention de la carie.
- Prophylaxie de la complication cellulo-infectieuse.
- Instauration d’une antibiothérapie préventive en cas de terrain déficient.
- Travail dans des conditions d’asepsie optimale.
Traitement curatif
Traitement symptomatique :
Moyens médicaux :
- Antibiotiques : Bétalactamines, dérivés imidazolés, macrolides, utilisés seuls ou en association.
- Antalgiques : Paracétamol préféré aux salicylés (500 à 1000 mg par prise, toutes les 4 à 6 h, max. 3 g/24 h pour adulte, 60 mg/kg/j pour enfant > 35 kg). Associations possibles avec codéine (Codoliprane®, Efferalgan codéiné®).
- Anti-inflammatoires :
- Corticoïdes contre-indiqués sauf si pronostic vital engagé (cellulite diffuse).
- AINS : Évaluer le rapport bénéfice/risque, jamais seuls, toujours avec antibiothérapie.
Moyens chirurgicaux : Pour cellulites suppurées, gangréneuses et chroniques.
Technique opératoire d’un drainage :
- Toilette ou désinfection de la région.
- Anesthésie.
- Incision à la partie la plus déclive de la tuméfaction.
- Drainage en introduisant une pince COCHER.
- Lavage avec du Dakin.
- Curetage délicat du fond et des parois de la cavité + lavage.
- Mise en place du drain.
- Pansement.
Traitement étiologique :
- Traitement de la dent causale, conservateur ou radical, réalisé à froid.
Indications thérapeutiques :
- Cellulite séreuse : Traitement médical + traitement étiologique conservateur ou radical.
- Cellulite suppurée :
- Suppuration collectée : Drainage + antibiotiques.
- Suppuration non collectée : Antibiotiques + drainage après 24 heures.
- Cellulite gangréneuse et ligneuse : Hospitalisation, antibiothérapie intensive (antibiogramme) pendant 15 jours, drainage avec lavages répétés, extraction de la dent causale.
- Actinomycosique : Pénicilline à fortes doses pendant 3 semaines, drainage et lavage aux antibiotiques.
Cellulite subaiguë et chronique :
- Extraction de la dent favorise une régression rapide de la lésion.
- Antibiotiques à forte dose pendant au moins 15 jours.
- Si suppuration persiste après drainage, curetage des foyers de suppuration.
Traitement d’une cellulite diffuse
Prise en charge en urgence dans un service spécialisé :
Traitement médical :
- Antibiothérapie massive après hémoculture et antibiogramme, doses élevées en IV, associant pénicilline G et clindamycine ou rifampicine, en attendant les résultats des cultures.
- Corticothérapie en cure brève (Prednisone, Méthylprednisolone) pour réduire l’œdème et améliorer la pénétration des antibiotiques.
- Anticoagulants éventuels pour thromboses veineuses.
- Assistance respiratoire : Intubation trachéale, trachéotomie.
- Oxygénothérapie hyperbare.
Traitement chirurgical : Libérer les voies aériennes digestives supérieures (VADS) et éviter les complications médiastinales par continuité.
Traitement étiologique : Extraction de la dent causale.
Ostéites d’origine dentaire
Ostéites de causes locales
Traitement préventif
- Hygiène bucco-dentaire.
- Asepsie lors des gestes osseux.
- Antibiothérapie prophylactique chez les sujets à risque infectieux.
- Mise à plat de tous les foyers infectieux.
- Extractions dentaires non traumatisantes.
- Révision systématique de l’alvéole après avulsion.
Traitement curatif
Traitement médical :
- Contre l’infection : Prescription d’antibiotiques.
- Contre la douleur : AINS, douleur souvent intense, rebelle aux antalgiques, prescrire des benzodiazépines (BDB).
- Contre la contracture musculaire : Décontractants, myorelaxants.
- Renforçateurs de terrain : Repos, régime alimentaire, vitamines, calcium, transfusion sanguine.
- Oxygénothérapie hyperbare.
Choix des antibiotiques :
Traitement de première intention | Traitement de deuxième intention |
---|---|
– | – Amoxicilline-acide clavulanique [rapport 8/1] : 2 g/j en 2 prises à 5 g/j en 3 prises (dose exprimée en amoxicilline) – Amoxicilline : 2 g/j en 2 prises et métronidazole : 1500 mg/j en 2 ou 3 prises – Métronidazole : 1500 mg/j en 2 ou 3 prises et azithromycine : 500 mg/j en 1 prise ou clarithromycine : 1000 mg/j en 2 prises ou spiramycine : 9 MUI/j en 3 prises |
Traitement chirurgical :
- Supprimer l’étiologie, le foyer ostéique et traiter les séquelles.
- Traitement étiologique : Éliminer a cause dentaire par traitement conservateur, résection apicale, ou extraction si la dent est irrécupérable (après 2 jours d’antibiotiques), suivi d’un curetage et lavage de l’alvéole.
- Drainage : Collection purulente par voie endo- ou exobuccale. Un drain peut être laissé en place jusqu’à assèchement total.
- S’il persiste un séquestre : Séquestrectomie. Chez l’enfant, rester conservateur si le fragment est périosté (réhabilitation possible).
- Prévention des fractures pathologiques : Contention ou immobilisation intermaxillaire.
Indications thérapeutiques
Ostéites circonscrites :
- Ostéopériostite et périostose : Traitement conservateur ou radical + curetage alvéolaire.
- Abcès sous-périosté : Traitement étiologique conservateur ou non + incision d’abcès collecté.
- Ostéites du rebord alvéolaire :
- Alvéolite sèche : Curetage sous anesthésie locale sans vasoconstricteur, rinçage avec solution antiseptique, pansement à base d’eugénol renouvelé jusqu’à guérison (3 semaines).
- Alvéolite suppurée : Curetage des débris granulomateux, lavage avec solution antiseptique. Antibiothérapie dans certains cas.
- Syndrome du septum : Éliminer l’étiologie + curetage sous anesthésie + lavage à l’H₂O₂.
- Ostéite centrale : Extraction de la dent causale, curetage des foyers d’ostéite + antibiotiques.
- Ostéite corticale : Extraction + incision de la collection + curetage + élimination de séquestre + antibiotiques.
Ostéites diffuses :
- Phase de début : Antibiotiques + antalgiques + extraction de la dent causale.
- Phase d’état : Traitement médical + étiologique (drainage).
- Phase de séquestration : Antibiotiques + extraction + surveillance radiologique des séquestres.
- Phase de réparation : Poursuivre l’antibiothérapie si réhabilitation radiologique du séquestre. Sinon, curetage et séquestrectomie.
Ostéites de cause exogène :
- Nécrose arsenicale : Antibiotiques + traitement chirurgical : extraction de la dent causale et curetage des tissus nécrosés.
- Ostéoradionécrose :
Traitement préventif odontologique :- Avant irradiation : Motivation à l’hygiène bucco-dentaire, remise en état de la cavité buccale 3-4 semaines avant radiothérapie. Extractions atraumatiques avec sutures muqueuses et antibiothérapie.
- Pendant et 6 mois après radiothérapie : Vérification de l’hygiène, éviter les avulsions dentaires.
- Après radiothérapie : Avulsions sous antibioprophylaxie à forte dose (Augmentin® 1 g/j pendant 15 jours), anesthésie sans vasoconstricteur, sutures étanches, fluoroprophylaxie à vie.
- Médical :
- Antibiotiques pour traitement initial.
- AINS ou corticothérapie générale en cas de poussée inflammatoire.
- Antalgiques systématiques.
- Bains de bouche à la chlorhexidine.
- Calcitonine (bloque l’activité ostéoclastique, augmente l’anabolisme osseux).
- Oxygénothérapie hyperbare.
- Chirurgical : Résection de l’os pathologique.
- Stade 1 :
- Contrôle des douleurs + soins locaux.
- Antibiothérapie en cas de signes inflammatoires.
- Curetage local à minima (sans infiltration ni décollement).
- Discussion d’oxygénothérapie hyperbare.
- Surveillance.
- Stades 2 et 3 :
- Antalgiques + antibiothérapie systématique.
- Vasodilatateurs, calcitonine à discuter.
- Oxygénothérapie hyperbare.
- Curetage, séquestrectomie, lambeau de recouvrement, résection interruptrice + reconstitution.
Ostéites liées aux bisphosphonates :
Recommandations AFSSAPS 2008 : Considérer les patients sous bisphosphonates comme les patients irradiés pour cancer des VADS.
- Patients candidats à un traitement par bisphosphonates :
- Instauration d’une bonne hygiène bucco-dentaire.
- Examen approfondi de la cavité buccale, traitement des pathologies bucco-dentaires.
- Attendre la cicatrisation des muqueuses et, si possible, osseuse.
- Fluoroprophylaxie.
- Patients traités par bisphosphonates sans ostéonécrose :
- Examen biannuel de la cavité buccale.
- Éviter les interventions dentaires invasives pendant et après le traitement.
- Si extraction : Pas d’arrêt du traitement, anesthésie sans vasoconstricteur, antibiotiques, sutures systématiques.
- Patients avec ostéonécrose :
- Bilan radiologique, éviter les gestes chirurgicaux.
- Atténuer les douleurs, traiter les infections, débridement local des plaies.
- Interventions invasives peuvent aggraver la nécrose.
Thrombophlébite
- Traitement en service spécialisé, pouvant nécessiter une réanimation.
- Surveillance neurologique.
- Similaire à celui des cellulites diffuses.
Sinusite d’origine dentaire
Traitement curatif
Moyens et méthodes :
- Médical : Antibiotiques + AINS + pulvérisations nasales.
- Ponction-drainage : En cas de sinusite maxillaire purulente.
- Chirurgical : Chirurgie plastique de réparation (fermeture) + chirurgie du sinus (Caldwell-Luc, remplacement des 3 plans).
- Prothétique : Confection d’une plaque palatine.
- Laser : Biostimulation avec lumière laser pendant 4 jours.
Indications thérapeutiques
Sinusalgies d’origine dentaire
- Pulpites et démodontites peuvent évoquer des sinusalgies.
- Examen clinique et radiologique pour identifier la lésion dentaire et confirmer un sinus sain.
- Antibiotiques + anti-inflammatoires + traitement de la dent causale.
- Douleur liée à l’articulé dentaire : Équilibration occlusale.
Communication bucco-sinusienne
Traitement préventif :
- Radiographie préopératoire.
- Avulsion dentaire atraumatique, alvéolectomie en cas de difficulté.
- Manœuvre de Valsalva systématique après extraction de dents antrales.
Traitement curatif : Isoler le sinus de la cavité orale et éviter son infection.
Communications bucco-sinusiennes immédiates :
- Sinus sain :
- CBS réduite :
- Abstention.
- Conseils postopératoires stricts.
- Suture.
- Surveillance.
- CBS importante :
- Fermeture par suture.
- Autoplastie immédiate (lambeau).
- Protection par plaque.
- Antibiotiques.
- CBS réduite :
- Sinus infecté :
- Révision du site et fermeture de la CBS.
- Drainage (contre-ouverture nasale) + lavage.
- Antibiotiques.
Communications bucco-sinusiennes anciennes :
- Révision du site et fermeture de la CBS en 2 plans.
- Antibiotiques + corticothérapie.
- Lavages naso-sinusiens.
- Moyens chirurgicaux.
- Moyens prothétiques.
Projection d’une racine ou d’une dent dans le sinus :
- Pénétration incomplète : Récupération par alvéolectomie.
- Pénétration complète :
- Microchirurgie endonasale.
- Mini Caldwell-Luc : Voie vestibulaire haute dans la région PM.
- Intervention de Caldwell-Luc : Si la racine est en situation haute.
Conduite à tenir et thérapeutiques des complications loco-régionales / OCE
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Conduite à tenir et thérapeutiques des complications loco-régionales / OCE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.