Chirurgie parodontale : Buts-indications-contre-indications-classification
Introduction
L’importance de la chirurgie parodontale n’a cessé de croître à mesure que s’affine notre connaissance de la pathogénie et de l’étiologie des affections parodontales ainsi que nos possibilités diagnostiques et thérapeutiques.
Définition de la chirurgie parodontale
La chirurgie parodontale regroupe les traitements chirurgicaux réalisés sur les tissus mous parodontaux et sur l’os alvéolaire sous-jacent.
Historique
Les premières techniques furent décrites par Robicsek : la gingivectomie en 1884 et le lambeau en 1862. Actuellement, nous améliorons d’anciennes techniques et en créons de nouvelles basées sur la recherche clinique et le laboratoire. Pendant ce siècle, de nombreuses techniques ont été décrites et employées. Certaines ont été abandonnées en raison d’effets secondaires trop importants, tandis que d’autres, basées sur de solides données cliniques et expérimentales, ont vu le jour.
Les techniques chirurgicales ont évolué d’une approche soustractive vers une approche plus conservatrice, pour aboutir aujourd’hui à des approches minimalistes en termes d’accès et/ou utilisant des produits issus de l’ingénierie tissulaire. Le principe de la gestion de la décontamination de la surface radiculaire a également changé, passant d’une élimination agressive du cément « nécrosé » à une instrumentation douce de la surface radiculaire contaminée. Initialement, seules des méthodes d’excision des tissus mous inflammatoires furent décrites. Par la suite, des procédures d’excision de l’os, considéré comme « nécrotique », furent développées dans l’intention de maintenir un tissu osseux résiduel sain. Plus tard, des interventions cherchèrent à maintenir les composants du complexe mucogingival, notamment la hauteur de gencive attachée.
Buts
La chirurgie parodontale occupe une place prépondérante dans le traitement parodontal complet et se doit de remplir plusieurs objectifs :
- Créer une voie d’accès pour la réalisation du détartrage et du surfaçage radiculaire.
- Éliminer les tissus pathologiques qui entretiennent et aggravent les destructions tissulaires parodontales.
- Éliminer les poches gingivales et parodontales qui permettent à la maladie d’évoluer en favorisant et protégeant l’accumulation des dépôts microbiens et alimentaires, tout en rendant impossibles les soins parodontaux personnels complets.
- Recréer une morphologie tissulaire physiologique et fonctionnelle en corrigeant les déformations gingivales et osseuses afin de restaurer un environnement parodontal sain et maintenable par le patient, éviter les récidives et permettre les restaurations prothétiques éventuelles.
- Reconstruire les tissus parodontaux superficiels et profonds.
- Faciliter la régénération de l’ancrage parodontal détruit par la maladie.
Principes généraux
Bien que les techniques soient nombreuses et que chaque cas nécessite des soins chirurgicaux spécifiques, il existe un certain nombre de principes communs à tout acte de chirurgie parodontale :
- L’acte chirurgical doit toujours être replacé dans le contexte du traitement.
- On choisira toujours la technique la plus simple permettant d’obtenir le meilleur résultat.
- On recherchera les contre-indications temporaires ou définitives, locales ou générales, à la chirurgie, par un examen clinique complet.
- Pour être bien réalisée, la chirurgie parodontale nécessite des conditions opératoires particulières.
Classification des techniques de chirurgie parodontale
Plusieurs classifications ont été décrites, notamment par Friedman N. et Levine L. (1964), Kramer G. et Kohn D. (1966), Goldman H. et Cohen W. (1968), Calandriello et Bar (1969), Spirgi M. et Tecucianu J.F. (1971). Elles reposent sur :
- La région anatomique intéressée (opération distale, lambeau palatin).
- La nature des lésions à traiter (hypertrophie gingivale).
- Le type de tissu intéressé (gencive, muqueuse alvéolaire, os).
- La nature de la plaie chirurgicale (première ou deuxième intention) et des lambeaux (muqueux ou mucopériosté).
Chaque technique a un caractère prédominant que l’on peut classifier en : réducteur, correcteur, conservateur, reconstructeur.
Classification de Tecucianu J.F. (1976)
Techniques réductrices
Type de tissu | Technique |
---|---|
Tissu gingival | Gingivectomie |
Tissu muqueux | Frénectomie |
Tissu gingival et muqueux | Lambeau mucopériosté |
Tissu osseux | Ostéotomie |
Tissus gingival, muqueux, osseux et dentaires | Traitement des lésions pulpo-parodontales |
Techniques conservatrices
Type de tissu | Technique |
---|---|
Tissu gingival | Curetage parodontal |
Tissu gingival et muqueux | Lambeau repositionné |
Tissu osseux | Curetage des lésions osseuses à 1 ou 2 parois et des furcations |
Techniques correctrices
Type de tissu | Technique |
---|---|
Tissu gingival | Gingivoplastie |
Tissu muqueux | Frénotomie |
Tissu osseux | Ostéoplastie |
Techniques reconstructrices
Type de tissu | Technique |
---|---|
Mucogingivales | Lambeau de glissement, greffe gingivale |
Conjonctivo-périostées | Greffe conjonctivo-périostée |
Osseuses | Greffe osseuse |
Implant | Implant osseux |
Classification de Bouchard
Les chirurgies parodontales peuvent être classées selon plusieurs types :
Chirurgie diagnostique
Cette chirurgie vise à apporter des éléments contribuant au diagnostic. Le geste chirurgical est habituellement le lambeau d’accès, appelé lambeau d’exploration (ex. : identification d’un défaut anatomique). Ce geste est presque toujours immédiatement complété par l’élimination chirurgicale de la poche. Compte tenu de la qualité de l’imagerie actuelle, il n’y a plus de raison d’envisager une chirurgie diagnostique pour évaluer l’étendue ou la sévérité des défauts parodontaux.
Chirurgie curative
Elle vise à traiter la maladie et guérir le patient, c’est-à-dire éliminer les poches parodontales et stopper la perte d’attache. L’approche classique inclut la chirurgie resectrice et la chirurgie régénératrice.
Chirurgie prophylactique
Elle intervient à titre préventif afin d’éviter l’apparition ou le développement d’une maladie ou d’une lésion parodontale. Elle est essentiellement mucogingivale (élimination des freins et brides). Les interventions visant à favoriser l’accès à l’hygiène en créant un environnement tissulaire favorable appartiennent à cette catégorie.
Chirurgie réparatrice et reconstructrice
Les traitements parodontaux, souvent chirurgicaux, génèrent des séquelles esthétiques et fonctionnelles non négligeables. La chirurgie réparatrice ou reconstructrice permet de remédier à ces effets secondaires, ainsi qu’à des séquelles non issues des traitements parodontaux (endodontiques, orthodontiques, prothétiques, etc.).
Chirurgie palliative
Elle permet de préserver une denture affectée par une parodontite sévère, notamment en cas de perte d’attache continue après traitement non chirurgical. Elle consiste classiquement en un simple lambeau d’accès, permettant de maintenir un confort oral satisfaisant pour le patient. Elle est indiquée chez le sujet âgé, l’handicapé ou sur un parodonte réduit.
Indications
- Accessibilité insuffisante gênant la réalisation du détartrage et du surfaçage radiculaire.
- Accessibilité insuffisante gênant le contrôle de plaque pratiqué par le patient.
Contre-indications
Coopération du patient
Un contrôle de plaque optimal en période postopératoire est décisif pour la réussite du traitement parodontal. Un patient incapable de coopérer durant la thérapeutique étiologique ne devrait pas subir de traitement chirurgical.
Maladies cardiovasculaires
- L’hypertension artérielle et l’angine de poitrine n’interdisent pas les interventions chirurgicales.
- Les patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde ne devraient pas subir d’intervention dans les mois suivant l’hospitalisation, et au-delà, uniquement pour de solides raisons et en coopération avec le médecin traitant.
- Un traitement anticoagulant entraîne une tendance accrue au saignement. La chirurgie parodontale doit être programmée après consultation du médecin traitant.
- Les salicylés (aspirine) sont à éviter pour la douleur postopératoire en raison du risque de saignement.
- La présence d’endocardite rhumatismale, de lésions cardiaques congénitales, ou de prothèses valvulaires et vasculaires implique des risques de greffe bactérienne lors de bactériémies post-manipulation des poches parodontales. Une prémédication avec bain de bouche antiseptique (chlorhexidine à 0,2 %) et une antibiothérapie appropriée débutée quelques heures avant l’intervention sont nécessaires.
Troubles hématologiques
- Les patients souffrant de leucémie aiguë, d’agranulocytose ou de lymphogranulomatose ne doivent pas subir de traitement chirurgical.
- Les formes modérées ou compensées d’anémie n’interdisent pas la chirurgie. Les formes sévères et moins compensées peuvent entraîner une baisse de résistance à l’infection et une augmentation du saignement, nécessitant une consultation préalable avec le médecin traitant.
Troubles hormonaux
- Le diabète sucré entraîne une baisse de résistance à l’infection, un retard de cicatrisation et une prédisposition à l’artériosclérose. Les patients bien équilibrés peuvent subir des interventions chirurgicales sous précautions (régime alimentaire et besoins en insuline préservés).
- Une fonction surrénalienne altérée par une prise prolongée de corticoïdes peut réduire la résistance au stress physique et psychique. Les doses de corticoïdes doivent parfois être ajustées pendant la période chirurgicale, après consultation du médecin traitant.
Troubles neurologiques
- L’épilepsie, souvent traitée par la phénytoïne, peut favoriser une hyperplasie gingivale (dans 50 % des cas). Ces patients peuvent subir un traitement chirurgical sans restrictions particulières.
- Les formes sévères de sclérose en plaques ou de maladie de Parkinson peuvent rendre impossible un traitement chirurgical ambulatoire. La parésie, une fonction musculaire amoindrie, des tremblements ou des réflexes incontrôlables peuvent nécessiter une anesthésie générale.
Préparation du patient pour la chirurgie parodontale
Toute chirurgie est précédée :
- D’un examen clinique et radiographique.
- D’un examen sanguin (FNS, glycémie, TP).
- D’une préparation initiale comprenant :
- Motivation à l’hygiène.
- Détartrage et polissage des surfaces dentaires.
- Extraction des dents irrécupérables.
- Soins des dents cariées.
- Dépose des obturations et prothèses iatrogènes.
- Confection de prothèses provisoires fonctionnelles.
- Traitement de l’occlusion.
- D’une prémédication sédative en cas de nécessité.
Instrumentation
Les instruments doivent être stockés dans des boîtes ou plateaux stérilisés « prêts à l’emploi » :
- Miroir à bouche.
- Précelle.
- Sonde parodontale.
- Manches pour bistouris à lame jetable (manche Bard-Parker, manche de Blake avec serrage par vis).
- Bistouris.
- Décolleurs.
- Pince hémostatique.
- Pinces coupantes à gencive, pince gouge.
- Détartreur et curette.
- Ciseaux à gencives.
- Ciseaux et limes à os.
- Ciseaux à suture.
- Fraises.
- Fil de suture et pince porte-aiguilles.
- Spatule de bouche.
- Seringue pour irrigation.
- Canule d’aspiration.
Matériel complémentaire
- Champs.
- Gants stériles.
- Sérum physiologique.
- Seringue pour anesthésie locale.
- Compresses.
- Aspiration chirurgicale.
Pansement
Le pansement chirurgical protège la région opérée et assure la contention de la gencive. Il doit être bien posé pour ne pas blesser les tissus.
Conseils et soins postopératoires
Selon l’intervention pratiquée, on prescrira des antibiotiques, antalgiques et anti-inflammatoires. Lors des visites de contrôle postopératoires, les régions opérées seront nettoyées, et des conseils sur les soins parodontaux personnels (brossage, stimulation, massage) seront donnés au patient.
Prescription d’antalgiques
- L’antalgique de choix est le paracétamol (20 à 30 mg/kg/j).
- L’acide acétylsalicylique (aspirine) est à éviter en raison de son effet antiagrégant plaquettaire, source d’hémorragie et d’hématome postopératoires.
- La noramidopyrine (Visceralgine) et ses dérivés sont à éviter en raison du risque d’agranulocytose immunoallergique (mortelle dans 10 % des cas).
- Les dérivés de la glafénine sont à proscrire pour des raisons allergiques.
- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens à haute dose (acide niflumique, ibuprofène) doivent être évités en raison du risque d’extension d’un processus septique.
- En seconde intention, l’association paracétamol-codéine peut être prescrite.
Œdème
L’œdème est fréquent en postopératoire. Il peut être limité par :
- L’application d’une vessie de glace (en évitant les brûlures cutanées).
- La prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ou, dans certains cas, une corticothérapie brève par voie veineuse (méthylprednisolone, Solumedrol® à 0,5-1 mg/kg/j pendant 48 à 72 h, en l’absence de contre-indications médicales, de foyers infectieux et sous couverture antibiotique).
Hygiène buccale
Indispensable pour une bonne cicatrisation, elle comprend :
- Brossage après chaque repas.
- Bains de bouche débutés le lendemain de l’intervention, associés à l’utilisation de fil dentaire.
Alimentation
- Peut débuter le soir même de l’intervention si possible.
- Proscrire les aliments solides, liquides chauds, acides ou épicés.
- Favoriser les boissons glacées.
Antibiotiques
- Non systématiques.
- L’antibiotique de choix est l’amoxicilline (2 à 3 g/j).
Tabac
Il est impératif de s’abstenir de fumer pendant au moins une semaine.
Complications
- Saignement postopératoire : Une simple pression exercée pendant quelques minutes suffit généralement à obtenir l’hémostase. Une hémorragie plus importante nécessite une ligature des vaisseaux par suture. Pour les greffes, une gouttière sera fabriquée avant l’opération. Si l’artère palatine est atteinte, injecter un anesthésique local dans le canal grand palatin et exercer une pression dans la plaie.
- Œdème : Non inquiétant, il disparaît spontanément en quelques jours. Il peut être prévenu par l’application de glace dans les 6 heures suivant l’opération.
- Sensibilité à la pression : Cède spontanément en quelques jours.
- Mobilité dentaire : Disparaît quelques jours après la chirurgie.
Conclusion
L’importance des parodontopathies grandit dans les préoccupations des praticiens, qui se doivent de diagnostiquer et traiter ces affections. La place de la chirurgie parodontale dans le traitement des parodontopathies augmente parallèlement à la meilleure connaissance de la pathogénie et des phénomènes cicatriciels. Cependant, elle ne trouve son intérêt que dans un traitement complet où le parodontologiste, le prothésiste et le patient conjuguent leurs efforts pour un succès réel et durable.
« Si la chirurgie parodontale n’est pas toute la parodontie, il n’y a pas de traitement parodontal complet sans chirurgie. »
Bibliographie
- François Vigouroux, Guide pratique de chirurgie parodontale, Elsevier Masson.
- Jan Lindhe, Manuel de Parodontologie Clinique, édition CDP.
- J.F. Tecucianu, Chirurgie parodontale, EMC Paris, Stomatologie, 6-1978, 23602 A-10.
- L. Chikhani, F. Guilbert, Soins postopératoires en stomatologie et chirurgies maxillo-faciales, EMC 22-091-P-10.
- Otto Zuhr, Marc Hürzeler, Chirurgie plastique et esthétique en parodontie et implantologie : une approche microchirurgicale.
- Philippe Bouchard, Parodontologie dentisterie implantaire, volume 2 : thérapeutiques chirurgicales, Lavoisier Médecine Sciences.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
Chirurgie parodontale : Buts-indications-contre-indications-classification

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.