Cellulites cervico-faciales d’origine dentaire, Pathologie Bucco Dentaire
Introduction
Les infections d’origine dentaire, telles que la périodontite, les parodontopathies ou les accidents d’évolution des dents de sagesse, peuvent entraîner diverses complications locorégionales, notamment l’ostéite, la sinusite maxillaire, mais surtout les cellulites cervico-faciales, qui dominent ce tableau.
Définitions
Infection
L’infection désigne la contamination par un agent pathogène.
Inflammation
L’inflammation est un ensemble de réactions de défense développées par l’organisme face à une agression. Elle se caractérise par les quatre signes cardinaux de Celse : rougeur, douleur, chaleur et tuméfaction.
Cellulite
Les cellulites cervico-faciales sont des inflammations du tissu cellulaire sous-cutané cervico-facial, généralement causées par une infection polymicrobienne, le plus souvent d’origine dentaire.
Rappels anatomiques

Le tissu cellulaire
Constitution
Le tissu cellulaire est un tissu conjonctif lâche composé de cellules (fibroblastes) dispersées dans une matrice extracellulaire contenant de l’eau et des fibres de collagène élastiques. Les vaisseaux sanguins et lymphatiques font partie intégrante de ce tissu.
Répartition
On distingue plusieurs régions ou loges anatomiques contenant des quantités variables de tissu cellulaire :
- Région supérieure de la face :
- Région orbitonasale : peu de tissu cellulaire.
- Région inférieure ou bucco-pharyngienne :
- Région labiomentonnière : peu de tissu cellulaire.
- Région génienne : abondance de tissu cellulaire.
- Région palatine : absence de tissu cellulaire, favorisant la formation d’abcès sous-périosté.
- Région du plancher buccal : peu de tissu cellulaire.
Les dents et leurs rapports

La position des apex dentaires est en corrélation avec le tissu cellulaire atteint.
Rapports avec les tables osseuses
Dans le sens sagittal
- Au maxillaire supérieur :
Tous les apex dentaires sont plus proches de la corticale externe que de la corticale interne, mais les racines palatines et l’apex de l’incisive latérale sont nettement dirigés vers la corticale interne. - À la mandibule :
- Les apex des incisives, canines et première prémolaire sont plus proches de la corticale externe.
- Les apex de la deuxième prémolaire et de la première molaire sont à mi-distance entre les deux corticales.
- Les apex des deuxième et troisième molaires sont nettement plus proches de la corticale interne.

1-Lèvre supérieure : incisive centrale
2-Aile du nez : incisive latérale
3-Fosse canine et angle interne de l’œil: canine
4-Génienne haute : molaire et prémolaire
5-Lèvre inferieure
6-Région mentonnière
7-Région sous maxillaire
8-Région génienne basse
Schéma du siège des collections
Dans le sens vertical
- Au maxillaire :
Certaines dents, dites antrales ou sinusiennes, ont un rapport intime avec le plancher du sinus maxillaire. Par ordre d’importance :- Deuxième prémolaire.
- Première et deuxième molaires.
- Première prémolaire.
- Dent de sagesse.
- Parfois la canine.
Tableau : Rapport des dents avec les tables osseuses (sens vestibulo-lingual)
Région anatomique | Dents associées |
---|---|
Lèvre supérieure | Incisive centrale |
Aile du nez | Incisive latérale |
Fosse canine et angle interne de l’œil | Canine |
Génienne haute | Molaire et prémolaire |
Lèvre inférieure | – |
Région mentonnière | – |
Région sous-maxillaire | – |
Région génienne basse | – |
Étiopathogénie
Étiologie
Causes déterminantes
Complications dentaires
- Complication de la carie.
- Traumatisme dentaire.
- Accidents d’évolution des dents de sagesse (péricoronarite).
Causes péri-dentaires
- Parodontolyse.
Causes iatrogènes
- Prothétiques : taille agressive sur une dent vivante.
- Endodontiques : traitement endodontique mal conduit ou compliqué.
- Orthodontiques : traction ou pression excessive pouvant conduire à une nécrose pulpaire.
- Parodontales : détartrage et surfaçage, surtout si l’hygiène est mal entretenue.
- Chirurgicales : chirurgie orale ou maxillo-faciale.
- Anesthésie : injection dans un milieu infecté ou utilisation de matériel septique.
Causes favorisantes
Les risques de cellulite augmentent en cas de mauvaise hygiène bucco-dentaire, d’état général altéré ou d’immunodépression.
Pathogénie
Bactériologie
L’infection est polymicrobienne, impliquant des germes aérobies et anaérobies. Les aérobies prédominent dans les cellulites circonscrites, tandis que les anaérobies dominent dans les cellulites diffuses. Les germes les plus fréquents incluent les streptocoques, entérocoques, actinomyces, etc.
Voies d’entrée
- Voie ostéo-périostée :
Principale voie ; les micro-organismes atteignant le péri-apex traversent l’os et le périoste pour gagner les tissus cellulaires bucco-faciaux. - Voie lymphatique et veineuse :
Rencontrée dans les formes graves, comme les cellulites diffuses, par inoculation septique (injection, cathétérisme). - Voie directe :
Lors d’une anesthésie, l’aiguille ou l’anesthésique peuvent introduire des micro-organismes dans les tissus cellulaires.
Réponse de l’hôte à l’infection
L’organisme se défend par deux mécanismes liés :
- Système de défense non spécifique :
Les agents pathogènes affrontent d’abord des barrières physico-chimiques (viscosité du tissu, pH acide, etc.). - Système de défense spécifique :
- Mode cellulaire : Les lymphocytes T sont les principaux acteurs.
- Mode humoral : Les lymphocytes B synthétisent et sécrètent des anticorps.
Classification
Les cellulites peuvent être classées selon :
- La gravité :
- Cellulites circonscrites : pronostic favorable.
- Cellulites diffuses.
- L’évolution :
- Cellulites circonscrites aiguës :
- Séreuse.
- Suppurée.
- Gangréneuse.
- Cellulites circonscrites chroniques.
- Cellulites circonscrites aiguës :
Étude clinique, diagnostic et traitement
Cellulites circonscrites
Cellulites aiguës
Cellulite séreuse
C’est la forme initiale de toute cellulite, correspondant au premier stade de l’inflammation du tissu cellulaire.
Clinique :
- Signes de périodontite.
- Légère douleur.
- Tuméfaction comblant les sillons de la face.
- Peau lisse, tendue, légèrement rosée.
Évolution :
Sans traitement, elle évolue vers la suppuration.
Cellulite suppurée
Clinique :
- Signes fonctionnels marqués.
- Douleurs lancinantes.
- Trismus.
- Fièvre, asthénie, insomnie, dysphagie.
- Tuméfaction bien limitée, chaude, gardant le godet.
Évolution :
- Guérison avec un bon traitement.
- Fistulisation en l’absence de traitement.
- Chronicité en cas de traitement mal conduit.
- Diffusion vers les tissus voisins.
Cellulite gangréneuse
Forme rare, intermédiaire entre les cellulites circonscrites et diffuses, caractérisée par une destruction tissulaire par nécrose, souvent due à des germes anaérobies.
Clinique :
- Signes généraux graves : fièvre, asthénie, insomnie, pâleur grisâtre.
- Ressemble à une cellulite suppurée avec nécrose des tissus.
- Palpation : crépitations dues à la présence de gaz produit par les germes anaérobies.
- Ponction : pus brunâtre et fétide.
Évolution :
- Sans traitement, diffusion ou septicémie.
- Guérison avec un traitement bien conduit.
Cellulite chronique
Fréquente, souvent précédée d’une cellulite suppurée mal traitée.
Clinique :
- Nodule indolore à la palpation.
- Adhère à la peau, mais mobilisable sur les plans sous-jacents.
- Absence de signes généraux.
Évolution :
- Très lente, vers le réchauffement ou la fistulisation.
Formes topographiques
Formes péri-mandibulaires
- Cellulite vestibulaire inférieure.
- Cellulite génienne basse.
- Cellulite labiale inférieure et mentonnière.
- Cellulite du plancher buccal :
- Sus-mylo-hyoïdienne (sublingual).
- Sous-mylo-hyoïdienne (sous-mandibulaire).
Formes péri-maxillaires
- Cellulite vestibulaire supérieure.
- Cellulite génienne haute.
- Cellulite labiale supérieure.
- Abcès palatin.
Diagnostic
Diagnostic différentiel
Écarter les affections suivantes :
- Ostéites.
- Affections des glandes salivaires.
- Thrombophlébites crânio-faciales.
Diagnostic positif
Basé sur :
- L’anamnèse.
- Les signes cliniques.
- La ponction exploratrice (en cas de collection purulente).
- L’examen radiologique.
Traitement de la cellulite circonscrite
Traitement prophylactique
- Prévention de la carie et des complications cellulo-infectieuses en traitant la nécrose pulpaire avant qu’elle ne se complique.
- Respect des règles d’asepsie.
Traitement curatif
Moyens médicaux
- Antibiotiques :
Antibiothérapie à large spectre (bêtalactamines, dérivés imidazolés, macrolides) pendant 7 à 10 jours, souvent en association synergique. - Antalgiques :
Paracétamol préféré. - Anti-inflammatoires :
AINS utilisés avec précaution, toujours associés à une antibiothérapie.
Moyens chirurgicaux
Le drainage est nécessaire pour une suppuration collectée et comprend :
- Désinfection de la région.
- Anesthésie.
- Incision à la partie la plus déclive de la tuméfaction.
- Drainage proprement dit.
- Curetage du fond et des parois de la cavité.
- Lavage avec une solution antiseptique.
- Mise en place d’un drain.
- Pansement recouvrant l’incision.
Traitement étiologique
Conservateur ou radical de la dent causale.
Indications thérapeutiques
- Cellulite séreuse :
Traitement médical + traitement étiologique (conservateur ou radical). - Cellulite suppurée :
- Si la suppuration est suffisamment collectée : drainage immédiat + traitement médical.
- Si non collectée : traitement médical pendant 7 à 10 jours, puis drainage 24 heures après le début du traitement.
Après résolution, traitement étiologique de la dent causale.
- Cellulite gangréneuse :
Hospitalisation, antibiothérapie intensive pendant 15 jours, drainage avec lavages répétés, examen bactériologique, antibiogramme, extraction de la dent causale. - Forme subaiguë et chronique :
Antibiotique, drainage si nécessaire, extraction de la dent favorisant souvent une régression rapide.
Cellulites diffuses
Définition
Les cellulites diffuses (phlegmon diffus) sont des inflammations diffuses du tissu cellulaire sans tendance à la limitation, compliquées par une nécrose étendue des tissus. Elles se distinguent des cellulites diffusées, qui sont des extensions de cellulites circonscrites.
Étiologies
Causes dentaires
- Lésions péri-apicales.
- Soins canalaires déficients.
- Avulsion à chaud d’une dent pyorrheique.
Les dents causales sont souvent les prémolaires et molaires mandibulaires, en rapport avec le plancher buccal.
Autres causes
- Complications de suites opératoires.
- Facteurs de risque : alcoolisme, diabète, immunodépression.
Bactériologie
Flore polymorphe, principalement anaérobie, avec des aérobies à moindre degré. Les toxines et gaz jouent un rôle important dans la diffusion de l’infection.
Clinique
Sur le plan général
- Toxi-infection maligne (état de choc).
- Température élevée, frissons, transpiration, hypotension, oligurie, faciès pâle, vomissements.
- Hospitalisation d’urgence et réanimation nécessaires, risque de décès par collapsus cardiovasculaire.
Sur le plan local
- Tuméfaction s’étendant rapidement, peau tendue par un œdème important, trismus serré.
- Suppuration apparaissant en 5 à 6 jours : pus louche, parfois gazeux, d’odeur fétide, puis verdâtre et abondant.
- Dégâts importants : destruction des muscles, aponévroses, lésions à distance (endocardite, phlébite), troubles asphyxiques, état septicémique.
Formes topographiques
- Cellulite diffuse sus-mylo-hyoïdienne : Angine de Ludwig.
- Cellulite diffuse sous-mylo-hyoïdienne : Phlegmon de Lemaitre et Ruppe.
- Cellulite diffuse péri-pharyngienne : Angine de Senator.
- Cellulite diffuse faciale : Phlegmon de Ruppdutailly et Lattes.
- Cellulite diffuse ptérygo-maxillaire.
Évolution et complications
- Guérison :
Possible sans séquelles si traitement précoce et efficace en milieu hospitalier, sinon avec séquelles ou décès. - Complications :
- Hémorragie grave par rupture vasculaire.
- Thrombophlébite, ostéite.
- Troubles asphyxiques.
- Médiastinite.
- Endocardite.
Traitement de la cellulite diffuse
- Hospitalisation : Surveillance intense.
- Traitement médical :
- Antibiothérapie massive (basée sur antibiogramme, en perfusion IV, associant deux familles d’antibiotiques).
- Corticothérapie brève pour réduire l’œdème.
- Anticoagulants pour prévenir les thromboses.
- Intubation trachéale si souffrance respiratoire.
- Oxygénothérapie hyperbare pour lutter contre l’anaérobiose.
- Traitement chirurgical :
- Drainage des collections purulentes.
- Excision des tissus nécrosés.
- Mise en place d’un drain.
- Traitement étiologique :
Extraction de la dent causale.
Conclusion
La fréquence des cellulites cervico-faciales est liée à aux infections dentaires. Une prévention basée sur une bonne hygiène bucco-dentaire et un traitement précoce des foyers infectieux est essentielle pour éviter l’extension aux tissus voisins. Une fois installée, la cellulite nécessite une prise en charge immédiate et adaptée pour prévenir des complications graves, pouvant engager le pronostic vital.
Cellulites cervico-faciales d’origine dentaire, Pathologie Bucco Dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.