CARIOLOGIE, odontologie conservatrice et endodontie
Définition de la Carie Dentaire
Depuis longtemps, des scientifiques ont essayé de définir la carie dentaire.
- FAUCHARD (17ème siècle) : C’est une maladie qui détruit les dents.
- FREY (1928) : C’est une altération spéciale de la dent, qui progresse de la périphérie vers le centre.
- BAUME (1962) : La carie dentaire est un processus pathologique localisé d’origine bactérienne qui entraîne la destruction des tissus durs de la dent et la formation d’une cavité.
- OMS (1977) : La carie dentaire est une maladie acquise, elle se caractérise par une altération des tissus durs de la dent, qui entraîne la formation d’une cavité.
Définition Actuelle
La carie est définie comme une pathologie infectieuse causée par des bactéries adhérant aux surfaces dentaires entraînant la destruction des tissus durs de l’organe dentaire par déminéralisation acide. C’est une maladie multifactorielle qui implique l’hôte, la microflore, l’alimentation et le facteur temps.
Épidémiologie de la Carie
Définition des Indices Épidémiologiques
Plusieurs indices ont été décrits pour évaluer l’état de santé buccodentaire d’un individu ou d’une population à un instant donné. Ces indices permettent des comparaisons dans le temps ou dans l’espace. Ils permettent aussi de mesurer l’efficacité des stratégies de prévention ou des thérapeutiques. Ils expriment, par des cotations numériques précises, un état qualitatif donné.
Indices CAOD et cod
Mis au point par Klein et Palmer en 1940, l’indice CAOD comptabilise le nombre de dents permanentes cariées (C), absentes (A) et obturées (O) chez un individu.
- Score : 0 à 32.
- Chez les enfants en denture mixte, le CAOD peut être enregistré uniquement sur les premières molaires permanentes.
- L’indice cod comptabilise le nombre de dents temporaires cariées ou obturées.
- Score : 0 à 20.
Formule de l’indice CAOD individuel :
CAOD individuel = nombre de dents cariées (C) + nombre de dents absentes (A) + nombre de dents obturées (O)
Indice CAOD moyen :
CAOD moyen = Somme des valeurs individuelles / Nombre de sujets examinés
Indices CAOF et cof
L’indice CAOF détermine le nombre total de faces dentaires cariées (C), absentes (A) pour cause de carie ou obturées (O).
- On distingue cinq faces pour les dents permanentes postérieures et quatre faces pour les dents permanentes antérieures, soit un total de 128 faces.
- Pour les dents temporaires, l’indice cof détermine le nombre de faces cariées ou obturées, parmi les 88 faces prises en compte.
Le Système International de Détection et d’Évaluation des Caries (ICDAS)
Le système ICDAS (International Caries Detection and Assessment System) est fondé sur l’inspection visuelle des surfaces dentaires nettoyées et séchées et est basé sur des critères visuels faisant l’objet d’un consensus international.
Classification ICDAS II (d’après Ismail et al., 2005) :
Code | Description |
---|---|
0 | Surface dentaire saine |
1 | Premier changement visuel de l’émail (1w : white spot, 1b : brown spot) |
2 | Changement visuel distinct de l’émail (2w : white, 2b : brown) |
3 | Rupture localisée de l’émail due à la carie, sans exposition dentinaire visible ni transparence ombrée due à la dentine cariée sous-jacente (underlying shadow) |
4 | Ombres foncées provenant de la dentine cariée sous-jacente sans ou avec rupture localisée d’émail |
5 | Cavité distincte avec dentine visible |
6 | Cavité distincte étendue à la dentine visible |
Tendances Épidémiologiques
Dans une quinzaine de pays industrialisés, la fréquence globale de la carie est en nette baisse depuis les années 70. Durant cette période, l’OMS a choisi 12 ans comme âge de référence pour évaluer l’état de santé buccodentaire d’une population, en calculant l’indice CAOD, qui a atteint le plus souvent une moyenne supérieure ou égale à 10. Actuellement, cet indice a significativement diminué grâce aux efforts de prévention par les soins d’hygiène et de fluoration.
Étiologies de la Carie
Facteurs Selon Keyes (1962)
Selon Keyes (1962), de nombreux facteurs jouent un rôle déterminant dans la survenue des caries :
- L’organisme « Hôte », avec une denture plus ou moins prédisposée à la carie.
- Les micro-organismes « bactéries ou microflore ».
- Le substrat : favorable à la croissance des micro-organismes.
Diagramme de Keyes (1962) : Les étiologies multifactorielles de la carie ont été représentées sous forme de trois cercles différents dont l’intersection rend compte des conditions optimales pour l’éclosion de la carie.
Ajout du Facteur Temps par König (1987)
König a ajouté un quatrième cercle au diagramme de Keyes représentant le facteur temps.
Diagramme de König (1987) : Tous ces facteurs doivent être réunis pour permettre l’apparition de la carie. Celle-ci survient en particulier quand les micro-organismes adhérent à la surface dentaire depuis un certain temps et produisent des substances déminéralisantes (acides) à une concentration suffisante dans l’écosystème de la plaque grâce à l’apport de sucre (substrat).
Facteur Bactérien
La flore buccale contient environ 300 espèces bactériennes. Parmi celles-ci, certaines jouent un rôle majeur dans le développement du processus carieux. Elles se développent au sein de la plaque bactérienne qui s’accumule sur les dents, les prothèses et les appareils dentaires. Les bactéries impliquées dans le processus carieux appartiennent à trois genres bactériens :
- Streptococcus mutans : Impliqués dans l’initiation de la lésion carieuse.
- Lactobacillus : Impliqués dans la progression de la lésion carieuse.
- Actinomyces : Impliqués plus particulièrement dans les caries radiculaires.
Fact16 Facteur Alimentaire
La nature des aliments joue un rôle très important dans le développement de la carie.
- Les lipides sont dits carioprotecteurs car ils réduisent l’adhésion de la plaque à la surface de l’émail.
- Les protides n’ont pas d’effets cariogènes.
- Les glucides ont des potentialités cariogènes variables.
Le saccharose est considéré comme le plus cariogène des sucres assimilables. La fermentation du sucre par les bactéries produit des acides qui font abaisser le pH de la plaque. À un pH critique inférieur à 5,5, les acides commencent à déminéraliser l’émail.
En dehors de la quantité de sucres ingérée, un autre paramètre est essentiel : la fréquence des apports glucidiques.
Facteur Temps
La cariogénicité des glucides résulte de l’abaissement brutal et durable du pH au sein de la plaque après l’ingestion de sucres. Comme le montre la courbe de Stephan, immédiatement après un rinçage buccal de quelques minutes avec une solution de glucose à 10 %, le pH de la plaque, dont la valeur initiale est de 6,5-7, tombe brutalement, en deux à trois minutes, à la valeur de 5, c’est-à-dire en dessous de la valeur de pH critique qui est de 5,5. Cet abaissement du pH au-dessous du pH critique persiste environ 30 minutes, et il faut attendre 40 minutes pour que le pH remonte à sa valeur initiale. Après chaque prise alimentaire sucrée, ce même phénomène se reproduit.
Facteurs Liés à l’Individu
La Salive
La salive favorise indirectement la genèse de la carie, en participant au développement de la pellicule acquise exogène de la plaque bactérienne par ses protéines riches en proline. De plus, ses amylases interviennent dans la décomposition de l’amidon.
Cependant, son action reste essentiellement carioprotectrice en raison :
- Des substances antibactériennes (enzymes et immunoglobulines).
- De l’assurance d’un auto-nettoyage des surfaces dentaires.
- Du pouvoir tampon qui permet la régularisation du pH au sein de la cavité buccale.
- De l’existence des ions minéraux présents dans la salive, qui aident à la reminéralisation des lésions débutantes, principalement le phosphate et le calcium.
Facteur Dentaire
- Des cuspides très développées et des sillons très anfractueux conditionnent l’adhérence et la rétention des aliments et de la plaque dentaire, créant des caries occlusales.
- Des points de contacts défectueux favorisent l’installation des caries proximales.
- Le non-recouvrement de l’émail cervical par le cément, ainsi que la récession gingivale, conditionnent l’apparition de caries à ce niveau.
Facteur Lié à l’Âge
- Pour les dents temporaires, le nombre de caries augmente avec le temps qui s’écoule après l’éruption des dents.
- Pour les dents permanentes, le nombre de caries augmente dès 6 ans. L’incidence est particulièrement élevée chez l’enfant possédant des dents en cours de minéralisation post-éruptive à cause d’une alimentation déséquilibrée, d’une hygiène buccodentaire défectueuse et d’une structure dentaire fragile.
De ce fait, certains n’hésitent pas à qualifier la carie de « maladie de l’enfance ». Elle est maximale au moment de l’adolescence, le plus grand nombre de caries se développant avant 22 ans.
Chez l’adulte, l’atteinte carieuse a tendance à se stabiliser. À partir de 50 ans, l’état de santé buccodentaire s’aggrave à nouveau avec le développement des caries radiculaires liées aux récessions gingivales.
Facteur d’Ethnie
D’après certaines études, il semblerait que les Blancs présenteraient plus de caries que les Noirs. Ces différences n’ont cependant rien à voir avec la race elle-même et peuvent facilement s’expliquer par des facteurs liés à l’environnement tels que la culture, les conditions socio-économiques et les habitudes alimentaires différentes.
Les Troubles Endocriniens
Le dysfonctionnement des glandes salivaires et parotidiennes engendre une hypoplasie de l’émail et des troubles de calcification de la dentine.
Facteurs Professionnels
Certaines professions placent les individus dans un contexte cariogène. Exemples :
- Vapeurs d’acide (industrie).
- Farine et sucre (boulanger, pâtissier).
Dynamique de la lésion carieuse
Processus de la lésion carieuse
Déminéralisation
La déminéralisation correspond à la dissolution des cristaux d’hydroxyapatite présents dans l’émail suite à la libération d’acide par les bactéries cariogènes. Pour que la dissolution ait lieu, il faut que l’acide diffuse d’abord dans la matrice poreuse. Ce stade est réversible et le cristal peut être reminéralisé à l’aide de différentes substances dont les plus connues sont les fluorures.
Elle se produit lorsque le pH passe en dessous du seuil critique de 5,5 et persiste tant qu’il n’y a pas d’action du pouvoir tampon pour remonter le pH. Lors de la dissolution des cristaux d’hydroxyapatite, il y a libération d’ions calcium et d’ions phosphate.
Reminéralisation
La reminéralisation est un phénomène qui se produit sous l’effet du pouvoir tampon salivaire lorsque le pH est restauré et est supérieur au seuil critique. Les ions calcium et phosphate présents dans la salive vont s’associer aux fluorures pour permettre la diminution des microporosités au sein de l’émail. La couche de surface ne se reconstitue pas de manière intégrale mais sera quand même plus résistante que la couche initiale aux acides.
Les processus de déminéralisation et de reminéralisation sont identiques pour l’émail, la dentine et le cément ; l’intégrité de ces surfaces dépend de l’équilibre entre la déminéralisation et la reminéralisation.
Équilibre dynamique
Facteurs | Résultat |
---|---|
Bactéries + glucides + fréquence | Acides → Déminéralisation |
Tampons salivaires, calcium, phosphates, fluor | Reminéralisation |
Il y a deux conditions majeures de déséquilibre où le système de défense salivaire est dépassé :
- Un manque d’élimination des micro-organismes par le brossage.
- Une importante fréquence des prises alimentaires sucrées.
Atteinte de l’émail avec et sans cavitation
Émail sain
Cliniquement, l’émail sain apparaît lisse, brillant, extrêmement dur. Le cristal de l’hydroxyapatite est séparé de ses voisins par des espaces intercristallins remplis d’eau et de matériel organique. Ces derniers représentent une voie de pénétration potentielle pour les acides bactériens et sont appelés parfois micropores.
La carie de l’émail
Aspects macroscopiques
Le premier signe décelable cliniquement est le stade de la tache blanche (white spot), plus facilement visible après séchage de la surface et variation de l’incidence d’éclairage. Cette tache blanche peut secondairement se colorer en brun ou en jaune.
Des changements optiques au niveau de l’émail sont constatés conjointement à l’ouverture de micropores, qui, par la suite, s’ouvrent davantage et entraînent une modification des qualités de réfraction de l’émail. Une couche superficielle hypominéralisée (white spot) sous la surface de l’émail est alors visible. Si le processus de déminéralisation se poursuit, il y a rupture de la couche en surface et création en profondeur d’une cavité.
Les lésions carieuses initiales se retrouvent dans trois sites principaux :
- Au collet de la dent, sous forme d’un croissant bordant la gencive marginale.
- Sur les faces proximales, où elles sont généralement masquées par les dents adjacentes.
- Dans les sillons occlusaux et marginaux.
Dans les premiers stades de développement, les lésions carieuses de l’émail sont indécelables à la radiographie clinique.
Aspects microscopiques
Quelle que soit la localisation de la lésion carieuse initiale de l’émail, on distingue quatre zones définies par Darling et précisées par Silverstone à partir de microradiographies. Elles sont disposées en un triangle dont la pointe est dirigée vers la dentine :
Zone | Description | Perte minérale |
---|---|---|
Zone translucide | Zone d’avancement du front de déminéralisation | 1,2 % |
Zone sombre ou opaque | Perte en substance minérale | 6 % |
Corps de la lésion | Réduction de la composition minérale | 24 % |
Couche de surface | Apparaît intacte macroscopiquement, volume poreux inférieur à 5 % |
Chaque zone passe de l’une à l’autre de façon progressive et non de façon franche. Mise en évidence, sur microradiographies, de la zone de surface persistante à différents degrés d’extension de la lésion carieuse initiale.
Évolution de la lésion carieuse de l’émail
La carie de l’émail non traitée peut évoluer de deux manières :
- Cavitation : En l’absence de traitement, la carie de l’émail s’étend vers la jonction améliodentinaire, puis en profondeur vers la dentine. La couche d’émail en surface peut s’effondrer, la lésion devient cavitaire.
- Carie arrêtée – lésion stabilisée : La lésion en tache blanche peut ne pas évoluer vers la cavitation mais se transformer en carie ou lésion arrêtée, dite stabilisée, ou tache brune.
Types de lésions :
- Lésion amélaire initiale sans cavitation.
- Lésion amélaire avec cavitation.
- Carie amélaire arrêtée sans cavitation.
Carie du cément
Lorsque la rétraction gingivale a exposé une partie de la racine dentaire au milieu buccal, il peut survenir des lésions carieuses intéressant le cément et la dentine radiculaire. Les lésions carieuses se développent essentiellement à la jonction améliocémentaire qui, en raison de son irrégularité, favorise l’accumulation préférentielle de plaque dentaire.
La première étape consiste en une déminéralisation désordonnée de la couche cémentaire, en suivant en particulier le trajet des faisceaux des fibres collagéniques (fibres de Sharpey) qui sont perpendiculaires à la surface cémentaire. La progression peut également se faire suivant les lignes d’accroissement cémentaire parallèles à l’axe de la racine dentaire. Elle aboutit à une « déstratification » du cément.
La carie du cément seul ne peut être détectée cliniquement, l’épaisseur de ce tissu n’étant que d’environ 20 à 50 µm près du collet. Alors que la carie progresse en profondeur, la couche de surface persiste encore, aboutissant, comme pour la carie débutante de l’émail, à une zone de déminéralisation en subsurface recouverte par une couche de cément encore relativement bien minéralisée. Cette dernière résulte de la reprécipitation de sels minéraux dissous en profondeur et de la reminéralisation à partir des sels de calcium de la salive.
La déminéralisation tissulaire est suivie de la destruction de la matrice organique et de l’invasion bactérienne.
Cinétique de la lésion carieuse
Cette infection est un processus dynamique alternant des phases de progression et des phases de repos. Les critères de durée et d’intensité des phases actives varient grandement entre différents groupes de population. De plus, pour un même patient, cette cinétique peut varier en fonction de l’âge ou du moment de la journée.
La pathogénicité de la flore et la réponse de l’hôte expliquent en partie cette disparité de déminéralisation des tissus durs de la dent. Le processus étant multifactoriel, l’évolution dépend de l’interaction entre de nombreux facteurs tels que :
- La solubilité des tissus calcifiés.
- Le pH.
- La perméabilité et la concentration ionique dans l’environnement de la dent.
La salive joue aussi un rôle prépondérant dans la protection de l’organe dentaire selon sa qualité et sa quantité. La carie dentaire est donc le résultat de la dérégulation d’un équilibre physiologique précaire. Une fois que ce déséquilibre atteint le stade de la lésion cavitaire, la progression de la lésion pourra prendre plusieurs années. Si aucun traitement n’est réalisé, les bactéries coloniseront le dernier tiers dentinaire : on parlera alors de carie profonde, avec les répercussions que cela engendre au niveau de l’organe pulpaire.
CARIOLOGIE, odontologie conservatrice et endodontie
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
CARIOLOGIE, odontologie conservatrice et endodontie

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.