BIOFILM
INTRODUCTION :
Les bactéries de la cavité buccale vivant en flottaison libre sont dites planctoniques ; cependant elles peuvent s’organiser au sein d’une communauté microbienne, pour augmenter ses chances de survie.
1-DEFINITIONS DU BIOFILM
*Selon LOE en 1963 : C’est un dépôt mou non calcifié, bactérien qui se forme sur les dents insuffisamment nettoyées.
*Selon FRANK en 1969 : C’est une jungle microbienne extrêmement polymorphe faite de bactéries aérobies et anaérobies, reliées par une matrice extracellulaire accolées à la surface de la dent par la pellicule acquise, ainsi que des cellules épithéliales desquamées, des polynucléaires et des leucocytes.
Elle peut rester longtemps à l’état mou, elle varie d’un individu à l’autre et d’un endroit à l’autre dans la même bouche.
*Selon GLICKMAN en 1972 : C’est un dépôt granuleux, mou, amorphe qui s’accumule sur les faces des dents, sur les restaurations dentaires et sur le tartre, il ne peut être détaché que par un nettoyage mécanique.
*Selon LINDHE en 1983 : C’est un matériau blanc, mou, constituer d’agrégats bactériens, de leucocytes et de cellules épithéliales desquamées qui se développent à la surface des dents ou d’autres structures buccales solides.
*HALL-STODLEY et al 2004 : Les biofilms ne sont pas simplement une collection passive de cellules adhérant à une surface, mais sont des systèmes biologiques complexes structurés et dynamique.
2. FORMATION DU BIOFILM DENTAIRE
Elle commence par la formation de la pellicule acquise puis sa colonisation par les germes bactériens et en fin sa maturation.
2.1. Formation de la pellicule acquise exogène (PAE) :
Elle se forme spontanément sur la surface dentaire minéralisée par l’adsorption sélective de protéines salivaires. Les principaux constituants de la PAE sont les glycoprotéines et les phosphoprotéines. La PAE peut être bénéfique à la santé dentaire ou participe à son déséquilibre. Protectrice, elle s’oppose à la décalcification de la dent, notamment lors d’ingestion d’aliments ou de boissons acides.
2.2. Adhérence et colonisation bactérienne :
L’adhérence est un déterminant écologique primordial pour que les bactéries buccales persistent et survivent. La fixation de bactéries pionnières est l’étape initiale de la formation du biofilm dentaire. Ces bactéries possèdent des adhésines à leur surface qui reconnaissent spécifiquement des récepteurs de la PAE. Les streptocoques de groupe mitis sont les organismes pionniers. Cette adhérence résulte d’interactions physico-chimiques non spécifiques entre la bactérie et les surfaces (phase réversible). L’adhérence irréversible fait intervenir des interactions non sélectives et des interactions sélectives, la première s’établie entre une surface bactérienne globalement chargée négativement et la PAE. La deuxième implique des interactions spécifiques entre les adhésines bactériennes « lectines » et les récepteurs de l’hôte.
2.3. La maturation du biofilm :
Les bactéries pionnières sont capables de résister à de fortes concentrations en O₂ et aux divers mécanismes d’élimination de la cavité buccale. Leur croissance permet l’adhérence d’autres espèces bactériennes qui n’étaient incapables de se fixer sur la PAE. C’est une colonisation secondaire.
Au fur et à mesure que le nombre de couches augmente, de nouvelles conditions environnementales apparaissent, le taux d’oxygène diminue et les bactéries anaérobies se développent. Après plusieurs heures, de nouvelles espèces se fixent sur les bactéries installées et augmentent ainsi la diversité du biofilm dentaire jeune. Ces espèces bactériennes “colonisateurs secondaires ou tardifs”, apparaissent principalement aux genres à Gram négatif : Fusobactérium, Porphyromonas, Veillonella, Prevotella, Tréponéma.
Lorsque le biofilm dentaire n’est pas éliminé, la communauté devient de plus en plus complexe. L’équilibre est atteint en 2 à 3 semaines. A ce stade, le biofilm dentaire peut contenir jusqu’à 10⁹ bactéries par mg de matière. L’accroissement du biofilm constitue l’étape de maturation.
3. LA COMPOSITION DU BIOFILM DENTAIRE
Le biofilm est constituée d’une matrice extra cellulaire et des bactéries.
3.1. La matrice extracellulaire qui aboutit à la synthèse de membrane extracellulaire « MEC ». Cette matrice permet l’agrégation des bactéries colonisatrices secondaires et la cohésion du biofilm. La substance inter-bactérienne est composée de glycoprotéines salivaires, de bactéries lysées et de la MEC bactérienne.
La MEC est composée de 25% de phase aqueuse mais aussi de saccharides (dextranes, levanes, autres polysaccharides, glycogène), de sucres simples, lipides, protéines, oligo-éléments, ions calcium et phosphates.
Les hydrates de carbone (polysaccharides, levanes et dextranes) représentent 20% du poids sec de biofilm. Ils servent de source énergétique pour les bactéries ou jouent le rôle de charpente de la matrice et de la structure du biofilm.
3.2. Les bactéries : Plus d’une douzaine d’entre elles sont aujourd’hui classées comme pathogènes pour le parodonte. Parmi celles-ci, on compte surtout les bactéries Gram négatives, notamment Pg, AgC, Tf, Td. Certaines de ces bactéries possèdent des propriétés biochimiques importantes pour la pathogénèse des maladies parodontales. Un équilibre écologique stable s’établit au fur et à mesure dans ces complexes et parmi les bactéries impliquées on différencie les complexes très pathogènes et les complexes peu pathogènes.
• Agrégatibacter actinomycetemcomitans sérotype b qui forme un complexe à lui seul, n’ayant pas pu être rapproché des autres bactéries.
• le complexe jaune : formé de Streptococcus spp.
• le complexe vert : Capnocytophaga spp., AgC sérotype a, Ec .
• le complexe violet : Veillonella parvula et Actinomyces odontolyticus.
• le complexe orange : Cg, Cr, Cs, En, Pi, Pn, Pm, et les sous-espèces de Fn.
• le complexe rouge : Pg, Tf et Td.
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Les complexes bactériens de Socransky et al. (1998)
Certaines bactéries pourraient sécréter des facteurs de croissance pour les autres. De plus, des associations intercomplexes existent, le complexe orange étant fortement lié au complexe rouge, et les complexes jaune et vert étant eux aussi en relation.
4. TRANSFORMATION DU BIOFILM EN TARTRE
Le tartre est défini comme la minéralisation du biofilm produisant des cristaux de différents phosphates de calcium. Le tartre dentaire est principalement composé de minéral, de composants organiques et inorganiques. Au départ, de petits cristaux vont apparaître à la périphérie de la membrane bactérienne. Ce phénomène s’étend ensuite à toute la matrice inter bactérienne puis aux bactéries elles-mêmes. La formation des cristaux dans le biofilm débute après 38 h et il faut seulement 12 jours pour obtenir un tissu tartrique bien calcifié.
Le tartre est principalement formé par la précipitation des ions carbonate et phosphate de la salive. Ces sels minéraux vont être unis par une matrice organique, des cellules épithéliales, des globules graisseux, des leucocytes et des bactéries. De plus, il semblerait qu’une salive alcaline soit une condition essentielle pour la formation du tartre. On distingue deux types de tartre :
¬ Le tartre sus-gingival : Ou tartre salivaire situé coronairement ou au-dessus du rebord gingival. Il est de couleur blanchâtre, de consistance gélatineuse, plus ou moins facile à éliminer par un détartrage manuel.
¬ Le tartre sous gingival : Ou tartre sérique localisé apicalement ou sous le rebord gingival, dans le sulcus ou dans la poche parodontale. Il est souvent beaucoup plus foncé, plus dur et plus difficile à éliminer par détartrage manuel que le tartre supragingival.
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5. CLASSIFICATION DU BIOFILM
5.1. Biofilm supra-gingival : n’est cliniquement détectable que lorsqu’il atteint une certaine épaisseur, il apparait alors comme un enduit blanc jaunâtre localisé tout d’abord le long du rebord gingival. Son identification se réalise soit à l’aide d’une sonde déplacée sur la surface dentaire soit par coloration. La plaque supra gingivale se forme plus rapidement pendant le sommeil et subit les influences de la salive. Les patients qui ont des bouches sèches ont une quantité élevée de plaque supra gingivale. La plaque supra gingivale se forme rapidement chez les patients suivant un régime à base d’aliments mous, alors que les aliments fibreux et qui doivent être mâchés retardent la formation de plaque.
De 0 à 2 jours : Multiplication de micro-organismes primitivement adhérents.
45% cocci G+ : streptocoque
25% bâtonnet G+ : anaérobies facultatives ou obligatoire (actinomyces)
20% cocci G- . et 5% bâtonnets G-.
3 à 4 jours : prolifération des fusiformes et des bactéries filamenteuses.
5 à 9 j : Apparition des spirilles et des spirochètes (flore complexe).
9 à 14 jours Vers le 14ème jour, la plaque devient mature. Elle est composée de :
50 % G+; 30% G-;
8% fusiformes ; 8% filaments ;
2% vibrions ; 2% spirochètes.
5.2. Biofilm sous-gingival :
Il constitue la continuité apicale du biofilm supra gingival ; il est à l’origine des maladies parodontales. Une colonisation initiale par des bactéries des complexes jaune, vert et pourpre en même temps que les actinomyces modifient l’environnement dans le biofilm, permettent aux bactéries du complexe orange d’abord, puis enfin à celle du complexe rouge de se développer et de devenir majoritaires dans les biofilms sous-gingivaux.
Attachée à la dent | Attachée à l’épithélium | Non attachée |
Ne s’étend pas à l’épithélium de jonction | S’étend à l’épithélium de jonction | S’étend à l’épithélium de jonction |
Peut pénétrer dans le cément | Peut pénétrer dans l’épithélium et le tissu conjonctif | |
Associée à la formation de tartre et de carie radiculaires | Associée à la gingivite et à la parodontite | Associée à la gingivite |
6. POUVOIR PATHOGENE DU BIOFILM
6.1. Facteurs directs : Les enzymes lytiques
Les enzymes produites par les micro-organismes sont nombreuses et variées. Les protéases et les collagènases sont les principales enzymes lytiques attaquant les protéines constitutives du parodonte.
- Les exo-enzymes : libérés par les bactéries dans le milieu extérieur, dont ils dégradent les constituants organiques qui ne peuvent pas diffuser à travers la membrane plasmique. Ce sont les lipases, les nucléases, les protéases, les polysaccharides et surtout des hyaluronidases.
- Les ecto-enzymes : liés à la membrane cytoplasmique, qui interviennent dans la pénétration et le métabolisme des substrats au sein de la cellule ce sont essentiellement les perméases.
- Les endo-enzymes : sont intra cytoplasmiques et proviennent d’une excrétion enzymatiques de la bactérie vivante dans le milieu externe, mais également produites suite à la destruction de la membrane bactérienne.
Enzymes | Action |
Hyaluronidase | – Elargissement des espaces inter-cellulaires de l’épithélium. – Dissociation des cellules de l’épithélium au niveau des muccopolysaccharides avec perte des desmosomes et des autres joints inter-cellulaires. – Baisse de la viscosité de la substance fondamentale du tissu conjonctif. – Augmentation de la perméabilité du tissu conjonctif. |
Collagénase | – Destruction des fibres de collagène. – Altération de la paroi endothéliaie des capillaires. |
Protéase | – Dégradation des protéines. – Diminution de PH acide. – Destruction des fibres de collagène. |
B.Glucuronidase | – Rôle identique à celui de la hyaluronidase |
6.2. Facteurs indirects :
6.2.1. Les toxines : Les bactéries libèrent des toxines qui jouent un rôle important dans la progression du phénomène inflammatoire et déclenchent la synthèse d’enzyme lytique.
On distingue :
- Endotoxines : les lipopolysaccharides sont libérées suite à la destruction des bactéries Gram- .
Elles peuvent provoquées :
- Une action pyrogène résultant en une augmentation de la température de l’hôte.
- Une leucopénie transitoire suivie par une hyperleucocytose.
- Une hypoglycémie.
- Une diminution de la résistance à l’infection microbienne.
- Une grande variété de troubles circulatoires spécialement les hémorragies.
6.2.2. Les antigènes :
Les antigènes provenant des bactéries, ne sont pas totalement inhibés par les réactions immunitaires de défense, cette réaction se retourne contre l’organisme agressé et lyse
les tissus qu’elle aurait dû protéger. On a principalement les antigènes de paroi et ceux associés à la membrane cytoplasmique bactérienne et les antigènes flagellaires.
7. INFECTION FOCALE
L’agression bactérienne caractéristique des pathologies parodontales aboutit à une destruction tissulaire modulée en particulier par des enzymes (métalloprotéases) et des cytokines proinflammatoires, comme l’IL1 et (TNF) α, produites par les cellules de l’hôte. D’où l’hypothèse avancée récemment et confirmée par quelques études que ces composés peuvent jouer un rôle dans le développement de diverses pathologies générales.
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CONCLUSION
Une connaissance des caractéristiques des biofilms devrait permettre dans un proche d’accéder à des nouvelles thérapeutiques, plus respectueuses de l’environnement local, moins préjudiciables à la santé de l’individu et de la communauté, et permettant l’établissement d’une plaque bactérienne commensale protectrice en équilibre avec les défenses de l’hôte.
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Les obturations en composite sont discrètes et résistantes.
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