APHTES ET APHTOSES
APHTES ET APHTOSES
ÉTYMOLOGIE ET DÉFINITION
Étymologiquement, le terme « aphte », dérivant du grec « aptein » signifiant brûler, a été décrit par Hippocrate en 400 avant J.-C.
L’aphte isolé (banal, vulgaire ou simple) constitue la lésion élémentaire commune à toutes les lésions aphteuses, quelle que soit leur forme clinique. Il s’agit d’une ulcération douloureuse et superficielle de la muqueuse buccale, évoluant spontanément vers la guérison sans séquelles cicatricielles. Ce symptôme clé est retrouvé aussi bien dans l’aphtose buccale chronique récidivante (ABR) que dans la maladie de Behçet.
L’aphtose buccale est une affection récidivante de la muqueuse buccale, évoluant par poussées (aphtose buccale récidivante, ABR), et ne laisse généralement pas de séquelles cicatricielles. La répétition des lésions aphteuses dans l’année permet de poser le diagnostic d’ABR.
Classiquement, les aphtes de l’ABR sont le plus souvent superficiels, isolés (aphte d’aspect vulgaire) ou multiples, parfois en « bouquet », ou encore profonds (aphte nécrosant). L’ABR est qualifiée de simple ou mineure dans les cas habituels (lésions espacées et peu nombreuses), et de complexe lorsque les récidives surviennent avant la guérison de la lésion précédente ou en association avec une affection systémique (comme le SIDA). Associée à une aphtose génitale, elle prend le nom d’aphtose bipolaire, isolée (aphtose bipolaire de Neumann) ou dans le contexte de la maladie de Behçet, qui est grave, invalidante et multipolaire (buccale, génitale, oculaire, etc.).
ÉPIDÉMIOLOGIE DES APHTOSES
Ces lésions affectent à des degrés divers 6 à 66 % de la population, selon les groupes étudiés. Une certaine prédominance semble exister pour les femmes et les filles. L’aphtose buccale récidivante commence pendant l’enfance ou l’adolescence, avec un pic de fréquence entre 10 et 19 ans. Elle peut toucher l’enfant de moins de 5 ans.
La fréquence et la sévérité des poussées diminuent avec l’âge. Les aphtes géants ou nécrosants peuvent commencer après la puberté. L’aphtose herpétiforme (miliaire) tend à affecter des personnes plus âgées.
MANIFESTATIONS CLINIQUES GÉNÉRALES
L’Aphte Isolé, Lésion Élémentaire
Quelle que soit la forme clinique, la lésion élémentaire est la même : une ulcération, parfois précédée par une sensation de cuisson. La lésion initiale est une macule érythémateuse, une papule ou une vésicule, sur laquelle survient l’ulcération classique : ronde ou ovalaire, à bords réguliers, entourée d’un halo rouge, avec un fond plat, souple, fibrineux, jaune ou grisâtre.
Tous les sièges de la cavité buccale peuvent être touchés, en particulier la muqueuse non kératinisée. Les lésions sont douloureuses, non infiltrées, sans adénopathies satellites.
Diagnostic Différentiel de l’Aphte Isolé
Le diagnostic de l’aphte vulgaire simple isolé est purement clinique et facile à poser, mais il ne sera retenu qu’après un examen complet pour éliminer les éventuelles lésions dont la clinique se rapproche de celle de l’aphte (ulcérations traumatiques, tuberculeuses, syphilitiques, cancéreuses, etc.).
Anatomopathologie
Il s’agit d’une ulcération non spécifique. Le centre de la lésion est caractérisé par une nécrose de type ischémique par oblitération vasculaire, avec disparition du corps muqueux de Malpighi. En périphérie de la nécrose, les vaisseaux sont dilatés, correspondant à un aspect microscopique de vascularite.
Le cours d’un aphte buccal peut être schématiquement divisé en quatre phases successives, d’après Stanley :
- Phase 1 ou phase prodromique : douloureuse, caractérisée par une sensation de picotements et de brûlure de moins de 24 heures.
- Phase 2 ou phase préulcérative : dure 18 à 72 heures, avec développement de lésions érythémateuses, maculaires, papuleuses ou vésiculeuses, accompagnées d’une douleur croissante.
- Phase 3 ou ulcéreuse : apparition de l’ulcération, qui ne saigne jamais et persiste de quelques jours à quelques semaines (cas de l’aphte géant nécrosant). Cette phase, très douloureuse, peut durer 4 jours, avec une diminution progressive de la douleur.
- Phase 4 ou période de réépithélialisation : phase de cicatrisation, indolore, durant quelques jours à quelques semaines.
Ces ulcérations (phase 3) sont douloureuses localement, gênant la parole et l’alimentation. Elles mesurent classiquement 2 à 10 mm de diamètre, avec un fond nécrotique jaunâtre (« beurre frais »), puis grisâtre (phase 4). Leur bord est net, entouré d’un liséré (halo) périphérique inflammatoire rouge vif. La base de l’ulcération reste souple et non indurée, sauf dans les variétés nécrotiques (aphte géant nécrosant). Les aphtes apparaissent isolés ou réunis en « grappe ou en bouquet ». Les douleurs persistent 3 à 4 jours, jusqu’à la formation d’une couche fibrineuse épaisse ou la réépithélialisation.
Trois présentations principales d’ABR, décrites initialement par Cooke, restent toujours bénignes :
- Forme mineure
- Forme majeure
- Forme herpétiforme ou miliaire
Aphtoses
L’aphtose commence généralement dans l’enfance (80 % avant 30 ans) et tend à régresser en nombre de poussées et en sévérité avec les années. Elle est caractérisée par la multiplicité des lésions (2 à 10, voire plus) et les récidives fréquentes (plusieurs fois par an).
La Forme Mineure d’ABR
La forme mineure ou simple d’ABR est la variété la plus fréquente, affectant 80 % des patients atteints d’aphtose. L’âge de début est de 5 à 19 ans, avec une prédominance entre 10 et 40 ans. Les symptômes sont généralement mineurs. Elle est caractérisée par des aphtes buccaux classiques (banals), isolés ou multiples (2 à 6 ulcérations), survenant surtout sur la muqueuse labiale, jugale et le plancher buccal. Ces lésions guérissent en 7 à 14 jours sans laisser de cicatrices. Elles récidivent après un intervalle de 1 à 4 mois, constituant la forme la plus fréquemment rencontrée chez l’enfant. Les récidives ne surviennent qu’après la guérison totale des lés enrièmes. Le diagnostic est clinique, basé sur l’historique, sans nécessité d’examen complémentaire pour une lésion isolée. La recherche des circonstances déclenchantes des poussées (aliments, par exemple) est nécessaire pour les éviter.
Forme Majeure d’ABR
La forme majeure ou complexe d’ABR, plus rare (10 à 15 % des ABR), est plus sévère et douloureuse que la forme mineure. L’aphte est décrit sous le terme « d’aphte nécrosant », jadis appelé « périadénite » de Sutton. Ces lésions débutent habituellement après la puberté. Elles sont plus profondes, ovales, uniques ou multiples (2 à 10 ulcérations), pouvant dépasser 1 cm de diamètre (jusqu’à 3 cm), et laissent souvent une cicatrice. Les aphtes nécrosants ont une prédilection pour les lèvres, le voile du palais et le pilier amygdalien, mais peuvent affecter n’importe quel site, y compris la face dorsale de la langue. La lésion peut durer 30 à 45 jours, avec un chevauchement des lésions (nouvelles lésions pendant la guérison des précédentes), ou en association avec une aphtose génitale, périanale ou une affection systémique (comme le SIDA). Cette forme peut survenir lors de la prise de Nicorandil (antiangoreux).
Le diagnostic différentiel peut inclure :
- L’herpès
- Le lichen plan dans sa forme érosive
- Les stomatites bulleuses
- Le pemphigus
Forme Herpétiforme ou Miliaire d’ABR
Décrite sous les termes d’aphtes miliaires ou d’ulcérations herpétiformes de Cooke, cette forme peut avoir une prédilection pour les femmes et débute plus tardivement que les autres formes. Elle est caractérisée par des récidives en « bouquet » de multiples petites ulcérations (10 à 100), mesurant 1 à 3 mm, extrêmement douloureuses, disséminées dans toute la cavité buccale. Ces ulcérations, regroupées, tendent à fusionner pour produire de larges ulcérations superficielles et irrégulières, ressemblant aux aphtes majeurs « nécrosants ». Elles guérissent en 7 à 30 jours. L’ABR herpétiforme n’est pas d’origine virale.
ÉTIOLOGIE OU CAUSES
L’étiologie de l’aphte n’est pas encore bien élucidée, mais plusieurs facteurs peuvent être incriminés.
Bases Génétiques
Plus de 40 % des patients affectés d’une ABR pourraient rapporter une notion d’aphtose buccale familiale.
Facteurs Locaux Prédisposants
- Traumatismes locaux : brossage dentaire, prothèses dentaires, etc.
- Muqueuses non kératinisées
- Mauvaise hygiène buccale
- Certains dentifrices
Facteurs Systémiques Prédisposants
La plupart des patients présentant une ABR sont en excellent état général. Les facteurs incluent :
- Stress, anxiété
- Atopie ou allergie
- Additifs alimentaires et certains aliments : chocolat, fromage (gruyère), fruits secs, etc.
- Chez une minorité de femmes, aphtose buccale cyclique en relation avec la phase lutéale du cycle menstruel
- Certains médicaments : AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens), Nicorandil (antiangoreux)
TRAITEMENT
Il n’existe pas de traitement spécifique efficace pour l’ABR. Les formes bénignes justifient l’emploi de thérapeutiques peu agressives et symptomatiques (traitement topique ou local). Les symptômes peuvent être réduits, mais il est difficile de prévenir les récidives.
Avant de prescrire un traitement, il est crucial de rechercher les causes contributives. Les patients présentant une affection systémique potentiellement causale doivent être adressés à des spécialistes appropriés. La recherche d’allergènes alimentaires est utile, et des mesures diététiques sont proposées lorsque certains aliments semblent corrélés aux poussées. Des tests hématologiques sont réalisés en cas d’ABR de plus de 6 mois, pour rechercher une carence hématinique (fer, acide folique, vitamine B12).
Traitements Topiques
Ces traitements visent à réduire les douleurs et la durée des poussées, sans effet sur la prévention des récidives.
- Anesthésiques locaux : l’application topique de gel ou solution de Xylocaïne (Lidocaïne) soulage temporairement, surtout avant les repas. Par exemple :
- Lidocaïne en gel à 2 % pour les aphtes isolés
- Bains de bouche à la Lidocaïne visqueuse à 2 % (1 cuillère à café dans 1 ou 2 cuillères à café d’eau) pour les aphtes multiples ou miliaires
- Corticostéroïdes locaux : ils diminuent la durée des aphtes et les douleurs, sans prévenir les récidives. Exemples :
- Hémisuccinate d’hydrocortisone (pastilles), 2 à 4 fois par jour
- Bétaméthasone (bains de bouche)
- Préparations magistrales : association de produits comme :
- Bicarbonate de sodium molaire 8,4 % : 60 ml
- Gluconate de chlorhexidine : 60 à 120 ml
- Chlorhydrate de lidocaïne : 120 à 240 mg
- Dexaméthasone (corticoïde) : 4 à 20 mg
- Eau : 300 ml
- Cautérisation : pour une neutralisation immédiate des douleurs, une cautérisation peut être pratiquée avec de l’acide trichloracétique à 30 %, de l’acide chromique ou du nitrate d’argent, appliqué avec un coton-tige.
Traitement Systémique
Plusieurs traitements immunomodulateurs systémiques ont été proposés, notamment pour les ABR invalidantes, inspirés de leur utilisation dans la maladie de Behçet. Parmi ceux-ci :
- Lévamisol
- Corticoïdes oraux
- Colchicine
- Thalidomide
LES APHTES DANS LE CADRE DE PATHOLOGIES
Maladie de Behçet
C’est une affection multisystémique inflammatoire récidivante, d’évolution chronique et de cause inconnue. Son expression clinique est dominée par des ulcérations aphteuses buccales, génitales, oculaires (uvéite), et parfois cutanées et articulaires. Les artères, les veines, le système nerveux central et le tube digestif peuvent également être atteints.
Aphtose et SIDA
Une aphtose commune peut être rencontrée au cours du SIDA, comme chez les patients non immunodéprimés. Cependant, une forme sévère d’aphtose buccale, caractérisée par des aphtes géants, souvent nécrotiques ou creusants, est fréquemment observée dans le contexte du SIDA.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
APHTES ET APHTOSES

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.