Anesthésie et Anesthésiques – Pathologie Bucco-Dentaire

Anesthésie et Anesthésiques – Pathologie Bucco-Dentaire

Anesthésie et Anesthésiques – Pathologie Bucco-Dentaire

Introduction

La douleur étant l’un des éléments essentiels en pratique dentaire, il est indispensable de la contrôler et de l’éliminer par divers procédés :

  • Sans drogues : préparation psychologique, apprentissage du self-contrôle, hypnose.
  • Avec drogues : les anesthésiques.

Historiquement, le premier anesthésique local fut la cocaïne, utilisée par Koller en 1884 en ophtalmologie. Actuellement, la cocaïne n’est plus utilisée comme anesthésique local, mais la modification de la structure de l’acide benzoïque a donné naissance à de nombreux produits utilisés.

En pratique bucco-dentaire, l’infiltration locale de molécules anesthésiques induit une analgésie avec maintien de la sensibilité tactile. Implication clinique : il est important de prévenir les patients de la persistance d’une sensibilité tactile en peropératoire, qui peut être angoissante chez les patients non préparés.

Généralités

Définition

Le mot anesthésie provient des racines grecques : an (priver) et aïsthêsis (sensibilité). L’anesthésie a pour but de supprimer de façon transitoire et réversible toute transmission nerveuse dans un territoire et de créer ainsi des conditions optimales (confort opératoire).

Types d’anesthésie

En odontostomatologie, deux types d’anesthésie sont pratiqués :

  • Anesthésie locale : Elle cherche à supprimer momentanément la fonction des corpuscules sensitifs. Le produit anesthésique est porté au niveau des terminaisons nerveuses. Elle est dite périapicale (ou para-apicale).
  • Anesthésie régionale : L’anesthésie est portée au niveau d’un tronc nerveux. Elle est dite tronculaire.
  • Anesthésie loco-régionale : Association des deux types.

Le choix d’un bon mode d’anesthésie dépend de :

  • Patient : âge, état général, antécédents allergiques.
  • Conditions pathologiques : inflammation, etc.
  • Nature et durée de l’intervention.

Buts

L’anesthésie permet d’obtenir :

  • Une insensibilité lors de l’acte opératoire (silence clinique).
  • Un confort opératoire.

Produits anesthésiques

Utilisés par infiltration ou par contact, les anesthésiques doivent posséder certaines caractéristiques.

Propriétés d’un anesthésique

  • Avoir une action transitoire et réversible.
  • Avoir une action tissulaire non irritative ni de réaction secondaire.
  • Ne pas entraîner de réaction allergique.
  • Avoir une faible toxicité.
  • Avoir un délai d’action rapide et une intensité suffisante.
  • Avoir une durée d’action adaptée en fonction de la situation clinique.
  • Être stable en diffusion et facilement éliminé.
  • Être soluble dans les graisses et l’eau.

Composition d’une cartouche d’anesthésique local

Une cartouche de solution anesthésique est executer une préparation galénique stérile pour administration sous-muqueuse, composée, en proportions variables de :

  • L’anesthésique proprement dit.
  • Le conservateur : agent réducteur destiné à éviter l’oxydation qui inhiberait le vasoconstricteur.
  • L’antiseptique qui maintient la stérilité de la solution.
  • Le vasoconstricteur.

Mode d’action des anesthésiques

Les anesthésiques locaux (AL) sont des stabilisants de membranes, ils freinent les mouvements ioniques passifs, notamment sodiques, à travers la membrane des cellules nerveuses (mouvements à la base de la transmission de l’influx nerveux). Les AL sont composés de bases alcaloïdes combinées à des acides (acide chlorhydrique) pour former des sels hydrosolubles (base faible + acide fort = sels stables et solubles dans l’eau).

Grâce à l’alcalinité des tissus dans lesquels il est injecté, le sel anesthésique est hydrolysé en une base alcaloïde et libéré, il pénètre facilement la membrane nerveuse :

  • Si le pH est alcalin : la base est libérée facilement.
  • Si le pH est acide (en cas de tissu infecté) : la base est difficilement libérée, ce qui entraîne une anesthésie non satisfaisante.

Cette hydrosolubilité des anesthésiques est nécessaire à leur diffusion à travers les liquides interstitiels jusqu’à la fibre nerveuse :

  • Les petites fibres nerveuses sont infiltrées en premier par rapport aux grosses fibres.
  • La myéline constitue un obstacle à l’anesthésique.
  • Pour être efficace, la concentration de l’anesthésique au niveau de la membrane doit être suffisante : d’où l’intérêt d’injecter le plus près possible du nerf à anesthésier.
  • Dans un tissu enflammé (très vascularisé), l’anesthésique est vite absorbé par la circulation générale, ce qui rend son action brève et sa toxicité plus grande : d’où l’intérêt d’injecter assez loin de toute zone enflammée.

Biotransformation des anesthésiques

Le produit anesthésique injecté est capté par le nerf, par le système capillaire puis veineux, et entraîné vers le foie où il sera métabolisé, puis éliminé par voie urinaire. Le catabolisme de l’anesthésique se fait par hydrolyse :

  • Anesthésiques à liaison ester (les moins utilisés) : hydrolysés par les cholinestérases plasmatiques qui libèrent l’acide para-amino-benzoïque, un agent allergisant.
  • Anesthésiques à liaison amide : hydrolysés au niveau du foie en divers composés hydrosolubles, rarement allergisants (attention aux insuffisants hépatiques).

Les métabolites hydrosolubles des esters comme des amides sont excrétés par les reins (élimination urinaire).

Produits anesthésiques

Tous les anesthésiques locaux ont une structure moléculaire commune, un mode d’action identique, et diffèrent par :

  • La puissance.
  • Le délai d’action.
  • La durée d’action.
  • La toxicité.
Structure chimique

L’anesthésique local est composé de :

  • Un noyau aromatique : joue un rôle dans la diffusion et la fixation du produit.
  • Un radical aminé : permet l’hydrosolubilité (diffusion).
  • Une chaîne intermédiaire : joue un rôle dans le métabolisme, la durée d’action, l’élimination et la toxicité.

La liaison entre la chaîne intermédiaire et le groupement amine hydrophile est soit une liaison ester, soit une liaison amide, ce qui distingue deux groupes d’anesthésiques :

Anesthésiques à liaison ester

Ils sont dégradés par des enzymes pseudo-cholinestérases, peu stables, ont une propriété vasodilatatrice, passent rapidement dans la circulation générale, ont une action courte et sont responsables de réactions allergiques.

Exemples :

  • Procaïne : n’est plus utilisé en médecine dentaire.
  • Tétracaïne (pantocaïne) : utilisé sous forme de crème (Mucosan®).
  • Novocaïne.
  • Butacaïne.
Anesthésiques à liaison amide

Exemples :

  • Lidocaïne (Lignocaïne, Xylocaïne) : puissante, début rapide, durée intermédiaire, bonne pénétration tissulaire, toxicité cardiaque minime. Existe sous diverses formes (gel, spray, solution).
  • Mépivacaïne : profil pharmacologique semblable à la lidocaïne, durée d’action un peu plus longue, effet vasoconstricteur, généralement à éviter chez la femme enceinte.
  • Scandicaïne : dérivé de la mépivacaïne, efficacité certaine.
  • Articaine (Alphacaïne, Pressicaïne) : durée d’action d’environ 75 min, action sûre et rapide, effet cardio-dépresseur moindre.

Caractéristiques générales des anesthésiques à liaison amide :

  • Plus puissants que la procaïne.
  • Action rapide et plus longue.
  • Biotransformation lente au niveau du foie.
  • Utilisés en concentration de 2 % avec ou sans vasoconstricteur.
  • Les plus utilisés en médecine dentaire.
Formes et présentation
  • AL injectables :
    • Carpules de 1,7 ou 1,8 ml, dosées à 1 %, 2 % ou 3 %, avec ou sans vasoconstricteur.
    • Flacons de 20 cc, dosés à 0,5 %, 1 % ou 2 %, avec ou sans vasoconstricteur.
  • AL de surface :
    • Spray, solution et pommade.

Les vasoconstricteurs (VC)

À part la cocaïne, tous les anesthésiques locaux produisent une vasodilatation localisée au point d’injection, entraînant :

  • Saignement.
  • Absorption rapide.
  • Action brève.

D’où l’utilité et l’intérêt d’associer un vasoconstricteur au produit anesthésique. Le vasoconstricteur représente un élément intégral et nécessaire de la plupart des anesthésiques.

Avantages du vasoconstricteur

  • Vasoconstriction locale, réduisant ainsi le courant circulatoire dans la zone intéressée (saignement réduit, plus grande concentration de l’anesthésique).
  • Réduction de la toxicité de l’anesthésique en retardant son absorption.
  • Réduction de la quantité d’anesthésique utilisé.
  • Prolongation de la durée d’action.
  • Augmentation de l’efficacité de l’anesthésique.

Types de vasoconstricteurs

Adrénaline (Épinéphrine)
  • Existe dans l’organisme, libérée par la glande médullosurrénale.
  • Effets :
    • Vasoconstriction locale immédiate, suivie d’une vasodilatation.
    • Contraction des muscles striés.
    • Augmentation du rythme cardiaque.
    • Élévation des contractions du myocarde.
    • Hypertension, hyperglycémie.
  • Contre-indications : malades cardiaques, hypertendus, hyperthyroïdiens, malades sous IMAO.
  • Concentration : 1/50 000, 1/200 000 (considérée comme infra-toxique, loin de provoquer ces effets secondaires).
Noradrénaline (Norépinéphrine)
  • Synthétisée par la glande surrénale en moindre quantité que l’adrénaline.
  • Effets :
    • Vasoconstriction durable.
    • Absence de vasodilatation secondaire.
    • Peu d’effet sur le rythme cardiaque.
    • Hypertensive.
  • Concentration : 1/30 000.
  • Contre-indication : hypertension, IMAO.
Corbadrine (Corbasil ou Nordéphine)
  • Dérivé de la noradrénaline, avec les mêmes propriétés.
  • Moins toxique pour le système nerveux.

Note : Dans les cas avérés d’allergies à l’anesthésie locale, l’allergène en cause est le conservateur du vasoconstricteur. L’allergie à la molécule anesthésique est théoriquement possible, mais extrêmement rare.

Anesthésique local et état général

Chez la femme enceinte ou allaitante

  • L’anesthésique passe la barrière placentaire (risque pour le fœtus).
  • L’anesthésique passe également dans les glandes mammaires (éviter l’allaitement après une anesthésie).

Les anesthésiques locaux utilisés en médecine bucco-dentaire franchissent la barrière placentaire. Cependant, aucun cas de tératogénicité liée aux anesthésiques locaux n’a été montré à ce jour. En raison de sa forte liaison aux protéines plasmatiques, l’articaine n’existe que peu sous forme libre et diffuse donc peu à travers la barrière fœto-placentaire. Elle représente la molécule de choix pour l’anesthésie locale et loco-régionale chez la femme enceinte. L’articaine passe dans le lait maternel en très faible quantité et peut être utilisée pendant la période d’allaitement.

Chez la personne âgée

  • Aucune contre-indication particulière aux anesthésiques locaux chez la personne âgée, sauf en cas de pathologies spécifiques :
    • Pathologie hépatique : réduit la biotransformation de l’anesthésique, augmentant sa toxicité.
    • Insuffisance rénale : diminue l’excrétion de la molécule, entraînant son accumulation dans l’organisme.

En condition pathologique

Le praticien doit connaître la ou les pathologies générales de son patient. Le choix de l’anesthésique, comme l’articaine (souvent la moins toxique), et l’utilisation des vasoconstricteurs seront étudiés en fonction de la pathologie générale.

Interactions médicamenteuses

L’effet des anesthésiques locaux peut interférer avec celui d’autres médicaments :

  • Médicaments potentialisant l’effet des AL :
    • Analgésiques morphiniques (morphine, etc.).
    • Neuroleptiques.
    • Antidépresseurs (IMAO).
  • Substances diminuant l’effet des AL :
    • Forte sulfamidothérapie.
    • Éthylisme (alcoolisme).

Effets indésirables

Surdosage

  • Sur le système nerveux : apparition de signes en fonction du taux sanguin circulant, allant de la confusion et sensation de froid aux crises convulsives généralisées.
  • Sur le système cardiovasculaire : hypertension artérielle (HTA) et syncope (exceptionnelles).

Accidents allergiques

  • Peuvent être de gravité variable.
  • Accidents immédiats : choc anaphylactique, bronchospasme.
  • Les réactions allergiques sont retrouvées chez les personnes multi-exposées ou en cas d’utilisation des anesthésiques à fonction ester.
  • Ce sont les agents conservateurs ou colorants qui sont à l’origine de ces accidents.

Anesthésie et Anesthésiques – Pathologie Bucco-Dentaire

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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