Anesthésie et anesthésiques

Anesthésie et anesthésiques

Anesthésie et anesthésiques


Généralités

Définition

L’anesthésie a pour but de supprimer de façon transitoire et réversible la sensibilité d’un territoire donné. C’est donc le blocage de toute transmission nerveuse dans un territoire.

Types d’anesthésie

En odontostomatologie, deux types d’anesthésie sont pratiqués :

  • Anesthésie locale :
    Le produit anesthésique est porté au niveau des terminaisons nerveuses. Elle est dite périapicale (ou para-apicale).
  • Anesthésie régionale :
    L’anesthésie est portée au niveau d’un tronc nerveux. Elle est tronculaire.
  • Anesthésie loco-régionale :
    Association des deux types.

Facteurs influençant le choix du mode d’anesthésie

Le choix d’un mode d’anesthésie dépend :

  • Du patient : âge, état général, antécédents allergiques.
  • Des conditions pathologiques : inflammation, etc.
  • De la nature et de la durée de l’intervention.

Buts de l’anesthésie

L’anesthésie permet :

  • D’insensibiliser l’acte opératoire (silence clinique).
  • D’assurer un confort opératoire.

Produits anesthésiques

Propriétés d’un anesthésique

Un anesthésique doit posséder les caractéristiques suivantes :

  • Avoir une action réversible.
  • Ne pas entraîner d’irritation tissulaire ni de réaction secondaire.
  • Ne pas provoquer de réaction allergique.
  • Avoir une faible toxicité.
  • Produire un effet anesthésique rapidement et de manière suffisamment prolongée.
  • Être stable en diffusion et facilement éliminé.

Composition d’un anesthésique

Une solution anesthésique est composée de :

  • L’anesthésique proprement dit.
  • Un conservateur : agent réducteur destiné à éviter l’oxydation qui inhiberait le vasoconstricteur.
  • Un antiseptique qui maintient la stérilité de la solution.
  • Un vasoconstricteur.

Mode d’action des anesthésiques

Les anesthésiques locaux sont des bases alcaloïdes combinées à des acides (par exemple, acide chlorhydrique) pour former des sels hydrosolubles (Base faible + Acide fort = Sels stables et solubles dans l’eau).

Grâce à l’alcalinité des tissus dans lesquels il est injecté, le sel anesthésique est hydrolysé en une base alcaloïde, libérée, qui pénètre facilement la membrane nerveuse.

  • Si le pH est alcalin, la base est libérée facilement.
  • Si le pH est acide (en cas de tissu infecté), la base est difficilement libérée, ce qui entraîne une anesthésie non satisfaisante.

L’hydrosolubilité des anesthésiques est nécessaire à leur diffusion à travers les liquides interstitiels jusqu’à la fibre nerveuse. Les petites fibres nerveuses sont infiltrées en premier par rapport aux grosses fibres. La myéline constitue un obstacle à l’anesthésique.

Pour être efficace, la concentration de l’anesthésique au niveau de la membrane doit être suffisante, d’où l’intérêt d’injecter le plus près possible du nerf à anesthésier. Dans un tissu enflammé (très vascularisé), l’anesthésique est rapidement absorbé par la circulation générale, ce qui rend son action brève et augmente sa toxicité. Il est donc préférable d’injecter loin de toute zone enflammée.

À l’exception de la cocaïne, tous les anesthésiques locaux produisent une vasodilatation localisée au point d’injection, entraînant :

  • Saignement.
  • Absorption rapide.
  • Action brève.

Cela justifie l’utilité d’associer un vasoconstricteur au produit anesthésique.

Biotransformation des anesthésiques

Le produit anesthésique injecté est capté par le nerf, puis par le système capillaire et veineux, et transporté vers le foie où il est métabolisé avant d’être éliminé par voie urinaire.

Le catabolisme de l’anesthésique se fait par hydrolyse :

  • Les anesthésiques à liaison ester (les moins utilisés) sont hydrolysés par les cholinestérases plasmatiques et hépatiques.
  • Les anesthésiques à liaison amide sont hydrolysés au niveau du foie (attention aux insuffisants hépatiques).

Remarques

  • L’anesthésique passe la barrière placentaire (risque pour le fœtus).
  • L’anesthésique passe également dans les glandes mammaires (éviter l’allaitement après une anesthésie).

Produits anesthésiques

La cocaïne a été le premier anesthésique utilisé, mais elle a été abandonnée en raison de sa toxicité. Elle a servi de base à plusieurs tentatives de synthèse. Actuellement, deux groupes d’anesthésiques locaux sont utilisés :

  • Anesthésiques à liaison ester.
  • Anesthésiques à liaison amide.

Anesthésiques à liaison ester

Formule générale : AR-COO-(CH2)n-N

  • Procaïne : N’est plus utilisée en médecine dentaire.
  • Tétracaïne (Pantocaïne) : Utilisée sous forme de crème (Mucosan®).

Caractéristiques :

  • Peu toxiques.
  • Propriétés vasodilatatrices.
  • Passage rapide dans la circulation générale.
  • Action courte.
  • Responsables de réactions allergiques.

Anesthésiques à liaison amide

Formule générale : R-CONH2-(CH2)n-N

  • Lidocaïne (Lignocaïne, Xylocaïne) : Puissante, disponible sous diverses formes (gel, spray, solution).
  • Mépivacaïne : Durée d’action double par rapport à la lidocaïne.
  • Scandicaïne : Dérivé de la mépivacaïne, efficacité certaine.
  • Articaïne (Alphacaïne, Ubistesin, Pressicaïne) : Durée d’action d’environ 75 minutes, action sûre et rapide, effet cardio-dépresseur moindre.

Caractéristiques :

  • Plus puissants que la procaïne.
  • Action rapide et prolongée.
  • Biotransformation lente au niveau du foie.
  • Utilisés en concentration de 2 %, avec ou sans vasoconstricteur.

Les anesthésiques à liaison amide sont les plus utilisés en médecine dentaire.

Les vasoconstricteurs

Le vasoconstricteur est un élément intégral et nécessaire de la plupart des anesthésiques.

Avantages des vasoconstricteurs

  • Provoquent une vasoconstriction locale, réduisant le courant circulatoire dans la zone concernée (saignement réduit, concentration accrue de l’anesthésique).
  • Réduisent la toxicité de l’anesthésique en retardant son absorption.
  • Réduisent la quantité d’anesthésique utilisée.
  • Prolongent la durée d’action.
  • Augmentent l’efficacité de l’anesthésique.

Types de vasoconstricteurs

Adrénaline (Épinéphrine)
  • Existe dans l’organisme, libérée par la glande médullosurrénale.
  • Effets :
  • Vasoconstriction locale immédiate, suivie d’une vasodilatation.
  • Contraction des muscles striés.
  • Augmentation du rythme cardiaque.
  • Élévation des contractions du myocarde.
  • Hypertension, hyperglycémie.
  • Contre-indications : Maladies cardiaques, hypertension, diabète, hyperthyroïdie, traitement par IMAO.
  • Concentrations : 1/50 000, 1/200 000 (considérées comme infratoxiques, limitant les effets secondaires).
Noradrénaline (Norépinéphrine)
  • Synthétisée par la glande surrénale en moindre quantité que l’adrénaline.
  • Effets :
  • Vasoconstriction durable.
  • Pas de vasodilatation secondaire.
  • Peu d’effet sur le rythme cardiaque.
  • Hypertension.
  • Contre-indications : Hypertension, traitement par IMAO.
  • Concentration : 1/30 000.

Techniques d’anesthésie

Anesthésie de surface

Par contact

L’anesthésie de surface s’obtient par l’application d’une substance anesthésique sur une muqueuse, assurant une insensibilité de courte durée. Elle peut être réalisée par trois procédés :

Badigeonnage

Après assèchement de la zone à l’air tiède, un coton imbibé d’anesthésique est appliqué et étalé sur la muqueuse. L’effet anesthésique est long à obtenir.
Indications : Prélèvements de faible volume.

Tamponnement

Une mèche imbibée d’anesthésique de contact est placée sur la région concernée pendant quelques minutes.

Pulvérisation

Consiste à projeter une solution anesthésique réduite en gouttelettes sur une muqueuse.

Par réfrigération (Cryoanesthésie)

L’anesthésie est obtenue par projection directe d’un liquide très volatile, provoquant une diminution brutale de la température locale, bloquant ainsi les récepteurs sensitifs.
Produit utilisé : Tétrachlorodifluoroéthane (Friljet®).

Anesthésie par infiltration

L’anesthésie par infiltration consiste à porter, au moyen d’une seringue, la solution anesthésique au contact des terminaisons nerveuses.

Anesthésie locale

Anesthésie péri-apicale (para-apicale)
  • Technique :
    Le miroir, tenu dans la main gauche, tend légèrement la muqueuse jugale ou labiale pour faciliter la pénétration de l’aiguille, qui doit s’effectuer en direction de la région apicale en regard de la dent concernée ou de la zone à opérer, au fond du vestibule, avec le biseau de l’aiguille face à l’os.
    L’injection se fait doucement jusqu’au blanchiment de la muqueuse (3/4 de la carpule).
    Du côté lingual ou palatin, l’aiguille (biseau face à l’os) est introduite à mi-distance entre le collet et la région apicale, et le dernier quart de la carpule est injecté doucement.
    Attendre 2 à 3 minutes avant de commencer l’acte.
  • Durée : 30 à 40 minutes.
  • Indications :
  • Extractions de toutes les dents du maxillaire supérieur.
  • Extraction du bloc incisivo-canin et prémolaire inférieur.
Anesthésie intra-ligamentaire
  • Technique :
    La seringue est enfoncée dans le bourrelet interdentaire mésial et distal, le biseau appliqué contre la dent. L’aiguille est enfoncée au maximum dans l’espace desmodontal en direction de l’apex, où l’anesthésique est injecté.
  • Avantages :
  • Très petites quantités suffisent.
  • Bons résultats.
  • Inconvénients :
  • L’ischémie provoquée est plus importante, pouvant engendrer des complications.
  • Nécessite une instrumentation spéciale : seringue à pression et aiguille fine.
Anesthésie intra-septale
  • Technique :
    L’aiguille est introduite au niveau de l’espace desmodontal, mais poussée en direction de l’os spongieux du septum.
  • Indications :
  • Cas où l’anesthésie péri-apicale est contre-indiquée ou en complément de celle-ci.

Anesthésie tronculaire ou loco-régionale

Le produit anesthésique est porté au contact d’un tronc nerveux.

Au maxillaire supérieur

L’anesthésie tronculaire est moins utilisée qu’à la mandibule en raison de l’efficacité de l’anesthésie péri-apicale (corticale mince, os spongieux). Cependant, elle est indiquée dans certains cas :

  • Indications :
  • Extractions multiples.
  • Interventions étendues.
  • Extraction de dents incluses par voie chirurgicale.
  • Énucléation de kystes.
  • Phénomènes inflammatoires contre-indiquant une anesthésie locale.
Anesthésie du nerf naso-palatin
  • Technique :
    Se fait au niveau du trou palatin antérieur (situé en regard de la papille rétro-incisive). L’aiguille est introduite parallèlement à la table osseuse du côté palatin jusqu’au contact osseux, où le produit est injecté.
  • Effet : Anesthésie immédiate de la région palatine antérieure (canine à canine, muqueuse et os).
Anesthésie des nerfs dentaires antérieurs supérieurs (trou sous-orbitaire)
  • Localisation : Le trou sous-orbitaire est situé à 1 cm au-dessous du plancher orbitaire, sur la verticale passant par la pupille.
  • Techniques :
  • Voie cutanée :
    • Localiser le trou sous-orbitaire (1 cm du plancher orbitaire et 1 cm de l’aile du nez) avec l’index de la main gauche.
    • Introduire l’aiguille au niveau du sillon naso-génien.
    • Atteindre le canal sous-orbitaire par tâtonnement, en se guidant avec l’index.
    • Enfoncer l’aiguille doucement de 1 à 2 cm et injecter lentement.
    • Durée : Anesthésie obtenue en 5 minutes, dure 45 minutes.
  • Voie endobuccale :
    • Placer l’index de la main gauche sur le repère cutané du trou sous-orbitaire et dégager la lèvre supérieure avec le pouce.
    • Enfoncer doucement l’aiguille en regard de l’apex de la 2e prémolaire supérieure.
    • La pointe de l’aiguille est perçue par l’index, et l’orifice du canal est atteint par tâtonnement.
    • Injecter lentement.
Anesthésie du nerf palatin antérieur
  • Technique :
    Se fait au niveau du trou palatin postérieur, situé à 1 cm du collet de la 2e molaire supérieure (dépression). L’aiguille est introduite à ce niveau, et l’injection se fait lentement.
  • Effet : Anesthésie des deux tiers postérieurs de l’hémi-voûte du palais.
Anesthésie du nerf dentaire postérieur supérieur
  • Technique :
    Se fait au niveau du trou palatin accessoire, situé en arrière de la tubérosité. L’injection se fait au fond du vestibule, le long de la face externe de la tubérosité.
  • Effet : Anesthésie des molaires avec leurs tissus de soutien.
À la mandibule
Anesthésie du nerf dentaire inférieur à l’épine de Spix
  • Technique :
  • Repérer le bord antérieur de la branche montante avec l’index de la main gauche.
  • La direction de pénétration de l’aiguille commence à partir de la canine de la région opposée, à 1 cm au-dessus du plan occlusal.
  • Enfoncer l’aiguille doucement jusqu’au contact osseux, puis retirer l’aiguille de 1 à 2 mm et injecter lentement.
  • Durée : Anesthésie obtenue en 5 à 10 minutes, dure de 1 à 1h30.
  • Effets :
  • Fourmillements au niveau de l’hémi-lèvre inférieure du même côté et du bout de la langue (proximité du nerf lingual).
  • Insensibilité de la pulpe dentaire des molaires et de la 2e prémolaire du même côté, ainsi que de la muqueuse du côté lingual.
  • La muqueuse vestibulaire, innervée par le nerf buccal, nécessite une anesthésie para-apicale vestibulaire complémentaire.
  • Indications :
  • Extraction des molaires inférieures.
  • Interventions chirurgicales sur la mandibule (partie postérieure).
Anesthésie du nerf mentonnier
  • Technique :
    Similaire à l’anesthésie para-apicale. L’injection se fait au niveau du trou mentonnier, situé entre l’apex des deux prémolaires.
  • Effet : Anesthésie des dents, de la muqueuse vestibulaire du bloc incisivo-canin et de la 1re prémolaire.
Anesthésie du nerf lingual
  • Technique :
    Obtenue par infiltration en regard de la dent de sagesse, au contact de la table interne.
  • Indications : Interventions sur le plancher buccal.
  • Effet : Anesthésie de l’hémi-langue, du plancher buccal et du versant lingual de la gencive.
Technique de Gow-Gates
  • Objectif : Résoudre les problèmes de suppléances nerveuses en injectant près du foramen ovale, permettant d’infiltrer en une seule injection les nerfs alvéolaire inférieur, buccal et lingual.
  • Technique :
  • Le patient est en décubitus dorsal, en position semi-allongée, avec la tête en hyperextension et inclinée vers l’opérateur, la bouche grande ouverte.
  • L’index repère le bord antérieur du processus coronoïde, coiffé par le tendon du temporal.
  • La seringue est orientée obliquement en haut et en dehors, dirigée vers le col du condyle, juste sous l’insertion du muscle ptérygoïdien latéral.
Technique d’Akinosi
  • Objectif : Réaliser une infiltration régionale mandibulaire chez les patients ayant une ouverture buccale limitée.
  • Technique :
  • Les joues et les muscles masticateurs doivent être relâchés, les dents en contact sans effort.
  • Écarter la joue avec le pouce et l’index.
  • Placer l’aiguille parallèlement au plan d’occlusion, à 2 mm au-dessus du collet des dents (adulte) ou 2 mm en-dessous (enfant).
  • Diriger l’aiguille en arrière, le plus près possible du muscle temporal, sur une profondeur de 15 à 20 mm.
  • Injecter lentement la valeur d’une cartouche anesthésique.

Conclusion

La réussite d’un acte anesthésique repose sur une bonne connaissance :

  • Des produits anesthésiques, de leurs indications et de leur pharmacodynamique.
  • Des repères anatomiques.
  • Des techniques d’anesthésie décrites en fonction de ces repères.

Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:

Anesthésie et anesthésiques

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