Anesthésie en odontostomatologie, Anesthésiologie Dentaire
Introduction
L’anesthésie est un temps préliminaire obligatoire d’un acte chirurgical. En médecine dentaire, elle permet de supprimer les sensations douloureuses pendant l’intervention, que ce soit pour une extraction, un acte de chirurgie buccale, un détartrage, des soins, etc.
La technique de l’anesthésie est subordonnée :
- À l’affection qu’on se propose de traiter.
- Au siège de celle-ci, à son étendue, à sa gravité.
- À l’état général du patient.
En odontostomatologie, les techniques d’anesthésie se limitent à :
- L’anesthésie locale de surface ou de contact.
- L’anesthésie par infiltration (injection) : terminale ou locale, tronculaire ou locorégionale.
- L’anesthésie générale, qui reste exceptionnellement indiquée dans certaines situations particulières.
Anesthésie locale de surface
L’anesthésie locale de surface est essentiellement utilisée en odontostomatologie pour l’insensibilisation en surface de la muqueuse et de la peau.
Indications
- Avant injection du produit anesthésique chez l’enfant.
- Pour la réalisation d’une prise d’empreinte au maxillaire supérieur (réflexe nauséeux important).
- Pour la réalisation d’une radio rétro-alvéolaire au niveau postérieur (réflexe nauséeux).
- Drainage des collections suppurées superficielles.
- Extraction des dents de lait ou lactéales (rhizolysées).
- Pose de couronne en prothèse, ou de bague en orthodontie.
- Détartrage.
Action
L’anesthésie locale de surface insensibilise la muqueuse ou la peau par contact direct, de manière brève, de courte durée et limitée.
Techniques
Anesthésie par réfrigération ou Cryoanesthésie
On projette directement le produit anesthésique sur la peau ou la muqueuse, un liquide volatile qui provoque une diminution brutale de la température locale, bloquant ainsi les récepteurs dermiques. La muqueuse devient de couleur “blanc givrée”.
Produits utilisés
- Chélène (Chlorure d’éthyle) : Abandonné car :
- Très inflammable.
- Perte de connaissance par inhalation.
- Brûlure des yeux.
- Frilj (tétrafluoro-dichloro-éthane) : Utilisé actuellement, mais son usage reste limité.
Anesthésie par badigeonnage
Le produit anesthésique se présente sous forme d’une solution gélatineuse ou de gel.
Technique
- Assèchement préalable de la zone opératoire.
- Badigeonnage dans un deuxième temps à l’aide d’une boulette de coton imbibée de substance anesthésique sur la muqueuse.
L’effet anesthésique n’apparaît qu’au-delà d’une minute (Xylocaïne à 5%).
Indications
- Préparer le site pour l’anesthésie par infiltration (surtout au niveau de la muqueuse palatine).
- Prévenir les réflexes nauséeux.
- Détartrage.
Mise en garde
- L’injection du produit anesthésique peut se produire après plusieurs applications sans rinçage immédiat de la bouche.
- Brûlure de la muqueuse.
- Mordillement de la lèvre chez l’enfant.
- Fausses routes (après anesthésie des muscles du larynx).
Anesthésie par tamponnement narinaire
Technique
On imbibe une mèche de Xylocaïne à 5% qui sera tassée dans la partie antérieure des fosses nasales.
Effet
Action sur les troncs nerveux à travers la membrane.
Résultat
Anesthésie des nerfs dentaires supérieurs antérieurs.
Indications
- Énucléation d’un kyste du seuil narinaire (action réservée en ORL).
- Lever un trismus inflammatoire (anesthésie de la région ptérygo-maxillaire).
- Extraction d’une dent incluse haute.
Contre-indications
- La cryoanesthésie est à éviter chez l’enfant de moins de 6 ans.
- Éviter de centrer le produit d’anesthésie au niveau de l’oropharynx ⇒ anesthésie accidentelle de la luette ou du pharynx qui peut être à l’origine d’une paralysie, même transitoire (risque de fausses routes).
Anesthésie par infiltration
Anesthésie terminale (locale)
Principe
Porter à l’aide d’une seringue le produit anesthésique au contact des terminaisons nerveuses profondes.
Matériel
- Porte-carpule.
- Une aiguille à usage unique.
- Une carpule d’anesthésie.
Techniques
Anesthésie para-apicale
Technique
On touche le plexus péri-apicale pour insensibiliser la gencive, l’alvéole, les ligaments et la pulpe.
- 1er temps (vestibulaire) : L’aiguille est introduite au niveau de la ligne de réflexion vestibulaire en regard de l’apex de la dent à extraire (biseau de l’aiguille dirigé vers l’apex, contre l’os). On injecte 2/3 du contenu de la carpule dès la pénétration de l’aiguille de manière progressive.
- 2ème temps (région palatine) : Du côté palatin, à mi-distance entre le collet et l’apex de la dent à extraire, on injecte le 1/3 du produit anesthésique restant lentement pour éviter l’escarre. La muqueuse palatine est épaisse et très adhérente à l’os, et la diffusion du produit anesthésique reste difficile (douleurs et risque de nécrose au point d’injection car vascularisation terminale).

Figure 1 : Anesthésie para-apicale
Effet
L’effet de l’anesthésie para-apicale est immédiat après injection et dure entre 30 et 60 minutes.
Indications
- Extraction de toutes les dents maxillaires.
- Extraction des dents mandibulaires à l’exception des molaires.
- Acte de chirurgie buccale.
Anesthésie intra-ligamenteuse
Le produit anesthésique est porté au niveau de l’espace desmodontal à l’aide d’une aiguille fine et rigide.
Technique
- 1er temps : L’aiguille est introduite perpendiculairement à l’axe de la dent, enfoncée dans le bourrelet gingival inter-dentaire, pour infiltrer et anesthésier les ligaments circulaires, face mésiale puis face distale de la dent.
- 2ème temps : L’aiguille est orientée parallèlement à la dent, presque verticalement, enfoncée carrément dans l’espace desmodontal dans l’alvéole vers l’apex.
Indications
- Extraction des dents arthritiques.
- Patients présentant des troubles de l’hémostase (maladies congénitales, hémophilie, von Willebrand).
Anesthésie intra-muqueuse
Consiste à infiltrer directement la muqueuse buccale ; c’est donc une anesthésie limitée au revêtement épithélial.
Indication
- Acte de chirurgie orale en vue d’une biopsie.
- En complément de l’anesthésie tronculaire.
- Exérèse d’une tumeur.
Technique
Simple, elle consiste à injecter directement le produit anesthésique au niveau de la zone opératoire ; elle dure 20 à 40 minutes.
Anesthésie intra-osseuse
Il s’agit de porter directement le produit anesthésique au contact des nerfs pour un effet anesthésique plus rapide, plus important et moins dangereux.
Indications
Cette technique peut être utilisée pour toutes les interventions au niveau buccal, elle est surtout indiquée en cas :
- D’extraction dentaire chez les patients présentant des troubles de l’hémostase primaire ou secondaire.
- Préparation en vue d’une suite implantaire.
Technique
Décrite par Nogue en 1907, elle consiste à traverser la corticale pour injecter le produit anesthésique directement dans l’os spongieux à proximité immédiate des dents à traiter. La corticale n’étant pas innervée, sa perforation est strictement indolore. Un appareil spécial est utilisé qui permet la perforation de la corticale externe et l’injection du produit anesthésique directement dans l’os alvéolaire.

Figure 2 : Anesthésie intra-osseuse
Avantages
- Effet anesthésique immédiat, profond, de 15 à 20 minutes.
- Peu de risque de surdosage (quantité limitée du produit).
Inconvénients
- Durée d’action brève.
- Risque de nécrose osseuse (pas d’utilisation de vasoconstricteur).
- Nécessite un matériel coûteux, et surtout des aiguilles spéciales.
Anesthésie septale
Elle nécessite une seringue à carpule dotée d’un piston à crans pour permettre une infiltration sous forte pression.
Technique
La pointe de l’aiguille est dirigée vers l’axe central du septum inter-dentaire, elle est inclinée de 30 à 45°. Même principe que la technique précédente, il s’agit de perforer la corticale au niveau du septum inter-dentaire.

Figure 3 : Anesthésie septale
Avantages
- Effet anesthésique immédiat.
- Peu de risque de surdosage.
Inconvénients
- Durée d’action brève.
- Risque de nécrose osseuse.
- Nécessite un matériel coûteux, et surtout des aiguilles spéciales.
Anesthésie tronculaire ou locorégionale
La technique consiste à injecter le produit anesthésique (solution anesthésique) au voisinage immédiat d’un tronc nerveux, de façon à désensibiliser toute la région ou le territoire sous la dépendance de ce tronc nerveux.
En odontostomatologie, cette technique permet :
- L’extraction dentaire en milieu infecté.
- L’extraction de plusieurs dents.
- L’avulsion des molaires mandibulaires.
- En chirurgie buccale : extraction chirurgicale des dents incluses, enclavées ou désinclusion.
- Traitement des fractures mandibulaires.
- L’énucléation des kystes maxillaires.
Matériel et produit utilisés
- Soit une carpule munie d’un système d’aspiration, plus aiguille à usage unique longue.
- Soit une seringue à injection intramusculaire, jetable d’au moins 2 cc. Le produit anesthésique utilisé est souvent la Xylocaïne à 2 à 3% sans vasoconstricteur (de préférence).
Au maxillaire inférieur
Anesthésie du nerf palatin inférieur (nerf dentaire inférieur)
L’anesthésie régionale la plus fréquemment pratiquée est celle réalisée au niveau de l’épine de Spix, lorsque le nerf pénètre dans le canal dentaire inférieur (ce canal se situe au centre géométrique de la branche montante de la mandibule sur une ligne parallèle située 1 cm au-dessus du plan des molaires inférieures).
Technique
On repère le triangle rétro-molaire délimité par les bords antérieurs externe et interne de la branche montante, on pique au milieu de ce triangle à 1 cm au-dessus du plan d’occlusion molaire ; l’aiguille bute alors contre l’os situé à l’extérieur de la ligne oblique interne.
2ème étape : Faire subir à la seringue une rotation de façon à contourner la ligne oblique interne, puis enfoncer l’aiguille jusqu’au contact osseux → faire un test d’aspiration avant l’injection.
Signes de l’anesthésie
Au bout de quelques minutes, des signes d’anesthésie du nerf alvéolaire apparaissent :
- Engourdissement de l’hémi-lèvre inférieure et de l’hémi-menton.
- Fourmillement au niveau latéral de la langue et commissure du même côté (on fait parallèlement une anesthésie du nerf lingual).
Indications
Extraction des molaires inférieures et toutes interventions portant sur la partie postérieure de la mandibule.
Causes d’échec
Les échecs sont consécutifs à une mauvaise technique. L’injection peut être faite :
- Trop haut : l’anesthésie peut toucher la peau de la région temporale.
- Trop bas : au-dessous de l’épine de Spix, l’anesthésie peut intéresser seulement le nerf lingual.
- Trop en arrière : du fait d’une angulation insuffisante de la seringue ; entraîne une paralysie périphérique temporaire du nerf facial.
- Trop en avant : en raison d’un point de pénétration très antérieur.
Anesthésie du nerf lingual
Le nerf lingual peut être anesthésié simultanément lors de l’anesthésie au niveau de l’épine de Spix vu sa position anatomique, mais également pour les interventions portant sur les bords de la langue (tumeurs), le plancher buccal, l’énucléation de kyste, ou l’ablation de calculs de glande sous-maxillaire.
L’anesthésie consiste en une simple infiltration dans le plancher postérieur en dedans de la dent de sagesse (3ème molaire) inférieure à 1 cm environ de la table interne.
Anesthésie du nerf buccal
Le nerf est intercepté en regard de la dent de sagesse sur son trajet vestibulaire assez superficiel. Quelques gouttes suffisent à bloquer cette branche.
Signes de l’anesthésie
Parfois, fourmillement dans l’épaisseur de la joue, sinon rien.
Indications
Chirurgie de la muqueuse vestibulaire des molaires et en complément à l’anesthésie du nerf dentaire inférieur.
Anesthésie du nerf mentonnier
Elle permet l’anesthésie de tout le bloc incisivo-canin et prémolaire. Elle consiste à chercher par tâtonnement et à cathétériser l’orifice mentonnier. Cette technique reste inutile du moment que la péri-apicale reste suffisante. De plus, elle peut léser l’artère et le nerf mentonnier (hématome, hypersensibilité).
Au maxillaire supérieur
La structure de l’os alvéolaire maxillaire (très bien vascularisé) et l’efficacité de l’anesthésie laquelle font que, par rapport à la mandibule, l’anesthésie tronculaire a peu d’intérêt au niveau maxillaire supérieur. Elle trouve cependant son utilité en présence d’une infection locale ou en vue d’une intervention longue et difficile (énucléation de tumeur, désinclusion dentaire, fracture maxillaire).
Du côté palatin
Anesthésie du nerf naso-palatin
Le nerf émerge du canal naso-palatin au niveau de la papille rétro-incisive, 4 à 8 mm du collet des incisives supérieures.
Technique
La seringue est tenue parallèle à l’axe moyen des deux incisives supérieures, l’aiguille pénètre rapidement au niveau de la papille rétro-incisive, on injecte le contenu de la carpule (1,7 à 1,8 ml).
Zone de l’anesthésie
Cette technique permet l’insensibilisation du 1/3 antérieur de la voûte palatine, elle est particulièrement intéressante dans les interventions palatines longues et profondes (énucléation d’un kyste du seuil narinaire, désinclusion dentaire, etc.).
Anesthésie du nerf palatin-postérieur
L’orifice du canal palatin postérieur à son émergence buccale est situé dans l’intervalle de la 2ème et la 3ème molaires supérieures à 1 à 1,5 cm des collets au niveau d’une dépression.
Technique
L’anesthésie déposée à l’entrée du canal entraîne l’insensibilisation des 2/3 postérieurs de l’hémi-voûte palatine correspondante (jusqu’à la 1ère prémolaire).
Intérêts
Chirurgie de la partie postérieure du palais osseux.
Du côté vestibulaire
Anesthésie des nerfs dentaires antérieurs
C’est l’anesthésie du nerf sous-orbitaire au niveau du trou sous-orbitaire situé à 1 cm au-dessous du plancher orbitaire à la verticale de la pupille.
Technique
Repérer le trou sous-orbitaire, ensuite piquer au fond du vestibule entre les apex incisifs et canins. Le doigt contrôle à travers les téguments la progression de l’aiguille jusqu’au trou sous-orbitaire.
Territoire anesthésié
Insensibilisation des incisives, de la canine et des 2 prémolaires et de leur tissu de soutien vestibulaire, de la lèvre supérieure, de la paupière inférieure ainsi qu’une partie du nez du même côté.
Anesthésie des nerfs palatins postérieurs
C’est l’anesthésie des rameaux dentaires postérieurs provenant du rameau orbitaire du V2.
Technique
Elle se fait dans la région rétro-tubérositaire. L’aiguille rigide de 6 cm environ est introduite en regard de l’apex de la 2ème molaire supérieure, puis le long de la table externe qu’elle doit contourner. Une fois arrivé au trou dentaire postérieur (2 cm), il faut aspirer avant d’injecter car la région est très vascularisée.
Territoires anesthésiés
Les 3 molaires supérieures et la gencive vestibulaire correspondante.
Anesthésie générale
En chirurgie dentaire, l’anesthésie générale peut être indiquée dans les cas suivants :
- Quand on ne peut pas faire autrement, pas par confort.
- Patients non coopérants : maladies neurologiques ou psychiatriques très sévères, très jeunes enfants, trisomiques, etc.
- Chirurgie prévue importante.
- Échec de l’anesthésie locale.
- Allergie aux anesthésiques locaux.
Conclusion
L’anesthésie est un temps préliminaire obligatoire de tout acte chirurgical. Son objectif est de pouvoir travailler sans douleur tout en connaissant et maîtrisant les techniques anesthésiques. La réussite de l’analgésie intra-orale conditionne le bon déroulement des différents actes thérapeutiques. Celle-ci dépend de nombreux facteurs tels que le patient lui-même, son terrain, l’acte à réaliser et le choix de la technique.
Anesthésie en odontostomatologie, Anesthésiologie Dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.