Affections bulleuses de la muqueuse buccale

Affections bulleuses de la muqueuse buccale

Affections bulleuses de la muqueuse buccale

Les Objectifs Pédagogiques

  • Insister sur l’anamnèse et l’examen clinique qui restent la clé du diagnostic.
  • imposer une démarche diagnostique afin de reconnaître la véritable lésion initiale qui peut être aussi diverse qu’une bulle ; vésicule, un érythème caustique,…
  • Apporter les outils nécessaires pour poser le bon diagnostic
  • Connaître l’intérêt de la biopsie devant une dermatose bulleuse

Introduction

Les affections bulleuses de la cavité buccale sont responsables de lésions érosives douloureuses.

En bouche, il est rare de voir des bulles car elles font rapidement place à des érosions ;

Celles-ci doivent être distinguées des aphtes et des vésicules avec lesquelles elles sont souvent confondues.

Il faut donc savoir évoquer une maladie bulleuse devant une érosion post-bulleuse caractéristique par sa forme arrondie, ou bien limitée par une collerette épithéliale périphérique, ou encore devant un vaste décollement épithélial.

On distingue Les maladies bulleuses auto immunes et non immunes

  1. Histologie

La cavité buccale est revêtue d’un épithélium malpighien (pavimenteux stratifié) et d’un chorion. Cependant, l’aspect histologique varie selon la situation topographique. Tantôt la muqueuse est doublée d’une sous muqueuse adipeuse contenant des glandes salivaires, tantôt le chorion repose directement sur le plan musculaire, ou adhère au périoste à la surface de l’os.

  1. Épithélium

Il forme une barrière entre cavité buccale et tissus profonds. De type malpighien, pavimenteux stratifié, il est constitué de kératinocytes étroitement liées.

Dans les zones kératinisées on observe, de la profondeur a la superficie

  • L’assise germinative (stratum germinatum) au contact de la membrane basale,
  • Le corps muqueux de Malpighi (stratum spinosum) est formé de 15 à 20 assises de cellules polyédriques s’aplatissant et perdant leur basophilie au fur et à mesure de leur migration vers la surface.
  • La couche granuleuse (stratum granulosum) (correspond à la maturation des kératinocytes)
    • La couche kératinisée (stratum cornéum) (constituée de fines squames de kératine, acidophiles) ne sont véritablement présentes qu’au sein d’un épithélium ortho kératosique.

Dans les zones non kératinisées La couche granuleuse est absente.

  1. Membrane basale ou Jonction épithélio-conjonctive

Constitue la limite entre l’épithélium et le chorion, sous forme de mince bandelette.

Elle intervient également comme un filtre sélectif. Elle peut se modifier dans certaines circonstances pathologiques (diabète) et sa rupture est un facteur important dans l’invasion des cancers.

  1. Lamina propria ou chorion

Tissu conjonctif lâche sert de support à l’épithélium, renferme des fibres, cellules, vaisseaux et nerfs. On le divise en deux zones :

  • Superficielle (papilles associées aux crêtes épithéliales) ;
  • Profonde, avec arrangement des fibres  collagènes en réseau.
  1. Physiologie

La muqueuse buccale présente différents rôles :

  • Fonction de protection contre les micro-organismes saprophytes de la cavité buccale qui deviendraient agressifs en cas de blessure de la muqueuse
  • Fonction sensorielle assurée par de nombreux récepteurs à la température, tactiles et à la douleur, disséminées dans la muqueuse.
  • Fonction gustative liée aux bourgeons du goût principalement situés dans la muqueuse linguale dorsale
  • Fonction de protection immunitaire permanente par le système immunitaire local (organes lymphoïdes, lymphocytes et plasmocytes) et par les sécrétions salivaires constituées d’immunoglobulines (IgA, IgG et IgM) et de facteurs bactériostatiques (lysozyme, lactoferrine).
  1. Description de la lésion élémentaire

Les lésions élémentaires primaires sont des lésions qui apparaissent en premier lieu sur une muqueuse ou une peau saine.

Une bulle est une lésion élémentaire liquidienne superficielle de contenu clair ou séro-hématique de taille supérieure à 5 mm, elle peut siéger sur la peau ou les muqueuses.

C’est une élevure de la muqueuse de forme plus au moins hémisphérique Elle peut être aussi aplatie, cliniquement non évidente. Une bulle est soit intra-épithéliale, soit sous-épithéliales ; se forme par perte de l’adhésion normale entre les différentes couches tissulaire, et comporte un toit, des extrémités latérales, un plancher, une base et un contenu. Dans la bouche le toit se rompe rapidement et la bulle laisse place à une érosion post-bulleuse.

Les causes sont multiples allant des brûlures du premier degré aux maladies auto-immunes.

La bulle doit être distinguée de la vésicule, de plus petite taille (1 à 2 mm de diamètre) ;de la pustule, dont le contenu est purulent.

  1. Physiopathologie des affections bulleuses

La cohésion de la peau est assurée par deux systèmes d’adhérence

  • Les désossâmes permettent l’adhérence interkératinocytaire et donnent à l’épiderme sa cohésion ;
  • la jonction dermo-épidermique (JDE) est une région morphologiquement complexe comprenant de la superficie (pôle basal du kératinocyte) vers la profondeur (derme superficiel) :

Les hémidesmosomes, les filamentsd’ancrage, la lame dense et les fibrilles d’ancrage. L’ensemble de ces structures assure l’adhérence entre l’épiderme et le derme sous-jacent.

Toutes ces structures sont composées de protéines d’adhérence qui peuvent être la cible d’autoanticorps, ce qui est à l’origine de la formation des bulles.

  1. Démarche diagnostique

L’examen général est dirigé par l’anamnèse et l’aspect lésionnel, vers la recherche d’adénopathies, de lésions dermatologiques ou de toutes symptomatologies associées.

  1. Interrogatoire

La consultation débute par un interrogatoire, durant lequel les éléments importants sont pris en note :

  • Age et sexe du patient
  • Motif de la consultation
  • Histoire de la maladie : début, épisodes antérieurs similaires (récidives), durée, évolution (aiguë, chronique)
  • Signes fonctionnels : douleur, gêne à l’élocution, à l’alimentation…
  • Antécédents médicaux
  • Traitement médicamenteux en cours ou récent…

L’interrogatoire pourra être ensuite repris, complété et réorienté en fonction de l’examen clinique.

  1. Examen clinique Examen exo-buccal

L’examen clinique exo buccal guidé par la symptomatologie d’orientation

L’inspection débute par les zones cutanées découverte. En effet, certaines maladies de la muqueuse buccale constituent une expression localisée d’une dermatose cutanée.

Il convient d’examiner la texture, la couleur du revêtement cutané, du cuir chevelu à la recherche de lésions dermatologiques ou vasculaires superficielles.

La palpation recherche une modification de la mobilité ou de la consistance normale des téguments, un nodule ou une induration sous-lésionnelle.

La palpation des aires ganglionnaires cervicales complète l’examen clinique.

Examen endo-buccal

  • Des muqueuses orales

L’examen des muqueuses buccales doit se faire dans les meilleures conditions possibles. Il convient donc de positionner le patient en décubitus dorsal complet sous un éclairage puissant.

Le plateau d’examen comprend : une paire de gants, deux miroirs de bouche, des compresses et éventuellement des aides visuelles type loupes.

Pour explorer les différents replis ; au stade initial, les éventuelles prothèses sont conservées en bouche. Et les seront retirées dans un second temps afin d’examiner la muqueuse support d’un intrados.

Un appareil photographique peut faire partie intégrante du plateau technique, il reste le meilleur moyen de suivre l’évolution d’une lésion.

La langue est tenue avec une compresse pour examiner ses bords, la région des papilles foliées, sa face ventrale et le plancher buccal latéral postérieur. Parfois, il peut être nécessaire de sécher la muqueuse avec une compresse pour mieux voir une lésion. L’état dentaire et l’hygiène sont notés car ils peuvent constituer des facteurs de surinfection ou de modification d’une lésion muqueuse.

  • De la lésion

Identification de la lésion élémentaire

Le praticien doit rechercher une lésion élémentaire caractéristique ; il s’agit là d’un point clé de la démarche diagnostique.

Taille et aspect des bulles : tendues ou flasques

État de la peau péribulleuse : saine (pemphigus), urticarienne ou érythémateuse (pemphigoïde bulleuse).

Existence d’un signe de Nikolsky (pemphigus) ; Topographie des lésions cutanées : tronculaire, racine et face de flexion des membres (pemphigoïde bulleuse), faces d’extension des membres (dermatite herpétiforme, épidermolyse bulleuse acquise), plis de flexion, cuir chevelu (pemphigus, pemphigoïde cicatricielle).

Existence éventuelle de lésions muqueuses (buccale, conjonctivale, génitale) en faveur d’un pemphigus ou d’une pemphigoïde cicatricielle.

On apprécie aussi

L’étendue des lésions (bulles, érosions), le nombre moyen de nouvelles bulles quotidiennes ; l’éventuelle surinfection locale

Le retentissement sur l’état général (signes de déshydratation ou d’infection systémique).

  1. Examens complémentaires

Ils seront demandés au cas par cas selon le diagnostic envisagé

Ils sont particulièrement indiqués si le diagnostic clinique n’est pas clairement établi, si le traitement envisagé est agressif ou si l’on suspecte une affection maligne.

  • Prélèvement sanguin sert à objectiver de nombreux désordres généraux. La numération formule sanguine (NFS) dépiste notamment des affections déficitaires ou prolifératives (neutropénies, leucémies…) touchant une ou plusieurs des trois lignées sanguines.

Une glycémie peut être demandée

  • D’autres examens plus spécifiques (anticorps anti-nucléaires et anti-ADN, marqueurs divers…) pourront être demandés dans le cadre d’une démarche spécialisée.
  • Les examens, mycologiques, virologiques ou bactériologiques, peu fréquents, s’effectuent par frottis, écouvillonnage voire par ponction.
  • sérodiagnostic de la syphilis,VIH..,
  • Cytologie exfoliative
  • Cytobrosse
  • Biopsie en immunofluorescence directe et indirecte (IFD + IFI) pour les dermatoses auto-immunes…
  • Biopsie sous anesthésie locale d’une bulle cutanée intacte et récente (ou du bord d’une érosion muqueuse) pour examen histopathologique.

L’histologie fera la distinction entre un clivage sous-épidermique ou intraépidermique.

Il faut prélever un fragment tissulaire suffisamment profond, à cheval sur la lésion et la muqueuse saine, ou procéder directement à son exérèse s’il s’agit d’une lésion de petite taille.

  • Imagerie

L’imagerie, peu utilisée dans cette démarche diagnostique concernant les lésions muqueuses, sert notamment à effectuer le bilan d’extension intra -osseux d’un processus à point de départ muqueux. Les principaux examens radiologiques utilisés sont le cliché panoramique offrant une vue d’ensemble des maxillaires et des arcades dentaires avec une définition relative et les films endobuccaux rétro alvéolaires ou occlusaux qui ont une bonne définition mais dont le champ d’exploration est limité.

  1. Aspect clinique des affections bulleuses
    1. Les maladies bulleuses non auto immunes

Seront éliminées sur l’aspect clinique, l’évolution et la négativité des examens immunopathologiques, essentiellement l’IFD cutanée.

  • Toxidermie bulleuse (syndrome de Lyell et syndrome de Stevens- Johnson)

Les lésions de la muqueuse buccale observées dans le syndrome de Stevens-Johnson sont absolument identiques cliniquement et histologiquement à celles de l’érythème polymorphe, elle se caractérise par un début brutal et une évolution rapide.

Des signes généraux : Les lésions cutanées sont disséminées et souvent étendues. Ce sont des macules érythémateuses, elles confluent en nappes associées à des bulles ou des décollements bulleux extensifs avec signe de Nikolsky (décollement cutané induit par le frottement)

Le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell sont une même maladie avec des risques évolutifs similaires.

Les lésions guérissent en 2 à 6 semaines. Les causes sont médicamenteuses. Ce sont habituellement les

médicaments pris 7 à 21 jours avant l’érosion qui sont le plus imputables. En pratique, ce sont souvent des sulfamides antibactériens, des anticonvulsivants, des anti-inflammatoires non stéroidiens de la famille des oxicams. Les causes infectieuses sont possibles mais rares imposant l’hospitalisation en urgence, La

précocité de l’arrêt du médicament améliore le pronostic vital.

  • Dermatose bulleuse par agents externes

De cause physique (érythème actinique ou « coup de soleil », photophytodermatose ou « dermite des prés »), brûlures thermiques : de cause chimique (dermatite caustique, piqûres d’insectes, etc.), dont le diagnostic

repose sur l’anamnèse

  • Érythème polymorphe buccal

La cause la plus fréquente d’érythème polymorphe est l’herpès. Il faut donc rechercher à l’anamnèse la précession des lésions buccales par un herpès labial récurrent.

L’érythème polymorphe associe le plus souvent des lésions cutanées typiques qui permettent de faire le diagnostic. Il s’agit de lésions en cocarde (formées d’une papule érythémateuse avec au centre une lésion bulleuse ou nécrotique et en périphérique un halo rosé). Ces lésions en cocarde peuvent être associées à

d’autres lésions moins typiques (macules ou papules érythémateuses). La disposition des lésions est acrale avec atteinte préférentielle des extrémités et du visage respectant le plus souvent le tronc

Les lésions buccales : Le plus souvent il s’agit d’érosions ou d’ulcérations recouvertes d’enduit pseudo- membraneux. Elles peuvent réaliser des lambeaux blanchâtres de muqueuse nécrotique guérissent le plus souvent en 1 à 2 semaines, L’extension des lésions peut être modérée, parfois très importante nécessitant une hospitalisation, car empêchant toute alimentation. L’association à une chéilite érosive et hémorragique est habituelle.

Il n’existe pas de traitement curatif reconnu de l’érythème polymorphe.

Les corticoïdes par voie générale et la thalidomide ont été proposés. Des poussées récidivantes d’érythème polymorphe justifient un traitement préventif au long cours par aciclovir ou valaciclovir, si elles sont fréquentes (plus de 3 par an) et/ou si elles diminuent la qualité de vie.

  • Érythème polymorphe bulleux

Lésions cutanées éruptives en « cocardes », de disposition acrale (coudes, genoux, mains, visage), lésions muqueuses bulleuses ou érosives fréquentes (buccales, génitales et conjonctivales), survenue le plus souvent 10—15 jours après une infection (le plus souvent une récurrence d’herpès)

Évolution spontanée vers la guérison en 2 à 3 semaines.

  • Les bulles d’origine traumatique

Un traumatisme physique (brûlure, traumatisme après morsure) ou chimique (agent caustique contenu dans les dentifrices tels le lauryle sulfate de sodium, détergent anionique, médicament pris de façon incorrecte tel l’aspirine gardée en bouche). Ces bulles d’origine traumatique sont parfois hématiques et sont responsables d’érosions superficielles.

Le diagnostic est fait sur l’anamnèse. Il est confirmé par la suppression de l’agent causal permettant une guérison des lésions en 4 à 6 jours. Une cause favorisant le traumatisme doit être cherchée : fragilité de la muqueuse par exemple due à une xérostomie, troubles des fonctions supérieures

  • Angine bulleuse hémorragique

Cette maladie est responsable de décollements hémorragiques ou de bulles de grande taille à contenu hématique.

La cause de cette maladie est inconnue, probablement multifactorielle. Des facteurs dentaires ou traumatiques sont parfois en cause ; on a incriminé le rôle des corticoïdes ou une fragilité de la muqueuse buccale.

Les bulles peuvent siéger n’importe où dans la cavité buccale. Elles sont révélées par une douleur modérée sans signe extra-muqueux, ni syndrome général. La guérison des lésions est obtenue en moins d’une semaine, sans cicatrice, mais la récidive est fréquente.

Le diagnostic d’angine bulleuse hémorragique est un diagnostic d’exclusion.

  • porphyrie cutanée tardive

Caractérisée par : des vésicules et des bulles des régions découvertes (dos des mains, visage) d’évolution cicatricielle ; une fragilité cutanée ; une hyperpigmentation et une hyperpilosité temporo malaire ; un taux élevé d’uroporphyrine dans les urines.

  • Epidermolyse staphylococcique

dermatose bulleuse aiguë due à l’action d’une toxine sécrétée par certaines souches de staphylocoques dorés contexte infectieux : début brutal, fièvre, foyer infectieux à l’origine de l’épidermolyse : impétigo,omphalite, otite externe. . . ;altération de l’état général, impression de brûlures cutanées, décollement cutané très superficiel (sous-corné).

  • Epidermolyse bulleuse héréditaire (Chez l’enfant)

Groupe de dermatoses bulleuses génétiques liées à des mutations de gènes codant les différentes protéines de la JDE (jonction dermo-épidermique) ; elles débutent habituellement en période néonatale ;

Ces maladies génétiques sont caractérisées par la survenue de bulles au moindre traumatisme.

Le diagnostic repose sur l’aspect clinique, les antécédents familiaux éventuels, l’étude en immunohistochimie et en microscopie électronique d’une biopsie cutanée et l’identification de la (des) mutation(s) en cause par biologie moléculaire.

Le traitement se limite à l’antisepsie locale et à la prévention des traumatismes.

Dans les formes graves, la corticothérapie générale semble améliorer certaines poussées.

L’hygiène bucco-dentaire doit être parfaite et nécessite un suivi spécialisé : application de fluor, alimentation équilibrée, molle et non collantes.

  1. Les maladies bulleuses auto immunes (DBAI)

Les dermatoses bulleuses auto-immunes (DBAI) constituent un groupe hétérogène de maladies peu fréquentes et de pronostic variable, souvent péjoratif.

Le diagnostic des DBAI nécessite la combinaison d’examens clinique, anatomopathologique et immunopathologique.

* DBAI sous-épidermiques

  • Pemphigoïde bulleuse (dépôts linéaires IgG, C3),

C’est la DBAI la plus fréquente. Elle touche surtout les sujets âgés (en moyenne 80 ans). Début par un prurit généralisé et intense, des placards eczématiformes ou urticariens.

Éruption caractéristique : bulles tendues, souvent de grande taille, siégeant sur base érythémateuse, eczéma- tiforme ou urticarienne.

Lésions symétriques avec une prédilection pour les faces de flexion et la racine des membres, la face antéro- interne des cuisses et l’abdomen.

Pas de signe de Nikolsky.

Atteinte muqueuse rare (habituellement absente).

Diagnostic : se fait sur les examens suivants : numération-formule sanguine : hyperéosinophilie fréquente ; Histologie standard : bulle sous-épidermique contenant des éosinophiles, sans acantholyse ni nécrose des kératinocytes, associée à un infiltrat inflammatoire dermique riche en éosinophiles

IFD : dépôts linéaires d’IgG et/ou de C3 à la JDE.

Il s’agit d’une maladie grave dont le taux de mortalité à 1 an est de 30 à 40 %.

Le traitement comporte des mesures propres à toute maladie bulleuse Bains antiseptiques, corticothérapie locale forte

Le traitement est poursuivi pendant une durée de 6 à 12 mois, générale : prédnisone 0,5 à 0,75 mg/kg/jour suivi d’une dégression progressive sur plusieurs mois, pouvant être utilisé en première intention pour les atteintes limitées (< 10 bulles/jour)

Des traitements immunosuppresseurs (méthotrexate, azathioprine, mycophénolate mofétil) sont indiqués en cas de résistance à la corticothérapie (< 5 % des cas) ou en cas de rechutes multiples lors de la décroissance de la corticothérapie.

La surveillance est essentiellement clinique

  • Pemphigoïde cicatricielle

Rare, c’est la dermatose bulleuse auto-immune qui est le plus souvent responsable de lésions buccales ; fréquemment révélatrices de la maladie qui peut rester isolée à la bouche. La pemphigoïde cicatricielle se caractérise par l’atteinte préférentielle des muqueuses avec une évolution cicatricielle et synéchiante

La muqueuse buccale est la plus fréquemment atteinte sous forme de gingivite desquamative, érosive. L’érythème, au départ sur la gencive marginale, s’étend peu à peu à la muqueuse adhérente, qui devient alors lisse et brillante perdant son aspect en « peau d’orange ». De petites bulles apparaissent, passant souvent inaperçues et laissant place à des érosions à fond fibrineux jaunâtre et bords érythémateux.

Elle touche des sujets plus jeunes que la pemphigoïde bulleuse avec risque de cécité

Diagnostic

L’IFD (immuno fluorescence directe) est analogue à celle de la pemphigoïde bulleuse. La présence d’anticorps circulants est détectée par des techniques d’immuno transfert ou par technique

d’immunofluorescence sur peau clivée.

Traitement

En cas d’atteinte strictement buccale, un traitement topique à base de corticoïde peut suffire, un traitement préventif de la candidose sera associé. En cas d’atteinte oculaire le cyclophosphamide voir le rituximab.

  • Dermatite herpétiforme (dépôts granuleux IgA)

La dermatite herpétiforme est rattachée aux DBAI sous-épidermiques mais elle n’est pas liée à des anticorps dirigés contre un constituant de la JDE. Sa physiopathologie fait intervenir une hypersensibilité à la gliadine contenue dans le gluten, comme dans la maladie coeliaque. Elle débute habituellement chez l’adolescent ou l’adulte jeune.

Signes cliniques : Prurit diffus, longtemps isolé.

Bulles et/ou vésicules symétriques aux épaules, aux fesses et aux faces d’extension des coudes et derrière les genoux, qui se regroupent en bouquet ou en anneau.

Diagnostic

L’histologie cutanée montre un clivage sous-épidermique associé à des micro-abcès à polynucléaires neutrophiles du derme papillaire.

L’IFD montre des dépôts granuleux d’IgA, en mottes, au sommet des papilles dermiques, sous la JDE Une fibroscopie digestive haute avec biopsies

Traitement : repose sur la dapsone qui a un effet spectaculaire sur le prurit puis sur les lésions cutanées, sans effet sur l’entéropathie au gluten. Le régime sans gluten à vie, très contraignant, est indiqué en cas d’atrophie villositaire.

  • Dermatoses à IgA linéaire (dépôts linéaires IgA)

Il s’agit d’une dermatose auto-immune qui survient à tout âge, et touche particulièrement les enfants. Elle se caractérise par des lésions cutanées très polymorphes, sans topographie particulière. On retrouve des lésions muqueuses (buccale, génitale, oculaire) dans 20 à 30% des cas.

Les dermatoses à IgA linéaire forment un groupe hétérogène de DBAI qui ont en commun des dépôts linéaires d’IgA isolés ou prédominant sur la JDE

La symptomatologie clinique évoque fortement une pemphigoïde cicatricielle et/ou une dermatite herpétiforme. Au niveau buccal, des ulcérations superficielles, non spécifiques font suite à la formation de bulles qui se rompent rapidement ; bulles de grandes tailles associées à des bouquets de vésicules mais également des gingivites érosives, chéilite érosive.

Chez l’enfant : l’affection débute vers l’âge de 5 ans et l’évolution peut être régressive. Les lésions sont le plus fréquemment périnéo-génitales.

Bulles de grande taille, associées à des vésicules à groupement arrondi (herpétiforme) prédominant sur la moitié inférieure du tronc, sur les fesses, sur le périnée et sur les cuisses.

Chez l’adulte : formes d’évolution aiguë induites par les médicaments (vancomycine, AINS). L’atteinte du visage, du haut du tronc et des extrémités est évocatrice.

Le traitement repose sur l’arrêt du médicament inducteur.

La diamino-diphénylsulfone (comme pour la dermatite herpétiforme) associée, en cas de résultats insatisfaisants, à la corticothérapie générale (prednisone 0,5 à 1 mg/kg/j).

  • Épidermolyse bulleuse acquise (dépôts linéaires IgG/C3)

Cette maladie chronique, rare est d’origine mécanique, non héréditaire impliquant la peau et les muqueuses. Elle est d’origine auto-immune avec le collagène VII comme principal antigène cible.

L’épidermolyse bulleuse acquise est provoquée par des auto-anticorps pathogènes dirigés contre le collagène de type VII des fibrilles d’ancrage, elle est considérée comme la dermatose auto-immune la plus rare. Tous les âges sont concernés, même si la maladie est surtout diagnostiquée chez l’adulte d’âge moyen, avec une prédominance féminine. Une association est possible avec la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique et le diabète. Une induction médicamenteuse est également évoquée.

Elle est caractérisée par des bulles en peau saine sur les zones de frottement et les extrémités laissant des cicatrices atrophiques et des microkystes souvent associés à une atteinte muqueuse.

L’histologie montre un clivage sous-épidermique et l’IFD des dépôts d’IgG et de C3 comme dans la pemphigoïde bulleuse et la pemphigoïde cicatricielle. Des examens complémentaires non réalisables en routine et l’ELISA anti-collagène VII sont nécessaires au diagnostic de certitude.

Traitement : Corticothérapie systémique et /ou topique.

* DBAI intra-épidermiques

  • Pemphigus (dépôts IgG, C3 en mailles) :

Sont des maladies auto-immunes rares qui touchent la peau et les muqueuses. Les auto anticorps sont dirigés contre des protéines des desmosomes et sont responsables de l’acantholyse et du clivage intra-épidermique. On distingue les types suivants

  • Le pemphigus vulgaire (PV), Il débute souvent de façon insidieuse par des lésions muqueuses: buccales avec des érosions douloureuses, traînantes, pouvant gêner l’alimentation (dysphagie) et entraîner un amaigrissement, parfois. L’atteinte cutanée est généralement secondaire, apparaissant plusieurs semaines ou plusieurs mois après les érosions muqueuses, avec des bulles : flasques à contenu clair, siégeant en peau saine ; fragiles, laissant rapidement place à des érosions post-

bulleuses cernées par une collerette épidermique, siégeant volontiers dans les plis de flexion et le cuir chevelu, mais d’autres localisations sont possibles ; et un signe de Nikolsky en peau péri lésionnelle, et parfois en peau saine.

Le traitement est habituellement la corticothérapie générale à fortes doses en cas d’atteinte cutanée associée (1à 1,5 mg/kg/j d’équivalent de prednisone)

À doses plus faibles éventuellement associées à des traitements adjuvants (Type immunosuppresseurs) en cas d’atteinte uniquement buccale.

Le Rituximab®, qui détruit spécifiquement les B lymphocytes

  • les pemphigus superficiels (PS), où le clivage est superficiel, sous corné ;
  • le pemphigus paranéoplasique (PPN) :

Il s’agit d’une forme exceptionnelle de pemphigus associée à différents types de proliférations malignes, notamment des hémopathies lymphoïdes. L’IFD de biopsie de peau ou de muqueuse périlésionnelle montre des dépôts d’IgG et de C3 au pourtour des kéra-tinocytes

Pronostic, traitement : La mortalité, autour de 10 %, est principalement due aux complications iatrogènes.

Le traitement d’attaque vise à contrôler la maladie : corticothérapie générale à forte dose : prednisone

(1 à1, 5 mg/kg/jour). Le rituximab (un anticorps monoclonal ciblant le CD20) peut être proposé en première intention afin de réduire la dose et la durée de la corticothérapie et réduire les effets secondaires de cette dernière.

Des traitements immunosuppresseurs, par azathioprine, cyclophosphamide, ciclosporine, sont parfois associés à la corticothérapie en cas de résistance au traitement corticoïde.

Après contrôle de la maladie, les doses de corticoïdes sont progressivement diminuées

  • Les pemphigus peuvent être déclenchés par des médicaments contenant un groupe thiol

(D-pénicillamine,captopril, thiopronine, pyrithioxine) et d’autres molécules (piroxicam, bêta- bloquants, phénylbutazone, rifampicine).

L’arrêt du médicament ne suffit pas toujours à enrayer le pemphigus contrairement aux dermatoses à IgA linéaires médicamenteuses.

L’association à d’autres maladies auto-immunes est possible : myasthénie, lupus érythémateux, syndrome de Gougerot-Sjögren, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Basedow, glomérulonéphrites

Conclusion

Les maladies bulleuses de la cavité buccale sont de causes variées [1]. Elles sont souvent accompagnées d’une atteinte cutanée, et parfois d’autres muqueuses, atteintes qu’il faut rechercher systématiquement.

Toutes les maladies bulleuses de la cavité buccale peuvent entraîner des douleurs, une gêne à l’alimentation et une surinfection. Pour éviter une dénutrition, une prise en charge symptomatique de toute maladie bulleuse est impérative.

Bibliographies

  1. Item 112, Dermatoses bulleuses auto-immunes. Annales de dermatologie et de vénéréologie – FMC 3 (2023) 476— 484 ScienceDirect
  2. L. Vaillant, B. Hüttenberger .Maladies bulleuses acquises de la muqueuse buccale Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2005; 106, 5, 287-297© Masson, Paris, 2005.
  3. Céline Bernardeschi, Roger Kuffer.Pathologie de la muqueuse orale ORL de l’enfant

© 2017, Elsevier Masson SAS.

  1. Arnaud Peglion .Classication clinique des érosions et ulcérations : quand le chirurgien-dentiste doit-il s’inquiéter ? Submitted on 10 Dec 2013
  1. Jean-Sébastien Gouet. Les stomatites bulleuses. Sciences du Vivant [q-bio]. 2002
  1. Sophie-Myriam Dridi.Frédérick Gaultier.Anne-Laure Ejeil .Dépistage des dermatoses bulleuses auto-immunes .Le rôle de l’odontologiste l’information dentaire n° 18/19 – 15 mai 2013
  2. Pierre Jacquemart*Jean-Pierre Carrel**Philippe Lesclous***.Démarche diagnostique face à une lésion de la muqueuse buccale l’information dentaire n° 26 ,30 juin 2004
  1. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-05/pnds pemphigoide bulleuse avril 2020 final 2020-05-

28 19-23-51 71.pdf

  1. https://www.has-sante.fr/upload/docs/ application/pdf/2016-06/pnds – pemphigus

Affections bulleuses de la muqueuse buccale

Voici une sélection de livres:

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