ACCIDENTS ET INCIDENTS SURVENANT LORS DES THERAPEUTIQUES EN OCE
Accidents et Incidents Survenant Lors des Thérapeutiques en Endodontie
Introduction
L’endodontie, en tant que discipline complexe de la dentisterie, vise à traiter les pathologies de la pulpe dentaire et des tissus péri-apicaux. Cependant, comme toute intervention médicale, elle peut être marquée par des événements indésirables, appelés accidents et incidents opératoires. Ces complications, bien que souvent évitables, peuvent compromettre le pronostic du traitement si elles ne sont pas gérées correctement. Cet article explore de manière détaillée les différents types d’accidents et d’incidents pouvant survenir lors des thérapeutiques endodontiques, leurs causes, leurs préventions et les conduites à tenir. L’objectif est de fournir une compréhension approfondie pour les praticiens, en mettant l’accent sur les bonnes pratiques et la gestion des risques.
I. Accidents Liés à l’Usage de l’Anesthésie
L’anesthésie est une étape cruciale en endodontie, mais elle peut engendrer divers incidents, qu’ils soient locaux ou généraux. Ces complications nécessitent une vigilance particulière et une connaissance approfondie des techniques pour minimiser les risques.
1. Accidents Locaux
a. Injection Douloureuse
L’injection douloureuse est un incident fréquent, particulièrement chez les patients sensibles ou anxieux.
Causes :
- Injection trop rapide avec une pression excessive.
- Température de la solution anesthésique trop froide.
- Mauvais choix de la technique anesthésique (par exemple, une infiltration inadaptée).
- Muqueuse non tendue lors de l’injection.
- Lésion nerveuse due à un contact direct avec un nerf.
Prévention :
- Utiliser une anesthésie de contact (topique) pour les enfants ou les patients anxieux.
- Réchauffer la cartouche anesthésique à la température corporelle avant l’injection.
- Exercer une traction ferme sur la joue ou la lèvre pour tendre la muqueuse.
- Éviter le contact avec l’os pour prévenir un décollement douloureux du périoste.
- Orienter le biseau de l’aiguille vers l’os pour réduire l’inconfort.
- Injecter lentement pour minimiser la douleur.
- Éviter les zones infectées pour prévenir la diffusion de l’infection.
Conduite à tenir :
- Informer le patient pour le rassurer et réduire son anxiété.
- Adapter la technique pour les injections suivantes.
b. Rupture d’Aiguille
La rupture d’une aiguille est un incident rare mais grave, pouvant entraîner des complications sérieuses.
Causes :
- Erreur technique du praticien (mauvaise manipulation ou pression excessive).
- Mouvement brusque du patient, notamment chez les enfants.
Conduite à tenir :
- Fragment visible : Tenter une extraction au cabinet à l’aide d’une pince hémostatique, en rassurant le patient et en lui demandant de limiter les mouvements mandibulaires.
- Fragment sous-muqueux :
- Effectuer une radiographie (rétro-alvéolaire ou panoramique) pour localiser le fragment.
- Marquer le point d’entrée avec un marqueur cutané.
- Orienter le patient vers un chirurgien maxillo-facial.
- Prescrire un antibiotique pour prévenir une infection.
Prévention :
- Utiliser des aiguilles de bonne qualité et vérifier leur intégrité avant usage.
- Maintenir une communication claire avec le patient pour éviter les mouvements soudains.
c. Hématome/Hémorragie
Causes :
- Perforation d’un vaisseau sanguin lors de l’injection.
- Troubles de la coagulation chez certains patients.
Conduite à tenir :
- Sujet avec bilan d’hémostase normal : L’hématome se résorbe généralement rapidement sans intervention.
- Sujet avec troubles hématologiques : Éviter les anesthésies régionales ou locales dans les tissus lâches (ex. : plancher buccal). En cas d’hémorragie persistante, consulter un hématologue.
Prévention :
- Vérifier l’anamnèse pour identifier les troubles de la coagulation.
- Injecter lentement pour minimiser le risque de perforation vasculaire.
d. Lésion Nerveuse
Les lésions nerveuses sont rares mais peuvent provoquer des symptômes impressionnants, comme une paralysie faciale temporaire ou des troubles oculaires.
Causes :
- Contact direct de l’aiguille avec un nerf.
- Injection dans une zone à forte densité nerveuse.
Conduite à tenir :
- Ces incidents sont généralement de courte durée et sans séquelles.
- Si les symptômes persistent, orienter le patient vers un neurologue pour évaluation.
Prévention :
- Connaître l’anatomie locale pour éviter les zones nerveuses sensibles.
- Injecter avec précision et éviter les mouvements brusques.
e. Irritation ou Ischémie de la Muqueuse Buccale
Cet incident se manifeste par un blanchiment initial de la muqueuse au point d’injection, suivi d’une teinte violacée et, après environ une semaine, d’une ulcération douloureuse.
Causes :
- Application excessive d’anesthésique topique.
- Utilisation de vasoconstricteurs en excès.
- Injection trop rapide ou sous forte pression.
- Température de l’anesthésique trop basse.
- Infiltration dans une muqueuse fine (linguale) ou très adhérente (palatine).
Conduite à tenir :
- Prescrire un bain de bouche antiseptique.
- Appliquer une pommade cicatrisante pour favoriser la guérison.
Prévention :
- Réchauffer la solution anesthésique.
- Injecter lentement sans pression excessive.
- Éviter les zones de muqueuse fine ou adhérente.
f. Complication Septique
Les complications septiques sont rares grâce aux protocoles d’asepsie modernes, mais elles peuvent survenir en raison de la flore bactérienne buccale.
Causes :
- Présence de foyers infectieux dans la cavité buccale.
- Non-respect des protocoles d’asepsie.
Conduite à tenir :
- Effectuer un drainage chirurgical de l’infection.
- Prescrire une antibiothérapie à large spectre.
Prévention :
- Maintenir une asepsie rigoureuse.
- Évaluer l’état infectieux de la cavité buccale avant l’intervention.
g. Lésion des Tissus Mous
Causes :
- Anesthésie prolongée entraînant une morsure involontaire des lèvres ou de la langue, surtout chez les enfants ou les personnes handicapées.
Conduite à tenir :
- Réaliser des sutures si nécessaire.
- Prescrire un bain de bouche antiseptique, des antalgiques et, si besoin, des antibiotiques.
Prévention :
- Surveiller les patients à risque après l’anesthésie.
- Informer les patients ou leurs accompagnants des risques de morsure.
2. Accidents Généraux
a. Malaise Vagal ou Lipothymie
Le malaise vagal est fréquent chez les patients émotifs ou anxieux, souvent déclenché par l’injection anesthésique.
Signes :
- Début progressif avec vertiges, bouffées de chaleur, acouphènes, troubles visuels.
- Pâleur, sueurs, polypnée, bradycardie.
- Perte de conscience brève, si elle survient.
Conduite à tenir :
- Allonger le patient en décubitus dorsal avec les jambes surélevées pour améliorer l’irrigation cérébrale.
- Administrer de l’atropine dans de rares cas, si nécessaire.
Prévention :
- Administrer une prémédication sédative 2 heures avant l’intervention.
- Éviter la position assise prolongée pendant l’injection.
b. Syncope Cardiorespiratoire
Signes :
- Arrêt cardiorespiratoire brutal avec perte de conscience, pouls non perceptible et absence de respiration.
Évolution :
- Favorable si la durée est inférieure à 1 minute.
- Défavorable au-delà de 3 minutes, nécessitant une intervention immédiate.
Conduite à tenir :
- Effectuer une réanimation cardiorespiratoire (RCR).
- Contacter immédiatement les secours.
Prévention :
- Respecter les doses d’anesthésique.
- Administrer une prémédication sédative si nécessaire.
c. Crise Convulsive
Causes :
- Surdosage d’anesthésique ou injection intravasculaire.
- Signes prémonitoires : malaise, angoisse, céphalées, nausées, agitation ou somnolence.
Conduite à tenir :
- Arrêter l’injection immédiatement.
- Administrer un anticonvulsivant si disponible.
- Contacter les secours pour une prise en charge médicale.
Prévention :
- Effectuer un interrogatoire médical approfondi.
- Respecter les doses et concentrations des anesthésiques.
- Surveiller les réactions du patient pendant l’injection.
d. Accidents Allergiques
Causes :
- Réaction anormale à la molécule anesthésique ou aux conservateurs.
- Apparition 3 à 5 minutes après l’injection avec prurit, urticaire, tachycardie, douleur épigastrique, bronchospasme ou collapsus.
Conduite à tenir :
- Arrêter les soins immédiatement.
- Administrer de l’oxygène et contrôler les voies aériennes.
- Contacter les secours.
- Noter l’incident dans le dossier médical.
Prévention :
- Réaliser un questionnaire médical complet.
- Orienter le patient vers un allergologue si antécédents d’allergie.
II. Accidents Lors de la Réalisation de la Cavité d’Accès Endodontique
L’ouverture de la chambre pulpaire est une étape critique qui peut entraîner des complications si elle n’est pas réalisée correctement.
1. Blocage Instrumental
Causes :
- Méconnaissance de l’anatomie endodontique.
- Mauvaise interprétation de la radiographie préopératoire.
Conduite à tenir :
- Relire la radiographie pour identifier le trajet canalaire.
- Utiliser une fraise à pointe mousse pour éliminer le plafond pulpaire restant.
2. Butée
Causes :
- Élimination excessive du plafond pulpaire.
- Méconnaissance de l’anatomie dentaire.
Conséquences :
- Fragilisation des parois dentaires, augmentant le risque de fracture coronaire.
Conduite à tenir :
- Obturer la cavité avec un ciment verre-ionomère.
- Refaire la cavité d’accès pour obtenir quatre parois intactes.
3. Perforation
a. Perforations Externes (Coronaires)
Causes :
- Instrumentation inadéquate.
- Méconnaissance de l’anatomie dentaire.
- Malposition dentaire.
b. Perforations Internes (Plancher Pulpaire)
Causes :
- Morphologie pulpo-radiculaire mal évaluée.
- Cavité d’accès insuffisamment étendue.
- Présence de calcifications intrapulpaires.
Conduite à tenir :
- Petite perforation :
- Laver la plaie au sérum physiologique.
- Réaliser une hémostase et appliquer de l’hydroxyde de calcium ou du MTA.
- Obturer avec un ciment verre-ionomère, suivi de l’obturation canalaire.
- Grande perforation :
- Envisager une intervention chirurgicale (amputation radiculaire ou extraction).
III. Accidents Lors du Nettoyage et de la Mise en Forme Canalaire
1. Fracture Instrumentale
Causes :
- Fatigue excessive de l’instrument endocanalaire.
- Force excessive appliquée lors du raclage.
- Anatomie défavorable (canal coudé).
Conduite à tenir :
- Abstention thérapeutique : Si l’instrument est stérile et l’obturation canalaire hermétique.
- Thérapeutiques mécaniques :
- Méthode de frottement latéral : Contourner le fragment avec des limes MMC précoudées sous irrigation chélatante (EDTA).
- Méthode de Masserann : Utiliser un tube trépan pour extraire le fragment dans un canal rectiligne.
- Thérapeutiques chirurgicales :
- Résection apicale pour un fragment au tiers apical.
- Amputation radiculaire pour les molaires inférieures.
2. Bouchons Dentinaires
Causes :
- Manque d’irrigation pendant l’instrumentation.
- Précipitation ou inexpérience du praticien.
Prévention (selon Laurichesse) :
- Irrigation abondante et renouvelée.
- Utilisation progressive des instruments.
- Récapitulation après chaque lime.
- Mouvements limités à un huitième de tour.
- Manipulation souple des instruments.
Conduite à tenir :
- Utiliser des limes MMC précoudées avec irrigation (RC Prep et hypochlorite de sodium).
- Employer un instrument sonique pour libérer le canal.
3. Épaulements ou Ressauts
a. Épaulements du Tiers Moyen
Conduite à tenir :
- Utiliser une lime MMC précoudée avec RC Prep pour franchir l’épaulement.
- Atténuer l’épaulement avec des limes MME sous irrigation abondante.
b. Épaulements du Tiers Apical
Causes :
- Utilisation de limes non précoudées dans des canaux courbes.
Prévention :
- Respecter les principes de préparation canalaire.
4. Perforations Radiculaires
a. Perforations Apicales
Causes :
- Instrumentation au-delà de la constriction apicale.
- Mesure incorrecte de la longueur de travail.
Conduite à tenir :
- Ajuster la longueur de travail à 1-2 mm en deçà de la perforation.
- Sceller le foramen apical avec du MTA.
b. Perforations Latérales
Causes :
- Pressions mal orientées ou forces excessives.
Conduite à tenir :
- Établir une nouvelle longueur de travail.
- Irriguer avec une solution saline ou hypochlorite à faible concentration.
c. Perforations Coronaires
Causes :
- Erreurs lors de la localisation des orifices canalaires.
Conduite à tenir :
- Sceller la perforation par voie interne tout en préservant la perméabilité du canal principal.
5. Hémorragies
Causes :
- Dilacération du tissu pulpaire.
- Franchissement répété des limites apicales.
- Perforation ou fausse route.
Prévention (selon Laurichesse) :
- Déterminer précocement les limites apicales.
- Respecter la longueur de travail.
- Irriguer à l’hypochlorite de sodium.
Conduite à tenir :
- Stopper l’hémorragie avec un bain d’hypochlorite de sodium.
- En cas de perforation, obturer le faux canal avec de l’hydroxyde de calcium.
6. Autres Accidents
a. Accident d’Ingestion
Symptômes :
- Gêne douloureuse, dysphagie, douleur thoracique ou abdominale.
Conduite à tenir :
- Arrêter les soins, installer le patient en position assise et le rassurer.
- Transférer vers un service d’urgence pour examens complémentaires.
b. Accident d’Inhalation
Symptômes :
- Difficulté respiratoire, toux, bruit respiratoire anormal.
Prévention :
- Utiliser une digue opératoire pour éviter la chute d’instruments.
c. Extrusion de l’Irriguant
Causes :
- Dents immatures ou à foramen large.
- Pression excessive sur l’irrigant.
Prévention :
- Utiliser des aiguilles à ouverture latérale.
- Injecter lentement sans coincer l’aiguille.
Conduite à tenir :
- Rassurer le patient et prescrire des antalgiques si nécessaire.
IV. Accidents Pendant l’Obturation Canalaire
1. Obturation Incomplète
Causes :
- Barrières naturelles dans le canal.
- Évasement insuffisant ou maître cône mal adapté.
Conduite à tenir :
- Retraiter le canal après extraction du matériau d’obturation.
2. Dépassement
Causes :
- Instrumentation excessive de l’apex.
- Résorption apicale ou apex immature.
Conduite à tenir :
- Éliminer le matériau extrudé chirurgicalement et sceller l’apex avec un matériau biocompatible.
3. Fracture Verticale de la Racine
Causes :
- Erreurs lors de l’obturation ou du scellement de tenons radiculaires.
Conduite à tenir :
- Extraire la racine concernée ou la dent entière si monoradiculée.
V. Complications Post-Opératoires
1. Dents Pulpées
Prévention :
- Maintenir une asepsie rigoureuse.
- Respecter les structures apicales.
- Limiter la concentration d’hypochlorite à 2,5 %.
Conduite à tenir :
- En cas de réaction inflammatoire légère, prescrire des antalgiques et anti-inflammatoires.
- En cas de réaction sévère, désobturer, rincer et remplir avec de l’hydroxyde de calcium.
2. Dents Nécrosées
a. Gangrène Pulpaire
Conduite à tenir :
- Refaire un parage complet.
- Placer une médication intracanalaire.
b. Parodontite Apicale Aiguë
Conduite à tenir :
- Mise en forme canalaire sous irrigation.
- Mettre la dent en sous-occlusion.
c. Abcès Apical Aigu
Conduite à tenir :
- Drainage transcanalaire si possible, sinon trépanation de la corticale osseuse.
Conclusion
La pratique endodontique, bien que techniquement exigeante, peut être optimisée par une connaissance approfondie des risques et des stratégies de prévention. Les accidents et incidents, qu’ils soient liés à l’anesthésie, à la préparation canalaire ou à l’obturation, peuvent souvent être évités grâce à une planification rigoureuse, une maîtrise des techniques et une attention particulière à l’anatomie dentaire. Les avancées technologiques, telles que l’utilisation de matériaux biocompatibles comme le MTA et les instruments rotatifs modernes, continuent de réduire les complications. En respectant les principes biologiques et en adoptant une approche méthodique, les praticiens peuvent améliorer les résultats cliniques et limiter les échecs, renforçant ainsi la qualité des soins en endodontie.
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
- Concepts cliniques en odontologie conservatrice
- L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
- Guide clinique d’odontologie
- Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
- La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique
ACCIDENTS ET INCIDENTS SURVENANT LORS DES THERAPEUTIQUES EN OCE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.