Accidents d’éruption et d’évolution des dents
Introduction
Terminologie
- La denture est définie par l’ensemble des dents en place sur les arcades à un moment donné.
- La dentition fait référence aux phénomènes dynamiques liés à la formation des dents, à leur éruption et à leur évolution sur l’arcade.
- L’éruption dentaire est un processus de croissance, qui implique les dents et les tissus environnants.
Définition de l’éruption
- L’éruption dentaire correspond à l’ensemble des déplacements qu’effectue une dent, entre la formation du germe et la fin de sa vie sur l’arcade, cet ensemble est représenté par
- une éruption active qui correspond au mouvement occlusal de la dent jusqu’au contact avec la dent antagoniste,
- et une éruption passive qui est le déplacement apical de la jonction dento-gingivale.
I. Mécanisme de l’éruption dentaire :
L’éruption dentaire est un processus multifactoriel dans lequel les causes et les effets sont difficiles à séparer, deux événements sont indispensables : la résorption de l’os surplombant la couronne de la dent pour former un chemin d’éruption et le déplacement de la dent à travers ce chemin, on peut observer que :
Le follicule dentaire est donc essentiel à l’éruption, au moins pour la phase intra-osseuse, puisqu’y affluent les monocytes circulantes qui fusionnent pour former les ostéoclastes nécessaires à la formation du chemin d’éruption dans l’os alvéolaire
Le mécanisme de déplacement de la dent à travers ce chemin d’éruption est encore mal connu.
Dès que la dent apparait dans la cavité buccale, elle est soumise à des facteurs environnementaux ; pressions musculaires de la langue, des joues, des lèvres qui contribuent à déterminer sa position finale dans l’os alvéolaire.
II. Les anomalies de l’éruption
Les anomalies de l’éruption peuvent être
– d’ordre chronologique (éruptions précoces et prématurées, éruptions retardées, exfoliations prématurées et retardées des dents temporaires) ou
– d’ordre topographique (dystopies).
Également les éruptions difficiles ou les accidents d’éruption avec leurs aspects cliniques différents font partie de ces anomalies. D’étiologies variées, ces différentes anomalies peuvent concerner les dents temporaires, les dents permanentes, ou les deux dentures à la fois.
Les signes cliniques du syndrome d’éruption des dents temporaires sont en général bénins et locaux et/ou régionaux, plus rarement généraux. Ces signes cliniques apparaissent brutalement et cessent dès que la dent temporaire apparaît sur l’arcade. Ils peuvent se reproduire lors des différentes éruptions.
III. Les accidents d’éruption dentaire :
Motif de consultation dentaire du jeune enfant, les manifestations locales ou locorégionales sont volontiers inflammatoires.
Les manifestations à distance sont décrites, bien que toujours de controverses.
1. Syndrome d’éruption – teething syndrome :
Il concerne les dents temporaires et reste habituellement bénin, il coïncide avec la baisse des anticorps maternels circulants.
Il offre à décrire le tableau suivant :
Érythèmes jugaux
Poussées de fièvre pouvant durer 48h.
Hyper salivation ou hypersialhorée.
Tuméfactions gingivales inflammatoires, gingivite odontiasique ou gingivo-stomatites de primo-infection herpétique.
Parfois agitation, diarrhée, insomnie ou érythème fessier.
L’enfant mâchonne souvent un doigt ou un objet (en raison d’un prurit gingivo-dentaire).
Les gingivites ulcéro-nécrotiques ou les stomatites étendues sont rares.
Exceptionnellement le tableau clinique est compliqué de :
Fièvre élevée ou de crise convulsive.
Troubles respiratoires : (asthme, bronchite)
Troubles digestives : (vomissements, diarrhée).
Le tableau clinique conduit à une déshydratation.
Le traitement est symptomatique: anti-inflammatoires, antipyrétiques, anesthésiques locaux en gel.
Par ailleurs, il existe des préparations à base d’analgésiques, ATS et ATI pour un usage en topique, exp; DOLODONT.
2. kyste de l’éruption :
Une tuméfaction bleutée peut se développer sur la gencive en regard d’une dent permanente ou plus souvent d’une dent temporaire, 1 à 2 semaines avant son éruption.
Secondairement un hématome peut se former, principalement en regard des secteurs prémolaires et molaires.
Son origine est encore débattue :
Pour certains, il serait dû à un changement dégénératif de l’épithélium adamantin réduit ou des résidus de la lame dentaire (résidus de Serres).
Pour d’autres, il s’agit d’une accumulation de sang qui dilate l’espace autour de la couronne dentaire. L’incisive centrale temporaire maxillaire et la première molaire permanente sont plus touchées.
Cliniquement, on constate une voussure bleutée de 1-3cm de diamètre, de consistance ferme ou rénitente en regard d’une dent en pré-émergence sur l’arcade, le diagnostic différentiel se pose avec l’angiome et le kyste gingival.
L’attitude thérapeutique est soit l’abstention avec surveillance jusqu’à l’apparition de la dent, soit une simple incision pour décongestionner et dégager la dent.
3. La péricoronarite :
C’est une inflammation du sac folliculaire entourant la dent pendant son éruption.
La péricoronarite est d’abord congestive, les signes inflammatoires locaux sont très marqués, les gencives sont tuméfiées, rouges et douloureuses, l’hypersialorrhée est importante.
Cette péricoronarite peut également s’accompagner de fièvre, de diarrhée et d’adénopathies ; l’enfant est agité et dort très peu.
L’évolution peut être la suppuration, avec la formation d’un véritable abcès autour de la dent en éruption, les signes généraux étant plus marqués.
Le traitement est symptomatique : anti-inflammatoires, antipyrétiques et gels anesthésiques.
L’évolution, généralement favorable en quelques jours, nécessite parfois une antibiothérapie.
L’évolution vers une cellulite de la face est rare.
Accidents d’éruption et d’évolution des dents
3. Gingivites ulcéro-nécrotiques ou suppurées
Ces affections sont rares en denture temporaire.
Leurs manifestations locales sont sérieuses : décapitation des papilles inter dentaires, saignements et tuméfactions douloureuses des gencives.
Les signes généraux sont également marqués : asthénie, fièvre et adénopathies.
Une antibiothérapie est nécessaire en plus du traitement symptomatique.
4. Folliculite expulsive de Capdepont :
Cette affection rare, où l’infection du follicule de la dent temporaire par voie gingivale entraîne l’expulsion prématurée du germe, peut être accompagnée de signes généraux graves : fièvre, diarrhée, asthénie.
Signes régionaux
Ils sont fréquents ; il s’agit d’érythroses jugales (l’enfant a les joues très rouges), de larmoiements, d’hydrorrhée nasale, d’hypersialorrhée ou d’adénopathies cervicales.
Signes généraux
Ils sont beaucoup plus rares en denture temporaire, mais peuvent être de diverse nature : érythème fessier, asthénie et insomnie, irritabilité, fièvre, crises convulsives, perte d’appétit, diarrhées, vomissements ou troubles respiratoires comme la toux sèche, la bronchite ou l’asthme.
IV. Les anomalies chronologiques de l’éruption :
Elle concerne les dents temporaires ou les dents permanentes.
1. Éruption prématurée :
Pour les dents temporaires, une éruption est précoce lorsqu’elle survient de 1 mois (incisives) à 6 mois (2èmes molaires) avant la date normale d’éruption.
Pour les dents permanentes, le délai est de 1 an. La majorité des éruptions précoces n’a aucune signification clinique notable.
L’éruption précoce ou prématurée des dents temporaires est moins fréquente que l’éruption retardée. Elle peut être due à une position trop superficielle des germes, elle est parfois familiale .
A. dents temporaires:
Dents natales et néonatales:
Dents natales, sont celles qui sont présentes à la naissance ; plus fréquentes dans la région incisives mandibulaires ; la dent est rudimentaire souvent mobile en raison d’un développement radiculaire limité, incidence 1 cas pour 2000 ou 3500 naissances.
Dents néonatales, sont celle qui font leur éruption dans les 30 premiers jours de la naissance, leur prévalence se situerait entre 1/1000 et 1/6000 naissances.
Il s’agit d’anomalies relativement rares, qui sont toutefois un peu plus fréquentes en cas de fentes labio-palatines, les dents natales ou néonatales s’observent dans 85% des cas dans la région des incisives centrales mandibulaires ( dont 60% par paires ); les dents du maxillaire supérieures el les Molaires sont plus rarement affectées.
L’aspect clinique est variable et dépend du degrés de maturation, dans la plupart des cas, les dents sont de taille réduite, hypermobiles, dysmorphiques et hypoplasiques et de couleur jaune à marron opaque.
L’indication à l’avulsion sera soigneusement évaluée en fonction du degré d’hyper mbilité, des problèmes par des lésions traumatiques lors des tétées, du risque d’infection et du pronostic de la dent
L’extraction est de règle lorsque la dent blesse la gencive antagoniste, la langue ou lorsque la mobilité peut faire craindre l’inhalation.
B. Dents permanentes :
L’éruption précoce des dents permanentes n’est en général possible que s’il y’a eu d’abord chute prématurée de la dent temporaire correspondante ou dans le cas d’hyperthyroïdie non traitée.
L’éruption précoce de toute la denture définitive est par contre tout à fait exceptionnelle.
2. Éruption dentaire retardée :
L’éruption retardée est beaucoup plus rare en denture temporaire qu’en denture définitive.
L’éruption est retardée de plus d’un an par rapport à sa date normale pour les dents permanentes et de 6 mois pour les dents temporaires.
A. Le retard isolé :
On parle de retard d’éruption isolée pour 1 ou 2 dents, l’émergence ne s’est pas produite au-delà de l’âge limite d’éruption ou de l’âge d’éruption de sa dent homologue, la majorité des retards d’éruption n’a aucune signification clinique notable, mais doivent être évalués cliniquement et radiologiquement.
On peut se retrouver dans une des situations suivantes :
Obstacle sur le trajet d’éruption ; dent surnuméraire ou odontome, fermeture de l’espace d’éruption par DDM ou perte prématurée de la dent temporaire …
Trouble de la résorption par infection ou ankylose de la dent temporaire sus-jacente, germe dystopique dilacéré ou nécrosé (antécédent de traumatisme), Gencive fibreuse, Kyste dentigère autre.
B. Le retard généralisé :
On parle de retard d’éruption généralisé lorsque toutes les dents, ou presque, sont retardées.
Les retards généralisés peuvent être en rapport avec des :
- Déficits nutritionnels.
- Hypo fonctions endocriniennes non traitées (nanisme, hypothyroïdie, hypopituitarisme…).
- Trouble du métabolisme. phosphocalcique (rachitisme, maladie d’ Albright ).
- Traitements médicamenteux-chimiothérapie anti cancereuse, radiothérapie).
- Syndromes; en particulier la dysostose cleido-crânienne, dysplasie ectodermique anhidrotique appelée aussi syndrome de Christ-Siemens-Touraine, le cherubisme ou le syndrome de Gardner.
Accidents d’éruption et d’évolution des dents
V. L’éruption dentaire dystopique ou ectopique :
1. Éruption linguale des incisives :
Très fréquente à la mandibule, c’est souvent un sujet de préoccupation pour les parents; si la racine de la dent temporaire est en cours de résorption ou la dent temporaire mobile, l’évolution spontanée est favorable. Dans le cas contraire et lorsque l’enfant a plus de 7 ans, l’extraction de la dent temporaire peut s’avérer nécessaire.
Dans tous les cas, éventuellement après avulsion de la dent temporaire, la mise en place normale de la dent permanente est spontanée sauf lorsque sa position est verrouillée par une dent antagoniste. La prise en charge est ici précoce pour éviter l’installation d’une malocclusion.
2. Éruption ectopique:
C’est l’éruption de la dent dans un site dans la même arcade ou même en dehors de l’arcade dentaire.
3. La transposition:
Définie comme l’évolution sur l’arcade d’une dent à la place d’une autre ou comme l’inversion de la position de deux dents adjacentes ou plus particulièrement de leurs racines; les transpositions les plus fréquentes sont celles entre canine et première Prémolaire maxillaire (71 % des cas).
4. L’anastrophie:
Anomalie caractérisée par un pivotement à 180°; la dent prend une position totalement inversée avec la couronne en position apicale.
L’anastrophie concerne souvent les germes surnuméraires en particulier le mesiodens.
5. L’inclusion dentaire :
Dent retenue dans le maxillaire au-delà de la date normale de son éruption et entourée d’un sac péricoronaire sans communication avec la cavité buccale.
6. La rétention dentaire :
Dent qui présente un arrêt d’évolution passager ou définitif à l’intérieur des maxillaires, elle est due à la présence d’un obstacle sur le trajet d’évolution de la dent alors qu’il ya une ouverture du sac péricoronaire en communication avec le milieu buccal, la dent a encore un potentiel d’évolution dans la mesure où son édification radiculaire n’est pas terminée.
7. L’enclavement dentaire :
Dent retenue dans le maxillaire au-delà de la date normale de son éruption et dont le sac péricoronaire est ouvert dans la cavité buccale, la présence d’un obstacle anatomique, physiologique, ou pathologique entrave momentanément ou définitivement son éruption.
VI. Accidents d’évolution des dents
1. Coalescence :
Adhérence partielle ou étendu des surfaces de follicules dentaires voisins pendant leur formation
2. Concrescence :
Prolifération du cément radiculaire soudant les racines de 2ou plusieurs dents voisines sous la pression d’une trop grande promiscuité
3. Dent in dente :
«Dent dans une dent », retournement du follicule en doigt de gant au moment de sa formation et aboutissant à l’inclusion d’une dent dans une autre ou l’invagination de l’épithélium de l’organe de l’émail avant la formation des tissus durs.
4. Gémination ou jumelage :
Division du bourgeon dentaire au moment de sa formation, donnant une dent réunie à un élément dentoïde accessoire surnuméraire. La racine n’est pas divisée et présente un canal pulpaire en commun.
5. Fusion :
Réunion au début de leur développement de 2 germes dentaires normaux adjacents au niveau de la dentine. La différence majeure avec la gémination est la présence fréquente de 2 racines distinctes mais coalescentes, avec des chambres pulpaires séparées.
6. Odontome:
Ebauche de forme dentaire, surnuméraire, coronaire ou coro-radiculaire, intra-osseuse ou désincluse.
7. Mesiodens:
Elément dentoïde surnuméraire (odontome), présent sur l’arcade ou inclus, entre les incisives supérieures.
8. Taurodontisme ou « dent en prisme » :
Abaissement anormal du plancher de la chambre pulpaire d’une molaire élargie mésio-distalement , avec une séparation des canaux au niveau de la portion apicale.
9. Dents d’ Hutchinson:
Des formes inusuelles des molaires et des incisives ont été décrites dans les 2 dentures suite à une syphilis prénatale, Les incisives peuvent ressembler à un tournevis( large au niveau cervical, étroites au niveau incisif) avec un bord incisif présentant des incisures.
10. Dilacération ou flexion:
c’est une torsion de la racine ou de la couronne d’une dent d’un angle de 45°à 90° ou plus , ce phénomène est très rare.
Conclusion
Les accidents d’éruption et d’évolution des dents, qu’ils concernent les dents temporaires ou les dents permanentes, sont de formes cliniques et d’étiologies diverses et variées.
Leur dépistage précoce peut permettre non seulement d’éviter certaines complications ultérieures comme les inclusions dentaires ou les malocclusions, mais peut aussi parfois être à l’origine du diagnostic d’une pathologie générale de l’enfant.
Un examen clinique et radiographique, orthopantomogramme et rétroalvéolaire, minutieux et systématique, ainsi que l’établissement de visites de contrôle biannuelles, sont autant d’éléments qui permettent un diagnostic précoce des anomalies et leur prise en charge pluridisciplinaire.
Accidents d’éruption et d’évolution des dentsAccidents d’éruption et d’évolution des dents
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EMC. Stomatologie. 22-095-A-10
. Accidents d’éruption et d’évolution des dents
Les dents de sagesse peuvent provoquer des douleurs si elles sont mal positionnées.
Les obturations en composite sont esthétiques et résistantes.
Les gencives qui saignent peuvent être un signe de gingivite.
Les traitements orthodontiques corrigent les désalignements dentaires.
Les implants dentaires offrent une solution fixe pour les dents manquantes.
Le détartrage élimine le tartre et prévient les maladies gingivales.
Une bonne hygiène dentaire commence par un brossage deux fois par jour.