LE CEMENT : Anatomie, histologie et physiologie

LE CEMENT : Anatomie, histologie et physiologie

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Introduction

On appelle le parodonte l’ensemble des tissus minéralisés ou non qui assure la fixation et l’ancrage de la dent dans les maxillaires. Il comprend la gencive, l’os alvéolaire, le desmodonte et le cément qui tapisse la racine dentaire et qui, à première vue, semble faire partie intégrante de la dent mais pour des raisons embryologiques (cellules conjonctives du follicule dentaire) et d’ordre physiopathologique, il est inclus dans l’appareil de soutien de la dent.

Définition

Le cément représente le tissu parodontal minéralisé d’épaisseur variable recouvrant les racines anatomiques des dents. Il débute au niveau de la portion cervicale de la dent, à la jonction corono-radiculaire, et se prolonge jusqu’à l’apex. Il pénètre parfois légèrement dans le canal radiculaire, recouvrant la face pulpaire de la dentine au niveau apical. Il constitue l’un des moyens d’ancrage des fibres desmodontales, et on peut le définir comme un tissu conjonctif dur, d’origine ectomésenchymateuse, spécialisé, dépourvu toutefois de vascularisation et d’innervation.

Topographie

Il tapisse toute la racine dentaire.

Épaisseur

Elle est variable selon :

  • Région radiculaire : Son épaisseur est maximale à l’apex (150 à 250 µm), il s’amincit dans la région du collet (20 à 50 µm) où il se termine en biseau (Schroeder, 1986).
  • Âge : Ces valeurs peuvent tripler au cours du vieillissement.

Rapport Émail / Cément

On décrit classiquement trois types de disposition anatomique à la jonction émail / cément (JEC) :

  • Sur 30 % des dents examinées, le cément est en bout à bout avec l’émail.
  • Sur 60 % des dents examinées, le cément recouvre l’émail sur une courte distance ; ce profil trouve son origine dans la dégénérescence de l’épithélium adamantin à son extrémité cervicale, ce qui favorise le contact entre le mésenchyme folliculaire et la surface de l’émail.
  • Les 10 % restants correspondent à l’absence de contact entre l’émail et le cément sur une certaine distance (par suite de la persistance du contact entre la gaine de Hertwig et la dentine). Cette conformation expliquerait certaines hyperesthésies dans la région voisine du collet anatomique.

Remarque : L’émail ne recouvre jamais le cément, puisque ce dernier ne commence à se former que lorsque la formation de l’émail est terminée.

Rapport Cément / Dentine

La jonction cément / dentine apparaît comme une ligne mince qui correspond à la couche granuleuse de Tomes, constituée par une étroite zone de petits espaces interglobulaires et une couche hyaline (de Hopewell Smith, structure amorphe hautement minéralisée de 10 µm d’épaisseur).

Caractères Physiques

Couleur

Sa couleur est d’un beige crémé ou jaunâtre et il se distingue aisément de l’émail par son absence de brillance et son aspect plus opaque.

Dureté

Le cément est le troisième tissu calcifié après l’émail et la dentine. Il est le moins résistant à l’abrasion (son abrasion est 35 fois plus grande que celle de l’émail et 25 fois plus grande que celle de la dentine).

Absorption

Aux rayons X, elle est 2 à 6 fois plus faible que celle de la dentine.

Densité

Elle est plus faible que celle de l’émail et de la dentine, elle varie entre 2,01 et 2,05.

Perméabilité

Le cément est perméable, elle diminue avec l’âge.

Composition du Cément

Le cément mature est le moins minéralisé des trois tissus durs de la dent. Il est constitué d’une matrice extra-cellulaire et des cellules.

Matrice Extra-Cellulaire

Les composés minéraux représentent environ 65 % du poids humide, les substances organiques environ 23 % et 12 % d’eau.

Fraction Organique

Essentiellement composée de collagène type I (90 % du total des protéines de la matrice cémentaire). La fraction collagénique est constituée de deux types de fibres :

  • Fibres intrinsèques : synthétisées et secrétées par les cémentoblastes.
  • Fibres extrinsèques : fabriquées par les fibroblastes du desmodonte et traversent le cément perpendiculairement en grand axe de la racine sous forme de fibres de Sharpey.

La fraction non-collagénique est constituée de quatre groupes : glycoprotéines, protéoglycanes, SIBLING et protéines Gla. On trouve aussi des lipides et des facteurs de croissance (TGF-β, BMP-2, PDGF).

Fraction Minérale

Les matières minérales sont essentiellement des phosphates calciques, de type hydroxyapatite. Il a le même taux de minéralisation que l’os.

Cellules

Cémentoblastes

Les cémentoblastes sont responsables de la synthèse et de la sécrétion des constituants intrinsèques de la matrice. Ils produisent le collagène de type I et toutes les autres molécules organiques. Ils ont une forme ovale et longent la surface cémentaire comme les ostéoblastes dans l’os. Leur cytoplasme est riche en réticulum endoplasmique, appareil de Golgi et vésicules sécrétoires typiques de cellules à fort pouvoir de sécrétion.

Cémentocytes

Les cémentocytes proviennent de cémentoblastes qui ont été emprisonnés dans la matrice calcifiée du cément à l’intérieur des lacunes (cémentoplastes). Ils possèdent de nombreux prolongements cellulaires orientés vers le desmodonte.

Cémentoclastes

Les cémentoclastes sont des cellules géantes, multinuclées pourvues d’une bordure cytoplasmique en brosse et de nombreux lysosomes à activité phosphatases acides élevée et qui, comme les ostéoclastes, possèdent la capacité de détruire et résorber les matrices minéralisées. Ils créent dans le cément des lacunes isolées ou confluentes.

Structure Histologique du Cément

Classiquement, on distingue deux types de cément :

  • Le cément acellulaire primaire : Fournit l’attache dentaire du ligament.
  • Le cément cellulaire secondaire : Sujet à des remodelages permanents (édification et destruction), s’adapte aux mouvements dentaires physiologiques.

En fait, une classification plus récente tient compte de l’origine des fibres de collagène de la matrice.

Cément Primaire Acellulaire

Cément Acellulaire à Fibres Intrinsèques (CAFI)

Ce cément initial est sécrété par les cémentoblastes qui synthétisent la substance fondamentale et les fibres collagènes. Il se dépose à partir du collet jusqu’au tiers supérieur de la racine avant que le ligament alvéolo-dentaire se différencie. C’est seulement après dépôt d’une couche de 15 à 20 µm de ce cément que s’établissent les connexions entre fibres du ligament alvéolo-dentaire et frange fibreuse du cément.

Schéma de la structure du cément acellulaire :

  1. Dentine
  2. Couche granuleuse de Tomes
  3. Cément acellulaire
  4. Cémentoblastes
  5. Fibres intrinsèques
  6. Tissu cémentoïde
  7. Fibres extrinsèques

Cément Acellulaire à Fibres Extrinsèques (CAFE)

Après formation des faisceaux du ligament et connexion avec la frange fibreuse du cément initial, se forme le cément à fibres extrinsèques. Il s’étend du collet de la dent jusqu’aux deux tiers coronaux de la racine. Il est souvent le seul cément au niveau des dents à racine unique et s’étend alors jusqu’au foramen apical. Son épaisseur s’accroît du collet (50 µm) à l’apex (200 µm).

  • En microscopie optique : Il apparaît amorphe avec deux types de striations peu marquées : l’une consiste en lignes parallèles à la surface radiculaire qui représentent les dépôts cémentaires successifs, l’autre, perpendiculaire à la surface radiculaire, suit le trajet des fibres collagènes minéralisées du ligament (fibres de Sharpey). Ces fibres sont insérées dans la matrice et irrégulièrement minéralisées (minéralisation de la périphérie des fibres).
  • En microscopie électronique à transmission : Les radiographies à rayons mous montrent que la couche la plus interne du cément acellulaire est moins minéralisée que les couches externes. Ces dernières se caractérisent par l’alternance de bandes plus ou moins minéralisées parallèles à la surface de la dent.

Cément Secondaire Cellulaire

Cément Cellulaire à Fibres Intrinsèques (CCFI)

Il diffère du cément primaire par plusieurs caractères :

Sa sécrétion commence bien avant l’organisation du ligament alvéolo-dentaire, sous forme d’une matrice et de fibres collagènes. La minéralisation de cette matrice n’est pas instantanée : comme dans le tissu osseux et la dentine, il existe une substance intermédiaire non minéralisée, dite cémentoïde (équivalent de l’ostéoïde et de la prédentine). Il a une épaisseur assez importante (200 à 250 µm) qui va en augmentant en direction apicale. Il est localisé au tiers apical de la racine et dans les régions inter-radiculaires. Il est caractérisé par la présence de cémentoblastes incorporés dans la matrice. Les cellules présentent un phénotype proche de celui des ostéoblastes du tissu osseux, mais différent de celui des cémentoblastes producteurs du cément acellulaire.

Cément Cellulaire à Fibres Mixtes

Après organisation du ligament parodontal, ses fibres s’incorporent dans la sécrétion continue de cément. La matrice est produite par les cémentoblastes et fibroblastes, d’où leur dénomination de fibres mixtes intrinsèques/extrinsèques.

  • En microscopie électronique : Ce tissu est creusé de cavités englobant des cémentocytes à prolongements cytoplasmiques nombreux. Les fibres intrinsèques, fines, entièrement minéralisées, sont groupées en faisceaux denses parallèles à la surface. Les fibres extrinsèques plus grosses sont perpendiculaires à la racine et présentent souvent un centre non minéralisé. On y voit alterner des couches de cément acellulaire à fibres extrinsèques et des couches de cément cellulaire à fibres intrinsèques.

Autres Variétés de Cément

Cément Intermédiaire

Cette bande de tissu minéralisé, étroite, formée de larges espaces anastomosés irrégulièrement, s’observe entre la dentine et le cément ; elle pourrait résulter de la désintégration trop précoce de la gaine d’Hertwig ou de l’emprisonnement d’odontoblastes abandonnés par la dentinogénèse. Elle se localise généralement au tiers apical des prémolaires et molaires.

Cément Acellulaire Afibrillaire (CAA)

C’est un cément particulier qui se dépose sur l’émail sous forme d’éperons ou de plaques. On l’observe parfois au niveau de la zone cervicale de la racine des dents ainsi que dans les sillons de la face coronaire des dents incluses ; il peut contenir des lacunes et des canalicules ; les cristallites sont petites, discoïdes ; la matrice est granulaire, dépourvue de fibrilles collagènes. Il est vraisemblablement produit par les cellules du conjonctif péri-dentaire après élimination de l’épithélium adamantin réduit mettant en contact fibroblastes du follicule et émail, et induisant la métamorphose des fibroblastes en cémentoblastes.

Cément Stratifié, Mixte (CSM)

Il serait la conséquence d’une adaptation aux mouvements dentaires. On y voit alterner des couches de cément acellulaire à fibres extrinsèques et des couches de cément cellulaire à fibres intrinsèques.

Vascularisation et Innervation

Le cément n’est ni innervé ni vascularisé, il n’existe pas un système lymphatique. À ce niveau, il est nourri par diffusion à partir du conjonctif desmodontal.

Physiologie du Cément

Fonction de Fixation (Ancrage)

De la dent à l’os alvéolaire par l’intermédiaire des fibres desmodontales. Le dépôt de cément augmente durant toute la vie, il permet la fixation des fibres de Sharpey. Le nombre et le diamètre, la répartition des fibres dans le cément sont toujours liées aux stimulations fonctionnelles de la dent.

Fonction d’Apposition

Le dépôt de cément se fait durant toute la vie, il augmente avec l’âge. La quantité du cément est plus importante au niveau apical et diminue au fur et à mesure que l’on se rapproche de la région cervicale. Cette hypercémentose est liée à l’âge mais aussi à un mécanisme compensatoire de l’éruption passive mésiale et de l’attrition dentaire. Cette apposition permet le maintien de la largeur physiologique de l’espace desmodontal et de la longueur suffisante radiculaire pour conserver la fonction occlusale et préserver le rapport couronne/racine lors de l’éruption dentaire.

Fonction de Résorption

Le cément se différencie de l’os par la rareté de sa résorption soit sous forme de plages ou de petites lacunes. Il ne subit pas de remodelage et s’accroît en épaisseur tout au cours de la vie. Elle intervient à titre physiologique dans l’exfoliation des dents temporaires après résorption parallèle de la dentine radiculaire. Dans le parodonte des dents permanentes, les cémentoclastes peuvent résorber le cément dans des conditions pathologiques diverses : surcharge occlusale, lésions apicales, parodontopathies, tumeurs osseuses de voisinage entraînant une rhizalyse, etc.

Fonction de Réparation

C’est le cément cellulaire qui comble les résorptions et les pertes de substance dentinaire ou les fractures radiculaires. À la fin du comblement, on assiste à l’inclusion des fibres de Sharpey donc un ancrage ligamentaire se forme.

Fonction de Perméabilité

Cette perméabilité est prouvée à l’aide des colorants passant à la surface du cément vers la dentine et de la pulpe vers le cément (dents jeunes). En microscopie à balayage, le cément présente des canaux accessoires s’ouvrant sur la racine (surtout sur son tiers apical). Le cément borde ces canaux et également le ou les foramina apicaux. Cette perméabilité diminue avec l’âge.

Fonction de Protection

Le cément assure la protection de la dentine. Dans le cas d’absence de coalescence cément-émail, la dentine est très vulnérable. Les atteintes dentinaires sont très fréquentes (hyperesthésie du collet).

Conclusion

Le cément est un tissu minéralisé, ni vascularisé ni innervé. C’est un tissu qui ne subit aucun remodelage ni résorption physiologique mais, il est caractérisé par une croissance continue en épaisseur, par dépôt de couches successives tout au long de la vie de la dent, qu’elle soit pulpée ou pas. Le cément, au même titre que l’os alvéolaire, présente un intérêt majeur, en particulier, sur le plan thérapeutique. La fixation de nouvelles fibres de collagène n’est possible que par la formation d’une nouvelle couche cémentaire qui assure une cicatrisation desmodontale complète. En effet, il a été prouvé que le cément, même recouvert de tartre, conserve une capacité d’adhérence et que celle-ci est la base de la régénération tissulaire guidée (RTG) du parodonte.

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LE CEMENT : Anatomie, histologie et physiologie

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