Les maladies professionnelles du médecin dentiste

Les maladies professionnelles du médecin dentiste

Les maladies professionnelles du médecin dentiste

Introduction

Les chirurgiens-dentistes sont sujets à différents risques professionnels dont les allergies et irritations de la peau, les affections physiques et sensoriels, les infections des voies respiratoires dues principalement aux contacts répétés. Les contacts avec les produits chimiques dangereux sont également possibles au cours des opérations d’asepsie, de désinfection et de nettoyage. Le praticien dentiste est donc menacé dans son exercice au quotidien.

Définition

Une maladie est dite professionnelle si elle est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un risque physique, chimique ou biologique, ou lorsqu’elle résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.

Parmi les maladies professionnelles reconnues, celles qui concernent le plus souvent le chirurgien-dentiste sont réparties en quatre catégories de risques : physiques, infectieux, chimiques et psychiques.

1. Les troubles musculo-squelettiques

Les troubles musculo-squelettiques regroupent un ensemble d’affections de l’appareil locomoteur le plus souvent liés aux contraintes posturales. Ils se traduisent principalement par des douleurs et une gêne fonctionnelle et sont responsables de 87 % des maladies professionnelles. Ils surviennent le plus souvent au niveau du dos et des membres supérieurs. Ils sont notamment dus à des postures prolongées inadaptées ou à des mouvements répétitifs, mais également à des contraintes d’utilisation d’outils. Ils sont renforcés par des facteurs psychosociaux (conflits, problèmes d’organisation ou d’environnement) ou individuels (pathologie préexistante, âge, surpoids, sédentarité…).

1.1. Le syndrome du canal carpien

Le syndrome du canal carpien est dû à la compression du nerf médian au poignet et se traduit par des engourdissements, des fourmillements, des douleurs, et une diminution de la force musculaire au niveau de la main et du poignet. Chez le chirurgien-dentiste, ce syndrome est favorisé par la conjugaison d’extensions, de flexions, de mouvements des membres supérieurs, notamment l’utilisation de la pince pouce-index ainsi qu’une contrainte du poignet dans la tenue des instruments. Ce syndrome peut considérablement gêner le chirurgien-dentiste, notamment lors de gestes de serrage ou de torsion.

1.2. Lombalgie, cervicalgie, dorsalgie

Une recherche mondiale démontre que 70 % des chirurgiens-dentistes souffrent de mal de dos, à un moment de leur carrière, qui leur imposerait un arrêt de travail et parfois une retraite anticipée. Le « mal de dos » qui peut concerner le rachis cervical, dorsal ou lombaire est une conséquence directe de la posture de travail du chirurgien-dentiste. 58 % des lombalgies sont observées chez les chirurgiens-dentistes, constituant la première pathologie recensée dans la profession. En deuxième et troisième places, suivent les dorsalgies, dans 22 % des cas, puis les cervicalgies, dans 20 % des cas.

La lombalgie, douleur intense au niveau des vertèbres lombaires, peut se déclencher à cause d’un « faux mouvement » ou d’une mauvaise posture. Comme pour la lombalgie, la cervicalgie est provoquée par de mauvaises postures, un faux mouvement mais aussi de l’arthrose, et se traduit par des douleurs vives au niveau du cou. Parmi les cervicalgies, figure notamment le torticolis.

2. Les troubles sensoriels

2.1. Les troubles visuels

L’œil est le premier outil de travail du chirurgien-dentiste. Son activité nécessite une grande acuité visuelle, or l’attention prolongée, les efforts d’accommodation, les éblouissements sont sources de fatigue oculaire. Les yeux du praticien peuvent aussi être touchés par des accidents traumatiques ou des infections en liaison avec la pratique dentaire.

La fatigue visuelle peut entraîner de simples rougeurs, picotements des yeux, ou des troubles de la vue plus étendus et des maux de tête. Cette fatigue visuelle trouve sa source plus particulièrement dans la lumière artificielle de la salle de soin entraînant invariablement une fatigue oculaire et nerveuse.

Des accidents, notamment de projectiles envoyés par les instruments rotatifs (turbine par exemple), peuvent se produire et provoquer des traumatismes et lésions. Une lésion est bénigne lorsqu’elle touche simplement la surface du globe oculaire, mais grave lorsque la cornée est atteinte. Si le corps étranger reste dans l’œil, l’ophtalmologiste devra intervenir pour le retirer.

Une projection peut aussi être un facteur d’infection (conjonctivite, hépatite…), de brûlure chimique (produits acides, toxiques…) ou facteur traumatique (lésions). Des infections oculaires virales ou bactériennes peuvent se développer par transmission à partir de patients contaminés. La contamination intervient lors de projections de sang ou salive et parfois par contact. Le plus souvent, ces infections oculaires se manifestent par des conjonctivites et des kératites, mais le risque d’infections plus graves, hépatites ou sida, n’est pas à exclure.

Remarque

  • La conjonctivite est une inflammation de la conjonctive de l’œil d’origine virale, bactérienne, allergique ou irritative.
  • La kératite est une inflammation de la cornée qui se traduit par une baisse de la vision, une gêne à la lumière, des douleurs intenses.

2.2. Les troubles auditifs

Nombreux auteurs, dont Lopes et al., s’accordent à dire que l’audition des chirurgiens-dentistes est menacée dans leur exercice professionnel par de multiples facteurs, en particulier le bruit lié aux instruments de travail. Selon les instruments utilisés, aspiration, turbine, compresseur, contre-angle, pièce à main, détartreur, ultrasons…, le niveau sonore en cabinet dentaire est très élevé, ce qui constitue donc un facteur de pénibilité. Ces agressions sonores constituent un environnement phonique omniprésent qui contribue à une fatigue ou une affection auditive source d’irritabilité, de maux de tête, de stress, etc. Ces nuisances constituent un traumatisme sonore.

3. Les affections psychiques

Un mauvais environnement de travail et des conditions d’exercice dégradées peuvent entraîner fatigue, stress et mener une altération de la qualité et de la sécurité des soins.

3.1. Le stress

« Le stress au travail correspond au déséquilibre ressenti entre l’objectif professionnel à atteindre et les ressources pour y répondre ». En 2011, l’OMS place la profession de chirurgien-dentiste parmi les plus sujettes au stress. En effet, outre son propre stress lié par exemple à la pratique d’un acte chirurgical de précision ou encore à la gestion de son activité libérale, le praticien doit également gérer le stress des membres de son équipe et surtout de ses patients.

Selon une étude japonaise, « Les chirurgiens-dentistes qui souffrent dans leur métier (émotionnellement) commettent plus d’erreurs que les autres ». Au stress correspondent des symptômes émotionnels (nervosité, angoisse, tristesse…), des symptômes intellectuels (trouble de la concentration, oublis…) ainsi que des symptômes physiques (maux de tête, troubles du sommeil…). À terme, le stress chronique peut avoir des répercussions graves sur la santé.

3.2. Le burn-out

Le burn-out désigne l’épuisement professionnel résultant d’un stress chronique au travail. Selon l’OMS, trois dimensions le caractérisent :

  • Un sentiment de manque d’énergie ou d’épuisement ;
  • Un retrait vis-à-vis du travail ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés au travail ;
  • Une perte d’efficacité professionnelle.

Le burn-out est associé aux troubles dépressifs ainsi qu’aux troubles anxieux, avec conjointement des troubles du sommeil. Des maladies cardiovasculaires ou de troubles musculo-squelettiques en sont souvent les conséquences.

4. Les risques infectieux

Une infection fait suite à la pénétration et à la multiplication d’un microorganisme (bactérie, virus, champignon ou parasite) pathogène dans le corps. Lors des soins dentaires, des agents infectieux peuvent être transmis par :

  • Contact direct avec du sang, de la salive, du pus, des sécrétions respiratoires ;
  • Contact indirect par l’intermédiaire des mains souillées du chirurgien-dentiste ou de l’assistante, des instruments, du matériel ou des surfaces contaminées ;
  • Voie aérienne, directement par voie interhumaine ou par l’intermédiaire d’aérosols générés par les soins : sang, liquides biologiques, eau du réseau…

4.1. Infections respiratoires

Les infections respiratoires incluent les maladies virales comme la grippe, le coronavirus, et la tuberculose, ainsi que les kérato-conjonctivites virales (contamination oculaire) et les accidents d’exposition au sang (HIV, hépatites B et C).

4.1.1. Tuberculose pulmonaire

Les mycobactéries responsables sont les bacilles de Koch et la contagiosité disparaît en 2 à 4 semaines à condition d’associer les antituberculeux et les prescrire pendant au moins 9 mois. Pour le chirurgien-dentiste, la meilleure prophylaxie est vaccinale. Il est recommandé aux praticiens de contrôler leur état d’immunité antituberculeuse.

4.1.2. La grippe

C’est une infection respiratoire aiguë, survenant brutalement et se diffusant rapidement dans la population. Causée par des virus respiratoires, de la famille des orthomyxoviridae, qui s’attaquent surtout aux voies respiratoires supérieures (nez, gorge, bronches), rarement aux poumons. Les virus grippaux pathogènes pour l’homme appartiennent à deux groupes, A et B ; ils pénètrent dans l’organisme par voie respiratoire, au niveau du rhino-pharynx. Ces virus se transmettent facilement d’une personne à l’autre par voie aérienne, au moyen des microgouttelettes et des particules excrétées par les patients infectés lorsqu’ils parlent, toussent ou éternuent.

4.1.3. Le coronavirus

La maladie à coronavirus (COVID-19) est une maladie infectieuse due au virus SARS-CoV-2. Le virus peut se propager lorsque de petites particules liquides sont expulsées par la bouche ou par le nez quand une personne infectée tousse, éternue, parle ou respire. Ces particules sont de différentes tailles, allant de grosses gouttelettes respiratoires à des aérosols plus petits. Ainsi, outre le respect du port du masque, de la désinfection des mains au gel hydroalcoolique, des équipements de protection portés par le chirurgien-dentiste et l’assistant dentaire (surblouse, masque, visière…), les centres dentaires doivent assurer une désinfection complète entre deux patients, un renouvellement et une purification de l’air en permanence.

4.2. L’accident d’exposition au sang

Le chirurgien-dentiste peut être confronté à un accident d’exposition au sang, qui est défini comme tout contact avec du sang ou un liquide biologique contenant du sang et comportant soit une effraction cutanée (piqûre, coupure) soit une projection sur une muqueuse (œil) ou une peau lésée. Sont assimilés à des AES les accidents survenus dans les mêmes circonstances avec d’autres liquides biologiques (tels que liquide céphalorachidien, liquide pleural, sécrétions génitales, etc.) considérés comme potentiellement contaminants, même s’ils ne sont pas visiblement souillés de sang.

4.2.1. Hépatites virales

Les hépatites virales peuvent être provoquées par le virus de l’hépatite A (HAV), de l’hépatite B (HBV), de l’hépatite C (HCV). Tous ces virus peuvent donner les mêmes symptômes cliniques, mais les hépatites dues au HAV ont une évolution favorable. Ce virus étant transmissible par voie oro-fécale, il ne fait pas partie des risques professionnels.

Hépatite B

Les modes de transmission principaux sont :

  • La transmission percutanée (l’exposition accidentelle professionnelle au sang, les transfusions sanguines ou des dérivés sanguins, toxicomanie intraveineuse) ;
  • La transmission sexuelle ;
  • La transmission verticale de la mère à l’enfant.
Hépatite C

Les trois modes de transmission sont :

  • Patients contaminés par transfusion sanguine ;
  • Les patients toxicomanes contaminés par échange de matériel souillé ;
  • Transmission sexuelle, familiale ou materno-fœtale.

Chez le personnel soignant et au cabinet dentaire, la contamination par voie parentérale est nosocomiale (accident impliquant les instruments piquants ou tranchants). En cas de contamination accidentelle par l’HBV, les immunoglobulines spécifiques anti-HBs sont efficaces, si elles sont injectées le plus rapidement possible par voie intramusculaire. Mais le meilleur moyen de protection contre l’hépatite reste la prévention (le vaccin inactivé, qui est efficace à 94 %, après 3 injections à un mois d’intervalle, suivies d’un rappel un an après, puis tous les 5 ans).

4.2.2. SIDA : Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise

Le virus VIH-1, responsable de la majorité des cas dans le monde, et plus rarement le VIH-2, présentent des risques de contamination au cabinet dentaire. Ces risques sont faibles ou nuls, si les règles fondamentales d’hygiène sont respectées. Le VIH est présent dans le sang des malades infectés, mais aussi sécrété dans les fluides corporels comme le sperme, la salive, le lait et les larmes.

Les deux modes de transmission sont :

  • La voie sexuelle ;
  • La voie parentérale.

La première mesure préventive doit être une attitude d’hygiène générale. Pour chaque patient, il faut établir une anamnèse discrète portant sur les facteurs de risques associés au SIDA. Il faut éviter tout risque de contamination par une désinfection parfaite du matériel et des surfaces de travail. Le virus peut être inactivé par les procédés chimiques ou physiques.

5. Les risques chimiques

Les chirurgiens-dentistes utilisent des produits susceptibles d’être irritants, allergisants, voire toxiques. Ces produits se retrouvent dans les préparations utilisées (méthacrylate de méthyle, silicone, bisphénol), dans des métaux (nickel, chrome, cobalt), dans les antiseptiques et les anesthésiques tels que :

5.1. L’eugénol

Il est à l’origine d’eczéma très rebelle accompagné de prurit intense.

5.2. Le formol

Il provoque une dermatite localisée aux extrémités digitales et au niveau des espaces interdigitaux.

5.3. L’anesthésie : Procaine, Novocaïne

Peut entraîner des dermatites caractérisées par un prurit intense en particulier entre les doigts, puis des sensations de brûlures, puis un érythème. Cela peut s’étendre à l’ensemble de la main et même à l’ensemble de l’organisme.

5.4. Le mercure

Le danger réside en la présence de vapeur de mercure ou de ses composés. Inhalé, le mercure se fixe au niveau du système nerveux. Les symptômes sont :

  • Troubles du sommeil ;
  • Céphalées ;
  • Tremblement des mains avec altération de l’écriture ;
  • Une instabilité émotionnelle ;
  • Et parfois des gingivo-stomatites.

Pour prévenir tous ces problèmes, il faut travailler proprement et avec des gants pour se protéger, porter une bavette et un masque.

5.5. L’allergie au latex

Le chirurgien-dentiste qui porte des gants en latex sur une longue durée lors de son exercice professionnel est exposé à ce type d’allergie ou d’hypersensibilité au latex. Le latex est « l’allergène le plus fréquemment cité dans la littérature et les réactions allergiques ont une prévalence variant entre 2,8 % à 16,9 % chez les professionnels de santé ». Les protéines contenues dans le latex naturel peuvent déclencher des réactions allergiques, mais il faut aussi prendre en compte d’une part les différents additifs entrant dans la fabrication du caoutchouc (accélérateurs de vulcanisation, conservateurs et antioxydants) et d’autre part les agents glissants (talc et poudre d’amidon, de maïs ou de blé pour les gants).

Les mécanismes allergiques liés au latex peuvent donner lieu à de nombreuses affections :

  • Urticaire de contact ;
  • Rhinite, asthme, conjonctivite aiguë ;
  • Œdème de Quincke ;
  • Lésions eczématiformes.

6. Les risques radiologiques

Les rayons X, ultraviolets et lasers utilisés dans les cabinets dentaires peuvent créer des dommages importants à long terme. Parmi les nombreuses affections liées aux rayonnements électromagnétiques figurent notamment :

  • Des affections de l’œil : conjonctivite, kératite, cataracte ;
  • Des affections cutanées : radiodermites aiguës ou chroniques.

Malgré les doses négligeables du rayonnement utilisé en chirurgie dentaire, l’usage du tablier plombé de protection est souhaitable.

Conclusion

L’éradication totale des maladies d’ordre professionnel est utopique, cependant, le praticien doit veiller par lui-même à préserver au maximum son organisme en adoptant les attitudes et les protections idoines.

Les maladies professionnelles du médecin dentiste

  La prévention carieuse repose sur une éducation efficace du patient et un suivi régulier.
Une anamnèse détaillée permet d’éviter de nombreux pièges diagnostiques en pratique quotidienne.
La gestion du stress pré-opératoire améliore significativement l’expérience du patient.
Les matériaux biocompatibles modernes offrent des alternatives intéressantes aux restaurations traditionnelles.
Une bonne ergonomie de travail protège le praticien des troubles musculo-squelettiques.
L’implantologie requiert une planification rigoureuse et une maîtrise de l’ostéintégration.
L’approche multidisciplinaire devient incontournable pour les cas complexes de réhabilitation orale.
 

Les maladies professionnelles du médecin dentiste

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