Les prothèses piézographiques

Les prothèses piézographiques

Les prothèses piézographiques

Introduction :

Les techniques conventionnelles de réalisation des prothèses totales permettent dans la plupart du temps de concevoir des prothèses stables en repos et en fonction.

Cependant, devant le grand nombre d’échecs rencontrés pour la restauration des crêtes plates ou négatives (CL V et VI selon Cawood et Howell), il semble que les techniques classiques pour la réussite de la construction d’une prothèse soient insuffisantes.

Afin de pallier cette difficulté, le recours à une technique physiologique basée sur la fonction s’avère nécessaire ; dans ces cas-là, la prothèse dite piézographique trouve tout son intérêt.

  1. Définitions :
    1. L’espace prothétique : C’est un champ d’espace situé entre la langue d’une part et la sangle buccinato-labiale d’autre part, où les forces développées par ces organes sont inférieures aux forces de rétention des prothèses qui y sont placées.

Selon Pr.DEVIN :« c’est le volume dans lequel on doit inscrire la prothèse pour lui assurer une stabilité maximale ».

  1. La piézographie : Le mot piézographie est un néologisme formé de deux mots grecs :

Pizein : Presser et Graphein : Sculpter.

Donc la piézographie est le résultat d’un modelage d’un matériau plastique, dit piézologique, par la dynamique des organes limitants l’espace prothétique.

Selon Pr. NABID: « la piézographie est la reproduction en trois dimensions de l’espace prothétique mandibulaire de l’édenté total ».

  1. Buts :

Ce modelage par pression nous permet la détermination du volume de l’espace prothétique utilisable, et par conséquent le modelé des prothèses de façon à ce que celles-ci soient le moins sollicitées par les organes paraprothétiques, afin d’obtenir des prothèses stables adaptées à la dynamique neuro-musculaire propre à chaque individu.

Il entraîne une augmentation de la rétention prothétique : l’enregistrement des surfaces polies stabilisatrices augmente la surface de contact entre la muqueuse buccale et l’extrados prothétique, optimisant ainsi les phénomènes physiques d’adhésion.

La prothèse piézographique étant modelée par la fonction, on assiste à une optimisation des fonctions de mastication, phonation et déglutition et donc à une meilleure intégration psychologique de la prothèse.

  1. La piézographie prothétique :
    1. Indications :
  • Les reliefs de crêtes mandibulaire de niveau V ou VI (Cawood et Howell).
  • La langue volumineuse (l’édenté non appareillé de longue date).
  • La langue puissante.
  • Edentation partielle de classe I, II mandibulaire et IV, mandibulaire ou maxillaire de kennedy.
  • La stabilisation de la prothèse adjointe totale supérieure (semi-piézographie).
  • La prothèse adjointe totale stabilisée par implants (concept implanto-piézologique).
  • Edentation totale chez les patients atteints de paralysie faciale, la maladie de parkinson.
  1. Différentes techniques d’enregistrement :
  2. Enregistrement par phonation : Pr.KLEIN et Pr.NABID ont choisi la phonation pour modeler le volume de l’espace prothétique, pour les raisons suivantes :
  • C’est la fonction buccale la plus génératrice de forces horizontale déséquilibrantes car elle s’effectue sans contact inter occlusaux.
  • Elle fait mouvoir la langue avec une capacité extrême.
  • C’est la fonction buccale la moins affectée par la perte des dents.
  • La phonation s’exerce arcades non serrées ce qui évite l’écrasement de l’espace prothétique.
  1. Enregistrement par déglutition : Elle a été choisie comme fonction modelante par Pr.HEATH

pour les arguments suivants :

  • Le matériau utilisé est facile à manipuler.
  • La déglutition stabilise la maquette inférieure.
  • La phonation ne peut être utilisée chez les sourds-muets et les malades mentaux et chez tout malade ne pouvant reproduire correctement les phonèmes.
  1. Matériaux utilisés :

Les matériaux utilisés pour l’enregistrement piézographique doivent avoir une plasticité suffisante pendant un temps suffisamment long pour permettre aux muscles de déformer le matériau.

Les principaux matériaux utilisés sont :

  • Les résines à prise retardée : Exp le Fitt de Kerr, réservées à la technique piézographique par phonation (Risque que le patient avale le matériau fluide en cas de déglutition).
  • Les silicones à haute viscosité : Exp Xantopren fonction de Bayer, utilisé pour le modelage piézographique par déglutition.
  1. Technique de réalisation d’une prothèse piézographique mandibulaire : a- Technique par phonation :
  2. Phonèmes utilisés :
  • Pour les régions buccinatrices et linguale latérales : Ce sera« SIS » 5 fois et « SO » une fois.
    • Le« SIS »a une action centrifuge de la langue où les bords latéraux s’étalent au maximum.
    • Le« SO »a une action centripète du buccinateur, le modiolus et l’orbiculaire des lèvres. Pour la langue arabe les phonèmes choisis par Pr.NABID sont « SIR »5 fois et « SOU »une fois.
  • Pour la région antérieure :
    • « TE » et « DE » qui ont une action centrifuge de la langue.
    • « DA » et « THA » enarab qui poussent la langue vers l’avant.
    • « PE » et « ME » qui ont une action centripète des lèvres.
  1. Technique proprement dite :
  2. L’empreinte préliminaire est prise sans porte empreinte : un fil métallique est ajusté à la forme et la dimension de l’arcade, ensuite il est recouvert d’un boudin de thiocol de haute viscosité, le patient parle pendant la prise du matériau, ensuite cette pré-empreinte est rebasée avec un élastomère léger, puis coffrée et coulée.

Ajustage du fil métallique Le fil enrobé d’un thiokol dense Empreinte finale après rebasage

  1. Le modèle ainsi obtenu va servir à la création d’une base rigide en résine auto-polymérisante (PEI) qui servira de support pour le matériau d’enregistrement piézographique.
  1. Afin que le matériau piézographique tienne sur la base, il est nécessaire de munir celle-ci d’artifices de rétention qui ne doivent interférer ni avec la langue, ni avec les joues ou les lèvres.
  1. Ajustage de la base : celle-ci doit être stable lors des différents mouvements de la lèvre, de la langue et des joues, elle doit avoir les extensions nécessaires au niveau des poches de Fish, joint sublingual et niches rétromolaires.
  1. Préparation de la résine retard selon les indications du fabricant, puis elle est introduite dans une seringue pour être injectée.
  2. Enregistrement proprement dit : il se fait en 4 temps :
  • Premier modelage buccinateur: la base rigide est introduite en bouche, le matériau est injecté sur la base d’un seul côté (gauche ou droit), le patient est prié de prononcer 5 fois SIS ou SIR et une fois SO et répéter jusqu’à prise du matériau.
  • Deuxième modelage buccinateur controlatéral : conduit de la même manière que le premier, l’excès du matériau qui fuse vers les commissures est éliminé.
  • Troisième modelage buccinateur: Le premier modelage buccinateur étant éliminé car il est réalisé sans aucun appui des organes périphérique, un nouveau modelage buccinateur est conduit à ce niveau de manière identique aux deux précédents.
  • Modelage antérieur : Le matériau est injecté sur la base antérieurement et le patient est prié de prononcer les phonèmes DE, TE, THA, DA, ME et PE.
  1. Transformation de l’enregistrement piézographique en une base rigide : La piézographie clinique est alors collée sur le modèle issu de la pré-empreinte, elle est mise en moufle et le bourrage s’effectue avec une résine thermo-durcissante.

Empreinte piézographique Duplicata de l’empreinte (En résine plastique) (En résine thermo-durcissante)

  1. Détermination du plan d’occlusion : en piézographie, le plan de référence est linguo- mandibulaire et non maxillaire (plan de camper) :
  • Postérieurement, il se situe à la ligne de jonction entre la muqueuse papillée et la zone dépapillée de la langue au repos et vestibulairement, il coïncide avec le sillon imprimé par les fibres horizontales du buccinateur.
  • Antérieurement, ce plan est parallèle au bord libre de la lèvre inférieure et répond aux normes esthétiques et phonétiques classiques.

Les éventuelles corrections seront apportées à l’aide d’une meulette pour amener le plan à ce niveau.

  1. L’empreinte secondaire : la maquette en résine est rebasée avec un silicone fluide, elle est coffrée puis coulée au plâtre dur.
  1. Réalisation des clés : avant de démouler l’empreinte secondaire de son modèle, des clés vestibulaires et linguales sont réalisées avec un silicone dense, elles permettent de délimiter l’espace prothétique.
  1. Réalisation du duplicata de la piézographie en cire : les deux clés vestibulaires et linguales sont détachées de la piézographie, la maquette ayant servi pour l’empreinte secondaire est retirée du modèle, les clés sont remises en place sur le modèle puis de la cire est coulée dans l’espace prothétique réalisant ainsi le duplicata en cire de l’enregistrement piézographique. Il servira à l’enregistrement de l’occlusion.
  1. Transfert du modèle supérieur et de la relation intermaxillaire sur un articulateur semi-adaptable après avoir déterminer la DVR et DVO.

Contrairement à la première étape ou l’enregistrement

Remarque : Il est important de noter qu’en aucun cas la maquette mandibulaire dont le plan a été déjà réglé, ne doit être touchée, par contre la DVO est approchée par meulage du plan d’occlusion de la maquette supérieure jusqu’à l’obtention d’une DVO correcte.

  1. Montage des dents : les dents inférieures doivent être montées à l’intérieur de l’espace prothétique, clés en place afin de régler une à une les dents dans le sens vestibulo-lingual, parfois il faut meuler les faces vestibulaires et/ou linguales des molaires.
  2. Les autres séquences seront conduites de la même façon que pour la prothèse conventionnelle jusqu’à la livraison.
  1. Technique par déglutition : (HEATH)
    • Après vérification de la stabilité de la base inférieure munie de butées de rétention, le silicone à haute viscosité est déposé par-dessus, sous forme d’un bourrelet.
  • Le tout est introduit dans la cavité buccale qui reçoit toutes les 20 secondes, pendant au moins 8 minutes, et à l’aide d’une seringue stérile graduée, une dose de 3 millilitres d’eau déglutie par le patient jusqu’à durcissement complet du matériau.
  • Les excès verticaux sont supprimés et le plan d’occlusion prothétique est déterminé comme pour la technique par phonation.
  1. La semi-piézographie maxillaire :

Le modelage de la maquette supérieure se fait en deux temps :

  1. La partie postérieure de l’espace prothétique « en arrière des commissures », cette partie représente l’extension de l’empreinte piézographique mandibulaire au maxillaire.
  • Des butées latérales en résine auto polymérisable sont placées à l’état plastique sur les parties latérales d’une plaque palatine rigide et stable.
  • Ces butées sont ensuite chargées de résine à prise retardée modelée par les doigts en forme d’un bourrelet.
  • La maquette mandibulaire étant en bouche, le patient est invité à fermer jusqu’au contact des deux maquettes.
  • Lorsque le matériau a fait sa prise, la maquette supérieure est retirée et les excès de pâte en direction palatine, ou en avant des commissures sont éliminés.

Cet enregistrement statique n’est donc pas le modelé par les muscles environnants, puisque c’est l’empreinte piézographique mandibulaire qui se prolonge au maxillaire.

  1. La partie antérieure de l’espace prothétique « en avant des commissures »

Contrairement à la première étape ou l’enregistrement est statique, la deuxième étape, dynamique, consiste à enregistrer, à l’aide de la résine-retard, le rempart antérieur par les phonèmes TA, DA, TE, DE, MI, ME.

  1. La piézographie analytique :
  1. Définition :

La piézographie analytique tout comme la piézographie prothétique, repose sur le modelage d’un matériau plastique par les organes péri-prothétiques, mais ce modelage au lieu de s’effectuer dans un couloir vide se réalise sur la prothèse s’y trouvant déjà.

Selon Pr.NABID : « la piézographie analytique est le résultat du modelage, par l’action synergique des muscles péri-prothétiques pendant la phonation, d’un matériau plastique recouvrant toute la surface de l’extrados d’une prothèse totale adjointe inférieure préalablement stabilisée ».

  1. Indications :
    • Elle permet de vérifier si la prothèse existante s’inscrit correctement dans le couloir prothétique et s’il est possible de l’améliorer par meulage.
    • Instabilité d’une prothèse totale adjointe inférieure.
    • Instabilité d’une prothèse adjointe partielle inférieure.
    • Réflexes nauséeux dus à l’étranglement de la langue.
    • Après pose d’implants, pour contrôler et corriger les défauts de la prothèse implanto- portée.
  2. Technique de réalisation :
    • La prothèse doit être stable lors de la prononciation des phonèmes, sinon, l’utilisation d’un adhésif permet de pallier cette instabilité.
    • L’analyse se fait secteur par secteur, sans la prothèse maxillaire.
    • Le matériau utilisé est un thiocol dense, il est préparé en respectant les indications du fabricant.
    • Sur une épaisseur de 4 à 6 mm, le matériau est réparti d’une manière uniforme sur une des régions latérales buccinatrices de la prothèse (sur les faces occlusales des dents et les surfaces polies).
    • La prothèse est mise en bouche et le patient est invité à prononcer 5 fois SIS et 1 fois SO

jusqu’à la prise complète du matériau.

  • La prothèse est ôtée de la cavité buccale puis l’opération est répétée pour la région latérale opposée.
  • L’analyse se poursuit dans la zone antérieure de la prothèse selon la même méthode, mais avec les phonèmes TE, DE et THA, DA.
  • A la fin de ce dernier temps, la prothèse enrobée du thiocol est soigneusement analysée après avoir découpé le matériau au niveau du POP, deux situations peuvent se présenter :
  • Soit le matériau est uniformément réparti sur la totalité de l’extrados prothétique, cela signifie que la prothèse est bien calée et centrée à l’intérieur du couloir prothétique.
  • Soit le matériau est inégalement réparti sur l’extrados prothétique cela signifie que la prothèse est mal située dans l’espace prothétique :

– On peut obtenir une masse importante de matériau sur une zone : cela veut dire que l’épaisseur de la prothèse à ce niveau est insuffisante ou des dents qui apparaissent à travers le matériau : cela signifie qu’elles sont en dehors du couloir prothétique, il faudra donc les meuler.

  1. La piézographie en implantologie orale : « Le concept implanto-piézologique »

L’amélioration de la stabilité des prothèses adjointes totales sur des crêtes alvéolaires résiduelles est ainsi approchée à travers la conjugaison de techniques issues de deux concepts de réhabilitation orale :

Le concept piézologique et le concept implantaire qui aboutissent à la construction d’une prothèse adjointe complète supra implantaire très favorable à la rééducation fonctionnelle orale du patient.

La piézographie en implantologie est un élément essentiel de diagnostic à joindre au dossier préopératoire à côté des bilans organiques, radiologiques et psychiques, c’est-à-dire, elle permet d’aider le praticien dans le choix du type d’implant à poser en déterminant l’enveloppe des axes de forage et en le renseignant sur le volume à l’intérieur duquel se situent les parties extra-gingivales de l’implant.

De plus la piézographie analytique est utile après la pose des implants et des prothèses, pour contrôler et corriger jusqu’à un certain point, les défauts de la prothèse portée par l’implant.

Conclusion :

En présence d’un édentement total avec une crête résiduelle fortement résorbée associée à l’envahissement de l’espace prothétique par les structures périphériques anormalement développées suite à un édentement ancien non compensé, la technique piézographique trouve toute son indication; elle permet d’enregistrer l’espace prothétique délimité par les organes périphériques en faisant participer ces derniers à la stabilité prothétique au lieu d’être source d’instabilité.

Une prothèse piézographique jumelée à un système de rétention supra-implantaire constitue le traitement de choix de l’édentement complet à crête alvéolaire résorbée.

Il faut souligner que par la piézographie prothétique, le technicien en prothèse dentaire n’intervient plus d’une façon empirique pour la réalisation des surfaces polies prothétique puisqu’elles sont la réplique de l’enregistrement piézographique que lui fournit le praticien, ainsi, la prothèse une fois terminée s’adaptera à la morphologie buccale du patient.

Les prothèses piézographiques

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