L’édentement Total Unimaxillaire
Introduction
La prise en charge d’un édentement total unimaxillaire (arcade édentée face à une arcade partiellement ou totalement dentée) constitue un véritable défi pour le praticien en raison des déséquilibres qui s’installent entre l’arcade édentée et l’arcade dentée antagoniste.
Il s’agit d’une situation clinique particulièrement délicate qui nécessite une démarche thérapeutique spécifique pour aboutir aux objectifs esthétiques, fonctionnels et occlusaux.
I- Problématique de l’édentement unimaxillaire
La prothèse unimaxillaire nous pose deux problématiques majeures :
I-1 Déséquilibre tissulaire
Le déséquilibre tissulaire est spécifique à l’arcade édentée totale et se caractérise par un déséquilibre entre les propriétés proprioceptives des tissus parodontaux et les extérocepteurs muqueux. Ce déséquilibre entraîne une tendance à placer le bol alimentaire au niveau des dents naturelles, ce qui exerce des surcharges sur les tissus de soutien ostéomuqueux. Cette contrainte peut conduire à des altérations des tissus mous, notamment la formation de crêtes flottantes, principalement dans la région incisivo-canine supérieure.
I-2 Déséquilibre occlusal
Le déséquilibre occlusal observé dans l’arcade dentée antagoniste se caractérise par une altération du plan d’occlusion et des courbes occlusales, principalement due à l’absence de calage. Les dents restantes peuvent alors présenter diverses malpositions telles que des versions, des rotations, voire des égressions dentaires. Ces dernières peuvent être accompagnées ou non de modifications des structures osseuses de soutien, ce qui rend la prise en charge thérapeutique considérablement plus complexe.

Figure 1 : Égression dentaire
II- Traitement de l’édentement unimaxillaire
1- Examen Clinique
Après un examen clinique minutieux exobuccal et endobuccal, plusieurs paramètres sont pris en considération :
Pour l’arcade édentée :
Évaluer la qualité des tissus de soutien :
- Degré d’inflammation, stomatite sous-prothétique
- Adhérence de la fibromuqueuse, crête flottante
- Degré de la résorption des crêtes
- Hypertrophie osseuse, volume des tubérosités (espace prothétique, contre-dépouilles)
Pour l’arcade dentée :
- Hygiène buccodentaire
- La valeur intrinsèque des dents restantes (caries, restaurations coronaires, morphologie)
- La valeur extrinsèque (aspect des tissus parodontaux, lyse osseuse)
- Degré de malposition dentaire : perturbant le plan d’occlusion
2- Analyse des modèles sur articulateur semi-adaptable
Cette phase clinique impose que les modèles soient montés en articulateur, en relation centrée. Elle porte sur le choix de la référence occlusale, l’analyse occlusale du plan d’occlusion, l’évaluation de la dimension verticale d’occlusion et les relations inter-crêtes.
- Choix du concept occlusal : Est dicté par la prothèse la moins stable. C’est la prothèse adjointe complète qui impose la réalisation d’une occlusion bilatéralement équilibrée « balancée ». Cette occlusion permet d’augmenter au maximum la rétention et la stabilité de la prothèse amovible.
- Analyse occlusale du plan d’occlusion : Hauteur, inclinaison, symétrie et des courbes de compensation (courbe de Spee et courbe de Wilson).
- Analyse des axes inter-crêtes : Au niveau postérieur et sur la classe squelettique du patient au niveau antérieur dans le plan sagittal.
3- Traitement pré-prothétique
Prothèse transitoire et mise en condition tissulaire :
La sollicitation prolongée des structures ostéo-muqueuses des crêtes édentées par les dents antagonistes peut entraîner des inflammations muqueuses irréversibles, suivies d’une résorption osseuse réactionnelle conduisant à la formation de crêtes flottantes.
La prothèse transitoire jouera un rôle essentiel dans la restauration d’un état physiologique optimal, en favorisant une mise en condition tissulaire, esthétique, musculaire et articulaire. Elle servira de support pour un matériau adapté visant à rétablir la santé de la surface d’appui muqueuse.
En outre, la prothèse transitoire permettra de restaurer l’esthétique, la fonction et l’équilibre occlusal, en restaurant le centrage, le guidage et le calage nécessaires.
Traitement pré-prothétique chirurgical :
Dans de nombreux cas d’édentement unimaxillaire, l’anatomie de la crête édentée ne favorise pas la pose de prothèses amovibles complètes. Néanmoins, des interventions chirurgicales pré-prothétiques peuvent souvent améliorer la situation en rendant le site prothétique plus propice. On inclura le nivellement des crêtes osseuses, la résection de crête flottante.
La correction du plan d’occlusion :
a. Détermination du plan d’occlusion :
La correction du plan d’occlusion passe d’abord par l’évaluation de l’orientation du plan occlusal et des courbes frontale et sagittale, qui fait appel à plusieurs méthodes dont la méthode de la sphère de Monson. Cette méthode consiste à appliquer une calotte sur les dents naturelles de l’arcade dentée et de rechercher la présence d’éventuelles sur-occlusions, sous-occlusions et infraclusions.

Figure 2 : Calotte manuelle
b. Les techniques soustractives :
Les corrections font appel à trois procédés :
- Les coronoplasties : Elles sont indiquées lorsque les altérations du plan occlusal sont limitées.
- La prothèse conjointe : Si l’importance des corrections occlusales met en jeu l’intégrité ou la vitalité des dents concernées, les coiffes à recouvrement partiel ou total s’imposent.
- Les avulsions : Seules sont concernées les dents ou les racines qui présentent une très faible valeur intrinsèque ou extrinsèque. Cependant, on devra toujours préférer la conservation à l’avulsion.
c. Les techniques additives :
Il s’agit de combler les zones en sous-occlusion, et pour ce faire, diverses solutions thérapeutiques sont envisageables :
- La dentisterie restauratrice, avec l’application de composite au niveau occlusal.
- La prothèse conjointe, impliquant la création d’éléments prothétiques à recouvrement partiel ou total.
- La prothèse adjointe, qui intègre des prothèses partielles à châssis métallique.
d. Les techniques par déplacement :
Les thérapeutiques par déplacements font appel à l’orthodontie.
4- Traitement prothétique
Le traitement prothétique sera conduit de façon classique en accordant une attention particulière aux points suivants :
- Les empreintes :
L’empreinte primaire de l’arcade dentée est réalisée une fois l’ensemble des corrections terminées.
L’empreinte secondaire de l’arcade édentée est réalisée sous pression occlusale dans la mesure où les conditions suivantes sont respectées :- Patient coopératif ;
- Relation centrée facile à obtenir ;
- Arcade antagoniste dentée, dans les secteurs postérieurs, de manière symétrique.
- Le choix des dents :
Les critères de choix des dents prothétiques sont très comparables à ceux d’une prothèse adjointe et les dents prothétiques doivent s’intégrer harmonieusement en termes de forme, de dimension et de couleur avec les dents naturelles. En ce qui concerne le matériau, chaque fois que la situation clinique le permet (dents antagonistes naturelles non abrasées ou des couronnes en céramique), la porcelaine est privilégiée en raison de ses qualités mécaniques et esthétiques supérieures qui confèrent une grande longévité à la construction prothétique. - Le montage :
Dans la mesure où l’arcade dentée ne présente que peu de dents naturelles, le montage obéit aux principes et aux séquences des montages de prothèse adjointe complète.
Il n’en est pas de même dans le cas d’une arcade édentée opposée à une arcade totalement dentée ou très partiellement édentée. Il doit répondre aux objectifs biomécaniques spécifiques à la prothèse adjointe complète, c’est-à-dire l’occlusion bilatéralement équilibrée. - L’insertion :
Le jour de l’insertion, tout contact prématuré incisivo-canin sera éliminé (après huit jours de tassement physiologique, ce contact réapparaît, il sera à nouveau supprimé). En effet, ces contacts déstabilisent la prothèse, favorisant la résorption antérieure et entraînant une bascule postérieure de celle-ci.
5- Le traitement post-prothétique
Le succès des prothèses unimaxillaires dépend en grande partie du contrôle continu exercé par le praticien pour maintenir l’équilibre obtenu lors de la phase prothétique. L’instabilité résulte généralement de modifications dans la répartition des contacts occlusaux, favorisant la résorption osseuse et les déplacements dentaires.
Particulièrement, dans le cas d’une prothèse maxillaire complète opposée à une édentation bilatérale postérieure mandibulaire, il est crucial d’éviter tout contact entre les dents antérieures naturelles et prothétiques. Des visites régulières sont nécessaires pour contrôler et ajuster l’occlusion, ainsi que pour évaluer l’état des tissus de support.
Les forces occlusales accrues chez ces patients augmentent le risque de fêlure ou de fracture de la prothèse, surtout en présence de conditions telles qu’un frein labial prononcé ou un diastème interincisif. Cependant, l’utilisation de plaques métalliques peut aider à prévenir de tels incidents.
Conclusion
L’édentement total unimaxillaire représente une situation clinique à la fois particulière et complexe. Une approche méticuleuse des paramètres pré-prothétiques, prothétiques et post-prothétiques est essentielle pour une réhabilitation optimale de ce type d’édentement.
Lectures conseillées

L’édentement Total Unimaxillaire
Une bonne hygiène bucco-dentaire est la base de la prévention des caries et des maladies parodontales.
La maîtrise des techniques d’anesthésie locale est essentielle pour le confort du patient lors des soins dentaires.
L’utilisation de la digue en caoutchouc améliore l’isolement du champ opératoire et la qualité des restaurations.
Le diagnostic précoce des lésions carieuses permet des traitements moins invasifs et plus conservateurs.
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L’édentement Total Unimaxillaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.