Dermatologie buccale : Les mycoses de la cavité buccale
1. Introduction
Les mycoses buccales sont des infections opportunistes causées par des germes saprophytes. Elles sont toujours le témoin d’un déséquilibre de la flore buccale dont il faut s’attacher à retrouver l’étiologie. Elles ont considérablement augmenté ces dernières années, en raison de trois principaux facteurs :
- Prolongation de la survie des patients à risque ;
- Diminution de la mortalité due aux infections microbiennes ;
- Voyages intercontinentaux à l’origine d’importation de mycoses cosmopolites (histoplasmose, etc.).
2. Agent pathogène
Les candidoses sont les mycoses les plus fréquentes de la cavité buccale.
Le Candida albicans est l’agent étiologique le plus fréquent. C’est une levure qui vit à l’état saprophyte dans le tube digestif humain où il est présent dès les premiers mois de la vie, transmis par contact maternel.
Sa dissémination est d’origine endogène et se fait à partir du tube digestif par :
- Contiguïté vers les voies génitales, respiratoires et la peau ;
- Voie hématogène, en traversant la paroi intestinale vers tous les organes ;
- Voie sexuelle pour les organes urogénitaux.
3. Facteurs favorisant les mycoses buccales
3.1. Facteurs intrinsèques
- Physiologiques : âge (prématuré, nouveau-né, nourrisson avant 1 an, vieillard) ; grossesse (par modification de l’état hormonal).
- Locaux : hyposialie ou xérostomie, macération sous plaque (prothèses mal entretenues).
- Traumatismes : brûlure, manque d’hygiène, tic de léchage.
- Terrain endocrinien : diabète (diminution des défenses immunitaires et par la constitution de la paroi des spores de certains champignons qui les protège de la phagocytose).
- Carences nutritionnelles : déficit martial.
- Immunodépression : sida.
- Autres pathologies : cancer, hémopathies, aplasies médullaires.
3.2. Facteurs extrinsèques
Ils sont essentiellement iatrogènes :
- Médicaments : antibiotiques, corticoïdes, immunosuppresseurs, hormones contraceptives, radiothérapie cervico-faciale, chimiothérapie anticancéreuse.
- Chirurgie : digestive, cardiaque, greffes d’organes, cathéters intraveineux, prothèses.
- Le champignon adhère aux surfaces cutanéomuqueuses par le biais d’interactions entre les constituants de la paroi fongique et les récepteurs de l’hôte.
- L’adhésion de Candida aux surfaces acryliques et plastiques permet d’expliquer la colonisation des prothèses dentaires, des cathéters, etc.
4. Formes cliniques des candidoses buccales
4.1. Candidoses aiguës
4.1.1. Forme pseudomembraneuse ou « muguet »
- Symptômes initiaux : sensation de brûlure (douleur type de cuisson), goût métallique ou sécheresse buccale, suivis de l’apparition de macules rouges réalisant une stomatite érythémateuse diffuse.
- Phase d’état : granulations blanchâtres centrant une macule érythémateuse qui fusionnent en une plage pseudomembraneuse réalisant un aspect de lait coagulé. Elle se détache facilement à l’abaisse-langue sans saignement.
- Fréquence : forme la plus fréquemment rencontrée, surtout chez les jeunes enfants et les personnes âgées. Elle affecte également les patients traités par radio- et/ou chimiothérapie, ainsi que les patients atteints de sida ou d’autres immunodéficiences.
- Évolution : très sensible au traitement et guérit sans séquelles. Non traitée, elle guérit souvent spontanément, mais il existe un risque de passage à la chronicité et/ou d’extension.
- Diagnostic différentiel : à différencier des autres lésions blanches de la muqueuse buccale (white sponge naevus, lichen plan, leucoplasie souvent tabagique, carcinome épidermoïde).
4.1.2. Forme aiguë atrophique
- Description : glossite dépapillante diffuse qui débute au niveau du sillon médian puis s’étend à toute la langue.
- Cause : souvent due à la prise d’antibiotiques à large spectre ou à l’association de plusieurs antibiotiques.
- Signes cliniques : érosions nombreuses sur une intense inflammation.
4.2. Candidoses chroniques
4.2.1. Perlèche, ou chéilite angulaire
- Localisation : commissures labiales.
- Fréquence : fréquente chez l’édenté, favorisée par la macération dans le pli commissural (diminution de la dimension verticale, tic de léchage).
- Signes cliniques : lésion rouge, desquamative et fissuraire.
4.2.2. Glossite losangique médiane
- Description : plage érythémateuse grossièrement losangique du dos de la langue en avant du V lingual, tranchant par sa coloration rouge sur le reste de la langue. Elle est lisse, plane ou mamelonnée.
- Lésion associée : lésion palatine en « miroir » faite de petites macules érythémateuses (ouranite palatine).
- Caractéristiques : asymptomatique, découverte fortuite lors d’un examen clinique de routine. Survient au décours d’une antibiothérapie ou corticothérapie.
4.2.3. Candidose hyperkératosique
- Description : lésions kératosiques bourgeonnantes, indurées, siègent le plus souvent en région rétro-commissurale sur un fond érythémateux, s’étendant parfois sur la face interne des joues et des lèvres.
- Complication : un carcinome verruqueux peut lui être associé, nécessitant une surveillance histologique (biopsie).
- Traitement : résistante aux antifongiques.
4.2.4. Langue noire villeuse
- Description : glossite due à une hypertrophie des papilles filiformes de la face dorsale de la langue et à une kératinisation augmentée, donnant une teinte brune voire noire.
- Étiologie : classée à tort dans les mycoses, car Candida n’est pas le seul responsable. Usage prolongé d’antiseptiques locaux, prise d’antibiotiques à large spectre, intoxication alcoolo-tabagique.
- Traitement : suppression des produits colorants (tabac, café), application de trétinoïne en solution à 3 %, complétée par des brossages quotidiens du dos de la langue.
4.3. Mycoses profondes de la cavité buccale
4.3.1. Cryptococcose
- Fréquence : fréquente chez les patients infectés par le VIH.
- Gravité : responsable d’infections pulmonaires et de méningoencéphalite mettant en jeu le pronostic vital.
- Lésions buccales : rares, à type de papules ou nodules végétants, violacés, douloureux, pouvant se nécroser, siègent sur les lèvres, les joues et les amygdales.
- Diagnostic : repose sur la mise en évidence du champignon.
4.3.2. Aspergillose nasosinusienne
- Étiologie dentaire : granulome apical, suite d’extraction dentaire, communication buccosinusienne, dépassement apical de pâte sur une dent antrale. L’oxyde de zinc utilisé dans les pâtes d’obturation favoriserait la croissance d’Aspergillus fumigatus.
- Manifestations : sinusite aiguë ou chronique, fièvre associée ou non à des signes de sinusite ou rhinite chronique.
- Diagnostic : un orthopantomogramme dentaire permet d’objectiver un dépassement apical.
5. Diagnostic positif des mycoses buccales
Le diagnostic repose sur un examen mycologique spécifique avec la mise en évidence du champignon et la reconnaissance de l’espèce. Il nécessite un prélèvement mycologique.
5.1. Méthodes de prélèvement
- Écouvillonnage : réalisé à l’aide d’un écouvillon porte-coton stérile par frottement ou raclage avec une abaisse-langue.
- Examen direct : montre la présence de filaments mycéliens.
- Culture : sur milieu de Sabouraud, permet le typage de l’agent pathogène avec un chiffrage du nombre de colonies.
- Quantification :
- En dessous de 30 colonies : présence de Candida considérée comme « normale » à l’état saprophyte.
- Au-dessus de 30 colonies : mycose buccale à traiter.
- Quantification :
- Biopsie : utile dans les formes chroniques. On observe une hyperplasie épithéliale avec une réaction inflammatoire discrète du chorion, ou en cas de suspicion de pathologie maligne.
6. Traitement des mycoses buccales
Le traitement des candidoses buccales est envisagé en présence d’une symptomatologie évocatrice évidente ou confirmée par la présence de plus de 30 colonies.
6.1. Traitement préventif
- Vise à corriger les facteurs de risque, repose sur des conseils hygiéno-diététiques :
- Retirer les prothèses dentaires mobiles et les laisser en contact avec une solution antifongique.
- Améliorer une sécheresse buccale, rincer la bouche avec des solutions alcalines (bicarbonatées).
6.2. Traitement curatif
- Traitement initial : peut être débuté d’emblée sous forme de bains de bouche composés (Eludril® 90 ml, Fungizone 60 ml, eau bicarbonatée à 14 % 500 ml), quand l’examen clinique n’est pas conclusif ou en attendant les résultats du prélèvement mycologique.
- En cas de mycose confirmée :
- Amphotéricine B (Fungizone®) : administrée per os, elle ne traverse pas la muqueuse digestive et a une action topique. Peut être utilisée par voie intraveineuse pour les mycoses systémiques ou profondes.
- Nystatine (Mycostatine®) : absorption digestive quasi nulle, traitement de choix pour les mycoses buccales pouvant s’étendre au tube digestif.
- Miconazole (Daktarin®) : en applications topiques buccales.
- Bains de bouche composés : Éludril® 90 ml, Fungizone 60 ml, eau bicarbonatée à 14 % 500 ml.
- Aspergillose nasosinusienne : traitement exclusivement chirurgical avec nettoyage complet des sécrétions fongiques et conservation de la muqueuse sinusienne.
7. Conclusion
Les mycoses buccales sont extrêmement fréquentes. Le plus souvent, elles ont une évolution bénigne et répondent bien aux traitements antifongiques locaux. Cependant, dans certaines situations d’immunodépression locale ou générale, l’infection peut évoluer sous une forme extensive, chronique et parfois systémique. Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence et l’identification du germe. Le traitement, le plus souvent, est médical.
Dermatologie buccale : Les mycoses de la cavité buccale
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Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.