MANIFESTATIONS A DISTANCE DES FOYERS INFECTIEUX BUCCO-DENTAIRES

MANIFESTATIONS A DISTANCE DES FOYERS INFECTIEUX BUCCO-DENTAIRES

MANIFESTATIONS A DISTANCE DES FOYERS INFECTIEUX BUCCO-DENTAIRES

  1. INTRODUCTION:

Il n’existe pas un domaine de la pathologie médicale où la cavité buccale n’ait été incriminée comme étant le point de départ de manifestations affectant à distance d’autres organes ou appareils.

Le concept empirique d’infection focale remonte à l’antiquité. Ce n’est qu’au début du 20ème siècle qu’apparaît la théorie de la focal infection, à partir des travaux de Pasteur d’une part et d’autre part d’études scientifiques cliniques et biologiques mettant en évidence les mécanismes d’intoxication à distance à partir de foyers infectieux, dentaires notamment.

Bien plus tard ont été mis en évidence les mécanismes réflexogènes et allergiques qui ont permis d’expliciter bon nombre de manifestations à distance que la seule théorie microbienne ne pouvait expliquer. Ainsi depuis, préfère t on parler de manifestations à distance d’origine bucco-dentaire, que l’on distingue en:

  1. Manifestations infectieuses (ou septiques)
  2. Manifestations amicrobiennes (ou aseptiques) qui regroupent les troubles inflammatoires observés à distance et les troubles réflexes.

Aujourd’hui, la relation étiologique entre l’infection systémique (par exemple: l’endocardite infectieuse, les abcès cérébraux…) et les bactéries orales est bien démontrée.

Depuis 1990 la recherche tente d’établir un lien entre les bactéries orales notamment en cas de maladies parodontales et les attaques cardio-vasculaires, la grossesse, etc. Ceci se base sur les résultats d’études épidémiologiques qui ont montré que chez les personnes à mauvaise hygiène orale, l’infarctus du myocarde ou l’attaque ischémique cérébrale ou bien un nouveau- né à faible poids de naissance est probable. Au contraire chez les personnes saines, ce danger est limité.

En 1998, Page a suggéré que la maladie parodontale peut probablement rendre l’hôte plus sensible à des infections systémiques d’une des trois manières suivantes :

  • À l’aide des causes prédisposantes acquises ou génétiques, similaires à celles qui sont impliquées dans les maladies parodontales ou systémiques.
  • A cause du biofilm subgingival qui contient un nombre excessif de bactéries

pathogènes, d’éléments bactériens toxiques tels que leurs parois ou bien des produits toxiques dus au métabolisme bactérien (enzymes hydrolytiques et peptidoglycanes)

  • Par le fonctionnement de la poche parodontale constituant un réservoir de cytokines qui sont libérées de façon régulière dans la circulation sanguine du patient.
  1. DEFINITION:

Les manifestations à distance des foyers infectieux buccodentaires sont définies comme étant l’essaimage à distance de bactéries ou de toxines à partir d’un foyer infectieux chronique primaire; c’est l’apparition d’accidents infectieux ou inflammatoires spontanés ou provoqués par un geste thérapeutique bucco-dentaire, un foyer infectieux chronique ou actif (abcès, granulomes, kystes, parodontite, dents incluses, racines résiduelles…) ou une mauvaise hygiène bucco-dentaire.

  1. HYPOTHESES ETIOPATOGENIQUES :

Les manifestations à distance d’origine buccodentaire peuvent toucher différents sites de l’organisme à partir d’un foyer initial d’origine bucco-dentaire. Les trois principales hypothèses étiopathogéniques évoquées pour expliquer ce phénomène sont :

  • L’effet direct d‘une bactériémie générée par des actes bucco-dentaires, des infections odontogènes et /ou une mauvaise hygiène buccale.
  • L’inflammation métastatique due aux toxines libérées par les bactéries de la cavité buccale et introduites dans la circulation générale.
  • Le développement d’une réponse immune induite par les bactéries pathogènes de la flore buccale ou leurs toxines.
  1. MANIFESTATIONS SEPTIQUES :

A- Foyers inféctieux bucco-dentaires :

Les lésions bucco-dentaires susceptibles de constituer des foyers primaires à l’origine de manifestations à distance sont :

  • Les foyers muqueux : accidents d’éruption des dents, incisions muqueuses (actes de chirurgie buccale), plaies muqueuses (traumatisme), ulcérations de la muqueuse buccale
  • Les foyers dentaires : pulpite ou mortification pulpaire, granulome ou kyste radiculaire, polype pulpaire, dents surnuméraires, racines résiduelles
  • Les foyers péri-dentaires : péri-coronarite (accident d’évolution de la dent de sagesse), parodontite, gingivite.

B- Mécanismes de propagation de l’infection :

La propagation de l’infection se fait à partir d’un foyer primaire par:

  • Contiguité (par l’intermédiaire des voies anatomiques).
  • Pyophagie et inhalation : Au cours d’une pyorrhée alvéolo-dentaire, il peut y avoir déglutition volontaire ou non de pus. L’inhalation par la bouche de germes au cours du sommeil ou lors d’une anesthésie générale peut être à l’origine de foyers pulmonaires secondaires.
  • Bactériémie-toxémie: La bactériémie (passage fugace de germes dans le sang) s’observe lors d’une mastication vigoureuse (elle est dans ce cas physiologique), d’une avulsion dentaire, d’un traitement endodontique au delà de l’apex ou d’un détartrage.

Il a été montré que la bactériémie est retrouvée :

  • Après traitement endodontique dans: 25% des cas, lorsque l’instrumentation dépasse l’apex et 0% quand elle ne va pas au delà de l’apex
  • Après extraction dentaire dans: 32% des cas, sur parodonte sain, 75% des cas, sur parodonte malade et 69% des cas, après extractions multiples.

La bactériémie peut être exacerbée lorsqu’un foyer infectieux est l’objet d’une intervention traumatique, ou lorsqu’il y a une déficience immunitaire.

La métastase de microorganismes et la diffusion des produits de leur métabolisme peuvent se faire par voie sanguine ou lymphatique jusqu’aux organes cibles (cœur, reins, articulations, ganglions).

C- Processus explicitant la localisation de foyers secondaires :

  • Affinité élective des micro-organismes: Il semble qu’au niveau des foyers bucco- dentaires, certains microorganismes possèdent une virulence spécifique à l’égard de certains organes. Cette propriété est appelée affinité élective.
  • Lieu de prédilection : au lieu d’être détruits par les cellules immunocompétentes, les germes sont attirés par une zone inflammatoire ou lieu de prédilection dont la résistance locale est diminuée. Ce phénomène est connu sous le nom d’anachorèse.
  • Notion du terrain : La qualité du terrain génétique ou acquis conditionne la vulnérabilité de certaines catégories de patients (les dénutris, les toxicomanes, les alcooliques, les diabétiques, les irradiés, les patients sous chimiothérapie ou sous corticothérapie au long cours, les patients présentant des troubles de la lignée leucocytaires).

D- Formes cliniques : Thrombophlébite et septicémie constituent une complication extrêmement rare mais très grave des processus infectieux dentaires.

– Les extractions dentaires en milieu septique chez des sujets à terrain fragilisé ou déficient, notamment lorsque les dents sont vivantes (dents de sagesse, dents pyorrhéiques), amènent une rupture de la vascularisation apicale qui peut être une porte ouverte à un essaimage microbien directement dans le circuit sanguin.

  1. MANIFESTATIONS ASEPTIQUES :

Elles sont fréquentes et peuvent être de type inflammatoire ou de type réflexe.

A- Manifestations inflammatoires :

Mécanismes pathogéniques : ils s’expliquent à l’heure actuelle par la mise en jeu de mécanismes allergiques et neurovégétatifs souvent intriqués.

La pathogénie neurovégétative est basée sur des travaux expérimentaux qui montrent qu’une irritation du système dentaire peut avoir des répercussions de type inflammatoire.

La pathogénie allergique s’explique par la notion de sensibilisation de l’organisme par les toxines issues des germes existant dans les foyers dentaires.

L’importance des mécanismes allergiques semble prépondérante, l’organe pulpo-dentaire, le complexe péri apical et le parodonte marginal sont reconnus comme étant des voies de sensibilisation locale et systémique permettant la diffusion antigénique (maladies auto- immunes)

Signes cliniques : asthénie, amaigrissement, pâleur, fièvre sans frissons, parfois hépato splénomégalie.

Signes biologiques : bilan inflammatoire perturbé avec en particulier une VS et un taux de fibrinogène élevés, il est à noter que l’hémoculture est négative.

Formes cliniques :

  • Manifestations oculaires: uvéite, vascularite avec hémorragie intra vitréenne et opacification, parfois neuropathie optique, hémorragies sous conjonctivales, kérato conjonctivites, pseudoconjonctivites (hyperhémie conjonctivale), iritis (inflammation de l’iris), névrite optique.
  • Dermatoses allergiques: eczéma, urticaire, acné rosacée, pelade avec alopécie non cicatricielle, érythème polyforme, psoriasis et même l’acné banal. Ces affections dermatologiques psychosomatiques doivent entraîner un bilan buccodentaire et faire entreprendre la remise en état si nécessaire.
  • Néphrite
  • Rhumatismes inflammatoires subaigus de l’adulte résultant de manifestations allergiques dirigées contre des antigènes microbiens (streptocoques), par hypersensibilité cellulaire. Les manifestations cliniques et radiologiques sont peu caractéristiques mais on peut observer une réactivation concomitante du foyer dentaire ; la VS peut être élevée et les tests intradermiques utilisant des antigènes microbiens peuvent s’avérer utiles.

B- Troubles réflexes :

Rappel anatomique :

-Le trijumeau (V) est avant tout le nerf sensitif de la face, de la cavité buccale et des dents ; c’est le nerf le plus réflexogène de l’organisme ; il se divise à partir du ganglion de Gasser en 3 branches (le nerf ophtalmique de Willis VI, le nerf maxillaire VII et le nerf mandibulaire VIII) ; le trijumeau assure la totalité de la sensibilité gingivodentaire par ses fibres terminales.

Pathogénie :

-L’apparition de troubles réflexes résulte de l’interconnexion très intime entre la racine sensitive du trijumeau et les fibres du système nerveux autonome ; les fibres trigéminales aboutissant dans les pulpes dentaires, chaque fois que la pulpe est irritée, il y a atteinte trigéminale et sympathique. Ces mécanismes réflexogènes neurovégétatifs expliquent la survenue des manifestations réflexes détaillées ci-après.

Formes cliniques des troubles réflexes :

Nous avons des troubles moteurs représentés essentiellement par la paralysie faciale et des troubles sensitifs représentés par les algies aigues ou chroniques, localisées (dentinaires) ou irradiées (pulpaires) évoquant des synalgies (la synalgie désigne la perception quasi simultanée dans le temps de 2 sensations douloureuses dans un endroit sain du corps plus ou moins éloigné) ; et l’hyperésthésie des branches du V.

  • Troubles cutanés : toute excitation du V a une répercussion constante au niveau de la face et du crâne (hyperesthésie cutanée trouble fréquent faisant suite à une atteinte pulpaire suivant la topographie de la dent causale ; l’hyperthermie peut accompagner l’hyperesthésie et siège le plus souvent dans la région génienne et le pavillon de

l’oreille ; l’érythrose faciale sous forme de rougeur circonscrite unilatérale et temporaire et c’est le plus fréquent des troubles cutanés ; l’hyperhydrose diffuse ou localisée pouvant se superposer aux zones d’hyperesthésie ; les dermatoses au niveau des zones cutanées perturbées par une excitation dentaire avec possibilité d’un zona, herpès ou acné rosacée.

  • Troubles muqueux : Fréquemment au cours de l’éruption d’une dent de sagesse inférieure apparaît une stomatite odontiasique. D’origine trigéminale, la stomatite odontiasique est unilatérale et ne dépasse jamais la canine du côté opposé
  • Troubles oculaires : Une irritation dentaire peut occasionner: une névralgie ophtalmique, la dent causale pouvant être la molaire, la prémolaire ou la canine maxillaire, un blépharospasme ou une blépharoptose, causés par une dent de sagesse supérieure, une mydriase, toujours homolatérale, des troubles sécrétoires (larmoiement, rarement sécheresse), des troubles vasomoteurs (conjonctivite hyperhémique réflexe consécutive à une pulpite de la canine ou de la prémolaire supérieure).
  • Troubles auriculaires : otalgies, troubles de l’audition et de l’équilibration syndrome labyrinthique avec hypoacousie, vertiges, bourdonnements d’oreille.
  • Troubles cellulaires : œdèmes réflexes accompagnant les signes d’excitation trigéminale.
  • Troubles glandulaires pouvant toucher les glandes salivaires, lacrymales, sudoripares et se traduisent par des troubles sécrétoires ou parfois tumoraux.
  • Troubles de la vie pilaire (Pelade, dépilation diffuse, ralentissement de la vie pilaire, calvitie, hyperesthésie pilaire en sont les principales manifestations).

Recherche de foyers potentiels primaires d’origine dentaire :

L’anamnèse : rechercher une cause bucco-dentaire en rapport avec le début de l’apparition de la manifestation secondaire, en particulier une avulsion dentaire, une poussée inflammatoire gingivale ou apicale, une incision d’abcès, un traitement endodontique ou parodontal, ou encore une chirurgie orthopédique ou carcinologique. L’existence d’une hyperthermie oriente vers une étiologie infectieuse.

L’xamen clinique minutieux, méthodique, pratiqué dans de bonnes conditions d’éclairage. L’examen de la muqueuse s’appliquera à rechercher des clapiers pyorrhéïques, une péri coronarite ou des fistules muqueuses.

  • L’examen du système dentaire doit comporter: un examen clinique à la sonde, de toutes les dents, une recherche de la vitalité pulpaire par le recours à des tests thermiques, électriques et à la percussion, la trépanation exploratrice des dents suspectes, la recherche de troubles de l’articulé ou des anomalies de nombre (surnuméraires ou absentes). Lorsque l’on recherche un foyer primaire pouvant expliquer l’apparition d’une manifestation secondaire à distance, doit être considérée comme suspecte toute dent: cariée, n’ayant pas fait l’objet d’un traitement endodontique et dont la pulpe ne répond pas aux stimulations électriques, ayant fait l’objet d’un traitement endodontique, présentant une lésion apicale, présentant une poche parodontale ou retenue (épine irritative)

Le bilan radiologique est capital, car dans bien des cas les symptômes bucco-dentaires peuvent être discrets. Le bilan radiologique fait appel à des clichés maxillaires (examen radiologique en incidence panoramique) qui permettent une vue d’ensemble des maxillaires, à des films intra buccaux (clichés rétro alvéolaires ou occlusaux) qui permettent une visualisation précise et détaillée des dents et du parodonte, à une tomodensitométrie

(TDM) ou scanner qui permet de confirmer le diagnostic de thrombophlébite et de rechercher

 Le bilan biologique peut comporter :

Traitement :Le traitement préventif repose sur la lutte contre la septicité buccale qui joue un rôle prépondérant dans l’évolution des caries et de l’alvéolyse. En conséquence, la prophylaxie des accidents focaux ne peut se concevoir sans une hygiène bucco-dentaire rigoureuse. L’antibio- prophylaxie représente par ailleurs un volet important du traitement préventif (pour les manifestations septiques).
Le traitement curatif dépend de la nature de l’affection qui a motivé la recherche de foyers
infectieux. Si l’affection en cause met le pronostic vital en jeu, il faut impérativement supprimer tout foyer suspect. Si l’affection supposée secondaire ne compromet pas lepronostic vital, l’attitude thérapeutique à adopter par rapport à la dent n’impose pas un
traitement radical.

Conclusion :

  • Les manifestations à distances des foyers infectieux bucco-dentaire sont une réalité médicale qui doit être reconsidrer devant toute situation impliquant un foyer infectieux buccal
  • Le rôle du médecin dentiste est capital , il doit mettre en évidence tout les foyers infectieux à localisation orale , les tarir et travailler en collabiration étroite avec les autres médecins traitants pour contribuer à la guérison du patient

MANIFESTATIONS A DISTANCE DES FOYERS INFECTIEUX BUCCO-DENTAIRES

  La prévention des caries commence par une bonne hygiène bucco-dentaire et des visites régulières chez le dentiste. Maîtriser les techniques de restauration dentaire est essentiel pour redonner fonction et esthétique aux patients. L’anatomie dentaire est la base de toute intervention, de l’extraction à la pose d’implants. Les avancées en imagerie, comme la radiographie 3D, facilitent un diagnostic précis et un traitement optimal. La gestion de la douleur et de l’anxiété des patients est une compétence clé pour tout praticien. Les étudiants en dentisterie doivent s’entraîner à reconnaître les pathologies orales dès les premiers stades. Collaborer avec des prothésistes dentaires garantit des solutions sur mesure pour chaque cas clinique.  

MANIFESTATIONS A DISTANCE DES FOYERS INFECTIEUX BUCCO-DENTAIRES

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