INFLAMMATION ET HISTOPATHOGÉNIE DES MALADIES PARODONTALES

INFLAMMATION ET HISTOPATHOGÉNIE DES MALADIES PARODONTALES

INFLAMMATION ET HISTOPATHOGÉNIE DES MALADIES PARODONTALES

  1. INTRODUCTION :

Après avoir étudier dans le cours précédent les étiologies des maladies parodontales, place désormais à la pathogénie (progression de la maladie).

Le parodonte peut être affecter par plusieurs processus étiopathogéniques révélant un large panel de pathologies, mais le processus inflammatoire reste le prédominant.

  1. PHÉNOMENES ESSENTIELS DE L’INFLAMMATION :
    1. DÉFINITION :

Il s’agit d’un processus physiologique, de défense de l’organisme, contre une agression(physique, chimique ou microbienne).

L’ensemble des cellules, tissus et molécules impliqués dans ce processus est appelé « système immunitaire ».

La réaction coordonnée de ces éléments porte le nom de réponse immunitaire. Cette dernière fait intervenir deux systèmes de défense :

  1. Innée (non spécifique) ;
  2. Adaptative (acquise, spécifique).
  1. ACTEURS DE L’INFLAMMATION :

En plus des cellules de défense, d’autres molécules connues sous le nom de cytokines se trouvent impliquées dans le processus inflammatoire.

Les plus citées (trio inflammatoire) sont : le facteur de nécrose tumorale α (Tumor necrosis factor α)(TNF α),interleukines IL 1-β,IL 6.

Ci-dessous un tableau récapitulatif de leurs principales fonctions.

Tableau I : Cytokines de l’inflammation

CytokinePrincipales sourcesEffets biologiques
TNF αMonocytes -Macrophages-Activation des cellules endothéliales ;-Activations des PNN ; Synthèse des IL1, IL6 ;-Synthèse des protéines de la phase aigüe(C réactive protéine) (CRP).
IL1- βMonocytes-Fibroblastes.-Activation des cellules endothéliales ;-Activation des lymphocytes ;- Synthèse des protéines de la phase aigüe (C réactive protéine) (CRP).
IL-6Macrophages-Cellules dendritiques-Lymphocyes T– Synthèse des protéines de la phase aigüe (C réactive protéine) (CRP) ;-Activation des lymphocytes T et B.

Source :(1),(4),(5)

  1. PHASES DE L’INFLAMMATION :

La réaction inflammatoire passe par plusieurs étapes :

  1. INFLAMMATION AIGUE :

Elle comprend :

  1. Phénomènes hémodynamiques :

Ils se caractérisent par une vasoconstriction artériolaire extrêmement brève, suivie d’une vasodilation secondaire réflexe.

  1. Margination :

Elle correspond à la fixation des cellules de défense sur l’endothélium.

  1. Diapédèse :

Les leucocytes ainsi peuvent quitter les vaisseaux.

Afin d’atteindre le site infecté, ils sont attirés par des cytokines spéciales(chimiokines).

  1. Phase cellulaire :

Elle correspond à l’élimination des pathogènes grâce à la phagocytose. Les cellules clés de cette étape sont représentées par les polynucléaires neutrophiles (PNN).

Leur action peut aussi se manifester par la sécrétion d’enzymes antibactériennes(élastases)ou les métalloprotéinases matricielles, qui interviennent dans le remodelage de la matrice extracellulaire, facilitant les migrations cellulaires. Au second plan, sont impliqués les macrophages.

  1. Phase de résolution et de cicatrisation :

Après élimination des agents agresseurs, leurs produits de dégradation ainsi que les débris cellulaires sont phagocytés par les macrophages.

Ils sécrètent aussi des facteurs de croissance responsables de régénération des différents tissus altérés.

  1. INFLAMMATION CHRONIQUE :

Là où la réaction aigue est insuffisante pour neutraliser l’agression, une réponse plus avancée est mise en place.

Les lymphocytes B et T restent les marqueurs de cette étape.

Les lymphocytes B stimulés, se transforment en plasmocytes, qui assurent la synthèse et la sécrétion des anticorps. En fixant les antigènes spécifiques, ils permettent leurs neutralisations, soit par activation du complément ou par opsonisation et phagocytose. Les lymphocytes T activés se transforment en :

  • Lymphocytes T cytotoxiques qui éliminent directement l’agent agresseur ;
  • Lymphocytes T auxiliaires qui reconnaissent l’antigène, secrètent les cytokines impliquées dans cette réaction ;
  • Lymphocytes T régulateurs qui inhibent l’activation d’autres lymphocytes et préviennent l’auto-immunité.

Une phase de réparation suit l’élimination de l’élément agresseur avec la synthèse d’un tissu cicatriciel de remplacement.

  1. PATHOGÉNIE DE LA MALADIE PARODONTALE « PROGRESSION DE LA GINGIVITE A LA PARODONTITE »PATHOGENESIS OF PERIODONTALE DISEASES « PROGRESSION FROM GINGIVITIS TO PERIODONTITIS » :

La pathogénie des maladies parodontales commence généralement par une réponse immunitaire face à l’agression bactérienne qui reste la condition indispensable à son déclenchement. Elle atteint en premier lieu les tissus gingivaux et se manifeste par la gingivite.

Selon Glickman : « la parodontite résulte de la propagation de l’inflammation gingivale dans les tissus de soutien parodontaux ». Cependant, toute gingivite ne se transforme pas tout le temps en parodontite, pour ce faire, en plus de l’action des bactéries parodontopathogènes constituant la première condition, il est actuellement reconnu trois autres impliquées :

Absence de bactéries protectrices :

Saprophytes et protectrices, elles sont aussi appelées probiotiques. Elles présentent une action antagoniste aux bactéries parodontopathogènes par différents mécanismes : compétition métabolique, cytotoxicité (hydrogène sulfuré), leur permettant de s’opposer à leur installation et croissance.

Environnement dento-gingivale défavorable :

C’est surtout dû à la mise en place d’un environnement anaérobie favorable à l’installation des bactéries pathogènes, exemple : fond des poches gingivales, les poches parodontales, prothèses mal scellées …..etc.

Défaillances du système immunitaire :

Ils incluent les dysfonctionnements des cellules clés de la réaction inflammatoire :PNN, monocytes.

Ces défaillances peuvent être :

  • Acquises : telles que les infections virales, hémopathies acquises (certaines leucopénies), médications immunodépressives(anti-inflammatoires), grossesse, tabagisme, stress, chimiothérapie anti-cancéreuse, diabète mal-équilibré.
  • Innées : telles que la neutropénie cyclique, l’agranulocytose.

Page et coll ont pu confirmer l’implication des monocytes dans la pathogénie des parodontites. En effet le macrophage (cellule issue du monocyte), une fois activé, répond dans certains cas par une surproduction pathologique des cytokines responsables de la destruction tissulaire (phénotype hypermonocytaire).

Les IL-1ß,TNFᾱ (stimulent l’action des collagénases ) .

Les IL-6 (provoquent la différenciation des ostéoclastes responsables de la résorption osseuse).

  1. ASPECTS HISTOPATHOGÉNIQUES :

En 1976, Page et Schröder ont décrit les aspects histopathogéniques des maladies parodontales en quatre stades :

  1. LÉSION INITIALE :

Suite à l’action du biofilm, une réponse inflammatoire s’installe en 2 à 4 jours.

Ceci se traduit par une accumulation importante de PNN au niveau de l’épithélium jonctionnel et la partie apicale de l’épithélium sulculaire, une exsudation de produits sériques, le dépôt de fibrine et l’apparition d’un œdème.

  1. LÉSION PRÉCOCE :

Elle s’installe après 4 à 7 jours d’accumulation du biofilm. Elle se caractérise par la présence d’un infiltrat cellulaire dense, constitué de PNN, monocytes, lymphocytes T,B, plasmocytes et macrophages.

  1. LÉSION ÉTABLIE :

Il s’agit d’une réaction continue de l’action du biofilm (semaines, mois, années). Elle se caractérise par l’infiltration des tissus par les macrophages, lymphocytes et plasmocytes et l’augmentation de la destruction tissulaire (collagène, substance fondamentale). On assiste aussi à une prolifération des fibroblastes et des petits vaisseaux sanguins.

Ces trois premiers stades correspondent à la gingivite.

  1. LÉSION AVANCÉE :

Dans ce cas l’infiltrat de plus en plus dense est composé de PNN, macrophages, lymphocytes. Les lymphocytes B et plasmocytes prédominent.

La destruction tissulaire de plus en plus présente a pour conséquence la destruction du collagène et des fibres supra crestales et l’attache fibreuse. L’attache épithéliale qui perd son support migre apicalement(perte d’attache).

L’extension vers le cément, le ligament parodontal et l’os alvéolaire élargit le processus de destruction du parodonte profond, signant la parodontolyse .

Les fibres de Sharpey se trouvent de plus en plus détruites, la surface du cément exposée entraine la dissolution des cristaux minéraux, ensuite la charpente organique.

Au niveau de l’os alvéolaire, la résorption l’emporte contre l’apposition ,c’est

l’alvéolyse.

Ce stade correspond à la parodontite.

  1. ASPECTS CLINIQUES :

Les conséquences de l’inflammation sur le parodonte se manifestent par plusieurs signes qui perturbent les différentes fonctions de l’organe dentaire.

Ils sont représentés par :

  1. ÉRYTHEME :

La gencive cliniquement saine présente une couleur caractéristique en rose pale, suite à une inflammation aigue, cette couleur se transforme en rouge vif, et rouge bleuté ou violacé pour l’inflammation chronique.

Figure N°1 :Aspect clinique d’un érythème

Source : https://www.google.fr/search?q=gencive+enflamm%C3%A9e&sca_esv

  1. ŒDÈME :

Suite à la vasodilatation et l’extravasation de plusieurs composants au niveau tissulaire, un œdème s’installe (objectivé par le signe du Godet positif) avec augmentation du volume gingival. Le bord marginal devient arrondi, le contour est donc irrégulier, avec la perte de la forme déflectrice.

Figure N°2 :Aspect clinique d’un œdème

Source : https://www.google.fr/search?q=gencive+enflamm%C3%A9e&sca_esv

  1. SAIGNEMENT :

Il fait suite à l’hypervascularisation du parodonte et la fragilité capillaire.

Figure N°3 :Aspect clinique de saignements

Source : https://www.google.fr/search?q=gencive+enflamm%C3%A9e&sca_esv

  1. MOBILITÉ ET MIGRATIONS(MALPOSITIONS)DENTAIRES SECONDAIRES :

La parodontolyse et la perte des structures de soutien de l’odonte sont responsables de l’installation d’une mobilité proportionnelle à cette destruction. Des malpositions et migrations dentaires dites secondaires apparaissent aussi.

  1. HALITOSE :

Constitue un motif de consultation assez fréquent en médecine dentaire. Ceci résulte de la libération des composés sulfurés volatils secondaires au métabolisme bactérien.

  1. TASSEMENTS ALIMENTAIRES :

Suite à la parodontolyse et la perte d’attache (migration apicale de l’attache épithéliale), des débris alimentaires peuvent se trouver retenus au niveau des espaces interdentaires.

  1. SENSIBILITÉS DENTINAIRES :

Les pertes d’attache accompagnées parfois de récessions gingivales s’accompagnent d’expositions radiculaires et donc de phénomènes d’hyperesthésies.

  1. SUPPURATIONS-ABCÈS :

Les suppurations d’origine strictement parodontale sont la conséquence de l’impossibilité et/ou de l’échec des cellules immunitaires d’éliminer les bactéries ou autres corps étrangers. Le pus apparait alors comme un liquide (exudant)blanc- jaunâtre, composé de plusieurs éléments : granulocytes altérés,

des débris cellulaires…etc .Il peut se drainer par différentes voies,

lorsqu’elles sont obstruées, un abcès peut se former.

  1. POCHES :

Figure n°4 :Aspect clinique d’un abcès parodontal

Source :https://www.google.fr/search?q=suppurations+pa rodontales+&sca_esv

Une poche est l’approfondissement du sillon gingivo-dentaire(SGD),soit par augmentation du volume gingival ,sans migration de l’attache épithéliale ,on parle alors de poche gingivale(fausse poche,pseudo-poche)ou au contraire ,par migration de l’attache épithéliale ,et on parle de poche parodontale(vraie poche)(signe pathognomonique de la parodontite).

Figure N°5 : Schéma de poche gingivale/Poche parodontale

Source : https://www.google.fr/search?q=poche+gingivale%2Fpoche+parodontale+&sca_esv

  1. ASPECTS RADIOLOGIQUES :

La parodontolyse et surtout l’alvéolyse se manifeste radiologiquement par l’augmentation de la distance sommet de la crête alvéolaire-jonction émail-cément au- delà de 2mm.

Le degré de l’alvéolyse(évaluation quantitative) est différent selon le stade de la parodontite et est calculé en fonction du sommet de la crête alvéolaire résiduelle par rapport à la racine :

Alvéolyse superficielle ; Alvéolyse profonde ;

Alvéolyse terminale.

La forme (évaluation qualitative)peut aussi varier :oblique, verticale ou horizontale.

Figure N°6 : Aspect radiologique d’alvéolyses

Source : https://www.google.fr/search?q=degr%C3%A9s+de+l%27alv%C3%A9olyse+&tbm=isch&ved

  1. AUTRES PROCESSUS :
    1. FONCTIONNEL :

Les forces occlusales affectent l’état et la structure du parodonte. Des variations fonctionnelles peuvent être à l’origine de lésions « Trauma occlusal »(cours en occlusodontie).

  1. TUMORAL :

Bien que rares, le parodonte et la gencive peuvent être le siège de pathologies tumorales.

La gencive peut aussi être le siège de métastases secondaires, celles d’adénocarcinomes du colon et de carcinomes pulmonaires ont été rapportés.

  1. CONCLUSION :

Concluons ensemble.

Bibliographie/Webographie :

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  2. Collège des enseignants d’immunologie, éditeur. Immunologie fondamentale et immunopathologie: enseignements thématique et intégré tissu lymphoïde et sanguin, immunopathologie et immuno-intervention. Elsevier Masson; 2018.
  3. Abbas AK. Les bases de l’immunologie fondamentale et clinique. Elsevier Masson; 2013.
  4. Charon JA. Parodontie médicale: innovations cliniques. 2e éd. Éd. CdP; 2010.
  5. Zouaoui A. Etude du profil clinique et microbiologique des maladies parodontales chez les patients préssentant une maladie cardiovasculaire [Thèse]. Université Abou Bekr Belkaid-Tlemcen-Faculté de médecine Dr .B.Benzerdjeb; 2023.
  6. Espinosa E. Immunologie. Ellipses; 2010.
  7. Séguier S. Apport de la thérapie photodynamique dans le traitement des parodontopathies chez l’homme(Internet). 2008 [cité 20 oct 2023]; Disponible sur: https://www.em-consulte.com/article/109373/apport -de-la-therapie-photodynamique-dans-le- traitementdesparodontopathies-chez-l’homme
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  15. Pers J. Influence des paramètres occlusaux sur la maladie parodontale. Inf Dent. 2010;33:58-62.

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Voici une sélection de livres:

La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique

Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché

Concepts cliniques en odontologie conservatrice

L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement

Guide clinique d’odontologie

Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve

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