SÉCHERESSE BUCCALE ET HYPOSIALIE
Introduction
Le vieillissement est un processus physiologique inéluctable, lent et progressif, qui aboutit à l’affaiblissement de l’organisme. Il est consécutif aux effets imbriqués de facteurs intrinsèques (génétiques) et extrinsèques (habitudes alimentaires, environnement, etc.). Ce n’est en aucun cas un état pathologique. Cependant, il exacerbe les effets des maladies et leurs conséquences.
Les conséquences bucco-faciales du vieillissement sont souvent sous-estimées. Les retentissements sur les différents tissus de la face s’expriment par des pathologies très diverses et qui s’intriquent plus ou moins directement avec la pathologie générale. De plus, la distinction entre état pathologique et normal peut être difficile à établir.
La sensation de bouche sèche est un symptôme subjectif très fréquent, considéré comme banal, et de ce fait négligé chez les patients âgés. Elle traduit le plus souvent un déficit quantitatif (hyposialie ou asialie) ou qualitatif de la sécrétion salivaire. Sa prévalence oscille entre 17 et 28 % selon les études, selon les données 2003 du GTNDO (Groupe Technique National de Définition des Objectifs de Santé Publique). Les causes sont diverses, mais dominées par les étiologies médicamenteuses.
1. Rappel physiologique
1.1. La sécrétion salivaire
La sécrétion salivaire est assurée par trois paires de glandes salivaires principales, symétriques : les glandes parotides, submandibulaires et sublinguales, ainsi que par des glandes salivaires accessoires, de très petite taille, réparties dans la muqueuse buccale. Ce sont des glandes acinotubulaires : cellules sécrétoires groupées en acini et canaux qui drainent les produits de sécrétion dans la cavité buccale. On distingue deux types histologiques de glandes :
- Séreux pour les parotides,
- Mixtes séro-muqueux pour les glandes accessoires, les sublinguales (à prédominance séreuse) et les submandibulaires (à prédominance muqueuse).
La sécrétion salivaire est un phénomène réflexe sous l’influence du système autonome :
- Parasympathique : sécrétion abondante et fluide,
- Sympathique : sécrétion peu abondante et visqueuse.
Chez l’adulte, la sécrétion moyenne de salive est d’au moins 500 ml/24 heures. Le débit varie de 0,3 ml/min sans stimulation à 5 ml/min lors des repas. La moitié de la production quotidienne de salive est secrétée lors des repas, l’autre moitié permet d’humecter les muqueuses de la bouche. On parle d’hyposialie ou hyposalivation lorsque le débit salivaire après stimulation est ≤ 0,7 ml/min et ≤ 0,1 ml/min sans stimulation.
1.2. Fonctions de la salive
La salive est constituée à 99 % d’eau. Son contenu en minéraux et protéines lui procure ses propriétés et assure ses différentes fonctions :
- Lubrification : La composition élevée en eau aide à la formation du bol alimentaire, à la mastication, à la déglutition, à l’élocution et au nettoyage des tissus buccaux. La mucine lubrifie le bol alimentaire au moment de la déglutition. C’est la première étape de la digestion.
- Digestion et goût : Cette fonction revêt deux aspects, mécanique et chimique. La salive dissout les composantes alimentaires. L’amylase salivaire hydrolyse l’amidon en composés mono-, di- ou tri-saccharidiques, facilitant la digestion des aliments riches en amidon.
- Réparation tissulaire : Les facteurs de croissance retrouvés dans la salive participent à la croissance tissulaire, à la différenciation et à la réparation.
- Maintien de la flore microbienne : La salive contient différents agents antibactériens, antiviraux et antimycosiques. Ces agents équilibrent et stabilisent la flore orale et inhibent la colonisation bactérienne des tissus buccodentaires. L’action mécanique de la salive participe également à cette fonction.
- Pouvoir tampon : La composition de la salive en carbonates et phosphates permet le maintien du pH salivaire et diminue le risque de carie dentaire. Elle procure une protection à l’œsophage lors de reflux ou de régurgitations. Le pH salivaire est compris entre 5,5 et 7, reflétant l’état du milieu buccal. Il varie selon l’âge, plus acide chez le nourrisson et le vieillard.
- Reminéralisation : La salive protège les dents et participe à la reminéralisation par son apport en calcium et phosphates.
- Défense et immunité : La présence de protéines, d’IgA, de cytokines, d’hormones, de mucines et d’autres composantes permet à la salive de jouer un rôle au sein du système immunitaire.
- Excrétion : La salive permet également l’excrétion de catabolites sanguins (urée, acide urique), de substances toxiques (mercure, brome, alcool), de médicaments (morphine, amphétamines, digitaliques, barbituriques, etc.), d’hormones (cortisol, etc.), servant pour certaines substances à effectuer des tests salivaires de diagnostic.
2. Hyposialie et Xérostomie
2.1. Définition
Le mot xérostomie vient du grec : « xéro » (sec) et « stomie » (bouche). La xérostomie définit donc un état de sécheresse de la cavité buccale et des lèvres ressenti de façon subjective par le patient, traduisant une atteinte directe ou indirecte des glandes salivaires. Elle se manifeste soit par une diminution du flux salivaire (hyposialie) soit par une sécrétion salivaire nulle (asialie).
La xérostomie se traduit par des lésions objectives au niveau des muqueuses buccales et des dents, provoquant ainsi un véritable handicap, notamment chez les personnes âgées. Elle peut se manifester en tant que symptôme de différentes maladies systémiques (elle se manifeste chez 90 % des patients atteints du syndrome de Sjögren, chez 50 % des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, diabète, etc.). Elle peut être induite, en outre, par plus de 400 médicaments (anticholinergiques, antidépresseurs, neuroleptiques phénothiaziques, par exemple). De plus, les radiothérapies mises en œuvre pour le traitement de certaines tumeurs de la sphère cervico-faciale entraînent généralement une sécheresse buccale marquée.
2.2. Conséquences de la xérostomie
2.2.1. Conséquences muqueuses
Certains microorganismes saprophytes deviennent pathogènes et engendrent facilement des infections. L’absence de film protecteur prédispose les muqueuses aux irritations occasionnées par les agressions mécaniques et la persistance de débris alimentaires collants. La muqueuse buccale, d’aspect sec, paraît fragile. Elle est érythémateuse, peut présenter des ulcérations ou être recouverte d’un enduit blanchâtre. Le patient décrit souvent une sensation de brûlure, de cuisson et un goût métallique. La langue est rouge, fissurée ou lobulée avec une atrophie partielle ou totale des papilles filiformes.
- Les candidoses : Ces mycoses, rencontrées chez 75 % des patients atteints de Gougerot-Sjögren, sont provoquées majoritairement par Candida albicans. Le muguet buccal débute par une sensation de brûlure ou de goût métallique. Des macules apparaissent en plusieurs endroits de la muqueuse et confluent pour réaliser une stomatite érythémateuse diffuse. Dans un deuxième temps, apparaissent des efflorescences blanchâtres, facilement décollables, plus ou moins épaisses et étendues. Si elle n’est pas traitée, la candidose deviendra chronique avec apparition de plaques blanches bleutées ou grisâtres, associées à une sensibilité aux aliments épicés ainsi que des brûlures linguales. Elles siègent avec prédilection sous les prothèses adjointes au niveau du palais et de la langue.
- Les perlèches ou chéilites angulaires : C’est une inflammation de la zone rétro-commissurale, montrant des fissures, des croûtes jaunâtres sur fond érythémateux érosif voire ulcéré avec une sensation de brûlure. Elle peut être due à des infections bactériennes (Streptococcus aureus) ou fongiques (Candida albicans), avec une composante mécanique liée à la perte de dimension verticale d’occlusion. Elle peut être aggravée par le léchage.
- Langues lisses dépapillées : La muqueuse linguale subit des modifications, se dessèche, perd ses papilles qu’elle soit d’origine médicamenteuse ou non. La muqueuse devient lisse, vernissée, brillante et douloureuse.
- Glossite losangique médiane : C’est une plage érythémateuse grossièrement losangique du dos de la langue en avant du V lingual, tranchant par sa coloration rouge sur le reste de la langue. Elle est lisse, plane ou mamelonnée. En regard de cette plage losangique médiane, on trouve une lésion palatine, en « miroir », faite de petites macules érythémateuses (ouranite palatine). L’origine est médicamenteuse.
2.2.2. Conséquences dentaires
- Érosions : L’érosion est un phénomène souvent retrouvé dans le tableau clinique de l’hyposialie. Le flux salivaire stimulé étant fortement diminué, il n’est plus suffisant pour répondre à l’agression acide. Le pH ne peut alors être régulé, il reste faible durant un temps assez long pour provoquer l’attaque des surfaces améliaires puis dentinaires. Aspect clinique : large cavité à l’intérieur d’un émail lisse avec perte de surfaces non occlusales et exposition dentinaire. Hypersensibilité avec exposition pulpaire chez les personnes âgées.
- Lésions carieuses : La baisse des défenses salivaires (IgA sécrétoire), une diminution du pouvoir tampon ainsi que l’absence de nettoyage-dilution physiologique permettent à la plaque bactérienne et à l’enduit bactérien de se développer et de s’insinuer dans les espaces interdentaires. La concentration des germes cariogènes augmente. Il y a donc une déminéralisation locale et une apparition de lésions carieuses.
2.2.3. Conséquences fonctionnelles
- Phonation : La lubrification des muqueuses buccales n’étant pas suffisante et la salive étant très collante et épaisse, la phonation, qui nécessite des mouvements coordonnés intra-buccaux des lèvres, de la langue et des joues, ne peut s’effectuer correctement. L’élocution sera difficile, spécialement sur une longue durée, avec une incapacité de tenir une conversation au long cours.
- Déglutition : Le bol alimentaire ne peut se former en l’absence de salive au moment des repas, les aliments ont tendance à coller aux dents. Le patient opte pour une alimentation liquide ou semi-liquide.
- Gustation et agueusie : Le manque de salive va provoquer une détérioration des papilles filiformes. Les patients atteints de xérostomie vont se plaindre de sensations de brûlure constantes, exacerbées par les aliments acides ou épicés. Ils vont également décrire une agueusie en parlant de repas fades et insipides.
- Halitose : La mauvaise haleine est causée principalement par les composés sulfurés volatils résultant du métabolisme des bactéries.
2.2.4. Conséquences psychiques
Le caractère invalidant de la xérostomie va prendre le pas dans la vie quotidienne. Les patients ont des difficultés à s’alimenter, du fait de la mastication et de la déglutition difficiles. Ils ont des difficultés à s’exprimer, les porteurs de prothèses amovibles craignent de perdre leur appareil en public. Autant de raisons qui vont les brider dans leur vie sociale. De plus, les difficultés de mastication, de déglutition, de digestion, les sensations de brûlures buccales et la perte partielle de goût sont autant d’éléments qui vont provoquer chez le patient une perte d’appétit et un évitement social.
3. Examen de la cavité buccale
3.1. Interrogatoire
L’interrogatoire doit préciser :
- Les antécédents et la notion de prise médicamenteuse,
- La durée et les variations de la sécheresse buccale dans le nycthémère, surtout par rapport aux repas et au sommeil, ainsi que son évolution dans le temps depuis le début des symptômes,
- Le degré de gêne occasionnée par cette sécheresse sur la mastication, la déglutition et la phonation,
- L’existence éventuelle de dysgueusie, de brûlures, de dysesthésies buccales. Cette gêne, parfois décrite comme une douleur, est à différencier des glossodynies ou paresthésies buccales psychogènes,
- La recherche des antécédents de parotidite récidivante,
- Une sécheresse des muqueuses nasale, oculaires (utilisation de larmes artificielles), cutanée, vulvaire (prurit, brûlures),
- D’éventuels signes systémiques (polyarthralgies, etc.).
3.2. Examen clinique
- Inspection : Une hyposialie majeure est évidente dès l’inspection. La muqueuse linguale est sèche et vernissée. Les muqueuses buccales sont érythémateuses et collent à l’abaisse-langue. Il persiste souvent de la plaque dentaire sur les dents, des débris alimentaires restant collés aux muqueuses. La salive est rare, épaisse, filante ou quasi inexistante. Elle est parfois mousseuse, car peu abondante.
- Palpation : La palpation des glandes salivaires principales (parotides surtout) ne fait sourdre que très peu voire aucune salive aux ostiums des canaux. La recherche d’une hypertrophie des glandes salivaires principales peut orienter le diagnostic étiologique.
- Observations associées : Candidoses récidivantes liées à la diminution du flux salivaire, du pH local et des IgA sécrétoires ; polycaries précoces, nombreuses et rapidement évolutives ; parodontopathie secondaire à la gingivite tartrique conduisant à une édentation précoce et rapide ; difficultés à supporter les prothèses ; dénutrition possible.
- Conséquences psychologiques : Les sécheresses sévères entraînent presque constamment des conséquences psychologiques, parfois des ruptures sociales avec refus de sortir de chez soi ou de parler longtemps.
3.3. Diagnostic de la xérostomie
Les tests proposés sont multiples :
a) Test au sucre : Le plus simple, pratiqué au fauteuil. Un morceau de sucre n°4 placé sous la langue s’effondre normalement en trois minutes. Test grossier, manque de sensibilité, mais utile en routine.
b) Mesure du pH intrabuccal : Rarement effectuée. Une bande de papier pH est appliquée sur la langue, le résultat est lu sur une échelle colorimétrique. Le pH est acide (< 6,5) en cas de sécheresse.
c) Sialométrie : Mesure le débit salivaire total au repos et après stimulation par l’acide citrique.
d) Scintigraphie au Technétium 99 : Objective la valeur fonctionnelle des glandes salivaires.
e) Sialographie : Radiographie des glandes salivaires principales opacifiées après injection d’un produit de contraste dans le canal de Sténon ou de Wharton (objectivant la morphologie de la glande). Fait partie des critères diagnostiques du syndrome de Gougerot-Sjögren, mais n’est plus d’actualité.
f) Échographie et IRM : Effectuées lorsque la sécheresse s’accompagne de poussées inflammatoires des glandes salivaires principales.
g) Biopsie des glandes salivaires accessoires labiales : L’examen histologique s’effectue sur une biopsie des glandes salivaires accessoires labiales. Son apport est précieux pour le diagnostic de lésions spécifiques dans certaines xérostomies (syndrome de Gougerot-Sjögren, sarcoïdose, amylose). Le prélèvement est un geste peu invasif, sous anesthésie locale, au niveau de la face muqueuse de la lèvre inférieure. Une courte incision (5 à 10 mm) permet de prélever au minimum quatre lobules salivaires, puis elle est suturée par quelques points. Les suites sont le plus souvent simples. Un contrôle ophtalmologique s’impose en cas de suspicion de syndrome sec oculaire.
h) Examens secondaires : Dominés par les examens biologiques, effectués si le contexte fait suspecter une maladie systémique ou infectieuse (bilan auto-immun, hémopathie, sérologie VIH, hépatite C, etc.). Les examens bactériologiques et mycologiques, orientés par l’examen buccal, évaluent si besoin le retentissement infectieux de l’hyposialie.
4. Étiologies des xérostomies
La xérostomie est considérée comme une conséquence naturelle du vieillissement. On observe progressivement une dégénérescence des acini glandulaires, peu à peu remplacés par du tissu fibreux et adipeux, ainsi qu’une augmentation du diamètre du système vasculaire au détriment du parenchyme fonctionnel, observé selon l’histologie. Cependant, la fonction des glandes salivaires semble indépendante de l’âge. Chez l’homme en bonne santé, la production salivaire de ces glandes demeure constante tout au long de la vie. L’hypofonctionnement des glandes salivaires apparaît fréquemment dans la population âgée en raison de maladies systémiques (diabète, maladies d’Alzheimer et de Parkinson), de désordres immunologiques (syndrome de Gougerot-Sjögren) ou des effets secondaires des traitements médicamenteux ayant une action inhibitrice sur la salivation, ou de la radiothérapie cervico-faciale. Ainsi, la xérostomie n’est pas directement liée au vieillissement.
4.1. Les médicaments sialoprives
Ils sont nombreux et estimés responsables de 80 % des déficits salivaires. Les personnes âgées sont souvent polymédicamentées, avec dans 3/4 des cas la présence d’un médicament asséchant la bouche. Tous les médicaments et substances pouvant interférer sur le système nerveux central et périphérique ont une influence, par effet anticholinergique, sur la production de salive. Pris seuls ou en association, ils provoquent une sensation de bouche sèche et/ou une modification du goût. L’interrogatoire s’attache à rechercher la durée du traitement, les associations médicamenteuses ainsi que leur tolérance. La liste des médicaments sialoprives n’est pas exhaustive :
- Médicaments neuropsychotropes (psycholeptiques, thymoanaleptiques, anxiolytiques, stupéfiants) affectant directement la transmission de l’influx nerveux émanant du centre salivaire,
- Antihypertenseurs sympathoplégiques, hypotenseurs centraux, anti-arythmiques, diurétiques,
- Anti-ulcéreux cholinergiques, sympathomimétiques, atropiniques, antihistaminiques.
4.2. La radiothérapie cervico-faciale
Utilisée dans le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS), elle délivre en moyenne 65 grays au niveau de la sphère bucco-faciale, dose qui altère la fonction salivaire, en particulier si les glandes salivaires principales se trouvent dans le champ d’irradiation (nécrose intraglandulaire, atrophie des acini, fibrose et dégénérescence graisseuse). Le diagnostic étiologique est facile dès l’interrogatoire et devant quelques signes associés (aspect glabre et atrophique de la peau avec télangiectasies délimitant le champ d’irradiation), mais ne doit pas faire méconnaître le rôle des prises médicamenteuses associées (antidépresseurs, etc.).
L’hyposialie survient dès l’apparition de la radiomucite. Outre l’inconfort, elle peut se compliquer secondairement de caries rapidement évolutives, d’ostéite chronique et d’ostéoradionécrose des mâchoires, de mycoses buccales chroniques et récidivantes. Cette hyposialie n’est pas forcément définitive ; un certain degré de récupération, certes incomplet, survient souvent dans les mois voire les années qui suivent la fin de la radiothérapie.
4.3. Le syndrome de Gougerot-Sjögren
Cette maladie auto-immune chronique, aux localisations et formes diverses, est caractérisée par un infiltrat lymphocytaire des glandes exocrines. C’est une maladie fréquente, de diagnostic souvent tardif, qui concerne classiquement la femme à partir de 45 ans. Une parotidomégalie est trouvée dans un tiers des cas. Le syndrome est primitif ou secondaire aux connectivites et nécessite un bilan clinique général et biologique complet.
Le bilan clinique est pluridisciplinaire, associant :
- La recherche d’un syndrome sec buccal,
- Un syndrome sec ophtalmique (test de Schirmer),
- Des anomalies biologiques immunologiques.
La biopsie des glandes salivaires labiales est indiquée pour compléter les critères de la maladie. Les constatations histologiques fournies par la biopsie ont été cotées par Chisholm en cinq grades, de 0 à 4, selon l’intensité de l’infiltration mononucléée.
4.4. Autres causes d’hyposialies
D’autres maladies atteignant le parenchyme salivaire peuvent entraîner une hyposialie, comme la sarcoïdose et l’amylose, dont le diagnostic est parfois fait sur une biopsie des glandes salivaires accessoires. Les atteintes des glandes salivaires au cours de l’infection par les virus de l’hépatite C et le VIH, et au cours de la réaction du greffon contre l’hôte (GVH), sont également responsables de sécheresse buccale, majorée par les nombreux traitements prescrits dans ces pathologies. Une hyposialie peut également survenir dans les suites du traitement des cancers de la thyroïde par iode radioactif.
Les hyposialies nutritionnelles chez les patients âgés sont plus fréquentes chez la femme. L’interrogatoire s’attache à rechercher une respiration buccale associée qui accentue l’assèchement des muqueuses buccales. Cette hyposialie est souvent aggravée par une diminution de la ration hydrique par perte de la sensation de soif, ou volontairement en raison d’une incontinence urinaire handicapante.
5. Traitements des xérostomies
5.1. Le traitement étiologique
- En cas de radiothérapie : Des mesures de protection des glandes salivaires du champ d’irradiation, dans la mesure du possible, peuvent prévenir l’apparition d’une hyposialie.
- Hygiène buccale : Le maintien d’une hygiène buccale irréprochable joue un rôle prépondérant dans la prévention d’infections buccales et la préservation de l’état dentaire. Le brossage régulier des dents, l’utilisation du fil dentaire, la minéralisation de l’émail par application de fluorides concentrés, les rinçages buccaux avec un antimicrobien comme la chlorhexidine ou la povidone-iodine sont autant de mesures qui devraient être effectuées régulièrement.
- Médicaments sialoprives : Diminution ou suppression si possible.
- Hydratation : Les traitements de la sécheresse restent actuellement peu satisfaisants. Il faut rappeler au patient de s’hydrater suffisamment ; les apports conseillés en eau chez le sujet âgé sont plus élevés que ceux de l’adulte. Certains auteurs considèrent qu’un apport hydrique de 2 à 2,5 litres par jour est nécessaire (comprenant l’eau apportée par les boissons et l’eau liée aux aliments). Une eau riche en bicarbonate est recommandée.
- Petits moyens de stimulation salivaire ou d’hydratation : Gomme à mâcher sans sucre, bonbons acidulés ou mentholés sans sucre, eaux gazeuses et/ou citronnées, noyaux de fruits (stimulation mécanique), brumisateur d’eau minérale, gorgée d’eau. Il est recommandé de ne pas surchauffer les logements l’hiver et d’utiliser des saturateurs et des humidificateurs d’atmosphère.
- Hyposialies liées aux médicaments : Consisterait à réduire les doses (si possible) ou à modifier le traitement, ce qui s’avère le plus souvent compliqué chez des patients par ailleurs bien équilibrés. D’autant que le retour à une sécrétion salivaire normale à l’arrêt du traitement n’est pas systématique et peut être d’autant plus long que le médicament a été pris de façon prolongée.
5.2. Les traitements de stimulation
Les plus utilisés, lorsqu’il persiste une sécrétion salivaire partielle, sont des sialagogues :
- Chlorhydrate de pilocarpine : Agoniste muscarinique commercialisé sous le nom de Salagen® (AMM dans les xérostomies post-radiques et le syndrome de Gougerot-Sjögren) ou en préparation magistrale (gélules à 2,5 mg ou 5 mg). Contre-indiqué en cas d’asthme non stabilisé, d’iridocyclite et de glaucome à angle fermé. Le traitement est débuté à demi-dose pour en apprécier la tolérance, puis augmenté progressivement pour atteindre une dose efficace de 20 mg/jour. Les effets secondaires sont fréquents, peu sévères (hypersudation, nausées, bouffées de chaleur, céphalées), mais souvent responsables de l’arrêt précoce du traitement.
- Céviméline (Exovacio) : Dérivé de l’acétylcholine, non commercialisée en France, serait mieux supportée.
- Teinture mère de Jaborandi : A une teneur variable en pilocarpine et un fort titre en alcool, ce qui peut rendre son utilisation risquée. La plante peut être utilisée sous sa forme homéopathique, moins rapidement active mais bien tolérée, intéressante notamment chez les personnes âgées.
- Autres traitements : L’éserine oxyde salicylate (Génésérine 30 en granules) ou l’anétholtrithione (Sulfarlem S250), largement prescrit, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité sur l’augmentation de la sécrétion salivaire.
Les traitements des xérostomies totales ne peuvent être que substitutifs. Les salives artificielles seraient la solution idéale si leur adhésivité aux muqueuses buccales pouvait être maintenue plusieurs heures. Les produits commercialisés contiennent des mucines ou de la carboxyméthylcellulose qui tentent de les rapprocher de la viscosité salivaire, mais sont encore loin des résultats escomptés. Ils sont commercialisés sous forme de sprays (Artisial®, Elgydium clinic®, Aequasyal®) ou de gel (Oralbalance®, GUM hydral®). Ils améliorent le confort buccal mais ont un effet transitoire.
Un espoir thérapeutique pourrait venir du développement de l’utilisation de cellules souches salivaires. Le traitement doit prévenir les complications chaque fois que cela est possible :
- Hygiène buccodentaire rigoureuse avec utilisation de pâtes dentifrices fluorées diminuant la fréquence des caries,
- Nettoyage soigneux des prothèses mobiles,
- Régime alimentaire équilibré et non cariogène,
- Bains de bouche bicarbonatés à préférer aux solutions antiseptiques du commerce (souvent à base d’alcool, irritants et accentuant la sécheresse).
La consommation de tabac, d’alcool, de café et de thé en grandes quantités est à proscrire car elle accentue la sécheresse buccale. Certains aliments épicés ou acides sont agressifs et irritants sur des muqueuses sèches et fines, et ont souvent été déjà écartés de l’alimentation par les patients.
Conclusion
La sécheresse buccale est donc un symptôme indépendant de l’état de vieillesse à lui seul. Ce sont plutôt les pathologies sous-jacentes, avec la panoplie de médications à action centrale sur la sécrétion salivaire, qui provoquent la xérostomie dans la majeure partie des cas. Il existe d’autres étiologies à la sécheresse buccale, d’où l’intérêt de réaliser un bon examen clinique afin de rechercher la notion d’irradiation de la sphère ORL ou encore un état syndromique.
Écouter nos malades et répondre à leurs doléances est notre devoir en tant que professionnels de la santé, surtout envers cette population fragile qui mérite toute notre attention.
SÉCHERESSE BUCCALE ET HYPOSIALIE
La médecine dentaire exige une précision et une rigueur constantes pour garantir des soins optimaux.
Les étudiants en odontologie doivent maîtriser l’anatomie dentaire avant de pratiquer des interventions cliniques.
Les praticiens doivent se tenir informés des dernières avancées technologiques pour améliorer leurs traitements.
Une bonne communication avec le patient est essentielle pour établir un climat de confiance et de compréhension.
L’asepsie et la stérilisation sont des piliers incontournables pour prévenir les infections en cabinet dentaire.
La planification thérapeutique permet d’optimiser les résultats et d’éviter les complications postopératoires.
Les formations continues sont indispensables pour maintenir ses compétences à jour en médecine dentaire.
SÉCHERESSE BUCCALE ET HYPOSIALIE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.