Traitement des agénésies dentaires

Traitement des agénésies dentaires

Traitement des agénésies dentaires

INTRODUCTION

Le terme « agénésie » a pour étymologie a=privatif et genesis=génération c’est-à-dire, absence de génération.

L’agénésie dentaire se définie comme une anomalie de nombre par défaut due à l’absence d’une unité dentaire, en relation avec l’absence du germe correspondant. C’est la plus fréquente des anomalies dentaires rencontrées dans notre pratique quotidienne. Elle peut concerner la denture définitive et/ou lactéale et être unilatérale ou bilatérale. Au-delà de deux organes dentaires manquants on la qualifie de multiple.

La classification des agénésies se présente selon trois possibilités :

  • L’hypodontie : lorsque moins de 6 dents sont absentes,
  • l’oligodontie lorsque plus de 6 dents sont absentes,
  • l’anodontie lorsque toutes les dents sont absentes.
  1.  ​Fréquence :

Les agénésies touchent à peu près 6 à 7% des populations caucasiennes (dents de sagesse comprises, 3,4% sans les dents de sagesse). Elles concernent plus les femmes, les africains et les asiatiques, les faces courtes. Elles sont unilatérales dans les ¾ des cas (fréquemment associées à un retard de formation du germe symétrique, une microdontie ou une anomalie de forme de la dent symétrique). Les agénésies les plus fréquemment rencontrées concernent d’abord les dents de sagesse, puis les secondes prémolaires inférieures et enfin les incisives latérales supérieures (8inf<8sup<5inf<2sup<7sup<1inf<inc sup, 3, 4, 6 et 7inf (rare)).

Figure 1 : Prévalence des agénésies selon le type de dents

  1. ​Etiologies :
    1. Facteurs génétiques :

(Gène autosomique dominant à pénétrance incomplète et expressivité variable), liés au milieu intra utérin (maladie infectieuse, troubles nutritionnels, agents médicamenteux, radiations ionisantes… au cours grossesse),

  1. Causes locales : troubles de la vascularisation osseuse,
  2. Causes générales : syndromes entrainant une perturbation de la lame dentaire (Christ Siemens, Touraine, Franceschetti, Crouzon et Appert, FLAP) et l’évolution de l’espèce : surtout les dents « fin de série », se traduisant par une tendance à la réduction du matériel dentaire.
  3. Diagnostic clinique et conséquences des agénésies :

Le rôle du chirurgien-dentiste est central dans le dépistage et la prise en charge des différents types d’anomalies du développement dentaire. Mais son action est plus large. Il doit également repérer les signes d’appel, permettant de suspecter des pathologies potentiellement sévères.

  1.  ​Diagnostic clinique :
  1.  Anamnèse :

L’anamnèse est essentielle. Devant l’absence d’une ou plusieurs dents, le praticien doit se poser la question de l’origine de ces absences : acquises (traumatiques ou carieuses), ou congénitales. Il aura pour cela recours au questionnaire médical et à différents examens.

  • Il est important de rechercher une prédisposition familiale et de savoir si d’autres membres de la famille sont concernés par cette anomalie de nombre.
  • Il est aussi nécessaire de connaitre les antécédents pathologiques et l’historique médical du patient.
  • Toute absence de dent par avulsion précoce ou expulsion accidentelle doit être détectée pour ne pas fausser le diagnostic.
  1.  ​Examen clinique :

-Certains signes peuvent évoquer le diagnostic des agénésies :

  • La persistance prolongée d’une dent temporaire, à corréler avec l’âge dentaire, surtout si la dent permanente controlatérale est déjà présente sur l’arcade. Il faut alors apprécier la mobilité et l’état coronaire de la dent temporaire,
  • Recherche d’une voussure à la palpation qui pourrait présager la présence de la dent permanente,
  • Lorsqu’il y a agénésie de la dent temporaire, il y a quasiment toujours agénésie du germe de la dent permanente sous-jacente,
  • L’infraclusion voire la réinclusion d’une molaire temporaire (déficit de croissance alvéolaire dans le sens vertical) peut être le signe d’une agénésie du germe de la prémolaire sous- jacente.
  • Regarder la taille des dents, car les agénésies sont souvent associées à une microdontie. Suite à l’anamnèse et à l’examen clinique, il est possible de suspecter une agénésie, mais seule la radiographie permet de poser le diagnostic positif.

3.2. Les conséquences sans traitement :

  • Esthétiques en fonction de la localisation
  • Sur la croissance : ex : hypodéveloppement du prémaxillaire lors de l’agénésie des latérales sup ce qui provoque une prognathie mandibulaire relative et un type brachyfacial.
  • Occlusales : rupture de la continuité de l’arcade qui provoque des mouvements secondaires variés (versions, rotations,…) et des interférences occlusales lors des excursions mandibulaires.
  • Fonctionnelles : problème de mastication, de phonation, et de déglutition. La langue s’étale favorisant la persistance de la déglutition primaire.
  1.  ​Stratégies thérapeutiques en fonction des formes cliniques :

Devant une agénésie, trois solutions thérapeutiques sont possibles :

  • L’abstention, qui peut être envisagée en cas de persistance de la dent temporaire, ou lorsque les espaces sont régulièrement répartis et qu’il n’y a pas de demande esthétique, ou que le patient n’est pas motivé ;
  • La fermeture d’espace ;
  • L’ouverture d’espace, qui implique un projet prothétique de remplacement.
  1.  Agénésie de l’incisive latérale maxillaire :

C’est l’agénésie qui pose le problème le plus délicat en raison de la situation de l’incisive latérale dans l’arcade et de son rôle fonctionnel et esthétique.

Le choix thérapeutique se fait selon de nombreux critères : l’esthétique faciale, le sourire, l’occlusion, l’anatomie dentaire, la fonction articulaire …

Figure 2 : facteurs en faveur de l’ouverture et de la fermeture d’éspace

-La fermeture d’espace correspond à la substitution de l’incisive latérale par la canine. Cette solution thérapeutique tend à fermer le schéma facial, et creuser le profil. Elle est donc à éviter chez le sujet hypodivergent et dans le cas de profils rétrusifs. Ce choix thérapeutique présente l’intérêt de ne pas nécessiter de réhabilitation prothétique : le traitement se termine directement après l’orthodontie (pas de phase de transition), et à moindre coût.

-Un traitement commencé chez l’enfant pourra se terminer lorsqu’ils seront de jeunes adolescents.

-Un maquillage de la canine est nécessaire : coronoplastie par soustraction (épointage, diminution du bombé vestibulaire, inversion de la courbure palatine … ) et/ou par addition

(adjonction de composite). La chirurgie muco-gingivale peut améliorer le résultat (alignement des collets).

Enfin, un éclaircissement unitaire voire une facette céramique permettent d’obtenir d’excellents résultats esthétiques, et ne nécessitent pas d’attendre la fin de croissance (Zachrisson).

-Au niveau occlusal, on obtient une classe II canine et une classe II molaire thérapeutique. Si des extractions compensatrices sont réalisées à la mandibule, on obtient une classe II canine et une classe 1 molaire.

-On cherche à obtenir un guidage en fonction de groupe. La première prémolaire est en place de canine, et il peut s’avérer nécessaire de minimiser sa cuspide palatine (torque corono-lingual ± coronoplastie) afin d’éviter les interférences.

-Devant une forme asymétrique (agénésie unilatérale d’incisive latérale), il est préférable de symétriser la situation (ouverture d’espace). L’extraction de l’incisive controlatérale peut être envisagée lorsque celle-ci présente une anomalie de forme (incisive riziforme).

-Transformer une canine en incisive latérale nécessite une équilibration occlusale et esthétique. La phase de finitions orthodontiques est primordiale, et la contention indispensable.

  1.  ​Conséquences de l’ouverture d’espace :

L’ouverture d’espace permet de soutenir la musculature, elle évite de creuser le profil. La continuité et la symétrie de l’arcade sont rétablies par l’élément prothétique, et l’on obtient une

classe 1 canine et molaire, ainsi qu’un guidage en protection canine. Ce choix thérapeutique nécessite une phase orthodontique suivie d’une phase prothétique.

  • Chez le jeune, une période transitoire sera nécessaire en attendant la fin de croissance (contention fixe ou amovible). L’ouverture d’espace implique un traitement long et coûteux, dont le résultat esthétique est conditionné par une prothèse de grande qualité.
  • En fin de croissance, plusieurs solutions prothétiques sont possibles :
  • La solution implantaire. Elle nécessite d’ouvrir un espace suffisant tant au niveau coronaire que radiculaire, l’implant ostéointégré se comportant comme une dent ankylosée, il est impératif d’attendre la fin de croissance.

En effet, la croissance alvéolaire verticale au niveau des dents voisines provoquerait l’infraclusion progressive de l’implant, ainsi qu’une dysharmonie de la ligne des collets, très inesthétiques. Ces phénomènes de croissance faciale existeraient même chez l’adulte (croissance alvéolaire continue), et

sont donc à prendre en considération dans l’élaboration du plan de traitement (éviter la solution implantaire en cas de sourire gingival).

  • Le bridge collé.
  • Le bridge conventionnel, trop mutilant, est réservé aux cas où les dents piliers sont déjà délabrées (lésions carieuses ou traumatiques).

-Lorsque l’ouverture d’espace est indiquée, il est possible d’ouvrir l’espace postérieurement, puis de poser l’implant au niveau prémolaire afin d’éviter les risques esthétiques liés à la prothèse dans le secteur antérieur maxillaire.

-Si la solution d’ouverture d’espace est retenue, le projet prothétique doit être prévu en amont du traitement orthodontique, avec une concertation pluridisciplinaire. Le patient doit être pleinement informé de la durée de traitement et de son coût global.

  1. La fermeture ou la réouverture des espaces : avantages et inconvénients :
  • La fermeture des espaces :

Avantages : restauration de la continuité des dents naturelles sur l’arcade, évite la mutilation des dents lors de la réalisation des prothèses.

Inconvénients : liés à tout traitement ODF : nécessité d’un contexte parodontal sain et dentaire sain, une bonne compréhension et une bonne motivation du patient ; durée du traitement et son coût.

D’un point de vue esthétique, la fermeture des espaces doit satisfaire le patient (lui montrer avant sur set up, moulages,…)

La restauration de la fonction occlusale répond à des impératifs précis sur le plan statique et dynamique qui imposent bien souvent une équilibration post orthodontique contrôlée régulièrement.

Il existe alors 3 solutions thérapeutiques :

  • 1ère Solution :

Canines à la place des incisives latérales et fermeture des diastèmes antérieurs sans extractions à l’arcade mandibulaire.

Conséquences occlusales :

  • Classe II canine ;
  • Classe II molaire ;
  • 2ème  Solution :

Canines à la place des incisives latérales et fermeture des diastèmes antérieurs avec extractions de deux prémolaire à l’arcade mandibulaire.

Conséquences occlusales :

  • Classe II canine;
  • Classe I molaire;
  • Protection groupe en latéralité.
    • 3ème  Solution :

Canines à la place des incisives latérales et fermeture des diastèmes antérieurs avec extractions de deux incisives à l’arcade mandibulaire.

Conséquences occlusales :

  • Classe II canine ;
  • Classe I molaire ;
  • Protection groupe en latéralité. Protection groupe en latéralité.

Symétrie ou non de l’agénésie :

Il existe deux éventualités selon que l’on décide de conserver ou non l’incisive latérale homologue :

Si la latérale homologue présente une anomalie justifiant son extraction, dans ce cas l’extraire précocement et continuer le traitement en choisissant l’une des solutions précédemment décrites.

  • Si la latérale homologue figure sur l’arcade sans anomalie, dans ce cas le traitement dépend des relations molaires initiales et de la symétrie de l’arcade :
  • Avec une des solutions précédentes unilatéralement.
  • Classe I avec DDM : Extraction bimaxillaire.
  • Classe II : Extraction uni-maxillaire.
  • Classe I sans DDM : conserver la latérale.
  • Classe III : conserver la latérale avec extraction des 34/44 ou extraction de la latérale avec extraction 36/46.
  • L’ouverture des espaces :
  • Avantages : permet de restaurer une cl I molaire et canine, de respecter le contexte articulaire et neuro-musculaire du patient et d’obtenir des rapports dent-parodonte favorables ; les techniques cosmétiques actuelles permettent une restauration excellente du sourire.
  • Inconvénients : liés au traitement ODF ; une période de contention étant indispensable, la durée du traitement est considérablement augmentée ; la motivation et un contrôle parfais de la plaque bactérienne sont encore plus importants lorsqu’une restauration prothétique est envisagée ; La solution implantaire offre un maximum d’avantages chez l’adulte mais les contre-indications sont nombreuses.

L’utilisation de bridges collés permet une économie des tissus dentaires. La mutilation occasionnée par les bridges scellés est compensée par leurs qualités mécaniques. La restauration prothétique devra être remplacée après une dizaine d’années en moyenne. Au traitement orthodontique s’ajoute le coût du traitement prothétique.

  • Les différentes solutions thérapeutiques (sans extraction)
  • 1ère Solution :

Conservation ou augmentation de l’espace pour les incisives latérales.

Remplacement prothétique des incisives latérales (PPA, bridge fixé ou collé, prothèse implanto- portée…)

Conséquences occlusales :

  • Classe I canine ;
  • Classe I molaire ;
  • Protection canine en latéralité.
  • 2ème Solution :

Report postérieur des espaces antérieurs.

Remplacement prothétique par une troisième PM (PPA, bridge fixé ou collé, prothèse implanto- portée…)

Conséquences occlusales :

  • Classe II canine ;
  • Classe I molaire ;
  • Protection groupe en latéralité.
  1. Agénésie des prémolaires inférieures :
  • Le traitement d’une agénésie bilatérale de deuxièmes prémolaires inférieures.

Les alternatives thérapeutiques :

  • Conservation des deuxièmes molaires temporaires saines et non ré-ingressées : Conséquences : légères relations de classe II molaire (la 85 est plus large que la 45).

A long terme, réaliser un bridge, après rhizalyse des racines des dents temporaires, ces dents persistant assez longuement.

  • Extraction des deuxièmes molaires temporaires inférieures :
  • Précocement : face longue, sans anomalie orthodontique :

Après extraction, mésialage spontané des premières molaires inférieures,

Germectomie des deuxièmes prémolaires supérieures, si les germes des dents de sagesse sont visibles,

En denture adulte, traitement en technique fixe multi-attaches, pour la correction des axes et la fermeture des espaces ;

  • Tardivement : face courte :

l’extraction des deuxièmes molaires temporaires ne permet pas le mésialage spontané.

Il se produit très souvent un isthme alvéolaire entre premières molaires et premières prémolaires qui peut être préjudiciable au déplacement mésial dans de bonnes conditions, de la première molaire, l’extraction de la dent temporaire et le traitement doivent être tardifs.

Choix thérapeutiques selon les anomalies orthodontiques :

D. D. M. : extraction des 15, 25 et 85, 75 ; cas de classe II : de préférence, conservation :

cas de classe III : extraction des molaires temporaire et mise en place d’un dispositif fixe multiattache.

  • Le traitement d’une agénésie unilatérale de deuxième prémolaire inférieure.

Solution unilatérale : cas de classe I sans D. D. M. : extraire la deuxième prémolaire supérieure du même côté.

Solution bilatérale : D. D. M. en classe I : extraction de la deuxième prémolaire symétrique et des 15 et 25.

  1.  Agénésies multiples :

Dans les cas d’agénésies multiples, les conséquences sont plus sévères et la thérapeutique est le plus souvent implantaire en fin de croissance.

Ces agénésies sont souvent associées à une hypodivergence mandibulaire, en relation sans doute avec le faible développement vertical des procès alvéolaires, et à une supraclusion incisive.

L’absence de plusieurs dents permanentes nécessite dans la plupart des cas une restauration prothétique par des prothèses implanto-portées.

Le traitement orthodontique doit s’inscrire dans une prise en charge pluridisciplinaire. Tout doit être mis en œuvre pour faciliter la réalisation prothétique.

CONCLUSION

La prise en charge des agénésies est le plus souvent pluridisciplinaire. Le plan de traitement sera individualisé en fonction de la situation clinique et de la demande du patient. La prévisualisation du projet de traitement à l’aide de maquettes (set-up) est d’une grande aide, et permet d’anticiper les coronoplasties.

La décision d’ouverture d’espace doit être bien réfléchie car elle pose des questions sur le long terme. Le coût de cette thérapeutique pour le patient n’est pas négligeable.

La communication avec le patient et les autres praticiens intervenants est indispensable pour le bon déroulement de la thérapeutique.

Traitement des agénésies dentaires

  La médecine dentaire exige une précision et une rigueur constantes pour garantir des soins optimaux.
Les étudiants en odontologie doivent maîtriser l’anatomie dentaire avant de pratiquer des interventions cliniques.
Les praticiens doivent se tenir informés des dernières avancées technologiques pour améliorer leurs traitements.
Une bonne communication avec le patient est essentielle pour établir un climat de confiance et de compréhension.
L’asepsie et la stérilisation sont des piliers incontournables pour prévenir les infections en cabinet dentaire.
La planification thérapeutique permet d’optimiser les résultats et d’éviter les complications postopératoires.
Les formations continues sont indispensables pour maintenir ses compétences à jour en médecine dentaire.
 

Traitement des agénésies dentaires

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