Les lésions blanches
Introduction : Ces lésions sont nommées ainsi car elles présentent un aspect blanchâtre, jadis appelé leucoplasie ou leucokératoses. Mais cette teinte n’est qu’un signe clinique commun à de nombreuses affections qui diffèrent par leurs pathogénies, leurs symptomatologies et leurs pronostics. En effet, certaines maladies comportent un risque limité et semblent bénignes alors que d’autres évoluent volontiers vers la malignité.
On distingue 3 groupes séméiologiques de lésions blanches :
-Les lésions pseudomembraneuses : lésions élémentaires correspondant à la croûte cutanée.
-Les lésions avec augmentation de l’épaisseur de l’épithélium ou œdème du corps muqueux de Malpighi.
-Les lésions kératosiques : conséquence d’une anomalie de processus physiologique de kératinisation.
- Lésions blanches non kératosiques : Les principales causes sont des altérations de l’épithélium de revêtement et plus rarement des modifications du chorion sous-jacent.
- Candidose : candidose aigüe : Mycose la plus fréquente de la cavité buccale, elle est provoquée par candida albicans. Elle se manifeste par un dépôt blanc laiteux à l’ablation facile, recouvrant une muqueuse érythémateuse inflammatoire. Les localisations les plus fréquentes sont la joue, la langue et le palais. Le muguet est habituellement asymptomatique en dehors d’une sensation de brûlure.
Les facteurs prédisposants peuvent être locaux : mauvaise hygiène buccale, xérostomie, port de prothèse adjointe, antibiothérapie. Ils peuvent aussi être systémiques : corticoïdes, immunosuppresseurs, oestroprogestatifs, radiations ionisantes, diabète, anémie, troubles endocrines…
L’examen histologique révèle un feutrage de filaments mycéliens à la surface de la muqueuse. A noter que le diagnostic de muguet reste clinique puisque Candida est isolé dans la majorité de la bouche d’une population saine.
On distingue 5 formes clinques de candidoses primaires : pseudo-membraneuse (la plus fréquente, sensation de mauvais goût et du brûlure), érythémateuse, nodulaire (forme chronique de la maladie, dépôt blanc sans ablation possible), hyperplasie papillaire palatine et lésions chroniques rares dues à Candida (chéilite angulaire, glossite losangique, stomatite prothétique, troubles immunologiques).
Traitement :
-Brossage de la muqueuse et d’une éventuelle prothèse dentaire avec une suspension buvable d’amphotéricine B (Fungizone®) puis rinçage dans de l’eau biacarbonatée (bicarbonate de sodium 14/1000).
-Bains de bouche avec Eludril® (chlorhexidine + menthol + chlorobutanol) 3 à 4 fois par jour.
-Fungizone® suspension buvable, 1 cuillère à café 3 fois par jour, à distance des repas, en laissant au contact de la muqueuse buccale quelques minutes avant d’avaler (pour son action au niveau du tube digestif) pendant 15 jours. Conseiller au patient d’éviter les topiques digestifs (Smecta®, Gavisonc®, Carbolevure®) qui vont neutraliser l’effet de l’amphotéricine B.
-Traitement éventuel d’un foyer digestif : Fungizone® 2 gélules 3 fois par jour pendant 10 jours.
Propriétés de la fungizone : antifongique de structure polyénique, fongistatiques sur Candida albicans par contact direct en altérant la membrane fongique (fixation sur l’ergostérol). N’entraîne pas de résistance même en traitement prolongé et dénué de toxicité par voie orale car peu résorbé par le tube digestif.
- Nécrose épithéliale due aux caustiques : Lésion de la muqueuse buccale provoquée par l’application topique d’un produit caustique. Les produits incluent l’alcool, le phénol, le peroxyde d’hydrogène,l’acide trichloroacétique, certains bains de bouche (polyvidone iodée associée aux dérivés mercuriels), les agents de mordançage acide sous forme liquide et les vernis pour cavité dentaire, ou encore l’aspirine qui parfois, est utilisé en automédication. Le patient place le comprimé dans le vestibule en regard d’une dent douloureuse, il va alors provoquer une nécrose épithéliale, qui devient blanchâtre et se détache du chorion sous-jacent.
Diagnostic différentiel : gingivites et stomatites ulcéronécrotiques, candidoses, traumatismes
mécaniques, maladies bulleuses.
Traitement : il est symptomatique. Antalgiques et antiseptiques topiques (Eludril®). Le retour à la normale doit se faire en 8 à 10 jours. Conseiller au patient d’éviter les salicylés et l’aspirine, surtout en automédication.
- Stomatite urémique : Chez les patients atteints d’insuffisance rénale, la stomatite urémique est une affection rare se manifestant par des plaques blanchâtres. On distingue 4 formes de stomatites urémiques : ulcéreuse, hémorragique, pseudomembraneuse et hyperkératosique. La langue et le plancher buccal sont le plus souvent atteints. Les symptômes associés sont : xérostomie, haleine avec une odeur ammoniacale, un mauvais goût et des sensations de brûlures.
Etiologie : la pathogénie est peu connue, l’augmentation des concentrations sanguines et salivaires en urée et ses dérivés, est responsable des lésions. Elles apparaissent lorsque l’urémie dépasse 30 mmol/l. L’uréase dégrade l’urée en ammoniac libre, qui va altérer la muqueuse buccale.
Le diagnostic repose donc sur les signes cliniques mais aussi sur l’historique, les analyses urinaires et sanguines.
Diagnostic différentiel : candidose, stomatite de contact, leucoplasie chevelue, White Sponge Naevus, réactions médicamenteuses.
Traitement : l’hémodialyse entraîne souvent une amélioration des lésions, l’hygiène buccale est primordiale, bains de bouches et salive artificielle : Artisial®, substitut salivaire en solution pour pulvérisations endo-buccales, à
pulvériser 4 à 8 fois par jour selon la sécheresse buccale. Les effets indésirables sont exceptionnels
: picotements, sensations de brûlures et rares cas de nausées. Si nécessaire, des traitements antimycosiques, antiviraux ou antibiotiques peuvent être mis en place.
- langue géographique : Affection extrêmement fréquente et bénigne se présentant sous la forme d’érythèmes avec liseré saillant blanchâtre. La lésion peut être localisée, unilatérale ou multiple. La cause pourrait être d’origine génétique. Généralement confinée au dos de la langue, la lésion peut migrer et parfois s’accompagner de localisations extra-linguales, ou d’une plicaturation de la langue. Diagnostic différentiel : candidose, lichen plan, psoriasis, plaques syphilitiques, Syndrome de Reiter. Traitement : les signes cliniques apparaissent et disparaissent par périodes. Les émotions, le stress ou les infections gingivo-dentaires voisines peuvent favoriser ces poussées. Cette affection est asymptomatique, elle nécessite simplement de rassurer le patient et de l’informer des facteurs de survenue des lésions. le patient doit éliminer les facteurs prédisposant et utiliser une nouvelle brosse à dent équipé d’un grattoir pour la langue. Le décapage du dos de la langue sera effectué par le patient lui-même, en appliquant une solution à 0,5% de trétinoïne (kératolytique). Le mode d’application sera le suivant : le soir après le repas ainsi qu’après brossage des dents et du dos de la langue, il maintiendra sa langue tirée à l’aide d’une compresse pour la sécher et la frotter énergiquement à l’aide d’une seconde compresse. Il badigeonnera enfin toute la surface de la langue avec un tampon imbibé de trétinoïne, La patient lâche sa langue au bout d’une minute, peut fermer la bouche sans faire aucun rinçage. Le traitement est efficace rapidement, si le patient garde une hygiène rigoureuse : 3 brossages par jour avec grattage de langue le soir.
- Lésions blanches kératosiques
Les zones normalement kératinisées de la muqueuse buccale ont une couleur rose.La kératose se définit comme une lésion de la peau ou d’une muqueuse caractérisée par une hypertrophie importante des couches cornées de l’épiderme, accompagnée ou non d’une hypertrophie des papilles du derme. Lors d’une kératose superficielle, ortho ou parakératosique, la teinte peut varier du voile blanc au
blanc pur, en passant par des aspects grisâtre, jaunâtre, voire rougeâtre lorsqu’il y a une pigmentation.
- Les leucoplasies : La leucoplasie peut être définie comme une lésion précancéreuse, ce n’est pas une maladie spécifique. C’est une affection chronique des muqueuses à épithélium pavimenteux stratifié, dont la partie superficielle de l’épithélium se transforme en couche cornée, provoquant la formation de plaques opalines à blanchâtres, fermement fixées à la muqueuse. On distingue 3 types de leucoplasies : la forme homogène (en plaques planes), la forme inhomogène (ponctuée et verruqueuse . Les formes ponctuées et verruqueuses présentent un risque de transformation maligne plus important. Les sites fréquemment atteints sont la muqueuse buccale, la langue, la plancher buccal, la gencive ainsi que la lèvre inférieure.
Etiologie : les leucoplasies peuvent être d’origine exogènes à cause de facteurs irritatifs comme le tabac, l’alcool comme cocarcinogène, la chique de bétel, les rayons ultra-violets, mais aussi d’origine infectieuse : syphilis, Human Papilloma Virus…).
Diagnostic différentiel : Lichen plan et réactions lichénoïdes, stomatite de contact, candidose, mordillements chroniques, kératose tabagique, brûlures chimiques, lupus érythémateux, leucoedème, hamartome spongieux.
Traitement : dans les leucoplasies sans dysplasies, le traitement curatif n’est pas indispensable. Les leucoplasies avec dysplasie légère à modérée sont traitées par laser et cryochirurgie et rétinoïdes (Soriatane®). Les leucoplasies à dysplasie sévère sont traitées par exérèse chirurgicale. L’utilisation de bêta-carotène (caroténoïde, antiphotosensibilisant) sans dépasser 2 mois de traitement sans contrôle ophtalmique (ne pas porter de lentilles de contact), vitamine E, vitamine A (association déconseillée avec le bêta-carotène car risque d’hypertension intracrânienne par hypervitaminose A lors d’utilisation prolongée), semble avoir une efficacité prophylactique sur la survenue de leucoplasie et de carcinome.
-La leucoplasie verruqueuse proliférante : Forme clinique rare et agressive de leucoplasie à caractère plurifocal et papillaire, avec une tendance à se disséminer. Son évolution tend inéluctablement vers un carcinome épidermoïde ou verruqueux malgré les traitements. Les sites de prédilections sont les gencives, les 2 faces de la langue et les muqueuses jugales. Les femmes sont 4 fois plus touchées que les hommes. Le diagnostic n’est que rétrospectif puisqu’au départ, les lésions sont simplement blanches et hyperkératosiques, sans dysplasie. Il est établi grâce à une biopsie et un examen histopathologique.
Les traitements : exérèse chirurgicale, irradiations et chimiothérapies n’empêchent pas les récidives. 80% des patients décèdent de cette pathologie.
- Kératoses réactionnelles exogènes : Ce sont des lésions kératosiques dues à une irritation de la muqueuse par des facteurs ou des substances extérieures à l’organisme.
On distingue certaines différences au niveau des lésions en fonction de l’étiologie.
-Les lésions du fumeur de cigarette sont caractérisées
-Les lésions du fumeur de pipe
-La stomatite congestive alcoolo-tabagique
-La kératose de la chique du tabac
-La kératose de la chique de bétel
- Le lichen plan : Dermatose inflammatoire chronique, cette maladie atteint la peau, les muqueuses malpighiennes et les phanères. Le lichen plan buccal est plus fréquent que le lichen cutané même si les 2 localisations peuvent coexister. L’étiologie de cette pathologie est encore mal connue : le facteur déclenchant pourrait être un corps étranger, un médicament, une infection ou un allergène. Ce facteur serait à l’origine de lésions cellulaires par l’intermédiaire de réactions auto- immunes faisant intervenir des lymphocytes T CD4 et des lymphocytes CD8 cytotoxiques. La localisation préférentielle du lichen plan buccal est la muqueuse jugale et la langue. La lésion élémentaire est une papule polygonale aplatie, brillante, de coloration rougeâtre. Les lésions sont souvent bilatérales et évoluent avec le temps. Au niveau clinique, il existe de nombreuses formes de lichen plan :
-Lichen plan buccal érythémateux : les lésions érythémateuses masquent les lésions blanches, et doivent être recherchées afin d’éviter de confondre ce lichen plan avec une gingivite infectieuse. Cette forme est fréquente dans le cadre du syndrome VVG (vulvovaginogingival, forme clinique grave et rare du lichen plan génital).
-Lichen plan buccal érosif : la muqueuse présente des lésions érosives de taille variable (faible taille pour le lichen plan érosif mineur), et en quantité variable (faible nombre pour le lichen plan érosif
mineur). Les érosions peuvent être très importantes et donner un érythème diffus (lichen plan érosif majeur). La forme des lésions est très irrégulière, généralement anguleuse, un enduit fibrineux jaunâtre recouvre le fond. Les infiltrations lymphocytaires vont grignoter l’épithélium par le fond, jusqu’à la surface. Ces infiltrations seront alors recouvertes d’un enduit fibrino-leucocytaire. Cet enduit est responsable d’une limitation d’ouverture de la bouche, ce qui rend, en plus des douleurs, le diagnostic difficile. Sa transformation en carcinome épidermoïde est possible mais rare.
-Lichen plan buccal bulleux : cette forme est caractérisée par la présence de bulles contenant du liquide. Elles sont rarement observées car le patient consulte souvent lorsque ces bulles ont déjà éclaté, ce qui donne aux lésions l’apparence d’un lichen plan érosif. Le diagnostic passe par la biopsie d’une zone d’aspect lichénoïde à distance de la bulle ou de l’érosion post-bulleuse.
-Lichen plan buccal réticulé : forme la plus fréquente, ses stries entrelacées blanchâtres forment un réseau (stries de Wickham). Cet aspect est pathognomonique, caractéristique du lichen plan buccal. Cette forme dénonce un lichen plan ancien.
-Lichen plan buccal hypertrophique : forme rare, elle est due à un phénomène particulier. L’activité de régénération épithéliale est supérieure à l’activité lichénienne destructive. Il en résulte la formation de lésions épaisses hyperkératosiques, disposées en îlots et séparées par des sillons. Cette forme est plus fréquente chez les fumeurs.
-Lichen plan pigmenté : cette forme est observée chez des sujets à peau brune ou noire, à des stades avancés de lichen plan buccal.
-Lichen plan buccal atrophique : le lichen plan évolue, passant par les stades érosifs et bulleux, il devient après plusieurs années, atrophique.
-Réactions lichénoïdes : ces lésions ont en commun l’aspect clinique et histologique avec le lichen plan buccal. Ces lésions sont induites par différents facteurs matériaux de restauration dentaire, résines en composites, amalgames (allergie aux mercuriels), accumulation de plaque dentaire, traumatismes (phénomène de Koebner) ou encore une réaction médicamenteuse.
Traitement : il nécessite la distinction entre lésions actives (sensibles) et lésions cicatricielles (insensibles aux corticoïdes). Tout lichen plan récent (toute forme clinique) doit être traité pour en limiter l’évolution, et tout lichen en poussée doit être traité pour en limiter le retentissement.
–Corticothérapie par voie générale : prednisone (Cortancyl ®) 0,5 à 1 mg/kg/j sur une durée de 10 jours avec relais par une corticothérapie locale. Les effets indésirables sont plutôt nombreux lors des traitements au long cours, en particuliers les troubles métaboliques (rétention hydrosodée, hypokaliémie, effet diabétogène, trouble osseux), les troubles endocriniens (syndrome cushingoïde, irrégularités menstruelles, l’atrophie cortico-surénale peut intervenir pour une posologie de 20mg/jour pendant 3 semaines), troubles psychiques (euphorie, excitation, insomnies), les risques infectieux accrus (viroses, mycoses, tuberculoses), et les troubles divers (acné dorsal, purpura, vergetures, glaucome). Une cure inférieure à 10 jours ne nécessite pas de surveillance particulière.
Autre thérapeutique : triamcinolone 80 mg (Kénacort retard®) en IM stricte par mois, puis 40 mg par mois pendant 3 à 6 mois. Le lichen plan disparaît rapidement, avant les altérations irréversibles de la muqueuse.
BLIOGRAPHIE
- Kuffer R, Lombardi T, Husson-Buis C, Courrier B, Samson J. Affections des lèvres. La muqueuse buccale de la clinique au traitement. Med’com; 2009. p. 74.
- Laskaris G. Lésions papillaires. Atlas des maladies buccales. Lavoisier, Flammarion Médecine-Sciences; 2006. p. 220.
- Laskaris G. Lésions blanches. Atlas des maladies buccales. Lavoisier, Flammarion Médecine- Sciences; 2006. p. 16–17.
- Laskaris G. Lésions vésiculobulleuses. Atlas des maladies buccales. Lavoisier, Flammarion Médecine-Sciences; 2006. p. 106-107.
Les lésions blanches
Voici une sélection de livres:
Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
Concepts cliniques en odontologie conservatrice
L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
Les lésions blanches

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

