PRISE EN CHARGE DES PATIENTS SOUS BISPHOSPHONATES.

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS SOUS BISPHOSPHONATES.

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS SOUS BISPHOSPHONATES.

I/ INTRODUCTION

Au moment où la médecine est en perpétuel progression, de nouvelles thérapeutiques sont apparues mais non sans conséquences indésirables.

C’est le cas des antiresorbeurs ( bisphosphonates ) et les thérapies ciblées qui sont administrés dans le cadre de pathologies osseuses bénignes et malignes . Ces médicaments permettent de réduire la résorption osseuse en inhibant l’activité ostéoclastique. Cependant des complications peuvent apparaitre : l’Ostéochimionécrose ( ONM). L’Ostéochimionécrose est un effet secondaire des traitements par bisphosphonates décrit pour la première fois par Marx (2003). Il s’agit d’une nécrose osseuse des maxillaires qui peut être spontanée ou en réponse à un acte de chirurgie dentaire.

L’os est exposé dans la cavité buccale et ne cicatrise pas dans un délai de 6 à 8 semaines. Il existe 3 générations de BPs: ceux de la 2 et la 3 génération connus sous le nom d’amino bisphosphonates représentent un plus haut risque d’ONM.

II/ NOTIONS FONDAMENTALES

L’os maxillaire est constitué d’ un os spongieux.

La mandibule est constituée d’un os basal très dense qui entoure l’os alvéolaire spongieux

  1. LE REMODELAGE OSSEUX

Le tissu osseux est une structure dynamique en perpétuel remaniement.

Le modelage, qui intervient principalement au cours de la croissance, permet la mise en forme des os.

Le remodelage contribue au remplacement de l’os âgé ou altéré par un os jeune, grâce à deux types de cellules: les ostéoclastes et les ostéoblastes.

Ces unités fonctionnelles, qui participent respectivement à la résorption et la formation de l’os, sont liées dans l’espace et le temps.

Au niveau buccal, ce remaniement intervient à plusieurs moments:

  • la croissance,
  • les mouvements dentaires engendrés par l’ODF
  • la cicatrisation après une extraction,
  • les maladies parodontales,
  • l’ ostéointégration implantaire
  1. LE REMODELAGE OSSEUX

Le remodelage osseux se produit dans les deux types d’os, l’os cortical et l’os spongieux. C’est un renouvellement permanent. Les activités de résorption osseuse par les ostéoclastes et d’apposition osseuse par les ostéoblastes sont étroitement liées avec une coopération des deux types cellulaires et des influences réciproques.

Il faut 4 mois  environ chez l’adulte pour un cycle de remodelage; la phase de résorption étant plus courte que celle de formation.

III/ LES ANTIRESORBEURS / BISPHOSHONATES ( BsP) 1- PHARMACOLOGIE (FORME, STRUCTURE)

Les bisphosphonates ou bisphosphonates sont donc des analogues synthétiques des pyrophosphates inorganiques. Ils sont capables de se fixer sur l’hydroxyapatite de la matrice osseuse et d’inhiber sa résorption. Les bisphosphonates possèdent en plus de la molécule de pyrophosphates, deux chaines latérales R1 et R2 lié au carbone central, leur donnant plusieurs propriétés différentes.

La chaine R1: conditionne l’affinité à la molécule de calcium.

La chaine R2: potentialise l’action de la molécule . En fonction de la chaine R2, la molécule sera plus ou moins puissante

On distingue alors deux grandes familles de bisphosphonates :

− Ceux ne comportant pas d’atome d’azote (N) : bisphosphonates simple, de 1ère génération

ou non-aminobiphosphonates (tiludronate, étidronate, clodronate)

− Ceux comportant un groupement azoté : amino-bisphosphonate ou bisphosphonates

nitrogénés. (ibandronate, risédronate, alendronate, pamidronate, zolédronate).

  1. DIFFERENTS TYPES DE BsP
Bisphosphonates de première génération
DCINom CommercialVoie d’administrationIndicationPosologie
EtidronateDidronel®Per osOstéoporoseMaladie de Paget400mg/j400mg/j pendant 6 mois
ClodronateClastoban®Per os ou Intraveineux Per osHypercalcémie maligne(Onco-hematologie2400 à 3200mg/j ou 300mg/j 1040 à 2080mg/j
Lytos®
TiludronateSkélid®Per osMaladie de Paget400mg/j pendant 3 mois
Bisphosphonates de deuxième génération
DCINom CommercialVoie d’administrationIndicationPosologie
PamidronateArédia®IntraveineuxHypercalcémie maligneMyélomes multiples15 à 90mg/mois90mg/mois
AlendronateFosamax®Per osMaladie de Paget120 à 180mg 2 à 3 jours consécutifs
Fosavance®
Bisphosphonates de troisième génération
DCINom CommercialVoie d’administrationIndicationPosologie
RisédronateActonel®Per osOstéoporose Maladie de Paget35mg/semaine30mg/j pendant 2 mois et demi
IbandronateBonviva®Per os ou IntraveineuxOstéoporose150mg/mois ou 3mg/3mois 2 à 4mg/mois
Bondronat®IntraveineuxHypercalcémie maligne
ZolédronateZométa®IntraveineuxHypercalcémie maligne4mg/mois 2 à 4mg/an
Aclasta®metastases osseusesOstéoporose/maladie de Paget
  1. PHARMACOCINÉTIQUE
    • Absorption intestinale :Les BPs sont peu absorbés lorsqu’ils sont administrés par voie orale. Les BPs intraveineux offrent une meilleure biodisponibilité.
    • Demi-vie plasmatique : courte: quelques heures
    • Demi-vie osseuse: plusieurs années. ( au moins un an )
    • Elimination : voie rénale
  2. MODE D’ACTION DES BPs
  3. action anti-remodelage osseux
  • pour les BPs sans groupement amine : on a – Substitution de BPS à l’ATP de l’osteoclaste – Formation des matébolites cytotoxique
  • Pour les BPs avec groupement amine: on a
  • Fixation à l’hydroxyapatite
  • Blocage des cytokinine qui jouent un rôle dans la signalisation intracellulaire
  • Inhibition de la signalisation inter cellulaire
  • Inhibition de l’activité de résorption des ostéoclastes
  1. effet anti-angiogénique par:
  • Diminution de la prolifération des cellules endothéliales
  • Diminution du taux circulant de V.E.G.F (Vascular Endothelial Growth Factor).
  • Diminution de la formation des capillaires
  1. action anti tumorale : action inhibitrice sur PTHrp ( peptide apparenté à l’hormone

parathyroïdienne (PTHrP) responsable de l’hypercalcémie humorale maligne.

IV/ INDICATIONS BISPHOSPHONATES

1- les pathologies bénignes : plus frequement : osteoporose et maladie de paget.

2 – L e s p a t h o l o g i e s m a l i g n e s : m e t a s t a s e s o s s e u s e s ; h y p e r c a l c e m i e m a l i g n e ; m y e l o m e m u t i p l e

V I / O S T E O C H I M I O N E C R O S E / O N M :

Selon l’ l’AAOMS (American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons) : on parle d’une ONM si :

  • Patient ayant reçu ou étant en cours de traitement avec une molécule anti-résorption ou anti-angiogénique
  • Avec une exposition osseuse ou un os probablement atteint avec fistule orale ou extra- orale dans la région maxillo-faciale qui persiste depuis plus de huit semaines
  • Sans antécédent de radiothérapie dans la région maxillo-faciale ou d’antécédent de métastases osseuses des mâchoires.

VII/ HYPOTHESES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE L’ONM

  1. Inhibition des ostéoclastes et du remodelage osseux: C’est la théorie la plus probable mais n’a jamais été complètement démontrée. Les biphosphonates inhibent la différenciation et la fonction des ostéoclastes, augmentant alors leur apoptose, conduisant à une diminution de la résorption et donc du remodelage osseux.
  2. Inhibition de l’angiogenèse : L’angiogenèse influence favorablement le développement des tumeurs et leur dissémination en métastase. Les bisphosphonates diminuent le taux de VEGF circulant).

VIIII/ ASPECT CLINIQUE DE L’ONM

Classiquement, les signes cliniques retrouvés lors d’une ONM sont:

  • douleurs plus ou moins variables,
  • œdèmes des tissus mous,
  • infections,
  • mobilité et/ou perte dentaire,
  • halitose et exposition osseuse,
  • fistule et suppuration,
  • u l c é r a t i o n .  M A I S  i n i t i a l e m e n t :  –

I n f l a m m a t i o n  m o d é r é e  d e  l a  m u q u e u s e  p e u d o u l o u r e u s e  v o i r e  i n d o l o r e .

  • Si douleur: elle peut être spontanée ou provoquée par la mastication ou le brossage par exemple.
  • Un patient asymptomatique peut être atteint d’une ONM depuis plusieurs semaines ou mois avant que l’exposition osseuse ne soit mise en évidence lors d’une visite de contrôle.

VII/ CLASSIFICATION : on a 3 stades:

  1. : simple exposition
  2. : symptômes fonctionnels associés III: fracture osseuse associée

VIII/ ASPECT RADIOLOGIQUE : Les signes radiologiques observés lors des ostéonécroses des mâchoires ne sont pas spécifiques. On peut retrouver des signes radiologiques diverses:

  • une ostéocondensation ( ostéosclérose) avec ou sans séquestre osseux
  • Une osteolyse
  • un épaississement de la lamina dura

IX/ EXAMENS ANATOMOPATHOLOGIQUES

  • Infiltrat mixte ( un infiltrat inflammatoire associé à une nécrose osseuse)
  • « d’os gelé » : l’os nécrosé avec du tissu de granulation et des amas bactériens de la flore buccale

X/ FACTEURS DES RISQUES:

  • L’acte chirurgical, notamment l’avulsion dentaire, est le facteur de risque le plus important d’ONM.
  • Puissance de la molécule
  • Dose cumulée/ durée du traitement / quelques mois a plusieurs années.
  • Mode d’administration (Intraveineuse ou per os)

XI/ COFACTEURS ASSOCIES:

  • Chimiothérapie
  • pathologie maligne
  • corticothérapie
  • maladies métaboliques (diabète…)
  • s ex e
  • troubles de la coagulation
  • traumatismes  bucco-dentaires
  • altérations de l’état général
  • particularités anatomiques

XII/ PRISE EN CHARGE

  1. prise en charge des patients candidats à un traitement BsP (traitement préventif):
  • Information du patient
  • Bilan bucco-dentaire avant induction du traitement (ex clinique + OPT)
  • Hygiène bucco-dentaire (brossage, BdB)
  • Suivi régulier (tous les 4 à 6 mois)
  • Bilan clinique et radiologique avant instauration du traitement
  • Extraire les dents infectées, parodontales, douteuses, …
  • Informer le médecin de l’état dentaire du patient
  1. prise en charge des patients traités par BsP sans évidence d’ONM
    • Dans le cadre de pathologies malignes:
  • Les foyers infectieux doivent être dépistés et traités
  • la chirurgie doit être évitée au maximum au profit de thérapeutiques plus douces pour l’environnement osseux.
  • Pour les dents dont la mobilité est de stade 1 à 2, il est préférable de réaliser une attelle parodontale pour les stabiliser plutôt que de les extraire.
  • Pour les dents présentant une lésion pulpaire , mais sans mobilité pathologique, il convient d’éviter l’extraction en effectuant un traitement endodontique, en coupant la couronne de la dent au ras de la gencive.
  • L’implantologie ainsi que les traitements parodontaux chirurgicaux ne sont pas recommandés.Cependant, les implants déjà ostéointégrés n’augmentent pas le risque d’ostéonécrose et doivent donc être conservés.
  • Les extractions doivent être limitées aux dents dont la mobilité est de stade 3 ou en présence d’un foyer infectieux actif.
  • Informer le patient du risque associé au geste chirurgical, et recueillir son consentement.
  • Contacter le médecin prescripteur afin de discuter du rapport bénéfice/risque de la chirurgie.
  • Réaliser des mesures d’hygiène (détartrage) avant l’intervention.
  • Prescrire des bains de bouche antiseptiques (chlorhexidine) avant et pendant les jours qui suivent l’intervention.
  • Prescrire des antibiotiques la veille de l’intervention et jusqu’à la cicatrisation complète.
  • Éviter les anesthésies intraligamentaires, intraseptales et intraosseuses.
  • Suturer les berges sans tension et de façon hermétique.
  • Dans le cadre de pathologies bénignes: Les bilans bucco-dentaire et radiographique doivent être effectués, et les soins dentaires nécessaires réalisés. Ces soins ne doivent pas retarder le commencement du traitement par bisphosphonates chez les patients à risque élevé de fractures.
  1. Patients atteints d’une Osteonecrose avérée :En cas d’ONM le patient doit impérativement être adressé à un service hospitalier de pathologie et chirurgie buccale.

En attendant la prise en charge hospitalière il est recommandé de :

  • Informer le médecin prescripteur de la complication du traitement par bisphosphonates.

– Réaliser un bilan radiologique pour évaluer l’étendue de la nécrose et la présence d’un séquestre osseux.

  • Éviter tout geste chirurgical.
  • Traiter médicalement la douleur (antalgique).
  • Maintenir une hygiène bucco-dentaire stricte.
    • Approche conservatrice:
  • Éducation du patient à l’amélioration de l’hygiène bucco-dentaire.
  • Rinçage buccal antiseptique (chlorhexidine) 2 fois par jour.
  • Traitement médicamenteux de la douleur (antalgique).
  • Traitement antibiotique durant 1 à 2 semaines voire plus longtemps si nécessaire.
  • Suivi régulier du patient.
  • Concertation avec le médecin prescripteur quant à la poursuite du traitement par BsP.
    • Chirurgie localisée:
  • Régulariser les berges osseuses pour supprimer les irritations des tissus mous.
  • Éliminer, si nécessaire, les séquestres osseux mobiles sans lever de lambeau mucopériosté et sans exposer davantage l’os sain.
  • Lorsque ces thérapeutiques échouent, ou à un stade plus avancé d’ostéonécrose, on peut avoir recours à une chirurgie plus invasive:
    • Traitement antalgique et antibiotique local et systémique.
    • Débridement chirurgical avec ostéotomie (Sequestromie).
    • Régularisation de tous les bords osseux.
    • Fermeture primaire de la plaie, sans tension.
  • Chirurgie radicale: Lorsque les traitements précédents ne montrent pas de résultats satisfaisants, et en cas nécrose osseuse importante, d’orostome, de fistules cutanées ou de fracture pathologique, une chirurgie plus radicale peut être envisagée. Elle consiste en une mandibulectomie ou maxillectomie partielle suivie d’une reconstruction par lambeaux tissulaires régionaux ou lambeaux osseux microvascularisés (fibula) à distance.
  • Si une extraction est nécessaire
  • AL faiblement adrénalinée
  • Geste le plus atraumatique possible
  • Régulariser les crêtes et spicules
  • Pansement alvéolaire
  • Sutures
  • Antibiothérapie (large spectre, jusqu’à la fin de la cicatrisation des tissus mous)
  1. Traitements adjuvants
  • Utilisation du plasma riche en plaquettes
  • Utilisation de la thérapie au laser
  • Utilisation de la thérapie à l’ozone

PRISE EN CHARGE DES PATIENTS SOUS BISPHOSPHONATES.

Voici une sélection de livres:

La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique

Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché

Concepts cliniques en odontologie conservatrice

L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement

Guide clinique d’odontologie

Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve

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