Les carcinomes des maxillaires
- Les carcinomes des maxillaires sont des tumeurs malignes épithéliales très rares qui touchent les sujets âgés.
- Ils sont odontogéniques lorsqu’ils se développent à partir des résidus épithéliaux odontogéniques, ou à partir des tumeurs bénignes des maxillaires.
- Ou non odontogéniques lorsqu’ils se développent à partir des tissus épithéliaux de voisinage telle que les muqueuses sinusiennes.
- Définition :
Le carcinome intra-osseux primitif (CIOP) des maxillaires est une tumeur rare d’origine épithéliale, se développant au départ au sein de l’os. Ce type de tumeur ne se trouve pas dans les autres
structures osseuses car il se développe à partir de résidus de l’épithélium odontogénique. Quand le CIOP détruit la corticale osseuse et s’étend à la muqueuse, il peut être difficile de le distinguer d’un carcinome épidermoïde d’origine muqueuse orale.
- Etiopathogénie :
Deux origines pathogéniques ont été décrites :
- Soit par transformation maligne de l’épithélium des kystes odontogènes.
- Soit par dégénérescence des restes des tissus odontogènes intra-osseux.
Deux tiers 2/3 des CIOP dérivent de la transformation maligne de kystes odontogéniques.
- Le facteur le plus incriminé dans ces étiologies est la réaction inflammatoire comme stimulus, avec ou sans prédisposition génétique.
- Signes d’appels et Démarche diagnostique :
- Anamnèse :
- Le motif de consultation n’est pas spécifique selon les auteurs, il s’agit le plus souvent de douleur, tuméfaction (51%), troubles sensitifs (16%), ou encore trismus, ADP, signes
neurologiques, ophtalmologiques ou rhinologiques…
- Le début des signes et le mode d’évolution.
- La notion de prise d’un traitement médicamenteux.
- Les antécédents médico-chirurgicaux du patient.
- Examen clinique exo buccal: permet
- De préciser le siège de la tuméfaction et l’état des téguments de recouvrement ;
- De préciser ses limites cliniques, en palpant l’induration tumorale
- De vérifier la présence ou l’absence d’adénopathies satellites ;
- De préciser ; par la palpation ; la consistance de la tumeur ;
- L’examen de la cavité buccale :
L’inspection : permet de situer la lésion.
La palpation endo buccale met en évidence :
- l’induration caractéristique des lésions cancéreuses,
- les limites dépassent le plus souvent la lésion muqueuse sus jacente ;
- une mobilité dentaire anormale.
- Examens complémentaires :
Clichés standards
L’analyse d’un orthopantomogramme vient compléter le bilan clinique, il permet d’évaluer l’état dentaire du patient et de visualiser une lyse osseuse éventuelle d’origine néoplasique, qui signe en général un envahissement osseux massif.
Tomodensitométrie (TDM) cervico-faciale
Cet examen permet une excellente évaluation des structures osseuses. Ainsi, il révèle la masse tumorale et sa topographie, et précise son degré d’extension aux régions voisines.
Au niveau cervical, la visualisation des adénopathies suspectes radiologiquement participe à la classification de la lésion.
Imagerie en résonance magnétique (IRM)
Elle donne de précieux renseignements concernant l’extension tumorale et les aires ganglionnaires. Les performances de l’IRM sont inférieures à celles de la TDM pour une exploration osseuse fine, et l’IRM est souvent un examen radiologique de deuxième intention, lorsque la TDM est insuffisante.
Bilan d’extension
Dans le cadre d’un bilan d’extension et d’opérabilité :
- Bilan endoscopique (fibroscopie nasale optique) ;
- Scanner thoraco abdominal ;
- Scintigraphie osseuse demandée à la recherche d’une deuxième localisation ou de métastases osseuses ;
- La tomographie ;
- Bilan biologique ;
- Examen cardio-vasculaire.
- Les formes cliniques
- Les différentes localisations : A la mandibule :
Les carcinomes à localisation antérieure et latérale : | Les carcinomes à localisation postérieure : |
l’image radiologique est ostéolytique.Les carcinomes à localisation latérale Dans cette lésion le muscle mylo-hyoïdien est atteint. | C’est la forme la plus fréquente.Touche l’angle mandibulaire,se manifeste par une tuméfaction peu douloureusetrouble de sensibilité dans le territoire du V3un trismus dû à l’envahissement de la commissure intermaxillaire,au stade plus avancé il y aura des mobilitésdentaires et des fractures pathologiques. |
Au maxillaire :
La localisation antérieure et latérale | La localisation postérieure et tubérositaire | La Localisation palatine |
elle est rare,Elle atteint le vestibule, la lèvre, la partie antérieure du palais.-La destruction osseuse peut atteindre l’épine nasale antérieure, le pied de la cloison, le plancher d’une ou des deux fosses nasales.La localisation latérale : très fréquente, atteint plus rapidement le bas fondsinusien. | très fréquente,l’extension locale peut atteindre le vestibule et la joue,surtout la commissure intermaxillaire, le voile, le palais et la région ptérygomaxillaire. | elle est moins fréquenteelle peut siéger au niveau médian, latéral, antérieur ou postérieur avec atteinte ou pas des sinus maxillaires et des fosses nasales |
- Classification histologique des carcinomes des maxillaires
Nous retiendrons celles de l’OMS 2017.
- Carcinomes odontogéniques des maxillaires
- Carcinome améloblastique
Décrit en 1974 par Shafer pour individualiser des améloblastomes présentant une transformation histologique maligne. Il peut survenir de novo, le plus souvent, ou compliquer un améloblastome préexistant (souvent multi récidivé).
Fréquence : exceptionnel.
Siège : prédominance dans la région mandibulaire postérieure.
Age de découverte et sexe ratio
- Moyenne d’âge : 50 ans (de 5 à 84 ans).
- Discrète prédominance masculine. Clinique
- Voussure locale, déformation faciale et douleur sont les plus fréquents symptômes révélateurs. Des déplacements dentaires, voire des expulsions dentaires spontanées sont possibles.
- Un trismus peut traduire une atteinte des muscles masticateurs. Radio
- Se traduit le plus souvent par une masse d’aspect agressif, volontiers multiloculaire, aux limites irrégulières et mal définies, les corticales sont lysées et la masse s’étend dans les parties molles adjacentes
Anatomopathologie
- Il se caractérise par des îlots et des travées épithéliales similaires aux aspects plexiformes et
/ou folliculaires de l’améloblastome classique, avec un aspect cellulaire palissadique périphérique sans particularité. Par contre les cellules proprement dites présentent des atypies cellulaires et une activité mitotique.
- Evolution : le pronostic, péjoratif, est conditionné par les récidives locales (souvent précoces mais parfois tardives à plus de 10 ans, justifiant une surveillance prolongée) et surtout par les métastases qui prédominent au niveau ganglionnaire ou pulmonaire.
- Carcinome intra osseux primitif : (carcinome primitif intra alvéolaire) :
4.1.2.1. Carcinome intra osseux primitif intra alvéolaire :
C’est un carcinome touchant primitivement les maxillaires, sans connexion originelle avec la muqueuse buccale, ni kyste odontogénique sous-jacent. Il est probablement issu de résidus de l’épithélium odontogénique.
Fréquence : extrêmement rare.
Siège : prédominance mandibulaire postérieure (90 % des cas). Le maxillaire est exceptionnellement atteint (siège volontiers plus antérieur).
Âge de découverte et sexe ratio : 5ème – 6ème décennies (mais tous les âges peuvent être atteints de 4 – 76 ans). Très nette prédominance masculine.
Clinique : Les douleurs sont les plus souvent révélatrices. Plus rarement, il s’agit d’une voussure locale ou d’adénopathies métastasiques. Ces signes sont malheureusement tardifs. Des découvertes asymptomatiques ne sont pas rares.
Radio : Très variable
– Se traduire par une ostéolyse plus irrégulière mal limitée suggérant d’emblée le caractère agressif de la lésion.
Anatomopathologie
Ne diffère pas des autres carcinomes épidermoïdes. Il s’agit souvent de lésions bien différenciées, volontiers kératinisantes, parfois peu différenciées. Il est donc essentiel d’exclure une origine buccale, ainsi qu’une éventuelle lésion métastasique, notamment d’origine pulmonaire, source fréquente de métastase mandibulaire.
Evolution
Le pronostic est péjoratif. Les métastases aux ganglions régionaux ou à distance sont fréquentes. Le décès survient dans 50% des cas dans les deux ans suivant le diagnostic initial.
5.1.2.2. CE intraosseux primitif dérivé d’une tumeur odontogénique calcifiée kératokystique (TOCK)
Certains peuvent se greffer sur des tumeurs odontogéniques kératokystiques : 30 cas (en 2005) ; chez l’homme de 40 ans ; +++ mandibule.
- Au début : aspects clinique et radiologie identiques à ceux de la TOCK. Parfois les limites de la radioclarté sont irrégulières et déchiquetées.
- A un stade tardif, destructions +++. Images multiloculaires, destructions corticales et extensions aux tissus mous.
Histhopathologie : CE bien différencié kératinisé associé à une TOCK
5.1.2.3. CE intraosseux primitif dérivé d’un kyste odontogénique non TOCK
– 2005 : 50 cas
- Age moyen : 56 ans
- Mandibule +++ avec douleurs, paresthésie ou anesthésie de la lèvre inférieure.
- Histopathologie : celle d’un kyste avec CE ; il existe différents degrés de dysplasie épithéliale. Parfois hyperplasie verruqueuse ou carcinome verruqueux.
- Carcinome odontogénique à cellules claires
Il est considéré comme une lésion maligne de bas grade.
- Fréquence : exceptionnel.
- Siège : nette prédominance mandibulaires (80 % des cas) ; souvent en avant de la première molaire mais d’autre zones des maxillaires peuvent être atteintes.
- Âge de découverte et sexe ratio
Prédominance au-delà de la 4ème décennie (17- 89 ans moyenne d’âge : 56 ans). Prédominance féminine.
- Clinique : Une voussure locale est le plus souvent révélatrice.
- Radio : Les lésions sont lytiques. Uni géodique et bien limitées au stade précoce, elles deviennent ensuite volontiers mal limitées. L’extension péri mandibulaire ou péri maxillaire est habituelle, au mieux évaluée par la TDM et/ ou l’IRM.
- Anatomopathologie
🡪 Macroscopiquement : il apparait comme une lésion non encapsulée et envahissante.
🡪Microscopiquement
- Composé de cellules au cytoplasme clair, organisées en îlots ou cordons cellulaires, associées à de petits îlots de cellules polygonales au cytoplasme éosinophile et séparées par de fines travées de stroma conjonctif.
- Les lésions diffèrent en fonction de la présence et de l’extension des atypies cytonucléaires et de l’activité mitotique.
- Evolution : Les récidives sont en effet fréquentes (plus de 50% des cas) ainsi que les métastases ganglionnaires et /ou pulmonaires (30% des cas).
5.1.5. Carcinome odontogénique à cellules fantômes
- C’est une tumeur qui combine les aspects d’un kyste épithélial odontogénique bénin calcifié avec une composante épithéliale maligne.
- Il se distingue à la fois du kyste épithélial odontogénique bénin calcifié et de sa forme solide, la tumeur odontogénique épithéliale calcifiée à cellules fantômes.
- Son étiopathogénie reste discutée : il pourrait survenir de novo, après récidive d’un kyste épithélial odontogénique bénin calcifié ou encore à partir d’une autre tumeur odontogénique.
- Fréquence : exceptionnel.
- Siège : prédominance maxillaire malgré l’extrême rareté des cas rapportés.
- Âge de découverte et sexe ratio : 33 à 72 ans. Discrète prédominance masculine.
- Clinique : une voussure localisée semble être le plus souvent révélatrice.
- Radio : Relativement aspécifique sous forme d’une masse tissulaire s’accompagnant d’une lyse des parois ou corticales avoisinantes avec envahissement des structures adjacentes.
- Anatomopathologie : Il associe d’une part les aspects de la lésion bénigne (assise de cellules basales cubiques ou cylindriques surmontée de plusieurs couches de cellules épithéliales ressemblant au réticulum étoilé associées à des amas de cellules fantômes, momifiées, nécrosées, qui peuvent se calcifier), à, d’autre part, des foyers de cellules épithéliales atypiques présentant des atypies cytonucléaires, des mitoses fréquentes, ainsi que des zones de nécrose. Les éléments bénins sont toujours reconnaissables au sein de la lésion, soit séparés, soit mélangés aux composantes épithéliales malignes.
- Evolution : Très difficile à évaluer, certaines lésions présentent une croissance lente alors que d’autres présentent d’emblée un potentiel très agressif. Dans près de la moitié des cas, des récidives multiples et des métastases à distance conduisant à une issue fatale illustrent le potentiel malin de cette lésion.
- Carcinomes non odontogéniques des maxillaires
- Carcinome épidermoïde (CE)
- C’est la plus fréquente des tumeurs malignes du massif facial.
- Fréquence : la plus fréquente des tumeurs malignes du massif facial (50-60% des TM des sinus et des cavités nasales).
- Siège : sinus maxillaire (60-70%des cas) – fosses nasales (25% des cas)- ethmoïde (10% des cas) puis sphénoïde.
- Âge de découverte et sexe ratio : âge moyen : 60 ans. Nette prédominance masculine.
- Clinique
- Carcinome épidermoïde (CE)
- Les symptômes révélateurs sont souvent aspécifiques et tardifs, à type de douleurs faciales, obstruction nasale avec écoulement purulent, épistaxis, plus rarement voussure locale.
- Une symptomatologie neurologique (atteinte des nerfs crâniens) est beaucoup plus rare.
- Adénopathie et /ou métastases sont présentes dès l’examen initial dans 18% des cas.
- Radio
- Au niveau nasosinusien, du fait du développement de la lésion dans une cavité aérique, le diagnostic est souvent tardif devant une masse tissulaire volumineuse. Mal limitée, souvent hétérogène, elle se rehausse de façon modérée et hétérogène après injection.
- La TDM apprécie des lyses osseuses souvent agressives, des parois sinusiennes adjacentes, une lyse du plancher orbitaire, des processus ptérygoïdes ou de l’ethmoïde.
- L’IRM précise les limites lésionnelles et les envahissements musculaires avoisinants.
- TDM et IRM associées : Evaluent une extension vers la base du crâne qui peut-être directement liée à une extension trans-osseuse ou via les fissures et structures canalaires de la base du crâne.
- Evolution : Le pronostic reste très sombre, avec une survie globale à 5 ans de 33% des cas. L’atteinte de la fosse ptérygo-palatine est de très mauvais pronostic (19 % à 3 ans), pire que celle où existe une atteinte orbitaire (46% à 3 ans).
- Adénocarcinome
- Carcinome adénoïde kystique
6. Evolution et pronostic :
Dépendent de nombreux facteurs, comme :
- Le stade T N M, l’âge du sujet et son état général, la variété histologique de la tumeur.
- Les possibilités thérapeutiques
- Le traitement, son choix et sa stratégie.
Conclusion
Les cancers de la cavité bucco-dentaire constituent un important problème de santé publique.
Ce sont des pathologies particulièrement létales puisque le taux de survie relatif à 5 ans est de 34%.
Le Médecin dentiste reste pleinement impliqué dans le dépistage précoce des lésions pré- néoplasiques et celles déjà transformées.
Ce diagnostic précoce permet de mettre en œuvre ; sans délais ; les agents thérapeutiques et améliorer ainsi le pronostic de ces pathologies destructrices.
Référence bibliographique :
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- Dhariwal R, Ray J, Swain N. Clear cell odontogenic carcinoma of maxilla: a case report and mini review. J Oral Maxillofac Pathol. 2013; 17(1): 89-94.
- El-Naggar AK, Chan JKC, Takata T, Grandis JR, Slootweg PJ. WHO classification of head and neck tumors. 4th edition. Lyon: International Agency for Research on Cancer; 2017. Chapitre 8, odontogenic and maxillofacial bone tumours; p. 203-260.
- Hussain O, Rendon AT, Orr RL, Speight PM. Sclerosing odontogenic carcinoma in the maxilla: a rare primary intraosseous carcinoma. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol. 2013; 116(4): 283-286.
- Li K, Yang L, Qiao YJ, Liang YJ, Wang X, Liao GQ. Risk factors and prognosis for the primary intraosseous carcinoma of the jaw. Int J Oral Maxillofac Surg. 2019; 48(2): 157-162.
- Sun ZJ, Zhao YF, Zhang L, Li ZB, Chen XM, Zhang WF. Odontogenic ghost cell carcinoma in the maxilla: a case report and literature review. J Oral Maxillofac Surg. 2007; 65(9): 1820- 1824.
Les carcinomes des maxillaires
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
Les carcinomes des maxillaires

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.