Le traitement implantaire chez le sujet âgé
La gérodontologie évolue actuellement sur le fil d’un rasoir entre médecine orale et lifestyle. Elle s’adresse autant à des personnes âgées encore juvéniles qu’à des vieillards fragilisés.
Les caractéristiques de l’âge avancé se résument par les quatres «i», regroupés selon l’ordre d’importance : instabilité, incontinence, intellect déficient et immobilité, menant en général à une dépendance croissante, voire la perte de l’autonomie. Parallèlement aux déficits croissants, il y a une augmentation de la polypharmacie.
- Risques, indications et contre-indications :
Les risques encourus dans les traitements implantaires sont subdivisés en risques anatomiques, opératoires, biologiques et mécaniques.
Les risques anatomiques incluent des volumes osseux limités ainsi que la proximité de structures anatomiques.
Au maxillaire, la proximité des fosses nasales et des sinus maxillaires peuvent limiter la mise en place d’implants.
À la mandibule, les structures anatomiques à éviter sont le foramen mentonnier et le canal mandibulaire.
Toutefois, avec les progrès des traitements de surface implantaire et des techniques de greffes osseuses ou de comblement de sinus, il devient possible d’utiliser des implants de plus en plus courts avec des volumes osseux limités (Nedir, Bischof et al. 2004). Un volume osseux insuffisant augmente les risques de fractures osseuses notamment à la mandibule.
En ce qui concerne les risques opératoires, les infections, les hémorragies et les hypoesthésies sont les principaux problèmes rencontrés.
L’absence d’ostéointégration ainsi que les fractures des implants ou des supra structures sont respectivement les obstacles liés aux risques biologiques et mécaniques
Ces contre-indications sont :
Les contre-indications relatives ou absolues sont liées à des affections pour lesquelles l’acte chirurgical est à risque vital ou interfère avec la cicatrisation tissulaire.
- Cardiopathies à risque d’endocardite infectieuse
- Déficits immunitaires congénitaux et acquis (SIDA)
- Affection grave du métabolisme osseux (ostéomalacie, maladie de Paget, ostéogenèse imparfaite)
- Diabète
- Traitements anticoagulants
- Les affections traitées par immunosuppresseurs ou corticoïdes au long cours
- Les affections traitées par bisphosphonates I.V.
- Tabagisme important
- Maladies psychiatriques et troubles psychologiques
- Irradiation cervico-faciale, le danger essentiel est l’ostéoradionécrose
- Les maladies parodontales
- Hygiène bucco-dentaire déficiente ou négligée
L’âge avancé n’est pas une contre-indication aux implants dentaires
Bien que l’évidence scientifique exclu l’âge comme contre-indication, l’utilisation des implants dentaires chez la personne âgée, voire très âgée est encore peu répandue malgré un impératif toujours plus important de remplacement dentaire.
Pour les hypothèses suivantes :
- Les connaissances des personnes âgées sur les implants sont peu approfondies.
- L’attitude des personnes âgées envers une intervention implantaire limite l’utilisation des implants.
- Le degré de dépendance (situation de vie) diminue l’acceptation des traitements implantaires.
- L’état bucco-dentaire défavorable ainsi que la mauvaise qualité de vie en rapport avec la santé bucco-dentaire des personnes âgées est en relation avec une attitude plutôt négative envers un traitement par des implants
- La prothèse amovible (complète/partielle) stabilisée sur implant :
C’est une prothèse adjointe ostéo-muco-supportée ou muco-implanto-portée, dite prothèse de recouvrement stabilisée à complément de rétention ,dont seules la rétention et la stabilité sont assurées conjointement par la prothèse et les attaches enfouis dans la région antérieure du maxillaire ou de la mandibule édentés totaux (et dans les crêtes édentées partielles). La sustentation est assurée par la surface d’appui ostéo-muqueuse.
Attaches : Une attache est un dispositif mécanique unissant ; avec ou sans possibilité de mouvement
; une prothèse amovible aux piliers dentaires ou implantaires. Il existe une grande diversité de système d’attachement.
Ce système doit assurer un effet de rétention par l’intermédiaire d’une liaison articulée.
Impératifs :
Simplicité. Volume réduit. Biocomptabilité. Hygiène facile. activation/désactivation possible et aisée. Efficacité rétentive suffisante. Réintervention et maintenance simple.
- Les connexions axiales bouton-pression:
C’est un système d’attachement mâle-femelle. le plus souvent la partie mâle du système est généralement vissé sur l’implant , la partie femelle est adaptée à l’intrados de la prothèse .
Lors du positionnement de la prothèse, la partie mâle s’adapte sur la partie femelle qui présente le dispositif de rétention (ailettes métalliques, anneau élastique en caoutchouc siliconé , capsule en nylon ou téflon) .
- Les connexions axiales mécaniques :
sont des dispositifs utilisant des éléments de rétention métalliques (précieux ou non précieux ), élastiques ou viscoélastiques (nylon, téflon, caoutchouc siliconé ) : Locator®; Dalbo® plus.
- Les connexions axiales magnétiques :
L’absence de liaison mécanique directe entre prothèse et implants est la caractéristique majeure des attachements axiaux magnétiques . La transmission directe des contraintes fonctionnelles sur les implants est limitée . Deux pièces formant une unité magnétique.
- La barre de conjonction supra-implantaire :
La barre est un système de rétention complémentaire permettant de relier les implants en place sur l’arcade. Ceci va permettre de répartir les charges sur les différents piliers implantaires.
- Nombre et positionnement des implants :
- Pour l’édenté total :
le minimum thérapeutique au maxillaire est 4 implants, jusqu’au 6 implants au maximum
2 implants centraux au niveau incisive latérale ou canin. Les implants distaux sont placés le plus postérieurement possible.
Deux implants para-symphysaires sont suffisants en PACSI mandibulaire (selon le Consensus de McGill).
Position canine est la plus favorable
En dehors du consensus de McGill on peut aller jusqu’à 3 implants avec attaches axiales et 4 implants avec Barre.
- Pour l’édenté partiel :
Le nombre et la répartition selon la classe de l’édentement, la qualité et la quantité osseuse.
Chaque cas est traité individuellement que ça soit en fixe ou en amovible implantaires (on ne pourra pas standardiser la conception comme pour l’édenté total)
On va prendre quelques exemples : 4 implants (2 prémolaires et 2 molaires), 2 implants distaux
- Le Bridge implanto-porté (unitaire/plural /complet):
* Le bridge complet :
Le dessin d’un bridge implanto-porté est similaire à celui d’un bridge dento-porté Ce sont des prothèses sans fausses gencives sur8-10 implants posés au préalable
Le bridge complet sur pilotis :
Une prothèse complète reproduisant dents et gencives est transvisée sur des piliers implantaires et distante de la gencive, d’où son nom prothèse fixée sur pilotis.
Elle est constituée d’une armature métallique qui se visse sur les piliers implantaires (8 maxillaires/ 6 mandibulaires) sur laquelle sont montées des dents de commerce en résine solidarisées a l’aide de résine rose.
Le bridge ALL on Four :
Cette technique proposée par MALO en 2003 permet d’effectuer une
restauration complète avec seulement quatre implants : deux antérieurs droits et deux postérieurs inclinés à 45°.
Les implants sont mis en place de façon à éviter les zones anatomiques à risque : à la mandibule, ils sont placés dans la région para-symphysaire, en avant des foramina mentonniers ;
Au maxillaire, ils sont placés en avant des parois antéro-latérales des sinus maxillaires.
- Thérapeutique de choix chez l’édenté agé :
Quelques particularités sont à prendre en considération pour ce patient mais ne sont pas présentes chez tous les patients systématiquement, ni elles doivent se regrouper chez le même patient :
- Le choix entre la thérapeutique fixe unitaire, plurale et totale (scellée / vissée) et amovible (stabilisée) se fait selon :
- l’édentement : total, partiel, dents restantes (situation, valeur, pronostic), maxillaire/mandibulaire
- La résorption : rapport inter-arcade (décalage), chirurgie, choix implantaire
- L’esthétique : ligne du sourire, fausse gencive, axes implantaires, soutien des tissus mous, visibilité des crochets
- Profil d’émergence
- L’espace prothétique disponible
- L’occlusion : capacités masticatoires, arcade antagoniste, calage occlusale
- Contexte fonctionnel : phonation (sons, fuites salivaires), déglutition (stabilité des bases, la langue)
- Mise en charge
- La sénescence est l’élément aggravant la situation. En effet même s’il est sain, ce patient présente une involution des tissus buccaux (la surface d’appui dentaire, muqueuse et osseuse).Encore, si le patient présente une maladie à risque (syncopal, hémorragique, infectieux) qui peut entraver la cicatrisation voire le pronostic vital. Il peut aussi présenter une maladie ou un médicament à retentissement prothétique (altération des appuis dentaires et ostéo-muqueux), Il en découle une accentuation du péril déjà en cours. Par conséquent :
- La conception est analysée au moment de la planification pré-implantaire : la position, le nombre, et la répartition des implants doivent anticiper la perte future des dents ou même des implants, afin de pouvoir adapter la prothèse en cas de modification future.
- La précision dans le travail est requise, et le recours à la planification tridimensionnelle, l’implantation assistée par ordinateur, et à la CFAO sont d’une aide appréciable par rapport à la chaine traditionnelle.
L’accumulation des erreurs de la chaine prothétique acceptable avec le jeune et l’adulte, devient méfiante en gérodontologie, il faut les diminuer autant qu’on le peut.
- La phase implantaire :
Les patients présentant un état général ne permettant pas les interventions compliquées, peuvent refuser la solution amovible (quoiqu’elle reste indiquée).
La technique flapless est favorisée afin de limiter la durée de la séance et éviter les suites opératoires consécutives aux incisions de décharge, et des complications dues au rapprochement des berges par fil et points de sutures.
Les greffes et les techniques d’augmentation, osseuses et chirurgicales : à leurs tours sont à éviter.
- L’empreinte conventionnelle : les silicones de haute viscosité sont préférables aux platres et polyéthers pour l’empreinte implantaire car présente la rigidité suffisante à situer l’implant et sont non irritants. En cas d’empreinte de la surface muqueuse, les silicones fluides encore sont préférés aux polyéthers et thiocols.
Les matériaux très rigides se fragmentent aux contres-dépouilles et déchirent la muqueuse et les produits allergisants et toxiques présents dans les catalyseurs exercent leur effet toxique davantage sur une surface fragile.
- Les techniques de réalisation indirecte de prothèse provisoire et de solidarisation des attaches : évitent de faire attendre le patient pour longtemps sur fauteuil et le protège minimise le monomère libre au contact des tissus.
- Puis une fois la thérapeutique instaurée, le suivi et la maintenance prennent une place importante : ce terrain est évolutif, imprédictible (par comparaison au sujet jeune et sain).
Les complications et échec sont prévus chez tout patient, et encore plus sur un terrain aussi instable que celui-là.
Le suivi commence à partir de la pose de l’implant afin de controler l’état des tissus péri- implantaires (traitement parodontal, gestion de péri-implantites, ostéo-intégration) , et la maintenance s’intéresse plus précisément aux éléments implanto-prothétiques (usures, gestion des fractures, rectifications, rebasages à la résine retardée sans risque, changement de pièces).
- Conclusion :
Le traitement implantaire chez le sujet âgé garde le même raisonnement clinique pour le choix du traitement idéal, et les mêmes propositions thérapeutiques avec leurs indications. Ce qui diffère c’est bien la prévalence par rapport au sujet jeune et adulte. On trouve une prédominance de la prothèse amovible stabilisée PACSI/PAPSI pour les raisons exposées dans la présentation. Viendront après les solutions fixées sur implants (différents types de bridges) qui restent indiquées tant que les éléments cliniques le permettent.
Le traitement implantaire chez le sujet âgé
Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:
- Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier - Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
- Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
- Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
- Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
- Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Le traitement implantaire chez le sujet âgé

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

