Les pathologies générales du sujet âgé
Introduction
Le vieillissement confère à certaines personnes des capacités maintenues à un niveau optimal, pour d’autres il conduit à la perte extrême de toute autonomie pour aboutir à la mort, d’où une prise en charge de la santé bucco-dentaire est donc spécifique à chaque patient.
La Polyarthrite Rhumatoïde (PR)
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie inflammatoire chronique évolutive aux répercussions fonctionnelles, psychologiques, sociales et professionnelles majeures pour le patient. La synovite inflammatoire est la lésion élémentaire responsable de la destruction articulaire.
Mécanisme
Le mécanisme de la polyarthrite rhumatoïde est encore mal connu. Le point de départ est une réaction immunitaire très importante au niveau d’une articulation qui va provoquer une inflammation locale. Cet envahissement inflammatoire est fait de cellules (polynucléaires) et de substances (cytokines, interleukines, interleukines 1 bêta, TNF). Cette inflammation « injustifiée » est responsable de la destruction progressive de l’articulation où s’est développée l’inflammation.
Les Symptômes
Manifestations articulaires
- Les articulations sont gonflées, raides et douloureuses.
- Il y a aussi des ténosynovites des doigts (inflammation de leur gaine).
- Au niveau des pieds, les déformations provoquent un chevauchement des orteils.
- Une compression de la moelle épinière peut survenir.
Manifestations non articulaires
- Des nodules se forment sous la peau sans gravité.
- Une gêne respiratoire.
- Des troubles neurologiques.
- L’atteinte peut être cardiovasculaire : péricardite.
- L’atteinte pleuropulmonaire.
Le Traitement
Le traitement de la polyarthrite rhumatoïde doit être multidisciplinaire.
Traitement des poussées
- Il se fait grâce aux anti-inflammatoires, y compris les corticoïdes, qui diminuent les signes inflammatoires (douleurs et gonflement).
- Soins de physiothérapie.
- Rééducation.
- Chirurgie.
Traitements de fond classiques
- Certains traitements sont dits « classiques ». Ils avaient pour but de freiner l’apparition des poussées ultérieures, comme le méthotrexate.
Biomédicaments
- La thiopronine, les anti-cytokines (ils contrent l’action des facteurs inflammatoires locaux articulaires).
Manifestations au niveau buccal
Atteinte de l’articulation temporo-mandibulaire (A.T.M.)
Après 3 à 4 années d’évolution, apparaissent des douleurs articulaires avec une sensation de craquement à l’ouverture buccale. Ces douleurs se symétrisent et s’accompagnent de craquements. Le patient est obligé de s’alimenter progressivement de façon semi-liquide.
Stades radiologiques :
| Stade | Description |
|---|---|
| Sa | Légère atteinte radiologique mais pas de signes cliniques. |
| S1 | Léger pincement articulaire avec ou sans ostéoporose. |
| S2 | Irrégularité sur la surface condylienne mandibulaire. |
| S3 | Érosions multiples, encoches, géodes. |
| S4 | Déformation, aspect en sucre d’orge ou en crayon affûté, aplatissement du condyle. |
Traitements envisagés pour l’A.T.M. :
- Infiltration de l’articulation douloureuse.
- Rééducation par kinésithérapie et une équilibration statique et dynamique de l’occlusion.
- Chirurgie (ablation de l’ATM en cas de constriction permanente).
Polyarthrite rhumatoïde et parodontite
Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde souffrent plus tôt, plus souvent, et de formes plus sévères de parodontites que le reste de la population. La pathogénie des parodontites et des polyarthrites rhumatoïdes présente des similitudes, notamment par les mécanismes de résorption osseuse aboutissant aux érosions en cas de polyarthrite rhumatoïde et à l’alvéolyse en cas de parodontite.
Conséquences de la prise en charge médicamenteuse
Accidents infectieux
- Les propriétés anti-inflammatoires des corticoïdes peuvent être à l’origine d’infections sévères et graves comme une ostéomyélite.
- Le rôle favorisant des corticoïdes dans les candidoses de la muqueuse buccale.
- L’administration prolongée des sels d’or peut entraîner un dépôt bleu-gris au niveau des zones cutanées exposées à la lumière et un aspect violacé de la gencive. Les sels d’or sont des médicaments utilisés dans le traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde (par voie intramusculaire).
- La stomatite des sels d’or touche n’importe quelle partie de la muqueuse buccale, mais la face inférieure de la langue et le plancher de la bouche semblent être les plus atteints. La sensation de brûlure est intense et un goût métallique peut apparaître.
Risque local par risque d’ostéonécrose
- Le principal risque d’ostéonécrose en lien avec une biothérapie est dû à l’inhibiteur du RANKL. Cet anticorps bloque la liaison du RANKL à son récepteur, qui permet notamment l’activation des ostéoclastes.
- La résorption osseuse est alors bloquée, action intéressante dans le cadre d’une ostéoporose ou de métastases osseuses. Cependant, même si le mécanisme d’action est totalement différent, on retrouve les mêmes effets indésirables que ceux observés avec les bisphosphonates au niveau de la cavité orale.
- Les patients traités par anti-RANKL présenteront un risque d’ostéonécrose des mâchoires.
Santé bucco-dentaire
Problème de l’hygiène bucco-dentaire
Il est lié à l’impossibilité ou à la difficulté de manier une brosse à dents ainsi qu’à la limitation d’ouverture de bouche rendant le brossage des dents postérieures impraticable.
Problèmes rencontrés lors des soins
- La seule difficulté que le praticien peut rencontrer est l’ankylose de l’ATM, c’est-à-dire la limitation plus ou moins grande de la mobilité de l’articulation, entraînant alors une diminution de l’ouverture buccale.
- Chez ces malades, les prothèses dentaires seront mal tolérées.
Prise en charge
Traitement par corticothérapie au long cours
Le risque infectieux est majoré lorsque la posologie quotidienne est supérieure à 10 mg par jour et qu’un acte chirurgical invasif doit être réalisé. Il faudra alors mettre en place un protocole anti-infectieux qui comporte :
- Antibiothérapie prophylactique : une dose unique de 2g d’Amoxicilline (ou 600mg de Clindamycine en cas d’allergie) une heure avant l’acte à réaliser.
- Antibiothérapie curative : Amoxicilline 2g par jour en deux prises pendant 7 jours lorsque l’acte réalisé entraîne une cicatrisation muqueuse ou osseuse.
Traitement par méthotrexate
- Un foyer infectieux est une urgence et doit être supprimé.
- Pour les patients présentant un bon état bucco-dentaire, le traitement doit être le plus conservateur possible, avec le renforcement des mesures de prévention.
- Si un acte invasif doit être réalisé, le chirurgien-dentiste devra au préalable discuter avec le médecin prescripteur la nécessité d’une antibioprophylaxie.
Traitement par biomédicaments
- Le chirurgien-dentiste discutera préalablement avec le médecin prescripteur afin de déterminer la nécessité d’une antibioprophylaxie associée à un arrêt éventuel du traitement 2 à 4 semaines avant l’acte.
- De plus, même si le patient n’est pas encore soumis à ce type de traitement, il faudra rechercher si l’instauration d’une biothérapie est prévue. Dans ce cas, les foyers infectieux bucco-dentaires (FIBD) devront être éliminés auparavant.
La Démence
Actuellement, plus de 55 millions de personnes sont atteintes de démence dans le monde. Chaque année, il y a près de 10 millions de nouveaux cas. La démence résulte de diverses maladies et lésions qui affectent le cerveau. La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence et serait à l’origine de 60 à 70 % des cas. Le syndrome de la démence peut être causé par un certain nombre de maladies qui, au fil du temps, détruisent les cellules nerveuses et endommagent le cerveau, entraînant généralement une détérioration de la fonction cognitive (c’est-à-dire la capacité à traiter la pensée).
Vue d’ensemble
Le terme « démence » couvre plusieurs maladies qui affectent la mémoire, la pensée et la capacité à réaliser des tâches quotidiennes.
Facteurs de risque :
- Âge
- Hypertension artérielle
- Hyperglycémie (diabète)
- Surcharge pondérale ou obésité
- Tabagisme
- Consommation d’alcool excessive
- Manque d’activité physique
- Isolement social
- Dépression
Signes et symptômes
- Les changements d’humeur et de comportement apparaissent parfois avant les problèmes de mémoire.
- Les symptômes s’aggravent avec le temps.
- À mesure que la maladie progresse, le besoin d’aide pour l’hygiène personnelle augmente.
- Les personnes atteintes de démence ne sont pas toujours en mesure de reconnaître les membres de leur famille ou leurs amis, ont du mal à se déplacer, présentent une incontinence urinaire ou fécale, ont du mal à manger et à boire et subissent des changements de comportement, tels que l’agressivité, qui sont pénibles à vivre à la fois pour le malade et son entourage.
Formes courantes de démence
- Maladie d’Alzheimer : forme la plus fréquente, à l’origine de 60 à 70 % des cas.
- Démence vasculaire.
- Démence à corps de Lewy : dépôts anormaux de protéines à l’intérieur des cellules nerveuses.
- Démence fronto-temporale : dégénérescence du lobe frontal du cerveau.
- La démence peut également se développer après un accident vasculaire cérébral ou dans le contexte de certaines infections telles que le VIH, ou de carences nutritionnelles.
Démence et santé bucco-dentaire
- Les raisons du déclin de la santé buccale chez les personnes atteintes de démence sont nombreuses : une démence entraînant notamment la diminution de l’autonomie, une personne malade se brosse les dents moins régulièrement qu’auparavant.
- Le fait de ne pas se brosser les dents après un en-cas peut aussi être à l’origine d’altérations.
- De plus, les personnes atteintes de démence réduisent souvent les visites chez le dentiste ou l’hygiéniste dentaire, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur santé buccale.
La Maladie d’Alzheimer
Définition
La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-dégénérative progressive et irréversible faisant partie des démences.
Symptômes
| Troubles cognitifs | Troubles psycho-comportementaux |
|---|---|
| Troubles de la mémoire | Troubles du comportement (agitation, syndrome délirant, agressivité…) |
| Troubles du langage | Syndrome anxio-dépressif |
| Troubles praxiques (trouble de la réalisation gestuelle) | Troubles du comportement alimentaire |
| Troubles gnosiques (trouble de la reconnaissance) | Troubles du sommeil avec inversion du rythme nycthéméral (jour/nuit) |
| Perturbation des fonctions exécutives |
Classification
| Stade | Description | MMSE |
|---|---|---|
| Stade 1 : Léger | Atteinte légère de la mémoire, du langage et de la compréhension. Coopération active possible. | MMSE > 20 |
| Stade 2 : Modéré | Perturbation de la personnalité et du comportement. Difficulté à comprendre les instructions. Coopération irrégulière. | MMSE entre 10 et 20 |
| Stade 3 : Sévère | Compréhension réduite, réduction de l’expression verbale. Difficulté à effectuer les mouvements bucco-faciaux. Oubli de consignes moindres. Peu de coopération, opposition. | MMSE < 10 |
(Mini Mental State Examination)
Prise en charge médicale de la maladie
Non-médicamenteuse
- Objectif : préserver les capacités du patient.
- Prise en charge psychologique.
- Orthophonie.
- Kinésithérapie, psychomotricité.
- Ergothérapie.
- Prise en charge environnementale (adaptation du domicile).
Médicamenteuse
- Objectif : diminuer les symptômes.
- Inhibiteur de la cholinestérase : donepezil (Aricept®), galantamine (Reminyl®), rivastigmine (Exelon®).
- Antagoniste des récepteurs NMDA (N-Methyl-d-aspartate) : mémentine (Ebixa®).
- Antidépresseurs, principalement ISRS (Inhibiteur Sélectif de la Recapture de la Sérotonine).
- Anxiolytiques.
- Anticonvulsivants.
- Neuroleptiques (rispéridone, par exemple) : si présence de signes psychotiques.
Répercussions buccales
| Dues à la maladie | Dues aux traitements |
|---|---|
| Diminution, voire absence d’hygiène | Hyposialie (antidépresseurs, anxiolytiques) et ses conséquences : caries, dysesthésies, altération du goût, maladies parodontales, mycoses, ulcérations buccales |
| Hyposialie | |
| Polycaries dues aux troubles alimentaires, à la mauvaise hygiène et à l’hyposialie | |
| Troubles de la déglutition (par apraxie bucco-faciale, perte du réflexe de déglutition…) | |
| Dans les stades sévères de la maladie : troubles de la mastication, risque d’apparition de bruxisme sévère entraînant des douleurs et des mobilités, difficultés à manipuler les prothèses amovibles (troubles praxiques) |
Synthèse des risques potentiels en odontologie
| Type de risque | Oui | Non |
|---|---|---|
| Infectieux | √ | |
| Hémorragique | √ | |
| Anesthésique | √ | |
| Médicamenteux | √ | Risque d’interactions médicamenteuses |
| Autres | √ | Problèmes d’observance |
Prise en charge par le chirurgien-dentiste
Degré de coopération des patients atteints de démence
Il est primordial d’évaluer le comportement du patient face à son hygiène et son comportement vis-à-vis des soins bucco-dentaires. Pour cela, différents tests ont été proposés :
Le test Niessen et al. (1985) et Nordenram et al. (1997)
| Question | Réponse |
|---|---|
| Est-ce que le patient se brosse les dents ou nettoie ses prothèses ? | Oui (0) / Avec assistance partielle (1) / Avec assistance totale (2) |
| Est-ce que le patient exprime ses motifs de plainte ? | Oui (0) / À un certain degré (1) / Non (2) |
| Est-ce que le patient suit des instructions simples ? | Oui (0) / Occasionnellement (1) / Non (2) |
| Est-ce que le patient peut tenir une radio dans la bouche ? | Oui (0) / Quelques fois (1) / Non (2) |
| Est-ce que le patient est agressif ? | Non (0) / Quelques fois (1) / Oui (2) |
| Score | …/10 |
Interprétation du score :
- 0 à 3 : La coopération du patient est possible mais inconstante et la prise en charge pourra être adaptée (limiter le nombre de séances, séances de courte durée, rassurer le patient).
- 4 à 7 : La coopération du patient devient difficile et la prise en charge doit être adaptée. Le recours à des soins sous sédation peut être nécessaire pour certains soins.
- 8 à 10 : La coopération du patient est quasi impossible. Les soins sont réalisés sous sédation.
Prise en charge par le chirurgien-dentiste
- Hygiène quotidienne adaptée et/ou assistée.
- Prévention active : examen de contrôle, fluoration, détartrage régulier.
- Préservation/restauration de la fonction : soins conservateurs, soins prothétiques.
- Soins conservateurs conventionnels ou principe de l’intervention à minima.
- Réfection ou réadaptation prothétique.
- Soins sous sédation consciente éventuels.
Urgences :
- Soulager la douleur.
- Combattre l’infection.
- Réadapter les prothèses.
- Éviter les morsures (stades sévères).
- Avulsions fréquentes, abandon des prothèses dans certains cas.
Conclusion
La prise en charge de la santé bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes implique un compromis thérapeutique car les déficiences mentales, motrices ou psychomotrices s’opposent à l’accès aux soins. Les besoins spécifiques de santé bucco-dentaire de cette population, comme par exemple le suivi de l’hygiène bucco-dentaire et le financement des programmes dans les institutions ou à domicile, doivent être pris en compte.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
Les pathologies générales du sujet âgé

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

