Le collage en odontologie

Le collage en odontologie

       Le collage en odontologie

Le Collage en Odontologie

Définitions

Définition générale

Selon le dictionnaire Larousse, le collage consiste à fixer ou faire adhérer quelque chose à une autre surface au moyen d’une colle ou d’un adhésif approprié. En odontologie, ce processus est essentiel pour assurer la stabilité et la pérennité des restaurations dentaires, qu’il s’agisse de prothèses ou de restaurations directes. Le collage repose sur une interaction physico-chimique entre deux interfaces : les tissus dentaires (émail ou dentine) et la pièce prothétique ou le matériau de restauration.

En prothèse dentaire

En prothèse, le collage désigne un procédé de fixation des reconstitutions prothétiques basé sur une liaison physico-chimique entre les surfaces des tissus dentaires et de la pièce prothétique. Ce mécanisme garantit une adhésion durable, essentielle pour la fonctionnalité et l’esthétique des restaurations. Cette liaison peut être mécanique, chimique, ou une combinaison des deux, selon les matériaux utilisés et les techniques appliquées.

Les Différentes Colles en Odontologie

Résines

Généralités

Les résines sont des matériaux essentiels en odontologie, obtenues par la polymérisation de molécules méthacryliques. Elles sont utilisées dans les colles dentaires et les matériaux composites. On distingue deux types principaux de résines dans les systèmes adhésifs :

  • L’adhésif : Une résine fluide qui s’infiltre dans les rugosités des surfaces dentaires préalablement traitées, formant un clavetage mécanique. Ce mécanisme repose sur la capacité de l’adhésif à pénétrer les micro-porosités créées sur l’émail ou la dentine.
  • Les colles : Ces résines sont chargées de particules, ce qui leur permet de créer un lien mécanique robuste entre la couche adhésive et la prothèse.

Les résines sont souvent associées à des primers, des agents qui modifient chimiquement la surface à coller pour optimiser l’adhésion. Ces primers améliorent la compatibilité entre les surfaces dentaires et les matériaux prothétiques.

Classification des systèmes adhésifs

Les systèmes adhésifs sont classés en deux grandes catégories selon leur mode d’action :

  1. Systèmes avec mordançage préalable : Ces produits nécessitent une étape de mordançage acide (généralement à l’acide orthophosphorique) suivie d’un rinçage avant l’application de l’adhésif. Cette technique prépare la surface dentaire en créant des micro-rugosités propices à l’adhésion.
  2. Systèmes auto-mordançants : Ces systèmes simplifient le processus en éliminant l’étape de mordançage préalable. Les adhésifs auto-mordançants contiennent des monomères acides qui déminéralisent et infiltrent simultanément la surface dentaire.

Modes de polymérisation

Selon le mode de polymérisation, les colles résineuses se divisent en trois catégories :

  • Autopolymérisables : Activées par le mélange d’une base et d’un catalyseur, offrant une prise chimique sans intervention extérieure.
  • Photopolymérisables : Polymérisées à l’aide d’une source lumineuse (généralement une lampe à polymériser émettant une lumière bleue).
  • Duales (photopolymérisation et chémopolymérisation) : Combine les deux mécanismes pour une prise plus contrôlée et adaptée à des situations cliniques variées.

Résines « 4-META »

Composition

Les résines « 4-META » sont des résines acryliques contenant deux composés spécifiques :

  • 4-META (4-méthacryloyloxyéthyl trimellitate anhydride) : Un monomère qui améliore l’adhésion aux surfaces dentaires et métalliques.
  • Tri-n-butyl borane (TBB) : Un initiateur de polymérisation qui favorise une prise anaérobie.

Caractéristiques

  • Adhésion aux alliages métalliques : Les résines 4-META sont particulièrement efficaces pour le collage des prothèses métalliques, grâce à leur capacité à former des liaisons chimiques robustes.
  • Adhésion à la dentine : Elles créent une couche hybride de haute qualité, renforçant l’adhésion aux tissus dentaires, notamment la dentine.
  • Prise anaérobie : La polymérisation se déclenche en l’absence d’oxygène, offrant un temps de travail prolongé, idéal pour des procédures complexes.

Résines « MDP »

Origine et développement

Introduites par Kuraray en 1981, les résines MDP (méthyle diphosphate) contiennent un monomère phosphate qui améliore l’adhésion aux tissus dentaires. Le produit commercial le plus connu est Panavia.

Caractéristiques

  • Adhésion à l’émail et à la dentine : Les résines MDP offrent une excellente adhésion grâce à leur capacité à former des liaisons chimiques avec l’hydroxyapatite des tissus dentaires.
  • Collage aux alliages métalliques : Elles assurent une fixation efficace des prothèses métalliques.
  • Polymérisation anaérobie : Comme les résines 4-META, leur prise se fait en l’absence d’oxygène, permettant un temps de manipulation prolongé.
  • Application d’un gel d’isolation : Ce gel déclenche la polymérisation, garantissant une prise contrôlée.

Ciments Verres Ionomères Modifiés à la Résine (CVIH)

Composition

Les ciments verres ionomères modifiés à la résine (CVIH) combinent les propriétés des ciments verres ionomères traditionnels avec des résines pour améliorer leurs performances mécaniques et adhésives.

Caractéristiques

  • Adhésion chimique : Les CVIH adhèrent chimiquement aux tissus minéralisés de la dent (émail et dentine) ainsi qu’à certains alliages métalliques.
  • Résistance mécanique limitée : Bien que leur adhésion soit efficace, la résistance intrinsèque du matériau est inférieure à celle des résines pures. Pour pallier cela, ils sont souvent renforcés par des résines.
  • Amélioration par systèmes adhésifs : L’application d’un système adhésif avant la pose du CVIH peut renforcer l’adhésion.

Qualités Requises des Colles Dentaires

Pour être efficaces en odontologie, les colles doivent répondre à plusieurs critères essentiels :

  • Facilité de manipulation : Les matériaux doivent être simples à utiliser en clinique, avec des protocoles clairs et rapides.
  • Biocompatibilité : Les colles doivent être non cytotoxiques, notamment vis-à-vis de l’organe pulpo-dentinaire, pour éviter toute irritation ou dommage pulpaire.
  • Pérennité : La liaison adhésive doit rester stable dans le temps, résistant aux contraintes mécaniques, thermiques et chimiques de la cavité buccale.
  • Caractère adhésif : Les colles doivent garantir une adhésion immédiate et robuste entre les surfaces.
  • Étanchéité : Une bonne étanchéité est cruciale pour prévenir l’infiltration bactérienne et fluidique, sources de sensibilités post-opératoires et de caries secondaires.

Mécanismes d’Adhésion

Collage aux Tissus Dentaires

Différences entre l’émail et la dentine

Les deux principaux tissus dentaires, l’émail et la dentine, présentent des caractéristiques distinctes qui influencent les mécanismes d’adhésion :

  • Émail : Tissu dur et cassant, composé principalement d’hydroxyapatite (96 % minéralisé). Sa structure homogène facilite la création de micro-rugosités par mordançage, favorisant une adhésion mécanique.
  • Dentine : Tissu plus souple et moins minéralisé (70 % minéralisé, 20 % matière organique, 10 % eau). Sa composition hétérogène, incluant des tubuli dentinaires et une matrice collagénique, rend l’adhésion plus complexe.

Définition de l’adhésion

L’adhésion est l’union de deux solides (tissu dentaire et matériau prothétique) par l’intermédiaire d’un agent adhésif liquide. Cet agent humidifie les surfaces, puis se solidifie pour former un joint stable. L’adhésion peut être :

  • Chimique : Liaisons primaires (covalentes ou ioniques) entre l’adhésif et les composants minéraux des tissus dentaires, comme le calcium de l’hydroxyapatite.
  • Mécanique : Pénétration de l’adhésif dans les irrégularités microscopiques ou nanométriques des surfaces dentaires, formant un clavetage.
  • Mixte : Combinaison des deux mécanismes pour une adhésion optimale.

Collage à l’Émail

Historique

Le Dr Michael Buonocore a démontré en 1955 que le mordançage acide de l’émail permet de créer un micro-relief favorable à l’adhésion des résines. Cette découverte a révolutionné les techniques de collage en odontologie.

Mécanisme

  • Mordançage : L’application d’un gel d’acide orthophosphorique (30-37 %) pendant 30 secondes dissout sélectivement le cœur des prismes d’émail, créant des micro-porosités.
  • Rinçage et séchage : Un rinçage vigoureux à l’eau suivi d’un séchage soigneux donne à l’émail un aspect blanc mat crayeux, signe d’une surface prête à recevoir l’adhésif.
  • Application de l’adhésif : Une résine fluide s’infiltre dans les anfractuosités créées, formant un clavetage mécanique après polymérisation.

Application clinique

Le collage à l’émail est largement utilisé pour les bridges collés, où des ailettes métalliques ou céramiques sont fixées sur l’émail des dents adjacentes pour remplacer une dent manquante.

Collage à la Dentine

Défis spécifiques

La dentine pose des défis uniques en raison de sa composition hétérogène et de sa teneur en eau. Le mordançage acide expose les tubuli dentinaires et déminéralise la surface, révélant un réseau de fibrilles collagéniques. Cependant, l’eau résiduelle du rinçage peut empêcher l’infiltration de la résine adhésive hydrophobe.

Étapes du collage

  1. Mordançage :
    • Élimine les boues dentinaires (débris de coupe).
    • Ouvre les orifices des tubuli dentinaires.
    • Déminéralise superficiellement (quelques micromètres) les zones inter- et péri-tubulaires, exposant un réseau de collagène.
  2. Rinçage et séchage :
    • Le rinçage élimine l’acide et les débris.
    • Un séchage excessif peut provoquer le collapsus des fibrilles collagéniques, rendant la surface compacte et imperméable à la résine.
  3. Application du primer :
    • Le primer maintient la porosité du réseau collagénique ou ré-expanse les fibrilles collapsées.
    • Il remplace l’eau par des solvants organiques, rendant la surface hydrophobe et propice à l’infiltration de la résine.
  4. Application de la résine adhésive :
    • La résine pénètre dans les tubuli et le réseau collagénique, formant une couche hybride après polymérisation.
    • Cette couche hybride est un entrelacement de collagène naturel et de polymères synthétiques, assurant une interface étanche entre la dentine et la restauration.

Applications cliniques

  • Restaurations directes de classe V : Utilisées pour les lésions cervicales où l’émail est minimal.
  • Restaurations indirectes : Inlays, onlays, ou couronnes céramiques, où la dentine constitue la majeure partie de la surface à coller.

Collage aux Matériaux de Reconstitution

Collage de la céramique

Céramiques mordançables

Les céramiques mordançables, comme les céramiques feldspathiques ou pressées (ex. : Empress), contiennent une phase vitreuse riche en silicates. Leur traitement comprend :

  • Mordançage à l’acide fluorhydrique : Crée un micro-relief en dissolvant la phase vitreuse. Cet acide est hautement toxique et nécessite des précautions strictes (gants, masque, lunettes).
  • Rinçage abondant : Élimine l’acide résiduel.
  • Application de silane : Cet agent de couplage forme des liaisons chimiques entre la céramique et la résine, tout en augmentant la mouillabilité de la surface.
  • Polymérisation : Les céramiques mordançables, étant translucides, permettent l’utilisation de systèmes adhésifs photopolymérisables.
Céramiques renforcées non mordançables

Les céramiques renforcées à l’alumine ou à la zircone (ex. : Inceram, Procera) ne sont pas mordançables à l’acide fluorhydrique. Leur traitement comprend :

  • Sablage à l’alumine : Crée une micro-rugosité mécanique.
  • Dépôt artificiel de silice : Améliore l’adhésion en surface.
  • Utilisation de colles spécifiques : Les résines 4-META ou MDP (ex. : Panavia) offrent des valeurs d’adhésion élevées.
  • Polymérisation chémique : Nécessaire pour les céramiques opaques, où la lumière ne pénètre pas suffisamment.

Collage de la résine

Pour coller une prothèse en résine, le protocole est similaire à celui des céramiques mordançables :

  • Sablage à l’alumine : Crée une surface rugueuse.
  • Mordançage à l’acide fluorhydrique : Augmente la porosité.
  • Application de silane : Améliore la liaison chimique avec la résine de collage.
  • Choix de l’adhésif :
    • Photopolymérisable : Si la pièce prothétique est fine (< 2-3 mm).
    • Chémopolymérisable : Pour les pièces plus épaisses, où la lumière ne pénètre pas efficacement.

Collage du métal

Le collage aux alliages métalliques a évolué de la simple rétention mécanique à des systèmes adhésifs chimiques avancés :

  • Rétention mécanique :
    • Macrorétention : Utilisation d’ailettes perforées (ex. : bridges de Rochette).
    • Microrétention : Sablage à l’alumine pour créer des rugosités.
  • Colles spécifiques : Les résines 4-META (ex. : Superbond) et MDP (ex. : Panavia) offrent des adhésions comparables à celles obtenues sur les tissus dentaires.
  • Traitements de surface :
    • Sablage à l’alumine (50 μm) : Augmente la rugosité.
    • Dépôt de silice : Couplé à un silane pour améliorer l’adhésion chimique.
  • Limites : Les alliages nobles (or, platine) adhèrent moins bien que les alliages non précieux. De plus, la fatigue mécanique et thermique peut dégrader la couche adhésive à moyen terme.

Considérations Cliniques

Protocole standard pour le collage

  1. Préparation de la surface : Mordançage (émail ou dentine) ou sablage (métal, céramique).
  2. Application du primer : Essentiel pour la dentine et certaines céramiques.
  3. Application de l’adhésif : Résine fluide pour l’émail/dentine, ou colle chargée pour les prothèses.
  4. Polymérisation : Photopolymérisation pour les matériaux translucides, chémopolymérisation pour les matériaux opaques.

Précautions

  • Biocompatibilité : Éviter les matériaux cytotoxiques pour protéger la pulpe.
  • Étanchéité : Une mauvaise adhésion peut entraîner des infiltrations bactériennes, provoquant des sensibilités ou des caries secondaires.
  • Manipulation des acides : L’acide fluorhydrique, utilisé pour les céramiques, nécessite des précautions strictes en raison de sa toxicité.

Avantages du collage

  • Conservation tissulaire : Les techniques de collage permettent des préparations minimalement invasives.
  • Esthétique : Les matériaux comme les céramiques et les résines offrent des résultats naturels.
  • Durabilité : Une adhésion bien réalisée garantit une longue durée de vie des restaurations.

Limites

  • Complexité technique : Les protocoles de collage nécessitent une rigueur clinique.
  • Dégradation à long terme : Les contraintes buccales (mastication, variations thermiques) peuvent affecter l’adhésion.
  • Coût : Les matériaux avancés (4-META, MDP) et les équipements (lampes de polymérisation) augmentent les coûts.

Conclusion

Le collage en odontologie est une technique clé qui a transformé la pratique des restaurations dentaires et prothétiques. Grâce à l’évolution des matériaux (résines, ciments hybrides) et des techniques (mordançage, primaires), les cliniciens peuvent obtenir des résultats esthétiques, fonctionnels et durables. Cependant, la réussite du collage dépend de la maîtrise des protocoles, du choix des matériaux adaptés et de la compréhension des propriétés des tissus dentaires et prothétiques. En respectant ces principes, le collage reste un pilier de l’odontologie moderne, offrant des solutions fiables pour une large gamme de restaurations.

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