LE BIOFILM DENTAIRE

LE BIOFILM DENTAIRE 

     LE BIOFILM DENTAIRE 

Le Biofilm Dentaire : Une Analyse Approfondie

Définition du Biofilm Dentaire

Le biofilm dentaire, tel que défini par Mouton et Robert en 1994, est une accumulation hétérogène de microorganismes adhérant à la surface des dents ou située dans l’espace gingivo-dentaire. Il peut également se former sur les matériaux de restauration dentaire, les prothèses fixes ou amovibles, ainsi que les appareils orthodontiques. Ce biofilm est constitué d’une communauté microbienne complexe, comprenant des bactéries aérobies et anaérobies, enrobées dans une matrice extracellulaire composée de polymères d’origine microbienne et salivaire. Cette matrice joue un rôle clé dans la protection des bactéries et leur adhésion aux surfaces dentaires, rendant le biofilm particulièrement résistant aux agressions extérieures, telles que le brossage ou les agents antimicrobiens.

Le biofilm dentaire est un écosystème dynamique où les interactions entre les microorganismes, la salive et les surfaces dentaires favorisent la formation d’une structure organisée. Cette structure est à l’origine de nombreuses pathologies buccales, notamment les caries et les maladies parodontales, ce qui en fait un sujet d’étude central en odontologie.

Formation de la Plaque Dentaire

La formation du biofilm dentaire, communément appelé plaque dentaire, suit un processus complexe et progressif. Ce phénomène peut être décomposé en plusieurs étapes clés, chacune jouant un rôle essentiel dans l’adhésion et la prolifération des microorganismes.

Mécanisme d’Adhésion

La Pellicule Acquise Exogène (PAE)

La première étape de la formation du biofilm dentaire est la création de la pellicule acquise exogène (PAE). Après un nettoyage dentaire, comme un brossage prophylactique, les protéines salivaires se fixent rapidement, en quelques minutes, à la surface de l’émail dentaire. Ces protéines, principalement des mucines, des immunoglobulines et des enzymes, forment une fine couche translucide, incolore et molle, appelée PAE. Cette pellicule est plus abondante près du rebord gingival en raison de la proximité des glandes salivaires.

La PAE agit comme une interface entre la surface dentaire et les bactéries. Elle est formée par des interactions chimiques complexes, notamment des liaisons croisées entre les protéines salivaires, qui créent une surface propice à l’adhésion bactérienne. Cette pellicule est essentielle, car sans elle, les bactéries auraient du mal à adhérer directement à l’émail.

Interactions Moléculaires entre Bactéries et PAE

Les bactéries présentes dans la cavité buccale, transportées par la salive, entrent en contact avec la PAE. Ces bactéries, souvent chargées négativement, établissent une adhésion initiale réversible grâce à des forces électrostatiques répulsives et des forces de Van der Waals attractives. Cette première interaction est fragile et peut être perturbée par des facteurs mécaniques, comme le flux salivaire ou le brossage.

Cependant, certaines bactéries, comme Streptococcus gordonii, Streptococcus oralis, Streptococcus mitis et Actinomyces viscosus, développent une adhésion irréversible grâce à des interactions spécifiques de type protéine-protéine. Ces bactéries possèdent des adhésines, des protéines de surface qui se lient de manière ciblée aux composants de la PAE, renforçant leur ancrage.

Co-agrégation et Développement du Biofilm

Au fur et à mesure que la plaque dentaire se développe, la co-agrégation entre différentes espèces bactériennes joue un rôle crucial. Les bactéries pionnières, comme les streptocoques, produisent des polymères extracellulaires, notamment des glucanes, à partir du saccharose présent dans l’alimentation. Ces glucanes forment des interactions glycanniques qui consolident la structure du biofilm, le rendant plus dense et stable.

Cette densification crée un environnement anaérobie en profondeur, favorisant la survie de bactéries anaérobies strictes, comme Porphyromonas gingivalis ou Prevotella intermedia. Ces bactéries, incapables de survivre dans des conditions riches en oxygène, colonisent les couches internes du biofilm, contribuant à sa complexité et à sa pathogénicité.

Composition du Biofilm Dentaire

Le biofilm dentaire est une structure hautement organisée, composée principalement de bactéries disposées en microcolonies. Ces colonies sont séparées par des canaux permettant la circulation des nutriments, de l’eau et des déchets métaboliques. La matrice extracellulaire, qui représente environ 20 à 30 % du volume du biofilm, est constituée de polymères organiques, tels que des polysaccharides, des protéines et des acides nucléiques, produits par les bactéries et la salive.

Principales Espèces Bactériennes

Les bactéries du biofilm dentaire varient selon l’âge et la localisation du biofilm. Les premières colonisatrices, comme Streptococcus oralis, Streptococcus mitis et Streptococcus gordonii, dominent les stades initiaux. Ces espèces pionnières préparent l’environnement pour des bactéries secondaires, comme Fusobacterium nucleatum, qui joue un rôle de pont en facilitant l’adhésion de bactéries tardives, telles que Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et les spirochètes.

Structure et Organisation

Le biofilm dentaire peut être représenté comme un empilement de microcolonies bactériennes, organisées en zones hétérogènes et homogènes. Cette organisation est visible au microscope, où l’on observe des canaux internes permettant la diffusion des nutriments. La matrice extracellulaire protège les bactéries contre les agressions extérieures, comme les antibiotiques ou les défenses immunitaires de l’hôte.

Type de BactérieRôle dans le BiofilmEnvironnement
Streptococcus spp.Colonisation initiale, formation de la PAEAérobie
Fusobacterium nucleatumPont entre bactéries pionnières et tardivesAnaérobie facultative
Porphyromonas gingivalisPathogène parodontal, colonisation tardiveAnaérobie stricte
Aggregatibacter actinomycetemcomitansPathogène parodontal, inflammation chroniqueAnaérobie facultative

Aspects Cliniques et Distribution de la Plaque

La plaque dentaire, lorsqu’elle atteint une certaine épaisseur, devient visible à l’œil nu sous la forme d’un enduit blanc-jaunâtre, localisé principalement le long du rebord gingival. Dans ses stades initiaux, elle est difficile à détecter sans outils spécifiques. Les dentistes utilisent des méthodes comme le raclage de la surface dentaire avec une sonde ou l’application de colorants révélateurs, tels que l’érythrosine, la fuchsine ou des colorants fluorescents visualisables sous lumière ultraviolette.

Localisation de la Plaque

La plaque dentaire se dépose principalement dans les zones suivantes :

  • Fissures occlusales : Les surfaces masticatoires des dents, riches en fossettes, sont des sites privilégiés pour l’accumulation de la plaque.
  • Surfaces lisses : Les faces proximales des dents, difficiles d’accès pour le brossage, favorisent la rétention de la plaque.
  • Restaurations et prothèses : Les couronnes mal ajustées, les obturations débordantes et les appareils orthodontiques offrent des surfaces rugueuses propices à la formation du biofilm.
  • Prothèses amovibles : Les appareils amovibles, s’ils ne sont pas nettoyés régulièrement, deviennent des réservoirs de bactéries.

Visualisation par Imagerie

Les images cliniques du biofilm dentaire, bien que non incluses directement dans ce document, peuvent être représentées par des photographies montrant des dépôts de plaque colorée par des révélateurs ou des schémas illustrant la disposition des bactéries dans la matrice extracellulaire. Ces images permettent de mieux comprendre la structure tridimensionnelle du biofilm et son interaction avec les surfaces dentaires.

Classification de la Plaque Dentaire

La plaque dentaire est classée en deux grandes catégories en fonction de sa localisation par rapport à la gencive.

Plaque Sus-Gingivale

La plaque sus-gingivale se forme sur la couronne dentaire, directement sur l’émail ou sur la PAE. Elle est composée principalement de bactéries aérobies et anaérobies facultatives, qui se fixent et se multiplient rapidement après un nettoyage dentaire. Cette plaque est visible à l’œil nu lorsqu’elle s’accumule en grande quantité et est généralement plus facile à éliminer par un brossage régulier.

Plaque Sous-Gingivale

La plaque sous-gingivale se développe dans le sulcus gingival, en continuité avec la plaque sus-gingivale. Elle est dominée par des bactéries anaérobies strictes, comme Porphyromonas gingivalis, en raison de l’environnement pauvre en oxygène. Cette plaque est plus difficile à éliminer et peut contribuer à la formation de poches parodontales, entraînant des maladies comme la gingivite ou la parodontite.

La frontière entre ces deux types de plaques n’est pas fixe et peut varier en fonction de l’état gingival, comme l’accroissement gingival ou la récession.

Facteurs Favorisant la Rétention de la Plaque

Plusieurs facteurs contribuent à l’accumulation et à la rétention de la plaque dentaire, rendant son contrôle plus difficile.

Lésions Carieuses

Les caries, en particulier celles situées sous la gencive, créent des niches idéales pour la prolifération des bactéries anaérobies. Ces lésions rendent le brossage inefficace, car les bactéries s’installent dans des zones inaccessibles.

Anomalies Morphologiques et Fonctionnelles

Les anomalies dentaires, telles que les malpositions, les déformations ou l’absence de points de contact, favorisent l’accumulation de la plaque. Par exemple :

  • Malpositions dentaires : Les dents mal alignées créent des zones difficiles à nettoyer.
  • Dents sans antagoniste : Une dent sans contact avec une dent opposée peut accumuler plus de plaque.
  • Morphologie gingivale inadéquate : Une gencive mal formée peut créer des espaces favorisant la rétention bactérienne.

Facteurs Iatrogènes

Les interventions dentaires mal réalisées, comme des prothèses mal ajustées, des obturations débordantes ou des restaurations en surocclusion, augmentent la rétention de la plaque en créant des surfaces irrégulières.

Rôle de la Salive

La salive joue un rôle ambivalent dans la formation de la plaque. Elle fournit les protéines nécessaires à la formation de la PAE, mais elle contient également des enzymes et des immunoglobulines qui limitent la prolifération bactérienne. Les mucines, des glycoprotéines salivaires, sont dégradées par les glycosidases bactériennes, fournissant des nutriments aux microorganismes.

Influence de l’Alimentation

Consistance de l’Alimentation

Une alimentation dure et fibreuse, comme les fruits et légumes crus, réduit la formation de la plaque en favorisant le frottement mécanique lors de la mastication. En revanche, une alimentation molle et collante, comme les bonbons ou les pâtisseries, favorise l’accumulation de la plaque dans les zones interdentaires et le long du rebord gingival.

Composition de l’Alimentation

Les sucres simples, comme le saccharose, sont métabolisés par les bactéries pour produire des acides et des polymères extracellulaires, renforçant le biofilm. Une alimentation riche en sucres favorise donc la croissance bactérienne et la pathogénicité du biofilm.

Lutte contre la Plaque Dentaire

La prévention et le contrôle de la plaque dentaire sont essentiels pour maintenir une bonne santé bucco-dentaire et prévenir les maladies parodontales.

Contrôle de la Plaque

Le contrôle de la plaque repose principalement sur des méthodes mécaniques, comme le brossage des dents et l’utilisation de la soie dentaire. Ces techniques visent à éliminer la plaque avant qu’elle ne devienne trop dense ou pathogène.

Méthodes de Brossage

Différentes techniques de brossage existent, adaptées à des besoins spécifiques :

  • Méthode de Stillman : Utilisée pour nettoyer les surfaces dentaires près de la gencive.
  • Méthode de Bass : Conçue pour éliminer la plaque sous le rebord gingival.
  • Méthode de Charters : Recommandée en cas de récession gingivale.
  • Méthode de rouleau : Efficace pour les surfaces lisses des dents.

Outils de Brossage

Les outils de nettoyage incluent :

  • Brosse à dents : Manuelle ou électrique, selon les préférences.
  • Soie dentaire : Pour nettoyer les espaces interdentaires.
  • Brossettes interdentaires : Idéales pour les espaces larges.
  • Bâtonnets interdentaires : Utilisés pour éliminer les dépôts dans les zones difficiles d’accès.

Mesures Complémentaires

En complément du brossage, l’utilisation de bains de bouche antiseptiques ou de solutions révélatrices peut aider à identifier et à réduire la plaque. Les consultations régulières chez le dentiste permettent également de procéder à des détartrages professionnels pour éliminer la plaque calcifiée (tartre).

Conclusion

Le biofilm dentaire est un facteur clé dans le développement des maladies parodontales et des caries. Sa formation, complexe et dynamique, repose sur l’interaction entre la salive, les bactéries et les surfaces dentaires. Une hygiène bucco-dentaire rigoureuse, combinant brossage, utilisation de la soie dentaire et consultations dentaires régulières, est essentielle pour prévenir l’accumulation de la plaque et limiter ses effets délétères. En adoptant des habitudes alimentaires saines et en évitant les facteurs favorisant la rétention de la plaque, il est possible de maintenir une santé buccale optimale.

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