La Flore Buccale
I – Introduction
Durant de nombreuses décennies, la cavité buccale fut simplement considérée comme l’entrée du tube digestif. Puis, basée sur la richesse des nouvelles données établissant un rapport bidirectionnel et réciproque entre la santé générale et les bactéries omniprésentes de la sphère oro-pharyngienne, le concept de l’Écosystème Buccal a été introduit.
Le milieu buccal est un environnement physicochimique, qui occupe et influence la cavité buccale en tant que compartiment.
Ce milieu buccal englobe donc les structures anatomiques qui le limitent (muqueuses buccales, langue, dents), les sécrétions salivaires (et par extension les glandes qui les produisent), le système immunitaire oral, et la flore qui colonise cet espace.
II – Généralités
1 – Définition de la bactérie
Les bactéries sont des organismes procaryotes unicellulaires de 1 à 10 µm, comportant :
- Éléments constants : noyau, paroi cytoplasmique et membrane cellulaire.
- Éléments inconstants : spores, cils, flagelles, glycocalyx et capsule.
Description de l’image : Une image intitulée image.jpg (située à l’emplacement C:\Users\HP\Desktop\la flore bhuccale\image.jpg) est référencée ici. Elle illustre probablement la structure bactérienne décrite.
2 – Composition
La paroi bactérienne
La paroi bactérienne est une structure rigide qui permet de protéger la bactérie de la forte pression osmotique au sein du cytoplasme et possède un pouvoir antigénique.
- Paroi des bactéries Gram + : Composée de 90 % de peptidoglycane (muréine) avec de nombreuses liaisons glucidiques. On retrouve également des acides lipoteichoïques (LTA), connectés aux lipides de la membrane plasmique, qui confèrent la solidité à la cellule.
- Paroi des bactéries Gram – : Le peptidoglycane représente moins de 20 % du poids de la bactérie. La paroi est divisée en deux structures : la membrane externe et l’espace périplasmique. La membrane externe est une bicouche phospholipidique comportant des lipopolysaccharides (LPS). Elle possède :
- Des porines (transport des molécules hydrophiles, comme les antibiotiques),
- Des protéines (transport des facteurs de croissance et du fer),
- Des protéines de structure.
Les LPS : Toutes les endotoxines bactériennes sont des lipopolysaccharides (selon Rietschel et Brade, 1992). Elles sont composées de deux parties :
- Une partie antigénique (antigène de surface : la chaîne polysaccharidique spécifique),
- Une partie lipide ancrée dans la membrane externe, responsable de la toxicité et de l’activation de la réaction immunitaire de l’hôte par les macrophages.
Seules les molécules de LPS libres (non ancrées dans la paroi cellulaire) sont toxiques pour l’hôte. Elles sont générées par :
- La formation de vésicules,
- La division cellulaire,
- La dissolution de la paroi cellulaire des bactéries mortes.
La membrane plasmique
Elle est composée de protéines entourées d’une bicouche phospholipidique. Elle joue un rôle dans :
- L’échange de métabolites grâce aux perméases,
- La production d’ATP,
- La fixation des flagelles.
Flagelles
Ils ont un rôle dans :
- La mobilité,
- Le chimiotactisme,
- L’antigénicité (permettant l’identification de la bactérie).
Référence : Une présentation intitulée ANATOMIE FONCTIONNELLE CLASSIFICATION MEDICALE – ppt video online télécharger est mentionnée ici, probablement pour illustrer les structures bactériennes comme les flagelles.
Fimbriae
Ce sont des structures filamenteuses courtes trouvées à la surface des bactéries Gram positif et Gram négatif, constituées de protéines (fimbrilline). Leur fonction principale est de fixer la bactérie à son substrat, jouant un rôle dans :
- L’adhésion des bactéries aux cellules épithéliales de l’hôte,
- La virulence de certaines bactéries.
Pili
On distingue deux types :
- Pili sexuels : Plus longs et en nombre restreint (rarement plus de trois), présents à la surface des bactéries Gram négatif, constitués de protéines (piline). Ils jouent un rôle essentiel dans la conjugaison bactérienne (transfert horizontal de gènes).
- Pili communs (fimbriae) : Structures protéiques filamenteuses ayant un rôle d’attachement de la bactérie aux surfaces.
Capsule
La capsule est une structure polysaccharidique entourant la paroi des bactéries Gram négatives. Elle :
- Empêche la phagocytose des bactéries,
- Favorise l’adhésion.
Glycocalyx
Il s’agit d’une enveloppe polysaccharidique à la surface de la bactérie qui :
- Favorise son adhésion aux cellules de l’hôte,
- La rend résistante aux antiseptiques et antibiotiques.
Spores
Certaines bactéries, comme les Bacilles, peuvent former des endospores lorsque l’environnement devient pauvre en éléments nutritifs. Ce sont des formes inactives et non pathogènes, hautement résistantes aux variations de température et aux agents chimiques (antiseptiques, antibiotiques). Lorsque l’environnement redevient favorable, ces spores redonnent naissance à des bactéries identiques.
Remarque : Les fimbriae, le glycocalyx et l’acide lipoteichoïque sont des médiateurs bactériens de l’adhérence.
3 – Classification
Selon la forme
- Cocci (sphérique) : en chaîne ou en amas,
- Bacille (forme allongée en bâtonnet),
- Coccobacille (ovale),
- Filamenteuse,
- Spiralée,
- Vibrion (incurvée).
Selon la coloration de Gram
Cette coloration, mise au point par Hans Christian Gram en 1884 (utilisation de deux colorants : bleu de gentiane et fuchsine rose), permet de distinguer deux types de parois bactériennes, influençant le pouvoir infectieux et la sensibilité aux antibiotiques.
- Bactéries Gram + : Se colorent en bleu violet, résistent à la décoloration du violet de gentiane par l’alcool.
- Bactéries Gram – : Se colorent en rose pâle après décoloration à l’alcool et recoloration à la fuchsine, en raison de la haute teneur en lipides de leur paroi.
Selon le mode respiratoire
- Aérobie strict : Ne peut vivre qu’en présence d’oxygène.
- Micro-aérophile : Croissance optimale dans un milieu à faible concentration en oxygène.
- Capnophile : Croissance optimale dans un milieu enrichi en CO2.
- Facultatif : Peut utiliser différents modes respiratoires.
- Anaérobie strict : Ne peut vivre qu’en l’absence d’oxygène.
III – Définition de la flore buccale (microbiote buccal)
Le microbiote buccal est l’ensemble des micro-organismes présents dans la cavité buccale, essentiellement des bactéries (environ 700 espèces). Des virus transitoires (comme l’herpès), des levures (Candida albicans), des protozoaires et des archées sont également présents. Autrefois appelée flore buccale, elle est dite saprophyte et se répartit en fonction des surfaces à coloniser : salive, langue, muqueuses, site sous-gingival et surface dentaire.
Le microbiote buccal est acquis à la naissance à partir des microbiotes maternels et environnementaux, qui colonisent la cavité buccale de l’enfant. L’éruption des dents temporaires modifie drastiquement l’écosystème existant, avec de nouvelles surfaces aux caractéristiques physico-chimiques différentes à coloniser. Globalement, la diversité et la richesse bactérienne augmentent et divergent du microbiote maternel lors du développement de la cavité buccale, atteignant, dès l’âge de 2 ans, un profil proche de celui observé chez l’adulte.
IV – Composition de la flore buccale
La flore supra-gingivale
Elle est dominée par les germes anaérobies facultatifs. Les spirochètes sont rares (0,1 %), tandis que les streptocoques, Neisseria et Veillonella prédominent.
La flore sous-gingivale (sulculaire)
On note une augmentation du nombre d’anaérobies stricts, tels que :
- Bactéroïdes,
- Fusobacterium,
- Peptostreptococcus,
- Porphyromonas,
- Prevotella,
- Aggregatibacter.
La flore de la langue
La langue est une niche importante pour les germes microbiens, dominée par les streptocoques anaérobies facultatifs. On y trouve :
- Streptococcus salivarius (dominant),
- Veillonella,
- Actinomyces,
- Bactéroïdes,
- Peptostreptococcus.
V – L’adhérence bactérienne
L’adhérence se définit par la capacité de la bactérie à se fixer sur une surface. C’est l’ensemble des phénomènes qui s’opposent à la séparation de deux corps en contact. Sans cette propriété, aucune bactérie ne pourrait se multiplier ou être à l’origine de phénomènes pathologiques (Mouton et Robert, 1994).
L’adhérence peut se résumer en quatre étapes dynamiques successives :
1 – Le transport
Les bactéries se rapprochent de la pellicule acquise de l’émail (PAE) par trois mécanismes :
- Diffusion passive : Mouvement aléatoire animant toutes les bactéries.
- Motilité : Mouvements propres de la bactérie grâce aux flagelles, parfois associés au chimiotactisme pour se rapprocher des surfaces.
- Convection : Résulte des mouvements de la langue et des flux salivaires.
2 – L’adhésion initiale non spécifique
Les bactéries et la surface commencent à interagir lorsque la distance qui les sépare est de 50 nm, par des interactions physico-chimiques :
Forces répulsives
Les protéines de l’émail et celles de la pellicule acquise sont riches en groupements acides polaires (charge négative), tout comme la surface bactérienne, ce qui engendre des forces électrostatiques de répulsion.
Forces électrodynamiques attractives de Van der Waals
Les bactéries sont soumises à des forces attractives dont le noyau d’attraction est supérieur à celui des forces de répulsion. La répulsion est contrebalancée par l’attraction électrodynamique (force de Van der Waals), maintenant la bactérie à une certaine distance du substrat (phase réversible).
Formation de pont calcium (phase irréversible)
Le rapprochement de la bactérie à la surface dentaire est favorisé par l’établissement d’un pont calcium entre les surfaces chargées négativement (dent-bactérie).
Les interactions hydrophobes
En milieu aqueux, les molécules d’eau se disposent en structure ordonnée, assimilées à des molécules apolaires, pouvant former des liaisons avec d’autres molécules apolaires. Ces interactions entre séquences moléculaires hydrophobes à la surface de la bactérie et du substrat assurent un environnement stable, permettant d’autres interactions faibles (coopération positive).
Fixation par glycocalyx
Le glycocalyx, composé de polysaccharides ou de glycoprotéines et sécrété par la bactérie, lui donne un caractère hydrophile. Il comble l’espace entre la bactérie et le substrat, et les adhésines qu’il contient permettent une fixation irréversible.
Fixation par les fimbriae
Ce sont des appendices extracellulaires constitués de protéines polymérisées sous forme de filaments, portant des adhésines sur les chaînes glycoprotéiniques latérales. Les fimbriae établissent un pont entre le corps bactérien et la surface à coloniser, maintenant la bactérie à proximité pour permettre d’autres forces d’attraction (comme les liaisons hydrogène) d’entrer en jeu.
Description de l’image : Une image intitulée Mécanismes+d’adhérence.jpg (située à l’emplacement est référencée ici. Elle illustre probablement les mécanismes d’adhérence bactérienne décrits.
3 – L’attachement
Pour se maintenir sur les surfaces dentaires sur une longue période, les bactéries forment des liaisons de haute affinité en utilisant des molécules de surface spécifiques (interactions spécifiques) :
Interactions de type adhésine – récepteur
Généralement assurées par les adhésines contenues dans les fimbriae et le glycocalyx, sous la forme ligand-récepteur. Chaque molécule d’adhésine bactérienne reconnaît spécifiquement son récepteur sur la surface à coloniser (dentaire ou muqueuse).
Interactions de type enzyme – substrat
Par exemple, Streptococcus mutans produit des complexes enzymatiques appelés glycosyltransférases (GTF). Celles-ci permettent la formation de glycanes en présence de saccharose. Ces glycanes, très collants, se fixent de manière spécifique aux GTF présentes sur les surfaces des autres streptocoques ou sur des récepteurs de la PAE. Parmi les récepteurs de la PAE au niveau des surfaces dentaires, on retrouve surtout :
- Des protéines riches en histidine,
- Des protéines riches en proline (PRP),
- Le lysozyme,
- L’α-amylase.
Description de l’image : Une image intitulée biofilm_03bis.jpg (située à l’emplacement C:\Users\HP\Desktop\la flore bhuccale\Module – Bactériologie – Cours_files\biofilm_03bis.jpg) est référencée ici. Elle illustre probablement la formation d’un biofilm bactérien.
4 – La colonisation
Lorsque les micro-organismes sont fermement fixés, la croissance peut commencer et les bactéries se multiplier. Les bactéries pionnières synthétisent de nombreux exopolysaccharides de surface pour permettre à de nouvelles espèces de coadhérer et de former des micro-colonies au niveau des surfaces dentaires. Les récepteurs de la PAE sont alors tous saturés, et la colonisation entre dans une phase de multiplication bactérienne lente.
VI – Transformation de la flore saprophyte en flore pathogène
Sous l’influence de plusieurs facteurs, tels que :
- L’augmentation du nombre de germes,
- L’arrivée de germes exogènes,
- L’augmentation de la virulence des germes,
- L’affaiblissement des défenses de l’hôte,
cette flore microbienne peut provoquer des lésions au niveau de la cavité buccale, telles que la carie dentaire et les parodontopathies. Une sélection de germes aura lieu pour aboutir à l’une de ces maladies.
Facteurs influençant la croissance des micro-organismes
- Facteurs physico-chimiques : Température, pH, présence d’oxygène, humidité.
- Facteurs liés à l’hôte : Alimentation, défenses immunitaires, changements hormonaux (grossesse).
- Facteurs génétiques : Semblent influencer les flores intestinales et buccales.
- L’âge :
- À partir de 70 ans : Augmentation des staphylocoques (S. aureus), lactobacilles, Actinomyces naeslundii.
- À partir de 80 ans : Augmentation du nombre de levures (Candida albicans).
Les complexes bactériens de Socransky
Une représentation schématique de la composition des complexes bactériens et de leur organisation au sein d’un biofilm associé à la parodontite est mentionnée (Socransky et Haffajee).
Tableau récapitulatif des principaux germes retrouvés dans l’écosystème buccal
| Cocci Gram (+) | Cocci Gram (-) |
|---|---|
| Streptococcus, Peptostreptococcus | Veillonella, Neisseria |
| Bacilles Gram (+) | Bacilles Gram (-) |
|---|---|
| Actinomyces, Bifidobacterium, Eubacterium, Lactobacillus, Corynebacterium, Propionibacterium | Actinobacillus, Bacteroides, Campylobacter, Capnocytophaga, Eikenella, Fusobacterium, Haemophilus, Porphyromonas, Prevotella, Selenomonas, Treponema |
VII – Conclusion
Vu l’importance des moyens d’adhérence des germes de la flore buccale, un simple nettoyage de la bouche ne suffit pas pour l’éliminer ou en éviter la formation. D’où l’importance d’utiliser des moyens d’hygiène buccale efficaces, tels que :
- Le brossage mécanique,
- Les adjuvants du brossage : fil interdentaire, brosse monotouffe, brossette interdentaire, etc.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
La Flore Buccale

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

