Les dyschromies dentaires
Les dyschromies dentaires
Introduction
L’aspect naturel d’une dent dépend des différents tissus qui la composent, c’est-à-dire l’émail, la dentine et la pulpe. Selon l’épaisseur des tissus, leur structure et leur composition, la dent aura une certaine teinte, luminosité et saturation.
- L’émail : peut être coloré en contact avec la salive et les aliments.
- La dentine : occupant les zones internes, donne la teinte générale de la dent, donc elle est responsable de sa couleur.
- La pulpe : partie vivante et la plus interne de la dent, constituée de nerfs et de vaisseaux sanguins, elle a une couleur rouge foncée. Pour les dents jeunes avec une chambre camérale volumineuse, elle peut donner une teinte rosée à la dent.
Les dents deviennent plus foncées lors du vieillissement d’un individu, cet effet est d’autant plus rapide et marqué selon les antécédents de caries dentaires ou de coloration dentaire. C’est un processus physiologique, et non une dyschromie.
Définition
Le mot dyschromie se compose du préfixe « Dys » qui fait référence à une anomalie (Larousse), et du mot « chrome » avec son suffixe « -ie », qui fait référence à la couleur. Dans le domaine dentaire, on peut définir une dyschromie comme la variation de l’aspect visuel de la couleur d’une ou de plusieurs dents, sur une surface plus ou moins étendue.
Les mécanismes de coloration
L’organe dentaire est composé de tissus minéralisés qui, malgré leur densité, sont dotés d’une certaine perméabilité, rendant possible des passages de flux liquidiens et facilitant les échanges. Ces échanges peuvent être exacerbés lors d’une altération de la surface de l’émail (fissures et fêlures). Ainsi, certaines molécules venant du milieu buccal peuvent s’infiltrer dans l’organe dentaire par la salive, ou viennent de la circulation sanguine en passant par la pulpe.
La voie exogène
La dent est un lieu d’échange permanent avec des fluides, que cela soit interne avec le sang contenu dans la pulpe, ou externe en relation avec la cavité buccale. Ainsi, les chromatophores (pigments colorés contenus dans les aliments et les boissons) se lient chimiquement aux tissus organiques contenus dans les zones inter-prismatiques et les fissures, ou même avec des ions calcium.
La voie endogène
Certains médicaments, comme les tétracyclines, ont des groupes pigmentés qui ont la capacité de se fixer sur la dentine en formant un complexe avec les ions calcium. Après oxydation par la lumière, ces pigments (hydroquinones) donnent naissance à des colorations brunes.
Classification des dyschromies
Les dyschromies extrinsèques ou acquises
Ce sont des colorations superficielles, n’affectant généralement que l’émail de la dent. Elles apparaissent après l’éruption dentaire et sont causées par des substances externes à l’hôte. En fonction de la cause, ces colorations extrinsèques sont divisées en dyschromie directe ou indirecte :
- Coloration directe : Résultat de la fixation du chromogène sur la pellicule exogène acquise, la teinte varie selon la couleur du chromogène.
- Décoloration indirecte : Conséquence d’une réaction chimique entre une substance et la surface de la dent.
Les dyschromies intrinsèques
Contrairement aux colorations extrinsèques, elles sont dues soit à l’incorporation de pigments chromogènes dans les tissus dentaires, soit à la modification de l’épaisseur de ces tissus. Elles affectent toute la structure amélo-dentinaire. Elles sont incluses plus ou moins profondément dans le complexe organominéral de la dent.
Les formes cliniques des dyschromies
Dyschromies extrinsèques
De nombreux facteurs favorisent l’accumulation des dépôts et colorations dentaires :
- Les défauts amélaires,
- La composition et le flux salivaire,
- Une mauvaise hygiène buccale,
- L’âge, qui peut être associé à des colorations dues à une combinaison de facteurs extrinsèques tels que le café, le thé, le tabac, les médicaments et autres changements physiologiques.
Nathoo a proposé une classification fondée sur leurs interactions physico-chimiques avec la surface dentaire.
Dyschromies dues à la plaque et à ses dérivées
La plaque dentaire
Elle contient de nombreuses colonies de microorganismes constituant des dépôts granuleux mous et amorphes accumulés à la surface des dents. Initialement, ils se trouvent en faible quantité et ne sont pas visibles. Puis, par accumulation, la plaque forme une masse globulaire visible présentant une couleur variant du gris au jaune.
Le tartre
Le tartre est le résultat de la calcification de la plaque. On distingue :
- Tartre sous-gingival : de coloration brunâtre voire noire, à cause du fer contenu dans le sang.
- Tartre sus-gingival : de couleur blanche ou jaunâtre, qui peut être coloré secondairement au contact d’aliments ou de tabac.
Le tartre est éliminé facilement par un détartrage professionnel.
Dyschromies dues aux habitudes de vie
Colorations tabagiques
De couleur brun foncé, noire, elles se situent surtout sur le tiers cervical des couronnes dentaires, sur le bord des restaurations, dans les sillons, les fissures ou sur la dentine exposée à la suite d’abrasions. La coloration résulte du dépôt de goudron et de sa pénétration en profondeur à travers la surface de l’émail jusqu’à la jonction amélo-dentinaire, puis les tubulis dentinaires.
Le degré de coloration est lié à :
- La quantité de tabac consommé,
- Sa fréquence,
- Le type de tabac utilisé,
- La rugosité de l’émail,
- La manière de fumer du patient.
Un fumeur de pipe aura de fortes colorations localisées au niveau du bec, tandis qu’un chiqueur de tabac aura des colorations plus généralisées.
Colorations alimentaires
C’est une coloration brune due au dépôt des tanins contenus dans le thé, le café et d’autres breuvages. Elle se retrouve chez les patients présentant un brossage insuffisant ou inapproprié. Cette coloration se caractérise par une fine pellicule pigmentée dépourvue de bactéries, et se situe le plus souvent sur :
- La face vestibulaire des molaires supérieures,
- La face linguale des incisives inférieures,
- De façon moins fréquente, sur les faces palatines des dents maxillaires antérieures.
Dyschromies dues aux bactéries chromogènes
La coloration noire
Les bactéries chromogènes noires (Actinomyces) produisent du sulfite d’hydrogène, qui interagit avec le fer salivaire à la surface de la dent pour générer un dépôt de sulfite ferrique. Ces fines lignes noires sont principalement situées au niveau des collets, apparaissent au niveau des surfaces vestibulaires et linguales des dents, et peuvent s’étendre sur les faces proximales. Elles sont extrêmement adhérentes à la surface de l’émail, difficiles à extirper par le brossage et tendent à récidiver. Il existe de nombreuses classifications propres à ce type de colorations, basées sur le critère d’extension des colorations sur la surface dentaire.
La coloration verte
Dépôt épais, tenace et récidivant, généralement sous forme de bande située sur la face vestibulaire des dents maxillaires antérieures au niveau du tiers cervical. Elle intéresse plus précisément les enfants (surtout les garçons). Attribuée à des bactéries et à des champignons qui ne peuvent croître qu’en présence de lumière, d’où sa localisation antérieure.
La coloration orange
Elle intéresse seulement 3 % de la population, siège sur la face vestibulaire des dents antérieures (maxillaire et mandibulaire) au niveau du bord cervical et du tiers gingival. Elle est associée à une mauvaise hygiène buccodentaire et due à l’action de bactéries chromogènes de type Penicillium et Aspergillus.
Dyschromies métalliques
Induites par :
- Les poussières de métaux (industrie),
- Certaines médications orales,
- Des agents thérapeutiques appliqués localement.
Les métaux se combinent à la pellicule acquise et produisent une coloration de surface ou pénètrent la dent et entraînent une coloration permanente. L’émail est perméable à divers ions et molécules :
- L’exposition industrielle au fer, au manganèse et à l’argent peut provoquer des colorations dentaires noires.
- Le mercure provoque une coloration grise.
- Le cuivre et le nickel provoquent une coloration verte.
- Les médicaments contenant du fer, utilisés dans le traitement des anémies, produisent des colorations noires.
- Les bains de bouche à base de permanganate de potassium provoquent des colorations violacées.
Dyschromies antiseptiques brunes
Dues à la chlorhexidine, retrouvée après utilisation prolongée du produit (disponible en bain de bouche, gel, vernis, dentifrice, irrigateur buccal). La chlorhexidine est absorbée en surface et est lentement relarguée sous forme active par le calcium de la plaque et la salive. Ces colorations sont très superficielles et peu adhérentes à la surface de l’émail, donc faciles à éliminer.
Colorations dues aux ammoniums quaternaires
Ces antiseptiques (comme le chlorure de benzalkonium), présents dans certains bains de bouche et dentifrices, peuvent également provoquer des colorations brunes.
Dyschromies intrinsèques
Les colorations intrinsèques sont liées au complexe organo-minéral de la dent, dues à l’incorporation de substances chromogènes au sein du complexe amélo-dentinaire.
Colorations intrinsèques pré-éruptives d’origine génétique
A. Amélogenèse imparfaite
Il existe quatre formes d’amélogenèses imparfaites, elles-mêmes subdivisées en sous-groupes :
- Forme hypoplasique : diminution de l’épaisseur de l’émail, puits et rainures horizontales, avec ou sans coloration allant du jaune au brun.
- Forme hypomature : épaisseur de l’émail normale, mais colorations et opacités.
- Forme hypocalcifiée : l’émail a une épaisseur initialement normale mais s’use rapidement, couleur variant du jaune au brun ou orange.
- Forme hypomature/hypoplasique et taurodontisme : accompagnée de marbrures brunes, de puits et d’aires hypominéralisées. L’émail peut avoir une épaisseur normale ou affinée. L’aspect clinique de ces dents est très inesthétique et donne une impression de manque d’hygiène. Les patients souffrent sur le plan fonctionnel et esthétique.
B. Dentinogenèse imparfaite
C’est une maladie héréditaire qui touche la formation de la dentine, due à une anomalie du collagène de type I. Elle affecte la denture lactéale et permanente, leurs couleurs se situent entre le gris bleu et le brun plus ou moins foncé ; ces dents sont très fragiles et se fracturent facilement.
- Type I : associé à une ostéogenèse imparfaite, parfois avec une surdité associée. Les dents s’usent rapidement après l’éruption, l’émail s’effrite et laisse apparaître une dentine plus molle.
- Type II : forme la plus commune, non associée à l’ostéogenèse imparfaite, mais parfois à une surdité. Les signes cliniques touchent souvent les deux dentures et sont similaires au type I.
Érythroblastose fœtale
Elle correspond à une incompatibilité sanguine fœto-maternelle, due à un facteur Rhésus opposé. Elle se caractérise par la destruction d’un grand nombre d’érythrocytes et une pigmentation de la dentine des dents en formation, souvent associées à des dysplasies de l’émail et des anomalies de forme.
Thalassémie
C’est une maladie génétique de l’hémoglobine, caractérisée par une anémie importante. Les dents prennent une coloration rouge rose due à la présence de pigments du sang à travers les tubulis dentinaires.
Colorations intrinsèques pré-éruptives congénitales
Porphyrie congénitale érythropoïétique
Maladie héréditaire, également connue sous le nom de maladie de Günther ou « maladie du vampire ». Elle se caractérise par une production excessive de pigments de porphyrine au niveau des structures dentaires, provoquant des colorations rouges ou brun rougeâtre des dents temporaires et définitives.
Ictère hémolytique néonatal
Maladie sanguine transitoire très fréquente chez les nouveau-nés, surtout les prématurés, due à l’incompatibilité Rhésus fœto-maternelle entraînant une hémolyse. Elle provoque une hyperbilirubinémie responsable d’une coloration indélébile jaune ou verte de la dentine des dents lactéales, due à des dépôts de biliverdine. Les dents définitives ne sont pas affectées.
Rachitisme héréditaire vitamine D dépendante
Causé par une carence en vitamine D2, il peut entraîner :
- Des hypocalcémies responsables d’hypoplasies de l’émail, présentes sous forme de bandes faisant le tour de l’émail, ou en petites interruptions ponctuelles formant des dépressions et des piquetés.
- Des hypophosphatémies responsables de défauts de maturation de la dentine interglobulaire.
Cardiopathies congénitales cyanogènes
Un enfant porteur d’une malformation cardiaque congénitale responsable d’une cyanose peut présenter des incisives supérieures anormalement pâles, d’aspect blanc crayeux ou blanc bleuté. Cette coloration proviendrait d’un appauvrissement du sang pulpaire en oxygène, voire d’une sécheresse des dents liée au mode de respiration buccale.
La mélanodontie
Dysplasie de l’émail des dents temporaires déjà évoluées sur l’arcade, entraînant l’effritement et la disparition de l’émail, exposant petit à petit la dentine sous-jacente qui va noircir par phénomène réactionnel. Les incisives mandibulaires ne sont pas touchées, tandis que les incisives centrales maxillaires, puis les incisives latérales, les canines et, pour terminer, les faces occlusales des molaires, vont progressivement prendre une couleur noire.
Souffrances fœtales
Des anomalies de coloration des dents peuvent être notées à la suite de souffrances fœtales induisant des anomalies de formation des structures de l’organe dentaire. Il peut s’agir de :
- Maladies infectieuses contractées par la mère, comme la syphilis entraînant la pigmentation de l’émail (dents de Hutchinson), ou la rubéole, entraînant des hypoplasies de l’émail des dents lactéales et permanentes.
- Exposition de la femme enceinte à des radiations ionisantes, à l’origine d’une diminution de la translucidité de l’émail et une coloration bleue verte des dents.
- Carences en calcium, magnésium, phosphore, vitamines A, C et D, ainsi qu’un diabète chez la femme enceinte, pouvant également causer des hypoplasies de l’émail.
MIH (Molar Incisor Hypomineralisation)
Hypominéralisation d’origine systémique, touchant une à quatre premières molaires permanentes, associée ou non à une atteinte des incisives permanentes. L’étiologie est mal connue, il s’agit d’une affection multifactorielle. Sur le plan structurel, les zones dyschromiées se caractérisent par une réduction de 20 % du contenu minéral de l’émail. La couleur de la lésion est en accord avec la profondeur d’atteinte des tissus et les taches peuvent être blanches, crème, jaunes ou marron brun.
Dyschromies intrinsèques post-éruptives ou acquises
Colorations aux tétracyclines
Ces dyschromies peuvent être localisées ou généralisées. Leur action est très variable, allant de la simple coloration uniforme jaune à des bandes associées quelquefois à des dysplasies ou à des colorations gris-brun plus ou moins prononcées. L’aspect clinique varie en fonction de la dose administrée, de la durée du traitement et du stade de minéralisation des dents. La tétracycline est maintenant contre-indiquée chez la femme enceinte et les enfants de moins de 8 ans.
Classification des dyschromies par tétracyclines
Jordan et Boksmen en 1984 ont répertorié 4 degrés :
| Classe | Description |
|---|---|
| Classe I | Légère coloration jaune, grise ou brune, uniforme sur toute la hauteur coronaire. |
| Classe II | Coloration plus saturée mais toujours uniforme sans bande. |
| Classe III | Coloration irrégulière, plus saturée (gris foncé ou bleutée), non uniforme, aspect en bande nettement différenciée. |
| Classe IV | Coloration très intense, fortement saturée, en bandes ou en plages non uniformes, exceptionnelle (violet foncé à brun très saturé). |
Colorations dues aux fluoroses
La fluorose est liée à un surdosage en fluor durant la phase de formation et de minéralisation des dents, c’est-à-dire entre le 4ème mois in utero et la 8ème année. L’excès de fluor perturbe le développement complet des cristaux de l’émail. À faible dose, le fluor a un effet bénéfique cario-protecteur ; au-delà d’un certain dosage, il devient nocif, surtout chez les enfants entre 0 et 4 ans, lors de la période de minéralisation des couronnes des incisives.
Stades de la fluorose
| Stade | Description |
|---|---|
| Stade 0 | Aucune évidence de fluorose. |
| Stade 1 | Fluorose limitée au sommet des cuspides avec une coiffe neigeuse. |
| Stade 2 | Aspect en parchemin blanc sur au moins 1/3 de la surface amélaire. |
| Stade 3 | Aspect en parchemin blanc sur au moins 2/3 de la surface amélaire. |
| Stade 4 | Aires de décoloration avec plages allant du marron clair au foncé. |
| Stade 5 | Piqueté discret avec coloration secondaire possible du fond des puits. |
| Stade 6 | Piqueté discret et changement de couleur de l’émail. |
| Stade 7 | Les puitsOptional: Note sur les images |
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Les dyschromies dentaires
Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:
- Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier - Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
- Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
- Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
- Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
- Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Les dyschromies dentaires

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

