La biocompatibilité

La biocompatibilité

La biocompatibilité

Introduction

La biocompatibilité est un concept central dans le domaine des dispositifs médicaux, ayant fait l’objet d’une conférence de consensus et encadrée par la norme ISO 10993, qui a remplacé les anciennes normes relatives à ce sujet. Pendant de nombreuses années, la biocompatibilité était assimilée à l’inertie d’un matériau, c’est-à-dire à l’absence de réactions biologiques néfastes lorsqu’un matériau était utilisé dans l’organisme. Cependant, cette vision a évolué. Aujourd’hui, la biocompatibilité ne se limite pas à une simple tolérance passive, mais implique une réponse biologique appropriée de l’hôte face à l’introduction d’un biomatériau. Cette réponse doit être en adéquation avec la fonction spécifique du matériau dans un contexte clinique donné.

La biocompatibilité englobe l’ensemble des interactions entre un biomatériau et les systèmes biologiques de l’organisme. Pour garantir qu’un dispositif médical est sûr et efficace, une série de tests rigoureux, définis par la norme ISO 10993, doit être réalisée. Cette norme s’applique à tous les dispositifs médicaux, qu’ils soient utilisés en médecine générale, en chirurgie, en odontologie ou dans d’autres domaines spécialisés. L’objectif est d’évaluer les risques potentiels liés à l’utilisation du biomatériau, qu’il s’agisse d’effets locaux, systémiques, à court ou à long terme. Cet article explore en détail la biocompatibilité, les définitions associées, les tests réalisés, ainsi que leur importance dans le développement et l’utilisation des dispositifs médicaux, avec un focus particulier sur les biomatériaux dentaires.

Définitions

Définition d’un dispositif médical

Un dispositif médical est défini comme tout instrument, appareil, matériau ou autre article, y compris un logiciel, utilisé seul ou en combinaison, destiné principalement à des applications humaines pour les finalités suivantes :

  • Diagnostic, prévention, contrôle, traitement ou atténuation d’une maladie, d’une blessure ou d’un handicap.
  • Étude, remplacement ou modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique.
  • Contrôle de la contraception.

L’action principale d’un dispositif médical n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, chimiques, immunologiques ou métaboliques, bien que ces moyens puissent jouer un rôle d’assistance. Par exemple, une prothèse dentaire ou une lentille intraoculaire est un dispositif médical, tandis qu’un médicament, par définition, ne l’est pas. Les dispositifs médicaux dentaires, tels que les obturations ou les implants, sont soumis aux mêmes exigences d’évaluation que les autres dispositifs médicaux, conformément à la norme ISO 10993.

Définition d’un biomatériau

Un biomatériau est un matériau non vivant utilisé dans un dispositif médical, conçu pour interagir avec les systèmes biologiques, que ce soit à des fins thérapeutiques ou diagnostiques. Cette définition exclut les greffes biologiques, comme les tissus ou organes transplantés, mais inclut des dispositifs tels que les couronnes dentaires, les lentilles cornéennes ou les implants orthopédiques.

Les biomatériaux sont classés en quatre catégories selon la durée et la nature de leur contact avec l’organisme, ainsi que leur composition chimique :

  • Classe I : Dispositifs non invasifs ou invasifs à usage temporaire (ex. : pansements, instruments chirurgicaux à usage unique).
  • Classe IIa : Dispositifs invasifs à court terme ou à long terme dans la sphère oro-pharyngée (ex. : biomatériaux dentaires).
  • Classe IIb : Dispositifs invasifs à long terme, hors sphère oro-pharyngée (ex. : prothèses articulaires).
  • Classe III : Dispositifs invasifs à long terme en contact avec le cœur, le système circulatoire ou le système nerveux (ex. : valves cardiaques).

Pour les biomatériaux dentaires, classés en catégorie IIa, les tests obligatoires incluent la génotoxicité, la cytotoxicité, la sensibilisation et l’implantation, afin d’assurer leur sécurité dans des applications comme les restaurations ou les implants dentaires.

Définition de la biocompatibilité

La biocompatibilité désigne la capacité d’un biomatériau à accomplir une fonction spécifique tout en provoquant une réponse appropriée de l’hôte. Contrairement à l’idée ancienne selon laquelle un matériau biocompatible devait être totalement inerte, la biocompatibilité moderne prend en compte les interactions dynamiques entre le matériau et l’organisme. Par exemple, un matériau peut être biocompatible dans un contexte spécifique, comme une couronne dentaire en or, mais non adapté dans un autre, comme un implant orthopédique où l’ostéointégration (intégration osseuse) est requise, un domaine où le titane est préféré.

Les tests réalisés

Chronologie des tests

L’évaluation de la biocompatibilité suit une chronologie bien définie, comprenant des tests primaires, des tests secondaires, des essais d’utilisation et des essais cliniques. Cette approche progressive permet d’évaluer les risques de manière systématique, en commençant par des tests simples et peu coûteux, avant de passer à des études plus complexes impliquant des modèles animaux ou humains.

Tests primaires

  • Tests de génotoxicité in vitro : Obligatoires en odontologie, ces tests évaluent les effets potentiels des biomatériaux sur l’ADN.
  • Tests de cancérogénicité et de reproduction (in vivo) : Évaluent les risques à long terme sur la reproduction et le potentiel cancérigène.
  • Tests d’hémolyse (in vitro) : Mesurent la capacité d’un matériau à provoquer la destruction des globules rouges.
  • Tests de toxicité systémique (in vivo) : Évaluent les effets systémiques sur l’organisme.
  • Tests de cytotoxicité (in vitro) : Obligatoires en odontologie, ils mesurent la toxicité du matériau sur les cellules.

Tests secondaires

  • Tests d’irritation muqueuse (in vivo) : Évaluent les réactions des muqueuses au contact du biomatériau.
  • Tests d’irritation cutanée (in vivo) : Mesurent les réactions cutanées.
  • Tests de sensibilisation (in vivo) : Obligatoires en odontologie, ils détectent les réactions allergiques potentielles.
  • Tests d’implantation (in vivo) : Obligatoires en odontologie, ils évaluent la réponse tissulaire après implantation.

Essais d’utilisation et cliniques

  • Essais d’utilisation chez l’animal : Simulent l’utilisation réelle du biomatériau dans des conditions cliniques.
  • Essais cliniques chez l’homme : Tests finaux réalisés après validation éthique, impliquant des patients humains.

Corrélation entre tests primaires et secondaires

Une bonne corrélation entre les tests primaires et secondaires est essentielle pour des raisons éthiques et économiques. Les tests primaires, généralement in vitro, permettent de filtrer les biomatériaux potentiellement dangereux avant de passer aux tests secondaires, qui impliquent souvent des animaux. Cette approche réduit le nombre d’animaux sacrifiés et optimise les ressources en ne testant que les matériaux prometteurs.

Avantages et inconvénients des tests in vitro et in vivo

Tests in vitro

Avantages :

  • Rapidité d’exécution par rapport aux tests in vivo.
  • Coût réduit, rendant les tests accessibles pour un grand nombre de matériaux.
  • Reproductibilité élevée, permettant des comparaisons fiables.
  • Possibilité d’isoler et d’évaluer les effets biologiques des composants individuels d’un matériau.

Inconvénients :

  • Faible corrélation avec les conditions cliniques réelles.
  • Sensibilité excessive, pouvant détecter des effets non pertinents dans un contexte clinique.

Tests in vivo

Avantages :

  • Proximité avec les conditions cliniques, offrant une meilleure représentation des interactions in vivo.
  • Capacité à évaluer les effets systémiques sur des organes éloignés du site d’application.
  • Évaluation des métabolites, qui peuvent être toxiques même si le matériau de base est biocompatible.
  • Interprétation des résultats souvent plus intuitive en raison de leur lien avec la clinique.

Inconvénients :

  • Résultats parfois non transposables à l’humain, car effectués sur des animaux de laboratoire (deux espèces de mammifères).
  • Risque de ne pas détecter un effet néfaste si celui-ci n’est pas spécifiquement recherché.
  • Timing des observations pouvant manquer des effets à long terme.
  • Difficulté à simuler des pathologies humaines complexes, comme les caries ou les lésions parodontales.

Les tests primaires

Tests de génotoxicité

Les tests de génotoxicité évaluent les effets potentiels des biomatériaux et de leurs produits de dégradation sur l’ADN, incluant les mutations géniques, les altérations chromosomiques ou autres modifications génétiques. Le test d’Ames est l’un des plus utilisés. Il repose sur des souches mutantes de Salmonella Typhimurium incapables de synthétiser l’histidine. Lorsqu’une mutation est induite par le biomatériau, ces bactéries peuvent retrouver la capacité de synthétiser l’histidine, ce qui se traduit par la formation de colonies sur un milieu dépourvu d’histidine. Le nombre de colonies est proportionnel à l’effet génotoxique du matériau.

Tests de cytotoxicité

Les tests de cytotoxicité évaluent la toxicité d’un biomatériau sur des cellules cibles, en mesurant leur viabilité après contact. Ces tests, obligatoires pour les biomatériaux dentaires, posent trois questions fondamentales :

  1. Quelles cellules cibles choisir ? Les cellules doivent être représentatives du tissu cible (par exemple, fibroblastes pour les tissus conjonctifs ou ostéoblastes pour les implants osseux).
  2. Quel critère choisir pour évaluer la viabilité ? La viabilité peut être mesurée par la survie cellulaire ou par l’intégrité des fonctions cellulaires, comme la fonction mitochondriale.
  3. Le mode de contact est-il pertinent ? Le mode de mise en contact doit refléter les conditions cliniques réelles.

Critères d’évaluation de la cytotoxicité

  • Test de toxicité basale : Applicable à toutes les cellules, ce test évalue si les cellules sont vivantes ou si leurs fonctions essentielles (comme la respiration mitochondriale) sont intactes.
  • Test de toxicité spécifique : Utilisé sur des cultures primaires, il vérifie si les cellules remplissent leur fonction spécifique (par exemple, la production de matrice osseuse par les ostéoblastes).

Méthodes de test

  1. Test de contact direct : Le biomatériau est fixé au fond d’une boîte de culture à l’aide d’une colle biologique. Des cellules en suspension sont ensemencées, et leur comportement est observé. Si le matériau est non toxique, les cellules adhèrent près de celui-ci ; sinon, elles restent à distance.
  2. Surimposition d’agarose : Les cellules sont recouvertes d’agarose gélifié, sur lequel le biomatériau est posé. Les substances toxiques diffusent à travers l’agarose, affectant les cellules après 24 heures d’incubation.
  3. Interposition de dentine naturelle : Une tranche de dentine est placée entre le biomatériau et les cellules cibles pour simuler les conditions buccales, où la dentine agit comme une barrière naturelle.

Les tests secondaires

Essai de sensibilisation

L’essai de sensibilisation, tel que le Guinea Pig Maximization Test (GPMT), évalue le potentiel allergénique d’un biomatériau. Des cochons d’Inde sont exposés au matériau à deux reprises, à 15 jours d’intervalle. La peau est observée à 24, 48 et 72 heures pour détecter des réactions cutanées, comme des rougeurs ou des œdèmes. Ce test ne nécessite pas de sacrifice animal ni d’analyse histologique, ce qui le rend éthiquement plus acceptable.

Essai d’implantation

L’essai d’implantation consiste à implanter le biomatériau dans la mandibule ou le fémur de lapins, suivi d’un sacrifice à 1 mois (court terme) ou 3 mois (long terme). Les tissus sont analysés histologiquement selon les critères de la norme ISO 10993, incluant :

  • Présence de cellules inflammatoires.
  • Formation de tissu fibreux.
  • Dégénérescence de la moelle osseuse.
  • Nécrose osseuse.
  • Présence de débris du matériau.
  • Formation de granulomes.

Les réactions sont classées comme absentes, légères, modérées ou sévères, permettant d’évaluer la compatibilité du biomatériau avec les tissus osseux.

Les essais d’utilisation (biofonctionnalité)

Les essais d’utilisation évaluent les biomatériaux dans des conditions réelles d’application chez l’animal, comme la pose de restaurations coronaires (cavités de classe V chez le singe) ou des traitements canalaires (chez le singe ou le chien). Ces tests, bien que non obligatoires, sont sous la responsabilité du fabricant, qui doit peser leur nécessité face aux coûts élevés et aux considérations éthiques liées au sacrifice d’animaux.

Les essais cliniques

Les essais cliniques chez l’homme sont réalisés après approbation par un comité d’éthique. Ils impliquent un promoteur (initiateur du test), un investigateur (qui conduit l’étude en clinique) et un moniteur indépendant (qui vérifie les résultats). Ces essais sont la dernière étape avant la mise sur le marché, garantissant que le biomatériau est sûr et efficace dans des conditions cliniques humaines.

Conclusion

L’évaluation de la biocompatibilité est un processus complexe nécessitant une batterie de tests complémentaires, allant des analyses in vitro aux essais cliniques humains. Chaque test apporte des informations spécifiques sur les interactions entre le biomatériau et l’organisme, permettant d’assurer la sécurité et l’efficacité des dispositifs médicaux. Les biomatériaux dentaires, classés en catégorie IIa, doivent répondre à des exigences strictes, notamment en matière de génotoxicité, cytotoxicité, sensibilisation et implantation. L’interprétation des résultats par des spécialistes est cruciale pour garantir que le biomatériau est adapté à son usage clinique spécifique.

La biocompatibilité ne se limite pas à l’absence de toxicité, mais inclut la capacité du matériau à interagir de manière bénéfique avec l’organisme, comme dans le cas de l’ostéointégration pour les implants. Les avancées dans les méthodes de test et les normes, comme l’ISO 10993, ont permis d’améliorer la sécurité des dispositifs médicaux, tout en réduisant l’impact éthique des tests sur les animaux. En fin de compte, la biocompatibilité est un pilier fondamental de la médecine moderne, garantissant que les biomatériaux contribuent à améliorer la qualité de vie des patients tout en minimisant les risques.

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