La prescription médicamenteuse en parodontie

La prescription médicamenteuse en parodontie

La prescription médicamenteuse en parodontie

La Prescription Médicamenteuse en Parodontie

Introduction

La parodontie, spécialité dentaire axée sur le diagnostic, le traitement et la prévention des maladies des gencives et des tissus de soutien des dents, nécessite souvent une approche thérapeutique combinant des interventions mécaniques et médicamenteuses. La prescription médicamenteuse joue un rôle clé dans la gestion des maladies parodontales, principalement pour contrôler la plaque bactérienne à l’aide de molécules anti-infectieuses, telles que les antiseptiques et les antibiotiques. D’autres objectifs incluent la maîtrise de l’inflammation et de la douleur, qui sont des composantes fréquentes des pathologies parodontales. Cet article explore en détail les différents types de médicaments utilisés en parodontie, leurs mécanismes d’action, leurs indications, leurs posologies, ainsi que leurs limites et effets secondaires.

Les maladies parodontales, telles que la gingivite et la parodontite, sont principalement causées par l’accumulation de plaque bactérienne, un biofilm complexe contenant des bactéries pathogènes. Ces infections peuvent entraîner une destruction progressive des tissus parodontaux, y compris la gencive, le ligament parodontal et l’os alvéolaire. Les traitements mécaniques, comme le détartrage et le surfaçage radiculaire, constituent la base du traitement, mais dans certains cas, ils doivent être complétés par une pharmacothérapie ciblée pour optimiser les résultats cliniques.

Les Médicaments à Action Anti-Infectieuse

Les médicaments anti-infectieux, comprenant les antibiotiques et les antiseptiques, sont essentiels pour réduire la charge bactérienne et limiter la progression des maladies parodontales. Ils ciblent les bactéries pathogènes spécifiques responsables des infections parodontales.

Les Antibiotiques

Bactéries à l’Origine des Maladies Parodontales

Les maladies parodontales sont associées à un ensemble de bactéries pathogènes, principalement anaérobies, qui colonisent les poches parodontales et les tissus gingivaux. Parmi les plus fréquentes, on trouve :

  • Actinobacillus actinomycetemcomitans (Aa) : Une bactérie anaérobie facultative, particulièrement impliquée dans la parodontite juvénile localisée (PJL), mais également présente dans les parodontites de l’adulte ou réfractaires. Sa capacité à pénétrer les tissus gingivaux explique souvent les échecs des traitements mécaniques, justifiant l’usage d’antibiotiques systémiques.
  • Porphyromonas gingivalis (Pg) : Une bactérie anaérobie stricte, productrice d’endotoxines, d’élastases et de collagénases, fréquemment retrouvée dans les sites actifs des parodontites de l’adulte et des parodontites progressives rapides (PPR).
  • Autres bactéries : Prevotella intermedia (Pi), Bacteroides forsythus (Bf), Eikenella corrodens (Ec), Campylobacter rectus (Cr) et Fusobacterium nucleatum (Fn) sont également impliqués dans les sites actifs des maladies parodontales.

Les antibiotiques utilisés en parodontie doivent répondre à plusieurs critères :

  • Activité contre les bactéries anaérobies.
  • Concentration minimale inhibitrice (CMI) basse pour une efficacité optimale.
  • Bonne diffusion dans le fluide gingival et la salive.
  • Absence de toxicité significative.

Principaux Antibiotiques Utilisés en Parodontie

Les Bêta-Lactamines

Les bêta-lactamines, comme l’amoxicilline, inhibent la synthèse de la paroi bactérienne, entraînant une lyse cellulaire et exerçant une action bactéricide. Elles possèdent un large spectre d’action, efficace contre les bactéries Gram-négatives, mais leur efficacité peut être compromise par la production de bêta-lactamases par certaines bactéries. L’association avec un inhibiteur de bêta-lactamases, comme l’acide clavulanique (par exemple, Augmentin®), permet de contourner cette résistance et de cibler la majorité des bactéries parodontopathogènes.

Caractéristiques :

  • Diffusion tissulaire : Excellente, mais concentration relativement faible dans le fluide créviculaire par rapport à d’autres antibiotiques.
  • Demi-vie : Environ 1 heure, avec une activité d’au moins 6 heures.
  • Élimination : Voie rénale.
  • Effets secondaires : Réactions cutanées, troubles digestifs, risques allergiques (rares).

Posologie :

  • Adulte : Amoxicilline 2 g/jour.
  • Enfant : 50 mg/kg/jour.
Les Cyclines

Les cyclines, telles que la minocycline et la doxycycline, sont des antibiotiques bactériostatiques qui inhibent la synthèse protéique bactérienne, empêchant la multiplication cellulaire. Elles sont efficaces contre Aa, Pg et Pi. En outre, les cyclines possèdent des propriétés anticollagénases, réduisant la destruction du tissu conjonctif, et influencent positivement le métabolisme osseux en inhibant la résorption osseuse et en stimulant l’activité ostéoblastique.

Caractéristiques :

  • Diffusion : Excellente dans le fluide créviculaire, ce qui les rend particulièrement adaptées à la parodontie.
  • Demi-vie : Longue (12 à 22 heures).
  • Élimination : Voie rénale.
  • Effets secondaires : Photosensibilité, troubles digestifs, coloration des dents chez les enfants.

Posologie : 200 mg/jour pour la minocycline ou la doxycycline.

Le Métronidazole

Le métronidazole est un antibiotique bactéricide dont le mécanisme d’action, bien que mal compris, est particulièrement efficace contre Aa, Pi et Pg. Il est souvent associé à la spiramycine (Biorogyl®) ou à l’amoxicilline pour une action synergique.

Caractéristiques :

  • Diffusion : Excellente dans les tissus, la salive et le fluide gingival.
  • Demi-vie : 10 à 12 heures.
  • Effets secondaires : Goût métallique, nausées, interactions avec l’alcool.

Posologie :

  • Adulte : 1 g/jour en deux prises.
  • Enfant : 30 à 40 mg/kg/jour en trois prises.
La Spiramycine

La spiramycine, un macrolide bactériostatique, agit en inhibant la synthèse protéique. Elle est efficace contre Pg, Pi, Capnocytophaga et Streptococcus, mais inactive contre Aa et Fn. Son principal atout est sa forte concentration dans la salive et le fluide gingival, avec peu d’effets secondaires ou d’interactions médicamenteuses.

Posologie de l’association métronidazole + spiramycine :

  • Adulte et enfant > 15 ans : 500 à 750 mg de métronidazole + 3 à 4,5 MUI de spiramycine en deux ou trois prises.
La Clindamycine

La clindamycine, une lincosamide bactéricide, agit sur la fraction 50S du ribosome. Elle est efficace contre les cocci Gram-positifs et certains bacilles Gram-négatifs, mais peu contre Aa. Sa concentration élevée dans les leucocytes neutrophiles la rend particulièrement utile dans les tissus enflammés. Cependant, son effet secondaire majeur est la colite pseudomembraneuse (incidence de 0,1 % à 10 %).

Posologie : Variable selon l’indication, généralement 600 à 1800 mg/jour.

Objectifs de l’Antibiothérapie

L’antibiothérapie en parodontie vise à :

  • Supprimer les germes pathogènes dans les cas où la perte d’attache progresse malgré un traitement mécanique.
  • Traiter les parodontites juvéniles, les parodontites précoces, ou celles associées à des conditions systémiques prédisposantes.
  • Gérer les parodontopathies sévères, récurrentes ou aiguës, comme les abcès parodontaux, la gingivite ulcéro-nécrotique aiguë (GUNA) ou les péri-implantites.

Sélection du Traitement Antibiotique

Selon les recommandations du Second European Workshop on Periodontitis :

  • Cyclines : Indiquées pour les infections à prédominance d’Aa.
  • Métronidazole + amoxicilline : Combinaison efficace pour éradiquer Aa et Pg.
  • Métronidazole seul : Peut arrêter la progression des parodontites réfractaires à Pg ou Pi.
  • Clindamycine : Utile pour les parodontites réfractaires impliquant Peptostreptococcus, streptocoques hémolytiques ou bacilles Gram-négatifs, mais à prescrire avec prudence en raison des risques de colite.
  • Amoxicilline + acide clavulanique : Alternative à la clindamycine pour les parodontites réfractaires.

Une analyse microbiologique avec antibiogramme est recommandée en cas de réponse thérapeutique insatisfaisante pour sélectionner l’antibiotique le plus approprié et éviter les résistances.

Les Antiseptiques

Les antiseptiques sont utilisés pour réduire la charge bactérienne dans la cavité buccale, en complément des traitements mécaniques. Ils sont administrés principalement sous forme de bains de bouche, d’irrigations sous-gingivales ou d’applications locales, et sont indiqués dans :

  • La phase étiologique du traitement (contrôle de la plaque).
  • La phase chirurgicale (prévention des infections post-opératoires).
  • La phase de maintenance, en cas de récidive de l’inflammation ou de défaut de contrôle de la plaque.

Principaux Antiseptiques Utilisés

La Chlorhexidine

La chlorhexidine, sous forme de digluconate, est l’antiseptique le plus utilisé en parodontie en raison de son efficacité prouvée. Disponible en concentrations de 0,2 % ou 0,12 %, elle agit sur un large spectre de bactéries Gram-positives et Gram-négatives, ainsi que sur les levures et les parasites.

Mécanisme d’action :

  • Réduction de la formation de la pellicule bactérienne.
  • Altération de l’adhérence bactérienne aux dents.
  • Lyse de la paroi bactérienne.

Caractéristiques :

  • Rétention : Environ 30 % du produit reste fixé sur les surfaces buccales, assurant une action bactériostatique prolongée.
  • Incompatibilités : Inactivée par le sang, le pus, certains anions, et les excipients des dentifrices (stéarate, lauryl sulfate). Un rinçage à l’eau est recommandé avant son utilisation post-brossage.
  • Indications : Complément au traitement mécanique, contrôle de la bactériémie chez les patients à risque d’endocardite, patients sous ciclosporine, chimiothérapie, ou personnes handicapées.
  • Effets secondaires : Coloration noirâtre des dents, de la langue et des obturations, altération temporaire du goût après 10 à 15 jours d’utilisation.
L’Hexétidine

L’hexétidine présente une activité antimicrobienne comparable à la chlorhexidine in vitro, mais sa rétention intra-orale est moindre, réduisant son efficacité anti-plaque.

La Sanguinarine

Extraite de Sanguinaria canadensis, la sanguinarine est utilisée en bains de bouche ou dentifrices, souvent combinée avec du chlorure de zinc. Elle possède des propriétés anti-plaque et une bonne rétention intra-orale.

Les Ammoniums Quaternaires

Le chlorhydrate de cétylpyridinium est le principal agent anti-plaque de ce groupe, avec une efficacité modérée comparée à la chlorhexidine.

Les Sels Métalliques

Le citrate de zinc, l’étain ou le cuivre présentent une activité antimicrobienne et anti-plaque. Le citrate de zinc est efficace contre la plaque existante, mais son effet est limité par rapport à la chlorhexidine. Associé au triclosan, il forme un système anti-plaque performant.

Les Composés Phénolés
  • Triclosan : Antimicrobien à large spectre avec des propriétés anti-plaque, mais son utilisation est controversée en raison de son potentiel perturbateur endocrinien.
  • Listérine® : Bain de bouche à base d’huiles essentielles (menthol, thymol, eucalyptus, méthylsalicylate), capable d’extraire les lipopolysaccharides des bactéries Gram-négatives, réduisant la plaque dentaire.
Le Peroxyde d’Hydrogène

Utilisé en bains de bouche, applications locales (avec bicarbonate de soude) ou irrigations sous-gingivales, le peroxyde d’hydrogène à 1 % est moins efficace que la chlorhexidine à 0,12 % pour réduire la plaque et l’inflammation.

Les Médicaments à Action Anti-Inflammatoire et Antalgique

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les antalgiques sont prescrits dans les situations suivantes :

  • Urgences parodontales (abcès, GUNA).
  • Prévention des douleurs post-chirurgicales.
  • Gestion des traumas occlusaux ou du syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM).

Rôle des AINS

Les AINS inhibent la synthèse des prostaglandines, notamment la PGE2, dont l’augmentation est corrélée à la perte d’attache gingivale. Leur administration locale est préférée pour limiter les effets secondaires systémiques (troubles digestifs, rénaux). Cependant, leur action symptomatique peut masquer une infection sous-jacente, favorisant son extension si la plaque bactérienne n’est pas éliminée.

Indications :

  • Après suppression de la plaque bactérienne.
  • En association avec une antibiothérapie pour un traitement prolongé.

Antalgiques

Le paracétamol est l’antalgique de choix en parodontie, parfois associé à du dextropropoxyfène ou de la codéine pour une analgésie renforcée.

Conclusion

La prescription médicamenteuse en parodontie, qu’il s’agisse d’antibiotiques, d’antiseptiques, d’anti-inflammatoires ou d’antalgiques, constitue un complément essentiel aux traitements mécaniques. Une utilisation judicieuse des antibiotiques, guidée par une connaissance précise de l’étiologie bactérienne et des recommandations européennes, permet de maximiser la suppression des pathogènes et d’améliorer les résultats cliniques. Les antiseptiques, comme la chlorhexidine, jouent un rôle crucial dans le contrôle de la plaque bactérienne à court et long terme. Les AINS et les antalgiques, quant à eux, apportent un confort significatif pendant le traitement et la cicatrisation. Toutefois, l’efficacité de ces approches pharmacologiques dépend de la qualité du traitement mécanique initial, sans lequel les résultats resteront limités. Une approche intégrée, combinant rigueur clinique et pharmacothérapie ciblée, est donc essentielle pour une prise en charge optimale des maladies parodontales.

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